Différences sur le plan de l’efficacité et des effets indésirables métaboliques entre les diurétiques thiazidiques

Andréanne Groleau1,2,3, Pharm.D., M.Sc., Julie Méthot4,5, B.Pharm., Ph.D.

1Candidate au programme de maîtrise en pharmacothérapie avancée au moment de la rédaction de l’article, Faculté de pharmacie, Université Laval, Québec (Québec) Canada;
2Résidente en pharmacie au moment de la rédaction de l’article, Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec-Université Laval, Québec (Québec) Canada;
3Pharmacienne, Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec, site Hôpital Sainte-Croix, Drummondville (Québec) Canada;
4Professeure agrégée, Faculté de pharmacie, Université Laval, Québec (Québec) Canada;
5Pharmacienne et chercheure associée, Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec-Université Laval, Québec (Québec) Canada

Reçu le 20 juillet 2017; Accepté après révision le 3 décembre 2017

Exposé de la question

Les diurétiques thiazidiques forment une sous-classe hétérogène de diurétiques; l’hydrochlorothiazide est sans contredit la molécule la plus utilisée en pratique, par opposition à la chlorthalidone et à l’indapamide, des « thiazide-like » qui sont plus rarement prescrits13. Ces dernières molécules sont faiblement représentées au sein des formulations regroupant plusieurs molécules. Par souci d’observance, les prescripteurs peuvent les prescrire pour faciliter le début d’un traitement à l’hydrochlorothiazide2,4. Dans l’édition de 2017 du programme éducatif canadien sur l’hypertension (PECH), les diurétiques thiazidiques (hydrochlorothiazide) et ceux apparentés aux thiazides, aussi appelés « thiazide-like » (chlorthalidone et indapamide), demeurent des options de traitement initial de l’hypertension systolo-diastolique. Toutefois, le PECH favorise dorénavant les thiazides apparentés, qualifiés comme ayant une longue durée d’action, comparativement à l’hydrochlorothiazide5. Les lignes directrices de 2016 du PECH ne faisaient pas de distinction entre les divers diurétiques thiazidiques6. Plusieurs données probantes cliniques et particularités des molécules viennent appuyer ce récent changement de recommandation.

Les thiazidiques présentent des différences considérables dans le cadre de leur profil pharmacocinétique. D’abord, l’hydrochlorothiazide se caractérise par son temps de demi-vie et sa durée d’action relativement courts, puisqu’ils varient respectivement entre 8 et 15 h et 16 et 24 h7. La molécule atteint sa concentration plasmatique maximale environ 2 h après son administration8. Son effet hypotenseur reposerait principalement sur l’induction d’une natriurèse9. L’hydrochlorothiazide se retrouve très fréquemment associé à une autre molécule, d’autant plus que, sur le territoire européen, la formulation combinée est la seule qui soit accessible10. Par contre, la chlorthalidone présente un temps de demi-vie supérieur, évalué entre 45 et 60 h et une durée d’action de 24 à 72 h3,9. Cette différence majeure s’explique en partie par la concentration rapide de la chlorthalidone au sein des érythrocytes après son administration, ce qui contribue à augmenter son volume de distribution. La molécule se libère ensuite lentement au sein du compartiment sanguin11. En plus d’induire elle aussi une natriurèse, la chlorthalidone présente d’autres propriétés, notamment une inhibition puissante de l’anhydrase carbonique, ce qui contribue à lui conférer une puissance hypotensive évaluée au double de l’hydrochlorothiazide2,11.

L’indapamide présente un temps de demi-vie estimé entre 6 et 15 h et une durée d’action s’élevant entre 24 et 36 h9. La molécule exercerait un effet vasodilatateur direct en réduisant notamment l’entrée de calcium dans les muscles vasculaires2,12. Contrairement à l’hydrochlorothiazide, la chlorthalidone et l’indapamide présentent de nombreuses propriétés pléiotropes leur conférant un profil d’action particulier, ces dernières étant décrites dans le présent article9.

À ce jour, aucune étude prospective ne compare directement tous les différents thiazidiques entre eux, sur la base de leurs effets cardiovasculaires, métaboliques et sur la mortalité. Outre les interrogations portant sur les différences pharmacocinétiques, on peut aussi se questionner sur les données probantes cliniques sur lesquelles reposent les recommandations de 2017 du PECH et les distinctions entre les molécules sur le plan de leur efficacité respective à prévenir les évènements cardiovasculaires et leur propension à engendrer des effets indésirables métaboliques5. L’article actuel tente donc de répondre à l’énoncé précédent et fait suite à un article déjà publié en 2017 intitulé Chlorthalidone et indapamide : effet sur la pression artérielle plus soutenu en comparaison avec l’hydrochlorothiazide13. Fournier et Méthot y rapportaient des données probantes qui favorisent les diurétiques apparentés au thiazides pour le contrôle de la pression artérielle, en particulier lorsqu’elle est mesurée la nuit5.

Réponse à la question

Différentes études d’envergure fréquemment citées dans la littérature médicale ont comparé l’efficacité des thiazidiques pour prévenir les évènements cardiovasculaires et pour contrôler la pression artérielle5,1416. Ces études fournissent des preuves cliniques sur lesquelles s’appuient les recommandations de 2017 du PECH.

D’abord, l’étude Avoiding Cardiovascular Events Through Combination Therapy in Patients Living With Systolic Hypertension (ACCOMPLISH), publiée en 2008, est une étude à répartition aléatoire multicentrique évaluant le taux d’évènements cardiovasculaires et de décès attribués à une cause cardiovasculaire chez plus de 11 000 patients hypertendus à haut risque d’évènements cardiovasculaires14. Jamerson et coll. comparaient la combinaison composée d’amlodipine (5–10 mg/jour) et de bénazépril à la combinaison composée d’hydrochlorothiazide (12,5–25 mg/ jour) et de bénazépril à dose identique. À la fin de l’étude, les pressions artérielles moyennes des deux groupes mesurées au bureau médical étaient similaires; moins d’un mmHg séparait la pression systolique des deux groupes. De plus, 9,6 % des patients du groupe amlodipine-bénazépril ont subi un évènement cardiovasculaire ou ont présenté un décès d’origine cardiovasculaire comparativement à 11,8 % dans le groupe hydrochlorothiazide-bénazépril. L’étude a été interrompue précocement en raison des avantages sur la mortalité dans le groupe amlodipine-bénazépril (rapport de risque [RR] 0,80, p < 0,001). Les auteurs concluaient que la combinaison amlodipine-bénazépril était plus efficace pour réduire les évènements cardiovasculaires et la mortalité parmi les patients traités pour une hypertension risquée. Ils concluaient que l’amlodipine était supérieur à l’hydrochlorothiazide pour prévenir les évènements cardiovasculaires parmi les patients faisant usage d’un inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine. Cependant, en raison des particularités entre les thiazidiques, ces résultats ne peuvent pas s’appliquer aux thiazides apparentés1,11,14.

L’étude The Antihypertensive and Lipid-Lowering Treatment to Prevent Heart Attack Trial (ALLHAT) a été réalisée auprès de 33 000 patients dont l’âge était égal ou supérieur à 55 ans, qui présentaient au moins un facteur de risque de maladies cardiovasculaires15. Cet essai contrôlé et à répartition aléatoire évaluait quel traitement permettrait d’abaisser le nombre de maladies coronariennes et d’évènements cardiovasculaires par rapport à la chlorthalidone. Les patients pouvaient recevoir de la chlorthalidone (12,5–25 mg/jour), de l’amlodipine (2,5–10 mg/jour) ou du lisinopril (10–40 mg/ jour). À l’arrêt de l’étude, on n’a noté aucune différence statistiquement significative sur le plan de l’objectif primaire et de la mortalité toutes causes confondues entre les différentes molécules étudiées. Après cinq ans, la pression artérielle systolique était légèrement mieux contrôlée dans le groupe chlorthalidone, puisqu’elle était légèrement inférieure par rapport aux groupes amlodipine (0,8 mmHg; p = 0,03) et lisinopril (2 mmHg; p < 0,001). Comparativement au groupe chlorthalidone, le groupe amlodipine était associé à une incidence supérieure d’insuffisance cardiaque (10,2 % contre 7,7 %; risque relatif : 1,38 : intervalle de confiance à 95 % [IC 95 %], 1,25–1,52). Puis, dans le groupe lisinopril, un nombre supérieur d’évènements cardiovasculaires est survenu par rapport au groupe chlorthalidone (33,3 % contre 30,9 %; risque relatif : 1,10; IC 95 %, 1,05–1,16). Quant aux effets indésirables engendrés par les différents traitements, les niveaux de cholestérol, la présence d’hypokaliémie (K+ sérique < 3,5 mmol/L) et l’incidence de diabète (glycémie à jeun ≥ 7 mmol/L) étaient plus élevés dans le groupe chlorthalidone. Toutefois, ce constat ne s’est pas traduit par une augmentation des évènements cardiovasculaires ou de la mortalité toutes causes confondues. Les auteurs ont conclu que les thiazides apparentés étaient supérieurs pour prévenir au moins une forme de maladies cardiovasculaires, en plus d’être disponibles à faible coût.

Trois méta-analyses évaluant les effets des thiazidiques sur les évènements cardiovasculaires et sur la mortalité démontrent un avantage des diurétiques apparentés aux thiazides comparativement aux diurétiques thiazidiques conventionnels1719.

En 2015, Chen et coll. ont notamment publié une méta-analyse englobant 19 études, qui regroupaient 112 113 patients hypertendus dont l’âge moyen était de 66,4 ans. Cette méta-analyse a démontré la supériorité des thiazides apparentés sur le plan de la réduction du risque d’évènements cardiovasculaires, de l’insuffisance cardiaque et des accidents vasculaires cérébraux (AVC) comparativement aux thiazidiques conventionnels, comme l’hydrochlorothiazide17. Les différents rapports de cote (RC) démontrent les avantages significatifs engendrés par l’utilisation des thiazidiques apparentés. En effet, les thiazides apparentés se démarquent sur le plan des évènements cardiovasculaires (RC : 0,78 contre 0,92 [p < 0,001]) et de la réduction du risque d’AVC (RC 0,82 contre 1,03 [p < 0,001]), des résultats où les thiazides conventionnels ne semblent pas pouvoir réduire le risque. En ce qui concerne la réduction du risque d’insuffisance cardiaque, les thiazides apparentés démontrent là aussi leur supériorité significative (RC : 0,57 contre 0,71 [p = 0,039]). Les auteurs concluent donc que les thiazides apparentés se révèlent supérieurs sur le plan cardiovasculaire, particulièrement en matière de prévention du développement de l’insuffisance cardiaque17.

La méta-analyse de Olde Engberink et coll., également publiée en 2015, comptait plus de 480 000 patients hypertendus issus de 21 études comparant les diurétiques thiazidiques ou apparentés au placebo ou à un autre antihypertenseur. En tenant compte des différences de pression artérielle obtenues, associées aux patients traités ou appartenant aux groupes contrôles au sein des études, les évaluateurs ont observé que les thiazides apparentés réduisaient significativement les évènements cardiovasculaires de 12 % (p = 0,049) et l’insuffisance cardiaque de 21 % (p = 0,023), comparativement aux thiazides conventionnels. Les auteurs expliquent ces résultats par les propriétés pléiotropes des thiazides apparentés18. La chlorthalidone permettrait notamment l’inhibition de l’activité de l’anhydrase carbonique plaquettaire, en réduisant l’agrégation plaquettaire médiée par l’adrénaline, ce qui contribuerait à la réduction du risque d’AVC parmi les patients souffrant d’hypertension. La chlorthalidone pourrait en outre contribuer à réduire le développement de l’insuffisance cardiaque en diminuant la perméabilité vasculaire pulmonaire et en favorisant le développement de vaisseaux collatéraux, ce qui réduirait la résistance vasculaire20. Comparativement à l’hydrochlorothiazide, l’indapamide aurait également la capacité de réduire l’agrégation plaquettaire, selon une étude in vitro, et réduirait l’index de masse du ventricule gauche de 17 %, tandis que l’hydrochlorothiazide n’aurait aucun effet sur ce paramètre (p < 0,001)21,22. Les résultats de la méta-analyse d’Olde Engberink et coll. seraient aussi attribuables à la longue durée d’action des thiazides apparentés, qui renforce le contrôle de la pression artérielle sur 24 heures et augmente la natriurèse23.

L’étude MRFIT (Multiple Risk Factor Intervention Trial), débutée en 1973 et réalisée auprès de plus de 8 000 patients hypertendus, mesurait l’effet sur les maladies coronariennes de plusieurs traitements portant sur le début d’un traitement antihypertenseur, des conseils sur la cessation tabagique et l’amélioration des habitudes alimentaires. Une comparaison a eu lieu entre le groupe recevant ces interventions spéciales et un groupe bénéficiant des soins usuels disponibles au sein de la communauté. Les prescripteurs avaient la possibilité de choisir d’entreprendre l’administration de l’hydrochlorothiazide ou de la chlorthalidone comme traitement antihypertenseur16. L’étude MRFIT est donc, à ce jour, la seule étude ayant examiné les deux molécules utilisées en concomitance16,24. La mortalité dans le groupe de patients ayant reçu la chlorthalidone était inférieure à celle des utilisateurs de l’hydrochlorothiazide, mais aucune étude prospective n’a confirmé ces résultats4,11. Diverses analyses rétrospectives ont cependant été réalisées auprès de ces patients25,26. Ernst et coll. ont notamment observé les changements de la masse du ventricule gauche au moyen de l’échographie cardiaque 48 et 84 mois après la répartition aléatoire. Ainsi, les participants recevant la chlorthalidone présentaient une réduction de la masse ventriculaire supérieure (−4,4 g par rapport à −2,8 g, p = 0,002). Les auteurs concluent que ces résultats seraient liés à une réduction supérieure de la pression artérielle engendrée par la chlorthalidone (pression artérielle systolique : −10,4 par rapport à −8,6 mmHg; p = 0,001 et de la pression artérielle diastolique −6,5 par rapport à −5,1 mmHg; p < 0,001), ce qui aurait pu contribuer à l’écart des résultats sur la mortalité entre les groupes25. Dorsch et coll. ont évalué directement la survenue d’évènements cardiovasculaires parmi les patients de l’étude MRFIT selon la molécule antihypertensive reçue. La chlorthalidone a été associée à une diminution du risque d’évènements cardiovasculaires de 21 % (rapport de risque ajusté [RRA] : 0,79 IC 95 % : 0,68–0,92; p = 0,0016) comparativement à l’hydrochlorothiazide. Les différences entre les molécules étaient principalement basées sur l’incidence d’infarctus du myocarde cliniques, révélés par l’électrocardiogramme (ECG), de pontage, d’angine et de maladie vasculaire périphérique26.

Certaines données probantes appuient les avantages cardiovasculaires de l’indapamide. Dans l’étude Post-Stroke Antihypertensive Treatment Study (PATS), une étude réalisée auprès de 5682 patients chinois ayant des antécédents d’AVC, l’indapamide réduisait la mortalité cardiovasculaire de 23 % (p < 0,01) et la survenue d’AVC, de 27 % (p < 0,01) comparativement au placebo12,27. Dans l’étude Perindopril Protection Against Recurrent Stroke Study (PROGRESS) qui regroupait plus de 6000 patients ayant des antécédents d’AVC ou d’ICT et recevant le perindopril avec ou sans indapamide, les évènements cardiovasculaires et la survenue d’AVC ont été réduits de manière statistiquement significative uniquement dans le groupe utilisant la combinaison des deux molécules (réduction du risque relatif de 28 %, IC 95 % 17–38, p < 0,0001)28. Malheureusement, l’étude PROGRESS n’a pas pris en compte les bras recevant l’indapamide en monothérapie, mais ses conclusions portent à croire que l’ajout de l’indapamide à un inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine procure des avantages supplémentaires sur le plan de la prévention des AVC et des évènements cardiovasculaires4,28,29.

Aucune étude n’a à ce jour démontré d’avantages cardiovasculaires de l’utilisation de l’hydrochlorothiazide en monothérapie12. Les seules études où l’hydrochlorothiazide a démontré des avantages cardiovasculaires sont celles ayant combiné la molécule avec un diurétique antagoniste des récepteurs minéralocorticoïdes, tels que le triamtérène ou l’amiloride12,30,31. De nombreuses publications abordent plutôt son infériorité par rapport aux thiazides apparentés12,18,19,32.

Les changements apportés aux recommandations de 2017 du PECH sont largement appuyés par une littérature médicale mettant en évidence les avantages supplémentaires des thiazides apparentés5. Les diurétiques thiazidiques présentent de nombreux effets indésirables connus, notamment l’hypokaliémie, l’hyponatrémie, les modifications du bilan lipidique et le développement du diabète de type II9. Le profil d’effets indésirables métaboliques des diurétiques apparentés semble comporter certaines différences par rapport à celui de l’hydrochlothiazide3,8,12,32.

Dans une méta-analyse publiée en 2010, Ernst et coll. ont étudié 108 essais cliniques portant sur l’hydrochlorothiazide et 29 essais cliniques, sur la chlorthalidone. Aux doses usuelles de 12,5 à 25 mg par jour, les deux molécules ont produit des changements associés au potassium sérique similaires. Pendant un traitement qui a duré entre 12 et 52 semaines, sous l’effet de la chlorthalidone et de l’hydrochlorothiazide, le potassium sérique diminuait en moyenne respectivement de 0,40 mEq/L et de 0,24 mEq/L. Selon l’analyse d’équivalence de Schuirmann, les variations de potassium étaient équivalentes (IC 90 %, −0,23 à −0,09, p = 0,008)33. L’étude de Saseen, réalisée auprès de 900 patients recevant la chlorthalidone à 25 mg par jour ou l’hydrochlorothiazide à 25 ou 50 mg par jour, corrobore ces résultats. La chlorthalidone était associée à une valeur moyenne de potassium sérique de 3,94 mEq/L, tandis que les utilisateurs de l’hydrochlorothiazide présentaient respectivement un potassium sérique évalué à 4,13 mEq/L p < 0,1) et à 3,96 mEq/L, avec des doses de 25 et 50 mg par jour. En raison de la puissance antihypertensive de la chlorthalidone évaluée à près de deux fois celle de l’hydrochlorothiazide, les variations du potassium sérique semblent être similaires lorsque l’analyse prend en compte les différents potentiels antihypertenseurs33,34. La revue systématique de Roush et coll. mentionne que l’indapamide dosé à 2,5 mg par jour engendre une réduction du potassium sérique d’environ 0,30–0,42 mEq/L, ce qui serait comparable à l’hydrochlorothiazide à 25 mg32. Cependant, l’indapamide fait partie des bloqueurs des canaux cardiaques potassiques lents (IKs); leur association avec un bloqueur rapide (IKr) peut occasionner une augmentation de la phase de repolarisation cardiaque et un risque accru de torsade de pointes35,36.

Les diurétiques thiazidiques peuvent également engendrer une hyponatrémie9. Blijderveen et coll. ont comparé l’incidence d’hyponatrémie, définie comme une mesure du sodium sérique ≤ 130 mmol/L ou une hospitalisation en raison d’une hyponatrémie, auprès de patients utilisant la chlorthalidone et l’hydrochlorothiazide. L’étude des 1033 cas d’hyponatrémie répertoriés n’a révélé aucune différence significative entre les patients recevant la chlorthalidone et ceux soignés à l’hydrochlorothiazide au double de la dose de chlorthalidone37. Cependant, dans une autre étude, les patients semblaient être davantage hospitalisés pour cause d’hyponatrémie lorsqu’ils utilisaient la chlorthalidone comparativement à l’hydrochlorothiazide (RRA 1,68 IC 95 % 1,24–2,28)38. Ainsi, la différence de la propension des molécules à engendrer une hyponatrémie semble varier selon les publications, il est donc possible que d’autres facteurs relatifs à la médication ou à une condition médicale concomitante viennent modifier ces résultats9,39.

Dans une étude réalisée auprès de 2000 patients recevant l’hydrochlorothiazide ou l’indapamide, aucune différence n’a été notée entre les groupes quant à l’incidence d’hyponatrémie (37,8 % dans le groupe indapamide par rapport à 38,3 % dans le groupe hydrochlorothiazide), définie selon une mesure de sodium sérique ≤ 135 mmol/L40. Dans l’étude de Plante et coll., les patients recevant l’indapamide ont présenté une stabilité de leur valeur de sodium sérique au cours de la période de suivi de 48 semaines, tandis que les patients recevant l’hydrochlorothiazide affichaient une réduction de 140 ± 1 à 134 ± 1 mmol/L41. Ainsi, l’incidence d’hyponatrémie semble également varier en présence de l’indapamide comparativement à l’hydrochlorothiazide, selon les publications consultées39. Les diurétiques thiazidiques contribuent au développement du diabète de type II en augmentant la résistance à l’insuline et en réduisant la tolérance au glucose, notamment en raison de l’abaissement du potassium sérique et de l’influence potentielle du système nerveux sympathique9,42.L’étude MRFIT n’a révélé aucune différence significative entre les glycémies des patients recevant la chlorthalidone et ceux soignés à l’hydrochlorothiazide. Durant sept ans, les glycémies ont évolué respectivement de 103,3 à 107,1 mg/ dL (5,73 à 5,94 mmol/L) et de 102,5 à 109,7 mg/dL (5,69 à 6,10 mmol/L) (p = 0,1595)26. Dans l’étude de Saseen et coll., les patients utilisant la chlorthalidone à 25 mg par jour présentaient une valeur moyenne de glucose sérique de 111 mg/dL (6,2 mmol/L), tandis que ceux recevant l’hydrochlorothiazide à 25 et 50 mg par jour avaient respectivement des valeurs moyennes de 107,3 mg/dL (6 mmol/L) et 109,6 mg/dL (6,1 mmol/L). Les auteurs ont conclu qu’il n’y avait pas de différence significative entre les groupes34. Cependant, parmi les patients de l’étude ALLHAT ne présentant pas de syndrome métabolique, l’incidence de diabète était supérieure chez les patients recevant la chlorthalidone (7,7 %) par rapport à ceux utilisant l’amlodipine (4,2 %) ou le lisinopril (4,7 %), et ce, de manière significative (p < 0,05)43. En ce qui concerne l’indapamide, son profil d’effets secondaires métaboliques est davantage neutre, comme le précise l’analyse de Weidmann, réalisée sur trois études regroupant près de 1200 patients. Au terme d’une période de suivi de 12 mois, les patients recevant l’indapamide à 1,25 mg présentaient des glycémies stables, passant d’une valeur moyenne initiale de 5,57 mmol/L à une valeur de 5,48 mmol/L44.

En ce qui concerne les variations du bilan lipidique, les thiazides apparentés présentent un profil favorable comparativement à l’hydrochlorothiazide12,26,44. Dans l’analyse de Weidmann, la valeur du cholestérol des lipoprotéines de faible densité (c-LDL) des patients recevant l’indapamide à 1,25 mg est restée stable, puisqu’elle se situait à 3,99 mmol/L initialement et à 3,92 mmol/L au terme d’une période de suivi de neuf mois44. La revue systématique de Roush et coll. rapporte que, contrairement aux autres thiazidiques, l’indapamide n’engendre aucun effet délétère sur le bilan lipidique32. Concernant la chlorthalidone, Dorsch et coll. ont évalué la présence de différents effets indésirables métaboliques auprès des patients de l’étude MRFIT. Par rapport au groupe utilisant l’hydrochlorothiazide, les patients du groupe chlorthalidone présentaient une réduction significative des taux de c-LDL (−12,8 mg/dL [0,33 mmol/L] contre −10,4 mg/dL [0,27 mmol/L]; [p = 0,0009]) et de cholestérol total (−20,7 mg/dL [0,54 mmol/L] contre −16 mg/dL [0,41 mmol/L], p < 0,0001) au terme de la période de suivi de 6 ans26.

Conclusion

Les recommandations de 2017 du PECH préconisent désormais le recours aux diurétiques apparentés5. Les avantages associés à ces molécules, comparativement aux diurétiques thiazidiques conventionnels, portent sur la réduction des évènements cardiovasculaires et de la mortalité. Il existe également certaines différences entre les effets indésirables métaboliques des thiazidiques; les résultats sur le bilan lipidique sont généralement favorables aux thiazides apparentés, comparativement à l’hydrochlorothiazide. À la lumière de ces données probantes cliniques, il importe de revoir l’utilisation des thiazides apparentés au sein de notre pratique quotidienne.

Financement

Aucun financement en relation avec le présent article n’a été déclaré par les auteurs.

Conflits d’intérêts

Tous les auteurs ont rempli et soumis le formulaire de l’ICMJE pour la divulgation de conflits d’intérêts potentiels. Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec le présent article.

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Pour toute correspondance : Julie Méthot, Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec-Université Laval, 2725, chemin Sainte-Foy, Québec (Québec) G1V 4G5, Canada; Téléphone : 418 656-8711, poste 2947; Télécopieur : 418 656-4656; Courriel : methotjulie@gmail.com

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PHARMACTUEL, Vol. 51, No. 1, 2018