La procalcitonine est-elle vraiment utile comme aide à la décision de prescrire ou non des antibiotiques chez les patients de soins critiques?

Sylvie Carle1,2, B.Pharm., M.Sc., Daniel Thirion1,3, B.Pharm., M.Sc., Pharm.D., FCSHP

1Pharmacien, Centre universitaire de santé McGill, Montréal (Québec), Canada;
2Clinicienne associée, Faculté de pharmacie, Université de Montréal, Montréal (Québec), Canada;
3Professeur titulaire de clinique, Faculté de pharmacie, Université de Montréal, Montréal (Québec), Canada

Reçu le 9 mai 2016; Accepté après révision le 16 mai 2016

L’utilisation des antimicrobiens est inappropriée dans 30 à 50 % des cas, tant en milieu ambulatoire qu’hospitalier; l’exposition inutile aux antibiotiques augmente le risque de toxicité pour le patient (effets indésirables, interactions médicamenteuses, surinfections, voire décès) et est principalement responsable de l’émergence de la résistance à ces médicaments1,2. Vous vous inquiétez de l’utilisation toujours plus importante des antibiotiques dans votre unité de soins intensifs, qui entraîne une augmentation du budget des médicaments et possiblement l’émergence de bactéries résistantes. L’utilisation de la procalcitonine comme biomarqueur est-elle une solution?

La procalcitonine est le précurseur de l’hormone calcitonine. Elle est sécrétée par les cellules thyroïdiennes et régule la concentration de calcium dans le sang. Elle est mise en circulation au cours des infections généralisées, en particulier bactériennes, parasitaires ou fongiques. En revanche, le taux de procalcitonine n’augmente pas en présence d’infections virales ou de maladies inflammatoires non infectieuses. La quantité de procalcitonine produite dans le sang est souvent corrélée à la quantité d’agents infectieux. Le dosage de la procalcitonine peut donc servir de marqueur biologique de la gravité de certaines infections3.

En fonction du contexte clinique, un taux supérieur à 0,1 mcg/l peut signaler la présence d’une infection bactérienne qui nécessite un traitement antibiotique. Lorsque la concentration est supérieure à 0,5 mcg/l, le patient doit être considéré comme présentant un risque de contracter un sepsis grave ou un choc septique. La procalcitonine est un marqueur important permettant de faire la différence de façon précise entre une infection et d’autres causes de réactions inflammatoires, car le taux de cette molécule augmente de façon précoce et spécifique chez les patients présentant une infection bactérienne. Par ailleurs, la résorption de l’infection septique s’accompagne d’une diminution du taux de procalcitonine qui revient à la normale avec une demi-vie de 24 h4,5.

Par contre, pour certains patients (nouveau-nés, polytraumatisés, brûlés, patients ayant subi une chirurgie majeure ou un choc cardiogénique grave ou prolongé, ou qui sont atteints de certains cancers de la thyroïde) l’élévation du taux de procalcitonine peut être indépendante de toute agression infectieuse3.

Deux articles intéressants se retrouvent dans ce numéro de Pharmactuel. Le premier, intitulé « Usage de la procalcitonine pour guider l’utilisation des antibiotiques en cas de sepsis », relate de l’intérêt de la procalcitonine comme biomarqueur et de certaines données probantes qui existent à ce sujet dans la documentation scientifique6. Le deuxième article présente les résultats intéressants d’une étude réalisée au Centre hospitalier de l’Université de Montréal sur l’utilisation du dosage de la procalcitonine pour le diagnostic et le suivi du traitement des infections respiratoires et du sepsis7.

Il faut toutefois se rappeler qu’il n’existe aucun biomarqueur qui peut se substituer à l’évaluation globale du patient et au jugement clinique. Un bon biomarqueur est un test qui, de concert avec l’examen clinique et l’ensemble des examens de laboratoire utilisés, peut apporter l’argument susceptible de modifier la décision thérapeutique. Il devient un marqueur idéal si ses performances diagnostiques sont optimales, c’est-à-dire si sa sensibilité et sa spécificité pour la pathologie recherchée sont proches de 100 %, ce qui n’est pas le cas pour le dosage de la procalcitonine. Même si les évaluations de ce dernier sont positives, la mise en œuvre de cette technologie ne va pas nécessairement se traduire par une répercussion pertinente dans votre centre8. L’ajout de nouvelles technologies (examens de laboratoire, tests de microbiologie, logiciels) nécessite l’apport et les efforts des cliniciens. Il faut donc déterminer la pertinence de ce type de test au sein de votre établissement selon l’usage que vont en faire les cliniciens.

Financement

Aucun financement en relation avec le présent article n’a été déclaré par les auteurs.

Conflits d’intérêts

Les auteurs ont rempli et soumis le formulaire de l’ICMJE pour la divulgation de conflits d’intérêts potentiels. Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec le présent article.

Références

1. Centers for Disease Control and Prevention. Core elements of hospital antibiotic stewardship programs. U.S. Department of Health & Human Services 2016. [en ligne] http://www.cdc.gov/getsmart/healthcare/implementation/core-elements.html (site visité le 7 mai 2016).

2. Fleming-Dutra E, Hersch AL, Shapiro DJ, Bartoces M, Enns EA, File TM Jr et coll. Prevalence of inappropriate antibiotic prescriptions among US ambulatory care visits 2010–2011. JAMA 2016;315:1864–73.
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3. Foushee JA, Hope NH, Grace EE. Applying biomarkers to clinical practice: a guide for utilizing procalcitonin assays. J Antimicrob Chemother 2012;67:2560–9.
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4. Hohn A, Schroeder S, Gehrt A, Bernhardt K, Bein B, Wegscheider K et coll. Procalcitonin-guided algorithm to reduce length of antibiotic therapy in patients with severe sepsis and septic shock. BMC Infect Dis 2013;13:158.
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5. Dellinger RP, Levy MM, Rhodes A, Annane D, Gerlach H, Opal SM et coll. Surviving sepsis campaign: international guidelines for management of severe sepsis and septic shock. Crit Care Med 2013;41:580–637.
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6. Tran L, Ferland C, Ang A. Usage de la procalcitonine pour guider l’utilisation des antibiotiques en cas de sepsis. Pharmactuel 2016;49:101–8.

7. Tran L, Ferland C, Ang A. Utilisation de la procalcitonine pour le diagnostic et le suivi du traitement des infections respiratoires et du sepsis au Centre hospitalier de l’Université de Montréal. Pharmactuel 2016;49:95–100.

8. Banerjee R, Teng CB, Cunningham SA, Ihde M, Steckelberg JM, Moriarty JP et coll. Randomized trial of rapid multiplex polymerase chain reaction-based blood culture identification and susceptibility testing. Clin Infect Dis 2015:61:1071–80.
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Pour toute correspondance : Sylvie Carle, Centre universitaire de santé McGill – Site Glen, C.RC.6004, 1001, boulevard Décarie, Montréal (Québec) H4A 3J1, CANADA; Téléphone : 514 934-1934, poste 34363; Télécopieur : 514 934-8301; Courriel : sylvie.carle@muhc.mcgill.ca

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PHARMACTUEL, Vol. 49, No. 2, 2016