Analyse de l’évolution du degré d’accord des étudiants en pharmacie avec des énoncés sur l’éthique et la déontologie de la profession de pharmacien de 2012 à 2016

Céline Porteils1, Jean-François Bussières2,3, B.Pharm., M.Sc., MBA, FCSHP

1Assistante de recherche, Unité de recherche en pratique pharmaceutique, Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine, Montréal (Québec) Canada;
2Pharmacien, Chef, Unité de recherche en pratique pharmaceutique, Département de pharmacie, Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine, Montréal (Québec) Canada;
3Professeur titulaire de clinique, Faculté de pharmacie, Université de Montréal, Montréal (Québec) Canada

Reçu le 12 avril 2017; Accepté après révision le 6 juillet 2017

Résumé

Objectif : Analyser l’évolution du degré d’accord des étudiants en pharmacie avec des énoncés sur l’éthique.

Méthode : Enquête descriptive transversale menée auprès des étudiants de 3e année de la Faculté de pharmacie de l’Université de Montréal dans le cadre du doctorat professionnel en pharmacie de 2012 à 2016. Une liste de 43 énoncés relatifs à l’éthique pharmaceutique a été dressée en séances de remue-méninges et catégorisée en huit thèmes. Une échelle de Likert à quatre points a servi à comparer le degré d’accord à chaque énoncé de 2016 à celui de 2012. Une différence d’au moins 10 % est jugée importante.

Résultats : Au total (taux de participation), 165 (83 %), 182 (92 %), 125 (64 %), 170 (87 %) et 170 (88 %) étudiants ont répondu à l’étude de 2012 à 2016. Le taux moyen d’accord avec les énoncés est resté stable durant les cinq années avec respectivement 72,1 ± 24,3, 71,9 ± 25,0, 72,3 ± 24,9, 72,0 ± 23,8 et 74,1 ± 22,1 % d’accord. Quatre énoncés comportent une différence d’au moins 10 % entre le degré d’accord de 2016 à celui de 2012 : interdire le financement de l’industrie pour la formation (+ 10,4 %), interdire la présence de représentants pharmaceutiques dans les établissements de santé (+ 11,5 %), autoriser l’achat et la vente de médicaments en ligne (+ 15,3 %) et légaliser l’euthanasie (+ 16,7 %).

Conclusion : Pour 39 des 43 énoncés, le degré d’accord des étudiants en pharmacie sur des énoncés portant sur l’éthique en pharmacie n’a pas changé sur une période de cinq ans. Les quatre énoncés ayant connu un changement de 10 % sont des sujets d’actualité qui suscitent de nombreux débats.

Mots clés : Déontologie, éthique, étudiants en pharmacie

Abstract

Objective: To analyze changes in the level of pharmacy student agreement with ethics-related statements.

Method: A cross-sectional descriptive survey conducted among 3rd-year Doctor of Pharmacy students in the Université de Montréal Faculty of Pharmacy from 2012 to 2016. A list of 43 statements regarding pharmaceutical ethics was prepared by brainstorming and categorized into eight themes. A 4-point Likert scale was used to compare the level of agreement with each statement in 2016 with that in 2012. A 10% or greater difference is considered significant.

Results: A total (participation rate) of 165 (83%), 182 (92%), 125 (64%), 170 (87%) and 170 (88%) students, respectively, responded to the survey from 2012 to 2016. The mean level of agreement with the statements remained stable during these 5 years, with, respectively, the following percentages: 72.1 ± 24.3, 71.9 ± 25.0, 72.3 ± 24.9, 72.0 ± 23.8 and 74.1 ± 22.1. There were four statements for which there was a 10% or greater difference between the 2016 and the 2012 level of agreement: Prohibit industry-funded training (+ 10.4%), prohibit pharmaceutical representatives from calling on healthcare facilities (+ 11.5%), authorize the online purchase and sale of drugs (+ 15.3%) and legalize euthanasia (+ 16.7%).

Conclusion: Pharmacy students’ level of agreement with 39 of the 43 statements regarding pharmacy ethics did not change over a 5-year period. The four statements for which there was a 10% or greater change are current topics that are giving rise to much debate.

Keywords: Deontology, ethics, pharmacy student

Introduction

L’éthique est définie comme une « discipline de la philosophie ayant pour objet l’examen des principes moraux au regard de ce qui est jugé souhaitable et qui sont à la base de la conduite d’un individu ou d’un groupe »1. Dans le domaine de la santé, on parle également d’éthique de la recherche, d’éthique clinique, de bioéthique et d’éthique professionnelle.

En pharmacie, plusieurs textes proposent des balises favorisant un comportement éthique. Le Code de déontologie des pharmaciens présente une centaine d’articles décrivant les devoirs généraux du pharmacien, les devoirs et obligations envers le public, les devoirs et obligations envers le patient (qualité de la relation professionnelle, liberté de choix, disponibilité et diligence, qualité de l’exercice, indépendance, désintéressement et conflit d’intérêts, intégrité, secret professionnel, accessibilité des dossiers), les devoirs et obligations envers la profession (actes dérogatoires à la dignité de la profession, charges incompatibles, relations avec l’Ordre des pharmaciens du Québec, les autres pharmaciens, les étudiants, les stagiaires et autres professionnels), la recherche et la publicité2. Outre ce code, les Standards de pratique de l’Ordre précisent à l’énoncé 1.10 que « le pharmacien doit faire preuve d’éthique professionnelle, être altruiste et transparent dans l’exercice de sa profession et s’assurer que chacune de ses actions vise à améliorer la qualité et la sécurité des soins et services pharmaceutiques offerts aux patients »3.

Bien que de nombreux pharmaciens se disent exposés à des enjeux éthiques dans leur pratique, l’éthique en pharmacie demeure un domaine sous-étudié, comme le soulignent deux revues de la littérature publiées sur le sujet en 2004 et 200746.

Dans le cadre du doctorat professionnel en pharmacie de la Faculté de pharmacie de l’Université de Montréal, les étudiants sont exposés à des enseignements sur l’éthique tout au long de leur formation. En effet, les aspects juridiques et le code de déontologie sont présentés dans le cadre du cours « Le pharmacien et la loi » (PHA1215), tandis que les enjeux socioéthiques en santé et les enjeux éthiques en pharmacie sont couverts dans le cours « Le pharmacien et la communauté - Enjeux éthiques en pharmacie » (PHA3210)7,8.

Dans le cadre de ce deuxième cours, les étudiants sont invités à répondre à un questionnaire visant à mesurer leur degré d’accord avec des énoncés entourant l’éthique en pharmacie.

Méthode

Il s’agit d’une enquête descriptive transversale et répétée. L’objectif principal est l’analyse de l’évolution du degré d’accord des étudiants en pharmacie avec des énoncés sur l’éthique pharmaceutique.

L’enquête est menée chaque année auprès des étudiants de 3e année de la Faculté de pharmacie de l’Université de Montréal. Les résultats de chaque année sont présentés aux étudiants et comparés aux résultats des années précédentes pour animer un échange d’idées sur les enjeux éthiques. Les étudiants sont avisés au préalable que les résultats recueillis sont anonymisés, agrégés et pourraient être utilisés à des fins de publication. Des données préliminaires relatives à la méthode ont été publiées précédemment9. Nous avons inclus les données relatives aux enquêtes menées de 2012 à 2016.

Afin d’élaborer les énoncés relatifs à l’éthique pharmaceutique, trois membres de l’équipe de recherche, soit un enseignant chercheur québécois et deux assistants de recherche français, ont dressé une liste d’enjeux en séances de remue-méninges. À partir de cette liste, nous avons formulé un énoncé par enjeu. De plus, trois questions générales permettaient de situer les personnes interrogées (c.-à-d. sexe, orientation professionnelle, exposition préalable à des enjeux éthiques). Le questionnaire comprend 43 énoncés catégorisés en huit thèmes relatifs à l’éthique : formation et études (n = 5), recherche clinique (7), mise sur le marché et publicité (5), évaluation et données probantes (5), dispensation de médicaments (4), soins pharmaceutiques et pharmacie clinique (9), aspects économiques (6) et déontologie (2). Une échelle de Likert à quatre catégories a été utilisée (totalement d’accord, partiellement d’accord, partiellement en désaccord et totalement en désaccord). Le questionnaire a été préalablement testé par trois étudiants afin de vérifier sa faisabilité et sa clarté. Le questionnaire a été publié en ligne sur SurveyMonkeyMD (Palo Alto, CA, ÉUA) et est resté strictement identique pour les cinq cohortes d’étudiants. Les étudiants ont été invités à participer au sondage à l’aide d’un hyperlien placé sur StudiumMD, la plate-forme d’enseignement de l’Université de Montréal.

Les résultats sont présentés en fonction du degré d’accord (c.-à-d. la somme de totalement d’accord et partiellement d’accord). Tout d’abord nous avons déterminé les énoncés comportant une différence d’au moins 10 % entre le degré d’accord le plus faible et le plus élevé. Puis, afin de vérifier l’évolution des comportements éthiques, nous avons comparé le degré d’accord de chaque énoncé de 2016 à celui de 2012. Enfin, nous avons calculé la moyenne et la médiane de tous les écarts entre 2012 et 2016. Seules les statistiques descriptives ont été effectuées.

Résultats

Parmi les étudiants en pharmacie de 3e année, 165, 182, 125, 170 et 170 ont répondu au questionnaire en ligne de 2012 à 2016, soit un taux de participation respectivement de 83 %, 92 %, 64 %, 87 % et 88 %. Parmi les sondés, les femmes étaient plus nombreuses (60 % ± 11 %), et elles étaient plus nombreuses aussi à souhaiter exercer principalement en officine (70 % ± 4 %) et à avoir été confrontées à des situations donnant lieu à un problème éthique (58 % ± 6 %). De façon générale, le taux moyen d’accord avec l’ensemble des 43 énoncés est demeuré stable au fil des cinq années avec respectivement 72 % ± 24 %, 72 % ± 25 %, 72 % ± 25 %, 72 % ± 24 % et 74 % ± 22 % d’accord. La médiane des écarts mesurés entre le degré d’accord en 2012 et 2016 n’était que de 1 %.

Le profil du degré d’accord des étudiants en pharmacie avec des énoncés portant sur la formation/l’étude et la recherche clinique est présenté dans le tableau I. Deux énoncés (n° 1, n° 3) comportaient au moins 10 % de variations entre le degré d’accord le plus faible et le plus élevé. Un seul énoncé (n° 3) a connu un gain de plus de 10 % de 2012 à 2016 (+ 10,4 %).

Tableau I Profil du degré d’accord des étudiants en pharmacie avec des énoncés portant sur la formation/l’étude et la recherche clinique

 

Le profil du degré d’accord des étudiants en pharmacie avec des énoncés portant sur la mise sur le marché/la publicité, l’évaluation et la dispensation des médicaments est présenté dans les tableaux II et III. Sept énoncés (n° 13, n° 16, n° 18, n° 20, n° 23, n° 25, n° 26) comportaient au moins 10 % de variations entre le degré d’accord le plus faible et le plus élevé. Deux énoncés (n° 13, n° 25) ont connu un gain de plus de 10 % de 2012 à 2016 (+11,5 % et 15,3 %).

Tableau II Profil du degré d’accord des étudiants en pharmacie avec des énoncés portant sur la mise sur le marché/la publicité

 

Tableau III Profil du degré d’accord des étudiants en pharmacie avec des énoncés portant sur la mise sur l’évaluation et la dispensation des médicaments

Le profil du degré d’accord des étudiants en pharmacie avec des énoncés portant sur les soins pharmaceutiques, les aspects économiques et déontologiques (relations avec l’ordre) est présenté dans les tableaux IV et V. Huit énoncés (n° 27, n° 28, n° 29, n° 31, n° 34, n° 36, n° 40, n° 41) comportaient au moins 10 % de variations entre le degré d’accord le plus faible et le plus élevé. Un énoncé (n° 27) a connu un gain de plus de 10 % de 2012 à 2016 (+ 16,7 %).

Tableau IV Profil du degré d’accord des étudiants en pharmacie avec des énoncés portant sur les soins pharmaceutiques

 

Tableau V Profil du degré d’accord des étudiants en pharmacie avec des énoncés portant sur les aspects économiques et la déontologie (relation avec l’Ordre des pharmaciens du Québec)

 

Discussion

À notre connaissance, il n’existe aucune étude publiée qui présente l’évolution du degré d’accord des étudiants en pharmacie avec des énoncés sur l’éthique en pharmacie. Notre étude s’inscrit à la suite de quelques sondages menés auprès d’étudiants en pharmacie. En effet, Bumgarner et coll. signalent que les étudiants en pharmacie américains font face à des problèmes et à des dilemmes éthiques dès le début de leur formation10. Latif et coll. ont exploré le raisonnement éthique des étudiants en santé et noté que celui des étudiants en pharmacie était inférieur à celui des autres disciplines (par exemple, la médecine)11. Austin et coll. ont exploré les enjeux éthiques associés au plagiat et à la malhonnêteté universitaire12. Poirier et coll. ont mené une étude pré-post visant à comparer le raisonnement éthique de professionnels de la santé13. Enfin, Cain et coll. se sont intéressés aux enjeux éthiques associés aux médias sociaux14. Aucune de ces études n’a mené d’enquête similaire à la nôtre et sur une base longitudinale. Hanna et coll. mettent en évidence l’utilité des débats afin de sensibiliser les étudiants aux enjeux éthiques15. D’autres auteurs soulignent l’importance d’exposer les étudiants à l’éthique dès le début de leur formation16,17.

Bien que la dernière décennie ait été marquée par de nombreux débats entourant l’éthique pharmaceutique au Québec (c.-à-d. indépendance professionnelles et ristournes, droit de propriété et mise de fonds initiale, pilule du lendemain, pilule abortive, soins de fin de vie), l’opinion des étudiants en pharmacie de 3e année n’a pas changé de façon importante au cours des cinq dernières années en ce qui concerne la majorité des énoncés proposés. Les valeurs et les moeurs changent lentement au sein d’une société, et cinq années constituent une période relativement courte pour explorer l’évolution de la pensée éthique en pharmacie.

Seuls quatre énoncés relatifs à l’éthique ont connu un changement de plus de 10 % de 2012 à 2016. Ainsi, le degré d’accord à l’autorisation de l’achat et de la vente de médicaments en ligne au moyen d’une pharmacie internet passe de 18,2 à 33,5 %. Bien que les achats en ligne soient en forte progression dans plusieurs domaines du marché, ceux des médicaments demeurent marginaux au Québec, notamment parce que le régime général d’assurance médicaments ne prévoit que le remboursement de médicaments achetés dans une pharmacie basée au Québec et que la pharmacie en ligne est encore très marginale ici. Un tiers des étudiants en pharmacie se disent à l’aise avec ce mode de soins et de transactions. Les enjeux éthiques associés à la pharmacie en ligne comprennent la vente et la dispensation de médicaments sans prestation de soins pharmaceutiques, sans vérification de l’authenticité de l’ordonnance et sans suivi. L’opération Pangéa IV, menée en mai et juin 2016 au sein de 103 pays, a permis de fermer 4932 pharmacies en ligne illégales, de réaliser 393 arrestations et de saisir 12 millions de médicaments contrefaits18.

Deux énoncés entourant l’influence de l’industrie pharmaceutique ont également connu un progrès. Ainsi, le degré d’accord entourant l’interdiction de la présence de représentants/visiteurs pharmaceutiques dans les établissements de santé a augmenté de 46,7 à 58,2 %. Comme un étudiant de 3e année n’a effectué qu’un stage de quatre semaines en établissement de santé, il ne se rend pas forcément compte de l’influence que peuvent avoir un représentant et la liberté de circuler à travers l’établissement qui leur est généralement accordée. Même après les stages de 4e année, il peut être difficile de mesurer la portée et l’influence de la représentation pharmaceutique. En dépit de cette exposition limitée, plus de la moitié des étudiants considèrent qu’on devrait interdire la présence de représentants pharmaceutiques. Il existe des solutions logicielles encadrant l’accès et la circulation des représentants médicaux en établissement de santé (par exemple : Intellicentrics)19. Le représentant doit acquitter un frais de gestion pour se procurer une carte d’accès, et le logiciel permet d’établir des paramètres d’accès (par exemple : plages horaires), des lieux de circulation autorisés et de gérer les accès au quotidien. En outre, le logiciel permet d’analyser les déplacements. Depuis la réorganisation du réseau de la santé en 2015, tous les établissements de santé sont devenus des organismes du gouvernement au sens de la loi. En conséquence, les personnes qui y sont nommées ou qui y sont employées sont titulaires de charges publiques et sont visées par la Loi sur la transparence et l’éthique en matière de lobbyisme20. Selon les dispositions de la loi, toutes les communications orales ou écrites effectuées en vue d’influencer une décision menant à la conclusion d’un contrat, autre que par appel d’offres public, auprès des employés d’un établissement de santé sont soumises à la loi, et les représentants pharmaceutiques qui visitent les membres du département de pharmacie ou qui leur écrivent sont réputés être en situation de lobbyisme. En vertu de ces changements juridiques, il semble raisonnable d’encadrer, voire d’interdire, la circulation des représentants pharmaceutiques21.

On observe également une hausse du degré d’accord entourant l’interdiction du financement d’activités récréatives étudiantes par l’industrie pharmaceutique ou les grossistes, qui passe de 15,4 % à 25,8 %. Le degré d’accord à l’interdiction de financement des activités de formation (23,6 % en 2016) ou de financement d’infrastructures ou d’activités universitaires (18,2 % en 2016) est resté à peu près le même. Bien que cette progression soit intéressante, une majorité d’étudiants en pharmacie continue de considérer le soutien d’activités récréatives (on ne parle même pas d’activités de formation) par l’industrie pharmaceutique et les grossistes comme étant acceptable. Cet appui limité à cette interdiction est étonnant en 2016 compte tenu du contexte entourant le remboursement des services pharmaceutiques par les tierspayeurs publics et privés. Le soutien financier donné par un tiers externe n’est jamais désintéressé, et les étudiants en pharmacie devraient reconnaître plus rapidement la cible qu’ils représentent. Peu d’étudiants des autres facultés jouissent d’un soutien financier externe pour des activités récréatives (par exemple : volet social d’un colloque ou d’un congrès) ou de formation. En outre, bien que beaucoup étudiants soient exposés à une situation financière précaire durant leurs études, il faut souligner que tous les étudiants en pharmacie trouvent un emploi et que la rémunération en pharmacie est excellente.

Enfin, le degré d’accord entourant l’encadrement de l’utilisation de stupéfiants et de drogues contrôlées pour les patients en soins palliatifs ou en soins de fin de vie a augmenté de 70,9 à 87,6 %. La loi sur les soins de fin de vie et sa réglementation sont en vigueur depuis décembre 201522,23.

Outre ces quatre énoncés ayant subi une progression de plus de 10 % de 2012 à 2016, notons quelques autres observations.

En 2016, seulement 70,1 % des sondés considèrent qu’il faudrait intégrer une formation adéquate et suffisante en éthique pharmaceutique appliquée dans le cadre de la formation en pharmacie. Les résultats de l’enquête montrent qu’une formation supplémentaire serait utile. Outre les interdictions de financement, les étudiants considèrent qu’il faut encadrer adéquatement la recherche clinique, la mise sur le marché et la publicité entourant les médicaments. Seulement 80,6 % des étudiants en pharmacie en 2016 considèrent qu’il ne faut utiliser que des médicaments comportant des preuves de qualité quant à leur efficacité et à leur innocuité ou exercer selon une pratique fondée sur les preuves. En pharmacie, on vend des produits de santé naturels et homéopathiques qui ne détiennent pas forcément des preuves d’efficacité de qualité. On enseigne également l’importance de respecter l’autonomie du patient et ses croyances. Dans l’édition du 1er avril 2017 de La Presse+, on peut lire qu’une « consultation lancée par Santé Canada sur la réglementation des produits de santé naturels et des médicaments sans ordonnance a conduit à de bien curieux résultats [comme le] montre un rapport dévoilé vendredi » soit le 31 mars 2017. La raison : des groupes de pression liés à l’industrie des produits de santé naturels ont incité les participants à répondre en masse en utilisant des réponses toutes faites et à ainsi s’opposer à tout resserrement des règles24. Ceci dit, les étudiants en pharmacie sont formés pour évaluer de façon critique les preuves et la littérature scientifique disponible, et l’exercice de la pharmacie doit reposer sur les meilleures données disponibles.

Seulement 53 % des étudiants sont d’accord avec le fait de permettre au pharmacien de refuser la contraception orale d’urgence si cette pratique va à l’encontre de ses valeurs personnelles ou religieuses. L’étude ne permet pas de vérifier la proportion d’étudiants croyants et pratiquants ou pouvant invoquer des croyances religieuses. S’il est permis au pharmacien de refuser d’offrir la contraception orale d’urgence, il lui est toutefois interdit de laisser la patiente sans solution. Il doit la diriger vers une autre pharmacie ou une structure de soins capable d’assurer sa prise en charge en temps opportun.

Cette étude comporte des limites. Un biais d’échantillonnage peut exister, car les étudiants qui n’ont pas répondu aux sondages s’intéressaient surement moins à l’éthique en pharmacie que ceux ayant participé à l’enquête, et leurs réponses auraient pu être différentes de celles reçues. Le questionnaire n’ayant pas été validé, il pourrait comporter des biais. Une étude sur une plus longue période pourrait permettre de déterminer d’autres changements ou tendances. Une formation d’appoint en éthique, suivie d’une répétition du questionnaire, pourrait permettre de vérifier les changements du degré d’accord auprès des étudiants. L’étude est réalisée auprès d’une cohorte homogène d’étudiants en pharmacie d’une même université. Les résultats pourraient différer ailleurs au Canada ou dans le monde.

Conclusion

Les données publiées sur la réflexion éthique des étudiants en pharmacie et des pharmaciens restent limitées. Quand on compare les données de 2016 et 2012, seulement quatre énoncés éthiques de notre questionnaire sur les 43 comportent une différence de plus de 10 %. Les différences étaient liées aux thèmes sur la formation à l’éthique dans le programme universitaire, la mise sur le marché des médicaments, la dispensation et les soins pharmaceutiques. Les étudiants en pharmacie représentent l’avenir de la profession et leurs perceptions sur les comportements éthiques devraient être un objet d’étude plus approfondie.

Financement

Aucun financement en relation avec le présent article n’a été déclaré par les auteurs.

Conflits d’intérêts

Tous les auteurs ont rempli et soumis le formulaire de l’ICMJE pour la divulgation de conflits d’intérêts potentiels. Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec le présent article.

Références

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Pour toute correspondance : Jean-François Bussières, Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine, 3175, chemin de la Côte-Sainte-Catherine, Montréal (Québec) H3T 1C5, Canada; Téléphone : 514 345-4603; Télécopieur : 514 345-4820; Courriel : jf.bussieres@ssss.gouv.qc.ca

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PHARMACTUEL, Vol. 50, No. 3, 2017