Mireille Bourbonnais1,2, Pharm.D., Maxime Thibault3,4, B.Pharm., M.Sc.
Reçu le 26 mai 2017; Accepté après révision par les pairs le 23 juillet 2017
Résumé
Objectif : Évaluer l’influence du travail des pharmaciens oeuvrant à une unité de soins sur les ordonnances reçues à la distribution
Mise en contexte : La littérature scientifique relative aux répercussions du travail du pharmacien travaillant dans une unité de soins sur la validation des ordonnances à la distribution est peu abondante. Au Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine, la majorité des unités de soins bénéficient de la présence d’un pharmacien. Une étude pilote a été menée pour quantifier les retombées du travail des pharmaciens aux unités de soins sur les ordonnances à la distribution.
Résultats : Les données ont été collectées aux unités de soins durant deux jours. Deux unités de soins ont été évaluées, l’une avec une tournée médicale à laquelle participait un pharmacien et l’autre sans tournée médicale. Cinquante-trois (53) patients étaient présents et 69 ordonnances ont été rédigées à leur intention durant la journée de travail des pharmaciens. Soixante-quinze pour cent (75 %) des ordonnances rédigées à l’unité de soins où se déroulait une tournée médicale ont été préalablement évaluées par le pharmacien clinicien contre 8 % à l’unité sans tournée médicale. Seize (16) interventions ont été réalisées par le pharmacien à l’unité de soins où avait lieu une tournée médicale, contre trois interventions à l’unité sans tournée médicale.
Conclusion : La participation d’un pharmacien à la tournée médicale semble avoir une influence positive sur la quantité d’interventions qu’il effectue et le nombre d’ordonnances qu’il évalue avant leur validation à la distribution. Cette étude pilote démontre que la méthode est fiable et pourrait servir à mener une étude de plus grande envergure.
Mots clés : Distribution, pharmacien clinicien, tournée médicale, validation d’ordonnance
Abstract
Objective : To assess the impact of pharmacists working in acute care units on medication orders received for distribution.
Background : The scientific literature on the impact of pharmacists working in acute care units on the validation of medication orders for distribution is sparse. There is pharmacist presence in most of the acute care units at the Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine. A pilot study was to quantify the impact of pharmacists working in these units on medication orders for distribution.
Results : The data were collected in the acute care units over a 2-day period. Two units were involved, one with medical rounds, which a pharmacist attended, the other without medical rounds. For 53 patients, 69 orders were written during the pharmacists’ workday. Seventy-five percent of the orders written in the acute care unit with medical rounds were first reviewed by the clinical pharmacist compared to 8% in the unit without medical rounds. There were 16 interventions by the pharmacist in the acute care unit with medical rounds compared to three in the unit without medical rounds.
Conclusion : A pharmacist’s participation in medical rounds seems to have a positive effect on the number of interventions performed and the number of medication orders reviewed prior to their validation for distribution. This pilot study shows that this method is reliable and that it could be used to conduct a larger study.
Keywords : Clinical pharmacist, distribution, medical rounds, validation of medication orders
Depuis plusieurs années, le rôle du pharmacien en milieu hospitalier est en évolution. Historiquement centré sur la validation d’ordonnances et la distribution de médicaments, le pharmacien se tourne maintenant vers la pratique clinique. Selon le Rapport de 2013–2014 sur les pharmacies hospitalières canadiennes, les pharmaciens en milieu hospitalier au Québec consacraient 46 % du temps à des tâches d’ordre clinique et 37 % du temps à la distribution de médicaments, le reste du temps étant consacré à l’enseignement, à la recherche ou à d’autres tâches connexes1. Les pharmaciens font de plus en plus partie intégrante de l’équipe traitante aux unités de soins, ce qui leur permet d’avoir un rôle central dans l’optimisation de la pharmacothérapie du patient.
Le rôle du pharmacien aux unités de soins a été étudié à plusieurs reprises. Des études ont démontré que la présence d’un pharmacien dans une unité de soins permettait de réduire le taux d’erreurs médicamenteuses, d’effets indésirables ainsi que la durée d’hospitalisation2–8. Sur le plan économique, les études ont également démontré que le travail du pharmacien dans une unité de soins diminuait les coûts liés à la médication, à l’hospitalisation ainsi qu’aux erreurs médicamenteuses4,9,10. En étant présent à l’unité de soins, le pharmacien peut participer aux tournées médicales. Des études ont démontré que cette participation permettait de réduire les erreurs médicamenteuses et les effets indésirables liés à la médication11,12. Il faut cependant souligner qu’il n’y a pas de tournée médicale formelle sur toutes les unités de soins.
La validation d’ordonnances a été étudiée dans différents contextes. L’instauration d’un système de saisie électronique des ordonnances par les médecins a démontré une diminution du temps moyen de validation des ordonnances ainsi que de la quantité d’ordonnances nécessitant des clarifications de la part du pharmacien à la distribution13–15. Une étude a également démontré que le temps moyen de validation des ordonnances était significativement réduit lorsque le pharmacien participant à la tournée médicale validait les ordonnances sur une tablette électronique comparativement à une validation à un poste fixe, cependant dans cette étude, la validation était décentralisée16. Il a aussi été démontré que le taux d’erreurs lors de la validation centralisée des ordonnances par le pharmacien augmentait significativement quand la charge de travail était élevée17. À notre connaissance, aucune étude ne s’est intéressée aux effets du travail du pharmacien oeuvrant dans une unité de soins sur la validation centralisée des ordonnances.
Le pharmacien à l’unité de soins revoit les dossiers patients, rencontre les patients et fait des recommandations sur la pharmacothérapie. Durant les heures de travail aux unités de soins, les pharmaciens cliniciens regardent les prescriptions, qui sont ensuite vérifiées par le pharmacien à la distribution avant d’être validées. Il y a donc une duplication possible du travail de validation. Par ailleurs, le pharmacien qui valide les prescriptions à la distribution ignore souvent si le pharmacien de l’unité de soins a regardé ou non les ordonnances, s’il ne les a pas rédigées lui-même.
Plusieurs études se sont penchées sur les retombées du travail du pharmacien aux unités de soins, mais aucune n’a examiné l’arrimage avec le travail effectué à la distribution. En 2013–2014, les hôpitaux canadiens avaient en moyenne 6,3 (+/− 4,1) unités de soins bénéficiant de la présence d’un pharmacien1. Comme plusieurs unités de soins ont maintenant un pharmacien en permanence, il y a intérêt à se pencher sur ce manque de données.
Cette étude vise à répondre aux questions suivantes : dans un premier temps, dans quelle proportion les ordonnances reçues à la distribution ont-elles déjà été validées cliniquement par un pharmacien à l’unité de soins? Ensuite, dans quelle proportion les ordonnances reçues à la distribution reflètent-elles les recommandations émises par le pharmacien à l’unité de soins? Et enfin, dans quelle proportion décèle-t-on à la distribution des problèmes liés aux ordonnances après la validation à l’unité de soins?
Cette étude pilote a été effectuée en vue de déterminer et de quantifier ces paramètres lors de la présence d’un pharmacien à une unité de soins.
Cette recherche est une étude pilote, ouverte et observationnelle. Une méthode a été mise au point et testée afin d’évaluer son application dans une éventuelle étude de plus grande envergure. L’autorisation de la direction des affaires médicales et universitaires de l’établissement a été obtenue pour la consultation des dossiers.
Cette étude s’est déroulée au Centre hospitalier universitaire (CHU) Sainte-Justine (Montréal, Canada), établissement de 500 lits à vocation mère-enfant affilié à l’Université de Montréal. L’activité des pharmaciens comporte, entre autres, deux volets : la présence des pharmaciens aux unités de soins et la validation des ordonnances reçues à la pharmacie centrale. Toutes les unités d’hospitalisation, sauf la psychiatrie, bénéficient de la présence d’un pharmacien qui révise les dossiers patients, rencontre les patients, participe aux tournées médicales, répond aux questions, propose et prescrit des modifications à la pharmacothérapie afin de l’optimiser. Les ordonnances rédigées à la main par les prescripteurs sont faxées à la pharmacie centrale où elles sont validées par les pharmaciens à la distribution. Le rôle principal du pharmacien de l’unité de soins est donc de prodiguer des soins cliniques centrés sur le patient et non de valider les ordonnances dans le système informatique.
L’objectif primaire de l’étude visait à évaluer dans quelle proportion les ordonnances saisies et validées au profil pharmacologique à la distribution durant une journée avaient déjà été validées par le pharmacien présent à l’unité de soins.
Les objectifs secondaires étaient :
de déterminer dans quelle proportion les ordonnances entrées au profil pharmacologique du patient à la distribution étaient identiques aux ordonnances évaluées par le pharmacien clinicien à l’unité de soins;
de déterminer dans quelle proportion les ordonnances entrées au profil pharmacologique à la distribution avaient fait l’objet d’une intervention par le pharmacien clinicien à l’unité de soins;
de déterminer dans quelle proportion les ordonnances entrées au profil pharmacologique à la distribution avaient nécessité une intervention du pharmacien de la distribution;
d’évaluer si les résultats différaient selon la présence ou non des pharmaciens à la tournée médicale.
Une collecte de données prospective par observation directe du pharmacien a été effectuée par une étudiante en pharmacie. Les unités de soins choisies pour l’étude étaient l’unité de pédiatrie (unité avec tournée médicale) et l’unité de chirurgie-traumatologie (unité sans tournée médicale) en raison de la disponibilité des pharmaciens de ces unités de soins durant les journées déterminées pour l’étude. Une journée d’observation a été accordée à chacune des unités. Les unités de pédiatrie et de chirurgie-traumatologie ont été respectivement observées le mercredi 12 avril et le jeudi 13 avril 2017.
Le pharmacien présent à l’unité de soins a été observé durant ses heures de travail habituelles. L’évaluation du pharmacien présent à l’unité de soins portait sur toutes les ordonnances où l’on mentionnait un ajout, une modification ou une cessation de médicament concernant un patient dont il avait la responsabilité, y compris les admissions.
Chaque ordonnance évaluée par le pharmacien a été consignée. Les informations collectées étaient les initiales du patient, le numéro de chambre, l’heure, le contexte de l’intervention (entre autres le suivi du dossier, la discussion en tournée, les appels téléphoniques, les demandes de l’infirmière, les demandes du médecin), l’intervention réalisée (dont les notes au dossier, les suggestions écrites, les ordonnances prises verbalement, les discussions avec le médecin) ainsi que le médicament (nom, voie d’administration, dose, intervalle).
Deuxièmement, l’étudiante en pharmacie a procédé à une collecte rétrospective des données à l’aide des logiciels informatiques GespharXMD et NumerXMD (CGSI solutions TI, Québec) pour recueillir toutes les ordonnances reçues à la distribution à l’intention des patients suivis par le pharmacien durant la journée d’observation qui a eu lieu dans chacune des unités.
Seules les nouvelles ordonnances ou les modifications apportées à des ordonnances actives et rédigées durant les heures où le pharmacien était à l’unité ont été prises en compte. Les informations extraites des ordonnances étaient les initiales du patient, le numéro de chambre, la date, le médicament prescrit (nom, voie d’administration, dose, intervalle), les interventions cliniques du pharmacien à la distribution nécessaires à la validation de l’ordonnance ainsi que l’heure de rédaction de l’ordonnance. Lorsqu’aucune heure de rédaction n’était indiquée sur l’ordonnance, l’heure de réception à la pharmacie a été considérée comme l’heure de rédaction.
Par la suite, les ordonnances ont été appariées, puis codifiées selon quatre catégories possibles pour en faire l’analyse :
L’ordonnance saisie au profil pharmacologique correspond exactement à l’ordonnance examinée par le pharmacien clinicien.
L’ordonnance saisie au profil pharmacologique correspond partiellement à l’ordonnance examinée par le pharmacien clinicien (les détails de l’ordonnance ne sont pas exactement les mêmes. Par exemple, la dose ou l’intervalle posologique diffère).
L’ordonnance examinée par le pharmacien clinicien ne correspond à aucune entrée au profil pharmacologique (aucun appariement possible de l’ordonnance examinée par le pharmacien clinicien).
L’ordonnance entrée au profil pharmacologique ne correspond à aucune ordonnance examinée par le pharmacien clinicien (aucun appariement possible de l’ordonnance entrée au profil pharmacologique).
Le nombre total d’ordonnances correspond au nombre d’ordonnances après appariement, c’est-à-dire qu’une ordonnance appariée comptait pour une seule ordonnance, même en présence de différences entre l’ordonnance examinée par le pharmacien clinicien et l’ordonnance saisie au profil pharmacologique. Une ordonnance non appariée comptait également pour une ordonnance.
Les interventions pharmaceutiques ont été comptabilisées sans appariement, ce qui permet une représentation la charge de travail réelle des pharmaciens. Par exemple, si une ordonnance a nécessité une intervention du pharmacien à l’unité de soins, puis une intervention du pharmacien à la distribution, cette ordonnance a généré deux interventions et non une seule.
Le logiciel SPSS Statistics 24 (IBM CorporationMD) a été utilisé afin de calculer les moyennes avec les écarts-types pour les variables continues et les proportions pour les variables catégorielles. Les tests t de Student ont permis de comparer les variables continues entre les groupes, et les tests exacts de Fisher ou les tests du chi-carré ont servi à comparer les variables catégorielles.
Le calcul de la puissance statistique prédéterminée n’a pas été effectué, puisqu’il s’agissait d’une étude pilote.
La collecte des données effectuée le 12 avril 2017 a duré huit heures trente à l’unité de pédiatrie (de 8 h 10 à 16 h 40), et celle du 13 avril 2017 a duré sept heures quarante-cinq à l’unité de chirurgie-traumatologie (de 9 h à 16 h 45). Le tableau I présente les données démographiques par unité de soins. L’unité de pédiatrie est divisée en deux parties qui disposent d’une tournée médicale indépendante l’une de l’autre. Le pharmacien a participé à l’une des deux tournées et le cas des 12 patients présents dans cette section de l’unité de soins au moment de la tournée a été abordé. Le choix de la tournée à laquelle il a participé était basé sur le plus grand nombre d’admissions dans les dernières 24 heures. Le cas de 50 % des patients placés sous la responsabilité du pharmacien à l’heure de la tournée a donc fait l’objet de discussions durant la tournée.
Tableau I Nombre, sexe et âge moyen des patients par unité de soins
Durant les heures de travail du pharmacien, huit patients sur les 25 présents à l’unité de pédiatrie ont vu une ordonnance entrée ou modifiée à leur dossier pharmacologique, comparativement à 11 des 28 patients à l’unité de chirurgie-traumatologie. Au total, 69 ordonnances ont été rédigées pour les patients des deux unités durant les heures de travail du pharmacien. Le tableau II indique le nombre total d’ordonnances par unité de soins, le nombre moyen d’ordonnances par patient ainsi que la proportion des ordonnances entrées ou modifiées au dossier pharmacologique à la distribution.
Tableau II Description et répartition par unité de soins des ordonnances effectuées durant les heures de travail des pharmaciens
Certaines ordonnances n’ont pas été incluses, car aucune heure de rédaction n’était indiquée et l’heure de réception à la distribution se situait après le départ du pharmacien de l’unité. C’est le cas de neuf ordonnances concernant trois patients de l’unité de pédiatrie et de 12 ordonnances concernant deux patients de l’unité de chirurgie-traumatologie, le total s’élève donc à 21 ordonnances sans heure de rédaction. Parmi celles-ci, une ordonnance avait généré une intervention de la part du pharmacien à la distribution, et une avait été évaluée par le pharmacien clinicien à l’unité. Cette dernière a donc été incluse et comptée comme une ordonnance appariée dans la catégorie trois. À l’inverse, une ordonnance de l’unité de chirurgie-traumatologie sans date de rédaction, mais reçue à la distribution à 9 h 02 a été incluse dans l’étude malgré le fait que l’heure réelle de rédaction se situait probablement avant le début de la journée de travail du pharmacien clinicien, qui commençait à 9 h.
Les objectifs primaires et secondaires sont décrits dans le tableau III. Seize (16) interventions pharmaceutiques ont été réalisées à l’unité de pédiatrie et trois à l’unité de chirurgie-traumatologie, ce qui représente 19 interventions pharmaceutiques durant les heures de travail des pharmaciens. Les unités de pédiatrie et de chirurgie-traumatologie ont bénéficié en moyenne respectivement de 0,64 et de 0,11 intervention par patient (p = 0,11). Finalement, le tableau IV présente la répartition des ordonnances selon les quatre catégories d’appariement.
Tableau III Objectifs primaires et secondaires
Tableau IV Répartition des ordonnances selon leur appariement en quatre catégories
Les résultats ont permis de répondre à l’objectif primaire, qui consistait en l’évaluation de la proportion d’ordonnances entrées au profil pharmacologique, qui avaient déjà été évaluées par le pharmacien clinicien. Les objectifs secondaires ont également été atteints. De plus, il a été possible d’interpréter les résultats en fonction de l’existence ou non d’une tournée médicale à l’unité.
La présence du pharmacien à une tournée médicale semble avoir un impact positif important sur la quantité d’ordonnances examinées par le pharmacien avant leur validation à la distribution, ainsi que sur la quantité d’interventions qu’il effectue à l’unité de soins. Cela s’explique probablement par le fait qu’étant donné qu’il est disponible, on lui demande souvent son avis sur les décisions pharmacologiques à prendre, puisqu’il connaît les patients et peut offrir rapidement une réponse. Comme la plupart des modifications pharmacologiques sont prescrites au cours de la tournée médicale, il est logique qu’une forte proportion d’ordonnances aient été évaluées par le pharmacien participant à la tournée avant leur validation à la distribution, contrairement à l’unité de soins sans tournée médicale. De plus, ces résultats positifs ont été décelables malgré le fait que le pharmacien n’a participé qu’à une seule des deux tournées qui avaient lieu à l’unité, ce qui ne représente que 50 % des patients à sa charge. Lors d’études futures, il serait intéressant d’évaluer l’influence de l’action du pharmacien qui participe à une tournée médicale dans une unité de soins, dont les cas de 100 % des patients font l’objet de discussions au cours de la tournée.
Pour ce qui est de l’unité de chirurgie-traumatologie sans tournée médicale, il importe de noter que le pharmacien qui y travaille a également d’autres tâches connexes prioritaires (la nutrition parentérale), ce qui pourrait expliquer la forte proportion d’entrées au profil pharmacologique faites sans avoir été examinées préalablement par le pharmacien clinicien. En effet, la présence physique du pharmacien à l’unité lors de la journée de collecte de données était limitée à quelques heures durant l’après-midi, alors que la plupart des ordonnances avaient déjà été rédigées et traitées. Comparativement à l’unité de pédiatrie, cette façon de procéder réduit la disponibilité du pharmacien pour répondre aux questions des médecins lors de la rédaction d’ordonnances et pourrait influencer la quantité d’interventions qu’il peut effectuer sur des ordonnances avant leur validation à la distribution. Lors d’études futures, il serait intéressant de choisir une unité de soins sans tournée médicale, où le pharmacien passe plus de temps à l’unité, afin de déterminer si cette variable influence les résultats.
Le pharmacien à la distribution a effectué une seule intervention à chacune des unités de soins lors de la journée de collecte des données. Ce nombre d’interventions n’était pas représentatif d’une journée typique. Une collecte de données sur plus d’une journée par unité permettrait probablement de produire des résultats plus près de la réalité.
Lors de la collecte des données rétrospectives, l’investigatrice a noté que plusieurs ordonnances reçues à la distribution n’avaient pas d’heure de rédaction et étaient télécopiées à la distribution en fin d’après-midi, alors que le pharmacien de l’unité de soins avait déjà quitté son poste. En effet, il existe un délai entre l’heure de rédaction de l’ordonnance et l’heure où elle est télécopiée à la pharmacie centrale, donc plusieurs ordonnances sans heure de rédaction pourraient possiblement avoir été exclues de l’étude alors qu’elles avaient été rédigées quand le pharmacien était encore présent à l’unité de soins. Le délai entre le moment de la rédaction et celui où l’ordonnance est télécopiée pourrait également être en partie responsable du faible nombre d’interventions du pharmacien à la distribution. Puisque l’ordonnance arrive à la distribution en fin de journée, le pharmacien la validant n’a pas l’option d’appeler le pharmacien clinicien de l’unité. Cette question doit être prise en compte lors de l’interprétation des résultats.
Une intervention a été retenue pour une prescription rédigée pour un patient ayant été admis à l’unité après le départ du pharmacien clinicien, car ce dernier avait validé verbalement la dose d’un médicament avec le médecin traitant avant la fin de sa journée de travail.
La collecte des données qui n’a porté que sur une journée par unité n’a pas permis d’amasser une quantité importante de données, donc le manque de puissance n’a pas permis d’analyser adéquatement quelques variables : le nombre moyen d’interventions par patient, le nombre moyen d’ordonnances par patient et la quantité d’entrées au profil pharmacologique ayant fait l’objet d’une intervention par le pharmacien à la distribution. La puissance statistique pourrait être supérieure si la collecte des données se déroulait sur plusieurs jours dans chaque unité de soins, ce qui permettrait de recueillir un plus grand nombre de données. Toutefois, la présente étude étant un projet pilote, l’abondance des données ne faisait pas partie des objectifs.
Tel que nous l’avons mentionné dans l’introduction, à notre connaissance, la possibilité de comparer nos résultats avec des données tirées de la littérature scientifique n’existe pas. En effet, cette étude pilote est la première qui évalue les conséquences du travail du pharmacien clinicien sur les ordonnances reçues à la distribution. Les leçons tirées de la présente étude permettront l’organisation d’une étude de plus grande envergure au sein de l’établissement et une comparaison des résultats avec ceux de cette phase pilote.
Cette étude pilote a permis de déterminer que la méthode choisie est fiable et pourrait être mise en application pour la réalisation d’une étude plus vaste avec une collecte de données qui s’étend sur plusieurs jours et prend en compte plusieurs unités de soins. Les pharmaciens qui y ont collaboré ont fait preuve d’ouverture d’esprit face à la nécessité de réaliser la collecte des données avec une étudiante en pharmacie tout au long de leur journée de travail. Aucune embuche n’a été rencontrée lors de la collecte des données auprès des pharmaciens ou lors de la collecte rétrospective dans les dossiers pharmacologiques. Par contre, l’appariement des ordonnances a permis de constater que les critères d’inclusion des interventions sont à respecter strictement si on veut pouvoir déterminer spécifiquement l’influence du travail du pharmacien sur la validation d’ordonnances. Plusieurs interventions notées lors de la collecte des données aux unités de soins ne faisaient pas partie des critères de l’étude et ont dû être volontairement omises. Il est donc important de souligner que les données collectées ne peuvent pas être utilisées pour dresser un portrait représentatif du travail du pharmacien dans une unité de soins, ni pour quantifier l’influence de ce travail sur d’autres aspects que la validation centralisée d’ordonnances.
Cette étude comportait quelques limites. Premièrement, il y avait un biais de performance possible des pharmaciens cliniciens dû à l’observation directe dont ils faisaient l’objet durant leur journée de travail. Il faut également noter que les interventions sur des ordonnances n’ayant mené à aucune modification au dossier pharmacologique n’étaient pas comptabilisées, ce qui risque de mener à sous-estimer le travail réel du pharmacien à l’étage, par exemple, l’analyse d’un résultat de dosage adéquat ou le suivi de l’efficacité d’un médicament qui n’entraînent aucune modification de la pharmacothérapie. Par contre, le but de l’étude n’étant pas d’évaluer le travail du pharmacien dans sa globalité à l’unité de soins, mais bien l’influence de ses interventions sur les ordonnances reçues à la distribution, la prise en compte de ces interventions à l’étude n’était pas pertinente. De plus, les ordonnances qui n’étaient pas télécopiées à la pharmacie n’étaient pas comptabilisées dans l’étude si elles n’avaient pas été évaluées par le pharmacien, ce qui aurait pu conduire à sous-estimer le nombre d’ordonnances par patient. Dans la plupart des cas, il s’agissait d’ordonnances pour des doses uniques disponibles dans les réserves d’étage ou des médicaments d’urgence, souvent peu nombreuses. Au CHU Sainte-Justine, ce type d’ordonnance ne nécessite pas de validation systématique à la distribution, il était donc normal, selon l’objectif de cette étude, de ne pas prendre en compte ces ordonnances.
Par ailleurs, comme nous l’avons mentionné plus haut, cette étude avait une portée très limitée, car la collecte des données a été effectuée uniquement dans deux unités de soins et durant une seule journée de travail par unité. Par contre, le petit échantillon était voulu puisqu’il s’agissait d’un projet pilote. Enfin, les conclusions de cette étude sont applicables uniquement à des unités de soins ayant un pharmacien sur place, car la validation d’ordonnances en dehors des heures de présence du pharmacien à l’unité de soins n’a pas été évaluée.
Cette étude pilote est la première à évaluer les retombées du travail d’un pharmacien oeuvrant dans une unité de soins sur la validation des ordonnances à la distribution. Les résultats semblent démontrer qu’une tournée médicale à laquelle le pharmacien participe influence positivement la quantité d’ordonnances qu’il examine avant leur validation à la distribution ainsi que la quantité d’interventions effectuées par le pharmacien à l’unité de soins, sans toutefois influencer significativement la quantité d’interventions effectuées par le pharmacien à la distribution. Finalement, cette étude pilote a permis de démontrer que la méthode mise à l’épreuve est fiable et pourrait être utilisée pour une étude de plus grande envergure.
Aucun financement en relation avec le présent article n’a été déclaré par les auteurs.
Tous les auteurs ont rempli et soumis le formulaire de l’ICMJE pour la divulgation de conflits d’intérêts potentiels. Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec le présent article.
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PHARMACTUEL, Vol. 51, No. 1, 2018