Évolution de la composition et des fonctions du comité de pharmacologie au sein d’un établissement de santé québécois

Jennifer Corny1,2, D.Pharm., Elaine Pelletier3, B.Pharm.. M.Sc., Pierre Gaudreault4-6, M.D., FRCP, Jean-François Bussières7,8,, B.Pharm., M.Sc., MBA, FCSHP

1Interne en pharmacie, Université de Paris Sud 11, Paris, France;
2Assistante de recherche, Unité de recherche en pratique pharmaceutique, Membre du comité de pharmacologie, Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine, Montréal (Québec) Canada;
3Pharmacienne, Membre du comité de pharmacologie, Responsable de la gestion thérapeutique des médicaments, Membre de l’Unité de recherche en pratique pharmaceutique, Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine, Montréal (Québec) Canada;
4Pédiatre, Département de pédiatrie, Membre du comité de pharmacologie, Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine, Montréal (Québec) Canada;
5Consultant en toxicologie, Centre antipoison du Québec, Québec (Québec) Canada;
6Professeur agrégé de clinique, Faculté de médecine, Université de Montréal, Montréal (Québec) Canada;
7Chef du département de pharmacie et de l’Unité de recherche en pratique pharmaceutique, Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine, Montréal (Québec) Canada;
8Professeur titulaire de clinique, Faculté de pharmacie, Université de Montréal, Montréal (Québec) Canada

Reçu le 8 août 2015; Accepté après révision le 23 septembre 2015

Résumé

Objectif : L’objectif principal de cette étude était de décrire les changements apportés aux fonctions du comité de pharmacologie au cours des cinq dernières années.

Mise en contexte : La composition et les fonctions des comités de pharmacologie ont évolué selon les besoins et la complexification de la pharmacothérapie, et la participation toujours croissante des pharmaciens dans les équipes médicales et la gestion des médicaments. La réorganisation du réseau québécois de la santé représente un moment opportun pour réfléchir à l’organisation des comités de pharmacologie. Cette étude s’est déroulée dans un centre hospitalier universitaire mère-enfant de 500 lits au Québec.

Résultats : L’examen de l’évolution de la composition et des fonctions du comité de pharmacologie dans notre centre a permis de mettre en évidence 24 changements apportés au cours des cinq dernières années pour l’ensemble des 11 variables précisées.

Discussion : Avec la réorganisation du réseau québécois de la santé et la fusion de nombreux établissements de santé, les chefs de département de pharmacie et les membres des comités de pharmacologie doivent réfléchir au fonctionnement actuel de ces comités et aux améliorations qu’ils peuvent leur apporter afin d’en assurer pleinement la mission.

Conclusion : Cette étude descriptive met en évidence l’évolution du comité de pharmacologie au sein d’un établissement de santé québécois et a permis de mettre en évidence 24 changements apportés au cours des cinq dernières années pour l’ensemble des 11 variables précisées.

Mots clés : Comité de pharmacologie, réorganisation du réseau de la santé, usage optimal des médicaments

Abstract

Objective : To describe the new role of the pharmacology committee over the past five years in a 500-bed university-affiliated mother-child hospital in Quebec.

Background : The composition and functions of pharmacology committees have evolved with changing needs, the growing complexity of pharmacotherapy and the increasing involvement of pharmacists with medical teams and in drug management. With the reorganization of the health-care system in Quebec, it is appropriate to reflect on the organization of pharmacology committees.

Results : An examination of the evolution of the composition and functions of our hospital’s pharmacology committee revealed 24 changes made over the past five years among the 11 variables of interest.

Conclusion : With the reorganization of the health-care system in Québec and the merger of a large number of health-care facilities, pharmacy department heads and members of pharmacology committees need to reflect on these committees’ current functioning and on the improvements that could be made to ensure that they fulfill their role. This descriptive study provides a portrait of the evolution of the pharmacology committee at a Quebec health-care facility.

Key words : Optimal drug use, pharmacology committee, reorganization of the health-care system

Introduction

La composition et les fonctions des comités de pharmacologie ont évolué selon les besoins et la complexification de la pharmacothérapie et la participation toujours croissante des pharmaciens dans les équipes médicales et la gestion des médicaments1. De plus, bien que le processus d’agrément des hôpitaux canadiens ait vu le jour dans les années 1910, il faut attendre plus de deux décennies pour que l’évaluation des établissements inclue le service de pharmacie1. Bussières et coll. rapportent que1 : l’intérêt pour les services de pharmacie dans les centres hospitaliers naît après que des regroupements de pharmaciens d’hôpitaux soient formés, notamment au sein de l’American Pharmaceutical Association (APhA), pour étudier les particularités liées à cette pratique. L’American Hospital Association (AHA) forme d’ailleurs un comité de pharmacie dans les années 1930 alors que l’American College of Surgeons (ACS) demande, en 1936, que des standards minimums soient élaborés pour les pharmacies d’hôpitaux. Les différents rapports recommandent que chaque hôpital tienne une pharmacie et se dote d’un comité de pharmacie pour encadrer le travail. […] chaque établissement devrait se doter d’un formulaire et les préparations doivent être conformes à des guides tels le United States Pharmacopeia (USP) ou le National Formulary. Enfin, tout service de pharmacie doit être doté d’une bibliothèque médicale et il est même recommandé que la responsabilité des préparations intraveineuses soit octroyée au service de pharmacie. Ces standards sont adoptés par la Catholic Hospital Association et l’ACS en 1936 et seront graduellement intégrés aux normes minimales d’agrément des hôpitaux.

Aux États-Unis, l’émergence de ce cadre normatif mène à la création des premiers Pharmacology & Therapeutics Committees (P&TC) en 19362. Ces comités ont notamment pour mandat d’établir une liste locale de médicaments appelée hospital formulary, d’évaluer les modifications à apporter à cette liste, de revoir l’utilisation de certains médicaments, de surveiller l’innocuité des médicaments et les rapports de pharmacovigilance, et de soutenir le bon usage par la production de différents outils. Les médecins et pharmaciens collaborent à cette liste2.

Dans une histoire de la pharmacie hospitalière au Québec, Bussières et Marando rapportent

[qu’au] début des années 1960, l’importance du comité de pharmacologie et thérapeutique et la présence de pharmaciens au sein de ce comité est de plus en plus reconnue [….] L’une des fonctions du pharmacien est de conseiller objectivement le comité pour la sélection des médicaments à inclure au formulaire. Dès 1969, la place du pharmacien au sein du comité de pharmacie est entérinée par les règlements de la Loi des hôpitaux, qui stipulent que le pharmacien doit faire partie du comité de pharmacologie et de thérapeutique [….]

[….]

Même si la LSSSS [Loi sur les services de santé et les services sociaux] adoptée en 1973 fait du comité de pharmacologie un comité obligatoire du conseil des médecins et dentistes, il faut attendre jusqu’au début des années 1980, lorsque la réglementation est finalement adoptée [en 1984], pour que le rôle décisionnel relativement au contenu de la liste locale de médicaments soit donné au chef du département de pharmacie, tandis que le comité de pharmacologie se voit confier un rôle conseil. Si le pharmacien est le spécialiste du médicament, il apparaît raisonnable de penser que le chef de département de pharmacie est bien placé pour proposer des règles d’utilisation des médicaments et décider du contenu de la liste locale, après consultation du corps médical et du comité de pharmacologie.

Dans la foulée des travaux de la table des chefs de département de centres hospitaliers universitaires [(CHU)], les cinq chefs de département de pharmacie [de cinq établissements universitaires québécois], appuyés de leur directeur des services professionnels et de leur directeur général, mettent en place, en 2004, le programme de gestion thérapeutique des médicaments (PGTM). Ce programme est mis en place en soutien aux activités locales des comités de pharmacologie de chacun des CHU1.

Le PGTM a pour mission de « favoriser une utilisation optimale des médicaments dans les CHU, par le biais d’activités de soins, d’enseignement, de recherche et d’évaluation des technologies »3.

De plus, en vertu de l’article 97 du Règlement sur l’organisation et l’administration des établissements pour les établissements de santé du Québec, « le conseil des médecins, dentistes et pharmaciens [(CMDP)] doit instituer un comité d’examen des titres, un comité d’évaluation médicale, dentaire et pharmaceutique et un comité de pharmacologie. Lorsque le nombre de membres du [CMDP] est insuffisant pour constituer ces comités, leurs fonctions sont assumées par le conseil »4. L’article 104 du règlement précise que « [le] comité de pharmacologie doit être composé d‘au moins 4 membres actifs du conseil des médecins, dentistes et pharmaciens, dont le chef du département de pharmacie ou un pharmacien du centre hospitalier, même si ce pharmacien a le statut de membre associé », tandis que l’article 105 indique4 :

Le comité de pharmacologie doit assumer les fonctions suivantes :

  1. apprécier les mécanismes de contrôle de l’utilisation des médicaments dans le centre, notamment les études rétrospectives de dossiers de bénéficiaires et les vérifications de l’utilisation des médicaments;

  2. faire l’évaluation des dossiers des bénéficiaires ayant présenté des réactions nocives et des allergies médicamenteuses;

  3. conseiller le chef du département de pharmacie ou le pharmacien sur les règles d’utilisation des médicaments dans le centre hospitalier;

  4. évaluer les demandes d’utilisation de médicaments pour fins de recherche clinique et fondamentale, ou de médicaments de nécessité médicale particulière;

  5. conseiller le chef du département de pharmacie dans la sélection des médicaments pour utilisation courante dans le centre à partir de la liste visée à l’article 150 de la Loi, en fonction de leur dénomination commune, de leur teneur et de leur forme pharmaceutique;

  6. faire des recommandations au comité exécutif du conseil des médecins, dentistes et pharmaciens.

Dans la foulée des nombreux changements législatifs mis en place en 2015 au Québec, il apparaît raisonnable de penser que le Règlement sur l’organisation et l’administration des établissements pour les établissements de santé pourrait être modernisé. C’est dans cette perspective que nous nous sommes intéressés à la composition et aux fonctions historiques et améliorées du comité de pharmacologie au sein de notre établissement. L’objectif principal était de décrire les changements apportés aux fonctions du comité de pharmacologie au cours des cinq dernières années.

Méthodologie

Cette étude descriptive s’est déroulée dans un centre hospitalier universitaire québécois mère-enfant de 500 lits. Nous avons mené une revue documentaire à propos des comités de pharmacologie. Une recherche sur PubmedMD à l’aide des termes [pharmacology and therapeutics committee, hospital formulary] et portant sur des dates de publication allant de 1990 à février 2015 a permis de recenser les articles relatifs aux fonctions du comité de pharmacologie.

À partir de cette revue documentaire, nous avons par la suite défini les principales variables descriptives de la composition et des fonctions des comités de pharmacologie. Cette matrice de variables nous a servi à décrire la composition et les fonctions de ces comités au cours des deux dernières décennies (phase initiale, de 1990 à 2010) et les changements apportés à ces fonctions au cours des cinq dernières années (phase d’étude après changements, de 2010 à 2015). Nous avons déterminé et décrit les changements apportés en consultant notamment les procès-verbaux des rencontres ainsi que les communications orales, affichées et écrites relatives aux travaux du comité, et en discutant avec l’équipe de recherche. La revue documentaire et l’inventaire des variables ont permis d’établir un profil des changements apportés aux fonctions du comité de pharmacologie. Seules des statistiques descriptives ont été compilées.

Résultats

La revue documentaire nous a permis de relever 43 articles traitant de la composition et des fonctions des comités de pharmacologie, dont 11 jugés très pertinents515. À partir de cette revue de la documentation scientifique, nous avons décelé les 11 variables suivantes : composition du comité, création de sous-comités, création et mise à jour de la liste locale des médicaments, revues d’utilisation, encadrement de l’utilisation de médicaments hors liste, encadrement de l’utilisation de médicaments obtenus par l’entremise du programme d’accès spécial (PAS) de Santé Canada, encadrement de l’utilisation de médicaments émergents, gestion des risques, gestion des échantillons de médicaments, publication périodique de la liste locale, diffusion des décisions et des outils du comité de pharmacologie.

Dans notre centre, le comité de pharmacologie est composé de neuf membres, soit trois pharmaciens, cinq médecins et une infirmière. En outre, différents intervenants sont invités sur demande, notamment des médecins et des pharmaciens, ou des résidents en formation. Aucun changement n’a été apporté à la composition du comité. Le comité se réunit en moyenne six fois par année.

L’étude de l’évolution de la composition et des fonctions du comité de pharmacologie de notre centre met en évidence 24 changements apportés au cours des cinq dernières années pour l’ensemble des 11 variables précisées. L’annexe I présente la composition et les fonctions du comité de pharmacologie de notre centre avant et après les changements apportés. Outre les changements décrits dans l’annexe I, trois programmes d’encadrement de l’utilisation de médicaments à statut particulier ont été mis en place.

En 2006, un programme d’encadrement des échantillons de médicaments a été instauré, comprenant notamment la déclaration des échantillons remis en clinique externe et une tournée annuelle des stocks16. En 2012, un programme d’encadrement de l’utilisation de médicaments obtenus par l’entremise du PAS de Santé Canada a été mis en place17. Ce programme exige que chaque signataire d’une demande d’importation (formulaire A ou B de Santé Canada) documente annuellement la pertinence de la poursuite du traitement, la présence ou non d’effets indésirables pour chacun des patients traités, et la possibilité de commenter le recours à ce médicament.

En 2014, un programme d’encadrement de l’utilisation de médicaments émergents a été mis en place18. Ce programme s’inspire de la démarche d’encadrement des médicaments hors liste. Toutefois, le programme exige notamment du médecin et du pharmacien traitants de rédiger un résumé de dossier du patient et du plan de traitement, précisant notamment la maladie à traiter, la documentation scientifique associée, l’historique des traitements utilisés, le plan de traitement et de surveillance de l’efficacité clinique, le plan de surveillance de l’innocuité clinique, les considérations liées à l’assurabilité pour toute utilisation en ambulatoire et des conditions relatives au consentement, à la documentation, à la continuité et à l’interdisciplinarité. La demande est acceptée si elle est autorisée par le chef du département de pharmacie et le chef du département médical responsable.

Notre centre définit un médicament émergent comme un médicament qui est nouvellement utilisé dans une indication pour laquelle il existe très peu de données d’efficacité ou d’innocuité, en particulier en pédiatrie. De plus, les critères d’utilisation d’un médicament émergent ne sont souvent pas encore définis par les instances officielles (p. ex. l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux [INESSS]), et d’autant moins en pédiatrie. En outre, un médicament émergent doit satisfaire à au moins l’un des trois critères suivants : 1) un médicament ne détenant pas d’avis de conformité et accessible par le PAS de Santé Canada (non commercialisé au Canada); 2) un médicament détenant un avis de conformité de Santé Canada, mais utilisé pour des indications non approuvées et peu documentées; 3) un médicament très coûteux, qu’il détienne un avis de conformité ou non. Sont exclus des médicaments « émergents » les médicaments utilisés dans le cadre d’une recherche clinique ou ceux encadrés par un protocole de recherche en hémato-oncologie.

Discussion

Depuis 2015, le réseau de la santé québécois vit un profond remaniement de son organisation et de sa gouvernance19. Les changements apportés jusqu’à maintenant ont entraîné un fusionnement d’établissements, avec une réduction de leur nombre de 182 à 3419. Ce regroupement sans précédent de nos structures de soins va notamment mener à un nombre limité de CMDP et de comités de pharmacologie. S’il est raisonnable de penser que ces regroupements d’établissements, de CMDP et de comités, y compris le comité de pharmacologie, vont favoriser un partage de ressources, d’expertise, d’outils et d’approches, il est également probable que l’efficience à gagner dans ces fusions soit mise en péril en l’absence d’une stratégie claire et adaptée aux nouveaux enjeux.

Nous pouvons citer les différences de culture, notamment la perception du rôle et des fonctions du comité de pharmacologie et de la portée de ses recommandations, les divergences d’approches du comité de pharmacologie (y compris le fait d’assumer pleinement ses fonctions prévues à la règlementation, les exigences documentaires et le recours aux données probantes, l’importance accordée à la pharmacovigilance, à la documentation et au respect de consignes administratives, ainsi que le mode décisionnel utilisé [par majorité, par consensus ou autre]), la délocalisation des participants sur de nombreux sites avec des réunions en présence plus difficiles à réaliser, la mission du site, le profil des patients traités, le profil des habitudes de prescription et d’utilisation de médicaments, la maturité quant à l’interdisciplinarité, et le leadership du chef pharmacien.

Ainsi, il nous apparaît pertinent de partager notre recul quant à l’évolution de la composition et des fonctions du comité de pharmacologie de notre centre. La documentation scientifique fait surtout état d’une pratique axée sur les fonctions traditionnelles du comité, comprenant la composition du comité, la présence de sous-comités, la mise à jour de la liste des médicaments, les revues d’utilisation et l’utilisation de médicaments hors liste, la publication périodique de la liste locale des médicaments et la diffusion des décisions et des outils515.

Nous n’avons recensé aucune publication indexée portant sur l’encadrement par le comité de pharmacologie de l’utilisation de médicaments obtenus par l’entremise du PAS de Santé Canada, de l’utilisation de médicaments émergents et de l’utilisation d’échantillons de médicaments. Toutefois, il existe des articles publiés portant sur la problématique de l’utilisation de médicaments hors avis de conformité (c’est-à-dire off-label), et certains auteurs s’interrogent sur les fonctions des comités de pharmacologie dans l’encadrement de ces utilisations hors avis de conformité14,20. En outre, l’encadrement de l’utilisation de médicaments en établissement de santé, à l’extérieur des lignes directrices reconnues pour le remboursement d’un tiers payeur public ou privé, représente aussi un enjeu.

Compte tenu des contraintes accrues entourant le financement des établissements de santé, les chefs de département de pharmacie seront davantage mis à contribution pour utiliser les deniers publics de façon efficiente. Les comités de pharmacologie seront encouragés à collaborer et à partager leurs efforts de recherche documentaire et d’évaluation, pour que la prise de décision soit fondée sur les meilleures données probantes possibles. Par exemple, en 2002, les chefs de cinq CHU ont mis en place un programme de gestion thérapeutique des médicaments3. Dans le cadre de cette initiative transparente, ces chefs publient leurs recommandations sur un site web public qui favorise la diffusion d’informations et aide le comité de pharmacologie de notre centre hospitalier à évaluer l’ajout de médicaments à l’arsenal thérapeutique.

Notre étude met en évidence l’évolution des fonctions de notre comité de pharmacologie au cours des dernières années. Elle décrit également trois initiatives visant à encadrer l’utilisation de médicaments dans des situations particulières (les échantillons de médicaments, les médicaments obtenus par l’entremise du PAS et les médicaments émergents). En ce qui concerne l’encadrement de l’utilisation de médicaments émergents, l’étude de Lima-Dellamora publiée en 2014 a permis de mettre en évidence le rôle central du comité et a révélé que la transparence et l’absence de conflits d’intérêts du comité de pharmacologie devraient être sollicitées à chaque prise de décision concernant l’utilisation d’un médicament émergent13. Bien qu’à l’heure actuelle, seule une évaluation descriptive de la mise en oeuvre de ces trois initiatives existe, sans évaluation de leurs retombées cliniques, le partage de ces initiatives peut contribuer à une utilisation efficiente des fonds publics. En outre, il est possible que les chefs de département de pharmacie finissent par être confrontés à l’utilisation exclusive de médicaments inscrits à la Liste des médicaments – Établissements, ce qui aurait très certainement des répercussions négatives sur le nombre d’options pharmacologiques à offrir à différentes populations de patients, en particulier celles ayant des maladies rares ou réfractaires au traitement et qui ont besoin de médicaments n’ayant pas été évalués par l’INESSS. Notre équipe a également mené une réflexion sur les médicaments utilisés pour traiter des maladies rares21.

Une analyse de l’historique des besoins des patients traités dans plusieurs centres hospitaliers montre qu’il apparaît essentiel et pertinent de continuer à permettre à nos patients d’accéder à ces médicaments. Dans ce contexte, le comité de pharmacologie a un rôle primordial à jouer, en évaluant de façon méthodologique et systématique les données probantes portant sur l’efficacité et l’innocuité de ces médicaments, et en encadrant l’utilisation et la surveillance de ces médicaments. La participation du comité de pharmacologie garantit un juste équilibre entre cohérence, pertinence et innovation.

Nous pensons que le comité de pharmacologie est essentiel, non seulement parce qu’il fait partie des comités obligatoires relevant du CMDP, mais également en raison de sa composition, de ses fonctions et de son historique au Québec. Il est intéressant de noter la grande cohésion qui existe dans le domaine des achats groupés de médicaments. Les chefs de département de pharmacie des trois groupes d’achats existants collaborent et souscrivent entièrement aux conditions contractuelles et aux décisions prises en comité d’usagers. Une telle entente n’est pas étrangère au rôle réputé du comité de pharmacologie. A contrario, il n’existe actuellement pas d’accord entourant l’octroi et le respect des ententes relatives aux fournitures médicales, et les établissements de santé gagneraient à établir un comité statutaire afin d’optimiser les décisions concernant l’achat de ces fournitures. Ce comité pourrait prendre en modèle la composition et les fonctions du comité de pharmacologie.

Dans la perspective d’une révision potentielle du Règlement sur l’organisation et l’administration des établissements pour les établissements de santé du Québec et compte tenu de la réorganisation du réseau de la santé, il nous apparaît incontournable de rappeler à quel point il est important de laisser au chef de département de pharmacie le privilège décisionnel. Sur le modèle de l’INESSS, dans lequel l’organisme recommande au ministre le contenu de la liste de médicaments, le comité de pharmacologie offre des recommandations au chef de département de pharmacie. À notre avis, ce dernier demeure le meilleur arbitre pour sélectionner et encadrer l’utilisation des médicaments au sein d’un établissement de santé, compte tenu de sa formation et de son rôle dans le contrôle budgétaire.

La publication périodique de la liste locale des médicaments et la diffusion des décisions et des outils restent des défis incontournables dans le contexte de la réorganisation du réseau. Malgré le nombre élevé de modalités de communication, les cliniciens sont inondés d’informations et peinent à les traiter de façon efficace. Pour que les comités de pharmacologie soient actifs et reconnus, et qu’ils contribuent au maintien de la compétence ainsi qu’au respect des références en matière de bon usage des médicaments, il faut envisager de nouveaux outils. Dans le cadre de notre démarche, nous avons amorcé des travaux visant à intégrer nos règles d’utilisation et nos particularités à des outils mobiles existants, sachant qu’une majorité de cliniciens consultent plus facilement des applications sur téléphones intelligents que des ouvrages, des politiques ou des procédures. Ces travaux se poursuivent.

Cette étude descriptive comporte des limites, car elle ne porte que sur le profil d’évolution d’un seul comité de pharmacologie, au sein d’un seul CHU. Avec la réorganisation du réseau, une majorité d’établissements de santé engloberont toutefois un nombre accru de sites, de patients et de profils de pratique, de sorte que le modèle présenté dans cet article peut inspirer l’ensemble des comités de pharmacologie du Québec.

Conclusion

Avec la réorganisation du réseau québécois de la santé et la fusion de nombreux établissements de santé, les chefs de département de pharmacie et les membres des comités de pharmacologie doivent réfléchir au fonctionnement actuel de ces comités et aux améliorations qui peuvent leur être apportées afin que ces comités puissent assurer pleinement leur mission. Cette étude descriptive met en évidence l’évolution du comité de pharmacologie au sein d’un établissement de santé québécois.

Annexe

Cet article comporte une annexe; elle est disponible sur le site de Pharmactuel.

Financement

Aucun financement en relation avec le présent article n’a été déclaré par les auteurs.

Conflits d’intérêts

Tous les auteurs ont rempli et soumis le formulaire de l’ICMJE pour la divulgation de conflits d’intérêts potentiels. Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec le présent article.

Références

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Pour toute correspondance : Jean-François Bussières, Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine, 3175, Chemin de la Côte-Sainte-Catherine, Montréal (Québec) H3T 1C5, CANADA; Téléphone : 514 345-4603; Télécopieur : 514 345-4820; Courriel : jf.bussieres@ssss.gouv.qc.ca

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PHARMACTUEL, Vol. 48, No. 4, 2015