Julie Soyer1, Dana Necsoiu2, Denis Lebel3, B.Pharm., M.Sc., FCSHP, Jean-François Bussières4,5, B.Pharm., M.Sc., MBA, FCSHP, FOPQ
Reçu le 22 janvier 2018: Accepté après révision par les pairs le 05 octobre 2018
Résumé
Objectif : Comprendre le cadre normatif et les modalités de codage des séjours hospitaliers par les archivistes du Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine.
Mise en contexte : Au Québec, chaque hospitalisation de patient au sein du réseau de la santé est codée par un archiviste médical, selon les exigences du ministère de la Santé et des Services sociaux. Le codage de chaque hospitalisation est utilisé à des fins statistiques, de surveillance, d’évaluation de l’acte ou encore de recherche. Avec la mise en place future du financement axé sur les patients au Québec, le codage sera également utile pour établir la base budgétaire de chaque établissement de santé.
Résultats : En procédant à une revue de la littérature scientifique, nous avons établi une carte heuristique des termes pertinents pour le codage des séjours hospitaliers. Nous avons aussi proposé des définitions de chaque terme, cartographié le processus, rencontré l’équipe des archivistes et établi un profil de codage des dossiers patients.
Conclusion : La compréhension du codage des séjours hospitaliers est instructive et utile pour notre pratique de pharmaciens hospitaliers. La collaboration avec le Service des archives semble prometteuse pour l’application future de la Loi de Vanessa, mais également pour la mise en place d’un financement à l’activité évoqué depuis une dizaine d’années au Québec, une mesure qui reflètera mieux l’intensité des soins prodigués et qui assurera, le cas échéant, un financement adéquat de l’activité clinique.
Mots clés : Admission, archives, codage, MED-ECHOMD, séjour hospitalier
Abstract
Objective : To understand the normative framework and the methods used by archivists at the Centre hospitalier Sainte-Justine to code hospital stays.
Background : In Quebec, every patient hospital stay in the health-care system is coded by a medical archivist in accordance with the Ministry of Health and Social Services’ requirements. The coding for all hospitalization is used for statistical, surveillance, accountability review or research purposes. With the eventual implementation of patient-centred funding in Quebec, this coding may also be used to establish each health-care facility’s budget base.
Results : Based on a literature review, we created a mind map of hospital stay coding-related terms, proposed a definition for each term, mapped the process, met with the team of archivists and established a patient chart coding profile.
Conclusion : Understanding hospital stay coding is informative and useful for our hospital pharmacist practice. Collaborating with the staff in the Medical Records Department seems promising for the future application of Vanessa’s Law. Furthermore, this collaboration can help for the implementation of activity-based funding, which has been under discussion for about for 10 years in Quebec to better reflect the intensity of the care provided, and, if applicable, to ensure adequate funding for clinical activities.
Keywords : Admission, coding, hospital stay, MED-ÉCHO™, medical records
Au Québec, chaque hospitalisation de patient au sein du réseau de la santé est codée par un archiviste médical, selon les exigences du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS)1. Le codage de chaque hospitalisation est notamment utilisé à des fins statistiques, de surveillance, d’évaluation de l’acte ou encore de recherche1. À noter que le terme codification est également utilisé dans le réseau de la santé, mais le terme codage est préféré dans cet article. Avec la mise en place future du financement axé sur les patients au Québec, le codage sera également utile pour établir la base budgétaire de chaque établissement de santé2.
Au congé du patient, le médecin traitant est responsable de remplir la feuille sommaire (formulaire AH-109 DT) en précisant les diagnostics et les interventions effectuées. Chaque dossier est analysé à postériori par un archiviste médical afin de vérifier la présence et la conformité des renseignements médicaux nécessaires à la constitution d’un dossier complet et d’assurer la mise en code des éléments pertinents trouvés au dossier1,3. La saisie de ces codes est effectuée dans un logiciel qui génère de nombreux indicateurs descriptifs du séjour hospitalier1.
Compte tenu des changements apportés à la Loi sur les aliments et drogues en 2016 (projet de loi de Vanessa) et des changements réglementaires à venir, il nous semble utile de mieux comprendre les modalités entourant le codage des séjours hospitaliers dans notre établissement et particulièrement des événements indésirables associés aux médicaments4. Selon Edwards et coll. un événement indésirable consiste en un effet indésirable médicamenteux (EIM, également appelé effet secondaire, drug adverse reaction, drug side effect) et un incident ou accident médicamenteux (également appelé erreur médicamenteuse, medication incident, medication error)5.
L’objectif principal vise à comprendre le cadre normatif et les modalités de codage des séjours hospitaliers par les archivistes médicaux dans notre établissement.
À partir des termes « séjour hospitalier, inpatient care, admission, codage clinique, clinical coding, MED-ECHO, CIM-10 », nous avons recherché les documents relatifs au codage des séjours hospitaliers au Canada et au Québec. Notre recherche a été effectuée sur Google, Google Scholar et Pubmed, en ciblant les publications générales, les sites gouvernementaux et professionnels. Aucune restriction n’a été faite en ce qui concerne la période de publication ou de diffusion des documents. De plus, nous avons consulté deux archivistes médicaux du Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine afin de compléter et de valider les informations obtenues lors de notre revue de littérature.
À partir des documents pertinents retenus, nous avons établi une carte heuristique des termes pertinents pour le codage des séjours hospitaliers selon la méthode « GPS: Générer la pensée synthétique »6. Elle a été réalisée à l’aide de l’application internet (CoggleMD). Nous avons ensuite proposé une définition de chaque terme lié au codage du dossier médical.
À partir de ces termes, nous avons cartographié le processus de mise en code du séjour hospitalier du patient, de son admission à son congé. Afin d’établir une cartographie valide, nous avons proposé différentes figures à l’équipe de recherche et les avons améliorées par itération. La version finale a été adoptée par consensus.
Enfin, à partir des données recueillies, nous avons déterminé les enjeux applicables à l’obligation des établissements de santé de déclarer à Santé Canada tout EIM grave et inattendu.
Aucune analyse statistique n’a été effectuée.
Notre séance de remue-méninges a permis de déterminer un ensemble de termes applicables au codage. La figure 1 présente la carte heuristique applicable au codage d’un séjour hospitalier par un archiviste médical dans notre établissement, pouvant être étendue aux autres établissements québécois. Le tableau I présente les définitions des termes applicables au codage d’un séjour hospitalier1,2,7–14.
La figure 2 présente la cartographie du processus de codage des dossiers de séjours hospitaliers dans notre établissement pouvant être étendue aux établissements québécois.
À partir des documents recueillis, nous avons rencontré l’équipe des archivistes médicaux (n = 2) dans le cadre d’une période d’observation afin de comprendre le contenu du dossier patient, les règles entourant le remplissage de la feuille sommaire, les dictionnaires de données applicables au codage de la feuille sommaire, les modalités de codage et de saisie des données et les particularités applicables aux EIM. Ces données nous ont permis d’établir le profil du processus de codage des dossiers patients en fonction des particularités de chaque séjour.
Au Québec, les archivistes médicaux sont représentés par l’Association des gestionnaires de l’information de la santé du Québec (AGISQ)15. L’archiviste médical est à différencier de l’archiviste qui détient un titre d’emploi et une formation différente. En vertu des libellés des titres d’emploi, l’archiviste médical (numéro 2251) appartient à la catégorie 4 (techniciens et professionnels de la santé et des services sociaux)15. On précise qu’il s’agit « d’une personne qui assume les responsabilités relatives à la gestion des dossiers, à la mise en code des éléments des dossiers, à l’analyse quantitative et qualitative des dossiers, à l’application de la politique de divulgation des informations inscrites au dossier; [qui] assume la recherche, collige, analyse et interprète les données statistiques15. Elle collabore avec l’équipe professionnelle à l’enseignement et à l’évaluation par critères objectifs des dossiers et doit détenir un diplôme de fin d’études collégiales en techniques d’archives médicales ou un diplôme d’archiviste médical d’une école reconnue par le ministère de l’Éducation, du Loisir, et du Sport ou un diplôme reconnu par l’Association [des gestionnaires de l’information de la santé du Québec (AGISQ)] ou par le Collège des archivistes médicaux du Canada (Association canadienne interprofessionnelle du dossier de santé; auparavant Association des archivistes médicales du Canada) »16. La formation d’archiviste médical est ainsi composée de trois années postsecondaires ou de deux années (programme intensif) dans le cas des détenteurs d’autres diplômes d’études collégiales. La formation Archives médicales 411.A0 ou « Medical Records » est disponible dans différents collèges au Québec.
Au terme de chaque hospitalisation, le médecin traitant doit remplir et signer une feuille sommaire d’hospitalisation. Il existe un document d’information sur la feuille sommaire d’hospitalisation produit conjointement par l’Association des gestionnaires de l’information de la santé du Québec (AGISQ), la défunte Association québécoise d’établissements de santé et de services sociaux (AQESSS), le Collège des médecins du Québec (CMQ) et le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS)17. On peut y lire que « la feuille sommaire permet au médecin et aux autres professionnels de prendre connaissance rapidement de la raison d’une hospitalisation et des principaux évènements qui l’ont marquée. C’est le médecin qui a pris en charge le diagnostic principal qui devrait remplir et signer la feuille sommaire. Le CMQ reconnait à l’archiviste médical un rôle de soutien auprès des médecins aux fins du parachèvement de la feuille sommaire. Il revient cependant au médecin responsable du patient de décider de l’ajout ou non d’un diagnostic sur la feuille sommaire ».
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Figure 1 Carte heuristique applicable à la codification d’un séjour hospitalier au Québec |
La feuille sommaire comporte notamment le nom de l’établissement, la date d’admission et de départ, la durée de séjour, la cause immédiate du décès si cela est applicable, le diagnostic d’admission, le diagnostic principal, les autres diagnostics et problèmes ayant eu un impact sur la prise en charge durant l’hospitalisation, les diagnostics concomitants, les complications, les traitements (médicaux, chirurgicaux, obstétricaux), les examens spéciaux, l’administration de produits sanguins ou dérivés, les notes complémentaires, la médication de départ (nom, posologie, fréquence, durée), les recommandations au départ, le suivi et la relance, le destinataire à qui une copie est envoyée, la remise ou non d’une copie à l’usager, la signature du médecin responsable, le numéro de permis et la date.
Le Collège des médecins a publié en 2005 un guide sur la tenue des dossiers par le médecin en centre hospitalier de soins généraux et spécialisés18. Ce guide précise notamment les directives entourant le remplissage de la feuille sommaire, dont les éléments suivants:
Précision des diagnostics: Chaque diagnostic inscrit sur la feuille sommaire doit avoir la plus grande valeur informative possible et englober les détails connus, notamment sur la localisation, la nature et l’étiologie d’une affection.
Non-utilisation des abréviations: Afin que soient évitées les erreurs d’interprétation relatives à la langue ou à la spécialité médicale, les inscriptions sur la feuille sommaire ne doivent comporter ni symboles ni abréviations, compte tenu qu’il s’agit du document le plus fréquemment transmis à l’extérieur du centre.
Terminologie: Tous les diagnostics appropriés devraient être consignés selon la terminologie d’un système de nomenclature des maladies reconnu. Dans les établissements du Québec, on utilise la terminologie de la Classification internationale des maladies19.
Délai de rédaction: La feuille sommaire doit être remplie lors du départ du patient, sauf en ce qui a trait aux éléments susceptibles d’être influencés par un résultat d’examen ou un rapport de consultation non disponible au moment du départ. Le cas échéant, ces éléments devront être inscrits sur la feuille sommaire au plus tard 72 heures après que les résultats des examens essentiels à la justification du diagnostic sont versés au dossier.
Bien que le formulaire AH-109 soit généralement utilisé, il est également permis d’utiliser des formulaires « maison » tant qu’on y retrouve tous les renseignements requis. Par exemple, le service des archives médicales du Centre hospitalier universitaire (CHU) Sainte-Justine a créé, en collaboration avec certains médecins spécialistes, trois types de feuilles sommaires: « Feuille sommaire Néonatalogie », « Feuille sommaire Greffe de cellules souches » et « Feuille sommaire – Anémie falciforme »; de plus, le « Bilan de sortie des soins intensifs pédiatriques », provenant de l’application ICCA (IntelliSpace Critical Care and AnesthésiaMD) et qui résume le séjour du patient à l’unité des soins intensifs pédiatriques, est accepté comme feuille sommaire, depuis le 19 décembre 2016.
Tableau I Définitions des termes applicables au codage d’un séjour hospitalier
À partir de la feuille sommaire et des éléments pertinents trouvés au dossier médical du dossier patient, les archivistes codent l’épisode de soins sur la base d’un cadre normatif défini1. Le Bulletin d’information numéro 1 « Renseignements généraux sur l’implantation des classifications médicales CIM-10-CA/CCI » de l’équipe de pilotage MSSS-Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ) précise que les deux principaux documents de référence pour le codage des épisodes de soins au Québec sont le Recueil des directives et règles de codage du Québec et le Cadre normatif du système MED-ÉCHOMD20. Même s’il existe un recueil de directives de codage canadiennes, le Québec a ses propres directives de codage20. À la suite du passage à la version 10 de la Classification internationale des maladies (CIM-10) en avril 2006, l’équipe de pilotage du MSSS-RAMQ a révisé toutes les directives existantes. Le MSSS a procédé à la création et à la révision de toutes ces directives à l’aide des directives canadiennes et en tentant le plus possible de s’en tenir aux orientations canadiennes. En pratique, au CHU Sainte-Justine, l’archiviste médical utilise le Recueil des directives et règles de codage du Québec pour l’ensemble du codage, excepté pour le codage des EIM et des Empoisonnements où les normes canadiennes prévalent, car il n’existe pas de directives québécoises claires et précises sur ce sujet. Ces normes et directives sont complétées par le cadre normatif du système MED-ECHOMD, par l’utilisation du forum Pilotage MED-ECHO-RAMQ-MSSS associé à l’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS) et par un guide interne des archivistes « procédures d’analyses codes » pour aider et accompagner les archivistes lors de problèmes et questions qui peuvent apparaitre lors du codage.
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Figure 2 Cartographie du processus de codification des dossiers de séjours hospitaliers au Québec |
La saisie du codage s’effectue sur le logiciel MED-ECHO-PLUSMD (Logibec, Montréal, Québec, Canada). Depuis le 1er janvier 2017, on utilise la version 7.11.0.0. L’interface logicielle comporte treize catégories (usager, séjour, provenance, destination, service, unité de soins, consultation, diagnostic, interventions, congé temporaire, incidents et accidents durant séjour, étude, diagnostic regroupé pour la gestion (DRG)) et autant de champs à remplir.
Certaines sections et champs sont préalablement remplis soit la section « Usager », certains champs de la section « Séjour » ainsi que les sections « Provenance », « Destination » et « Unité de soins ». Dans ce cas, les données proviennent du système Clinibase CIMD (Logibec, Montréal, Québec, Canada), qui regroupe un ensemble de modules médicoadministratifs et cliniques répondant aux besoins des centres hospitaliers. Les archivistes vérifient les sections préalablement remplies et les corrigent au besoin. Par la suite, ils remplissent manuellement les autres sections selon les informations trouvées sur la feuille sommaire et au dossier médical. Les informations contenues dans la section DRG (Code DRG, Gravité, Mortalité, Code d’exclusion, CMD, Séjour minimum, Séjour moyen, Séjour maximum, Année NIRRU, Valeur NIRRU) sont générées automatiquement par le logiciel après la validation du dossier MED-ECHOMD.
Selon les normes canadiennes de codage, un EIM est un effet indésirable issu d’un usage thérapeutique qui est une réaction indésirable pouvant se produire lors de l’administration ou de la prise appropriée d’une substance (c.-à-d. drogue, médicament ou agent biologique)8. Pour coder un EIM, deux codes seront généralement utilisés, soit un code décrivant la réaction ou la manifestation (code de diagnostic) suivi d’un code de cause externe (Y40 à Y59) pour connaitre le médicament. Ces codes seront inscrits dans la catégorie appropriée du logiciel MED-ECHO PLUSMD et il existe trois possibilités:
EIM apparu avant l’hospitalisation et qui est la cause de l’hospitalisation: le code « cause externe » sera saisi dans le champ « code accident » dans la section « séjour » du patient et le code décrivant la réaction sera saisi dans la section « diagnostic » avec, dans certaines situations, la caractéristique complication = accident (si le médicament a été prescrit par un membre de notre hôpital, il y aura une caractéristique de complication; par contre, si l’ordonnance a été rédigée par un tiers externe et que le patient est admis au CHU Sainte-Justine à la suite d’un EIM, il n’y aura pas de la caractéristique « complication »).
EIM apparu avant l’hospitalisation qui n’est pas la cause de l’hospitalisation: les deux codes seront saisis dans la catégorie Diagnostic = Diagnostic.
EIM survenu pendant l’hospitalisation: les deux codes seront saisis dans la section « Diagnostic » et en parallèle le code de la cause externe s’affichera automatiquement dans la section « Incident et accident durant le séjour » = accident / incident.
Le tableau II présente un profil des codes applicables au codage des évènements indésirables à partir de la Classification internationale des maladies – version 10.
Au CHU Sainte-Justine, le dossier d’un patient est analysé et codé par un archiviste responsable de « l’analyse-code » dans un délai d’environ quatre mois après le congé du patient. Si des rapports importants manquent, ils seront réclamés et, au besoin, le dossier sera envoyé au médecin responsable afin qu’il complète les éléments manquants ou qu’il apporte les corrections nécessaires. L’archiviste responsable de l’analyse finale fera le suivi du processus de remplissage des dossiers et corrigera, au besoin, les données saisies dans Med ÉchoMD. Tout dossier ayant le statut « validé » dans Med ÉchoMD sera extrait par l’archiviste responsable de la fermeture des périodes financières et de l’extraction des données. Un dossier peut être validé plus d’une fois. Dès qu’une période financière est terminée et fermée, plusieurs rapports de validation et de performance sont produits par les archivistes responsables à l’aide des logiciels Impromptu et Med-GPSMD, y compris des rapports ayant un impact sur la performance (par exemple: séjours excessifs de gravité 1 ou 2, séjours de soins intensifs de gravité 1 ou 2 ou séjours ayant un diagnostic repère pour la gestion problématique).
Toutes les informations codées et calculées sont expédiées au MSSS pour alimenter la banque de données MED-ECHOMD centrale pour les treize périodes financières. La date officielle de la fermeture de la banque centrale est établie par le MSSS. Si les centres hospitaliers ne sont pas en mesure de terminer à temps le codage des épisodes de soins, le MSSS peut accorder une prolongation. Tant que la banque de données MED-ECHOMD reste ouverte, les données modifiées à la suite des vérifications faites par l’archiviste responsable de l’analyse finale et par ceux qui travaillent sur la performance sont transmises au MSSS. Pour des fins de recherche et de statistiques locales, la correction des données peut se faire même après la fermeture de la banque centrale, mais les modifications effectuées ne peuvent plus être transmises.
Ainsi MED-ECHOMD est le système de maintenance et d’exploitation des données pour l’étude de la patientèle hospitalière. L’organisme propriétaire est le MSSS et le gestionnaire de la source de données est la Direction générale de la coordination réseau et ministérielle. Son lieu d’entreposage est la Régie de l’assurance maladie du Québec. La banque contient les renseignements personnels clinicoadministratifs relatifs aux soins et aux services offerts aux personnes traitées dans un centre hospitalier du Québec. Elle est utilisée par le personnel du Ministère, les chercheurs, les intervenants et les gestionnaires du réseau sociosanitaire1.
Tableau II Profil des codes applicables au codage des évènements indésirables à partir de la Classification internationale des maladies – version 109
Le cadre normatif et les modalités de codage des séjours hospitaliers que doivent respecter les archivistes médicaux résultent en un processus qui semble complexe. Une meilleure compréhension du service des archives et de son organisation, encore méconnue des pharmaciens, nous a permis de mettre en perspective les enjeux et de bien maitriser ce codage. Au CHU de Sainte Justine, le Service des archives est composé de quinze archivistes responsables de l’analyse code qui traitent environ 20 000 hospitalisations par an. Il est indispensable que la feuille sommaire soit dûment remplie dans un délai raisonnable pour favoriser la productivité du codage et les impératifs de l’année financière. Le Collège des médecins du Québec a bien cerné cette problématique dans son Guide sur la tenue des dossiers par le médecin en centre hospitalier de soins généraux et spécialisés, mais il serait intéressant d’évaluer si ces informations sont connues et respectées dans notre établissement et de sensibiliser les praticiens à cette réflexion comme nous le suggèrent Heroual et coll. et Dyers et coll.21–22.
Les pharmaciens hospitaliers connaissent peu ce système de codage. On trouve donc peu d’études dans la littérature scientifique, où le pharmacien collabore avec le Service des archives. Pourtant, au vu de la base de données qu’elle génère et de notre recul, les archivistes peuvent être des alliés précieux du pharmacien pour la sélection de dossiers lors de revues d’utilisation de médicaments, d’activités de pharmacovigilance ou encore de recherches cliniques et évaluatives. Skalli et coll. ont présenté les changements apportés par la mise en œuvre de la CIM-10 par rapport à la neuvième révision et ont conclu que cette analyse comparative pourrait contribuer à la formation des pharmaciens et à une meilleure collaboration entre pharmaciens et archivistes dans le codage des effets indésirables médicamenteux en établissement de santé23. De plus, une bonne connaissance de la classification internationale des maladies, assorties d’une interface en temps opportun avec le dossier pharmacologique informatisé, peut contribuer à une surveillance optimale de l’utilisation des médicaments en ciblant des groupes de patients plus homogènes pour des critères de conformité donnés.
Nous avons déjà utilisé le codage pour déterminer les effets indésirables dans notre établissement24. La Loi de Vanessa visant à protéger les Canadiens contre les drogues dangereuses a pour but de renforcer la règlementation des produits thérapeutiques et d’améliorer la déclaration des réactions indésirables4. Elle requiert la déclaration de tous les évènements indésirables graves et inattendus par les établissements de santé. En vue de l’application du cadre réglementaire de cette loi, une réflexion est en cours dans notre établissement pour ne pas passer à côté de l’une de ces déclarations. Une communication régulière entre le Département de pharmacie et celui des archives est en développement dans notre établissement. Cette communication aura pour but de déterminer les modes de défaillance du codage des archivistes et de notre système de déclaration de pharmacovigilance pour proposer un système exhaustif qui réponde aux exigences de la Loi de Vanessa.
Le système de codage des séjours hospitaliers comporte cependant plusieurs limites. 1) Les directives et les classifications vont continuer d’évoluer. Les archivistes doivent donc s’adapter à ces changements. Le dernier changement saillant a été le passage de la CIM-9 à la CIM-10. De plus, les normes au Québec ne sont pas harmonisées avec celles du reste du Canada. 2) Le système de codage n’est pas toujours adapté à la « vie réelle ». Certains codes ne correspondent pas totalement à la situation clinique présentée ou plusieurs codes peuvent se retrouver pour une seule affection ou intervention. Pourtant, la révision régulière des classifications internationales des maladies vise à pallier ces défauts. Cooper et coll. ont voulu évaluer l’exactitude des données officielles de codage hospitalier dans un hôpital en Australie25. Plusieurs erreurs ont été trouvées (par exemple patients manquants, traitements manquants, codes de procédure incorrects et codes de diagnostic incorrects). Les auteurs mentionnent que les publications d’autres centres indiquent que ces problèmes ne sont pas propres à cette institution ou à cet État et concluent qu’un engagement clinique pressant envers les services de codage de l’hôpital est justifié. À l’inverse, Bellemare et coll. se sont intéressés à la qualité des statistiques fournies par Med-ECHOMD pour un Service de chirurgie et ont estimé que les données sur les cholécystectomies étaient valides et fiables dans leur centre hospitalier, mais qu’elles sous-estimaient le taux d’infections de plaie. Ils ont conclu que ces données pouvaient être l’un des moyens pouvant servir à évaluer la qualité de l’acte au sein d’un service de chirurgie26. 3) Les patientèles ambulatoires représentent un volume croissant d’activités et elles ne sont pas codées par de tels systèmes. 4) Le délai de codage est long: le document de consultation visant à éclairer l’élaboration du règlement de la Loi de Vanessa mentionne que le délai imposé aux établissements pour déclarer un EIM grave et inattendu pourrait être fixé à 30 jours27. Ce délai paraît difficile à respecter si l’on décide de détecter les EIM avec le système de codage actuel; il y a généralement un délai de trois à six mois entre le départ d’un patient, le remplissage et le codage de la feuille sommaire par l’archiviste et la saisie des données dans le logiciel de traitement de données aux archives, comme nous l’avons vu précédemment.
Avec l’arrivée de nouvelles technologies, le codage du séjour hospitalier du patient et le rôle des archivistes sont amenés à changer. Berndorfer et coll. évoquent un modèle de codage de diagnostic automatisé qui utilise des modèles prédictifs à partir de données historiques28. Cependant, la différenciation de milliers de codes qui permet l’attribution d’un nombre varié de codes est extrêmement complexe.
Cette analyse portant sur le codage comporte des limites. Elle n’a été menée qu’au sein d’un seul établissement de santé. Il faut toutefois souligner qu’il s’agit du même cadre normatif applicable ailleurs au Québec. Nous savons que la compréhension d’une classification requiert des exemples. Or notre revue met en évidence le processus, mais ne dispose que d’un nombre limité d’exemples compte tenu de la contrainte des mots. D’autres travaux complémentaires pourraient permettre d’illustrer des travaux impliquant la collaboration entre les pharmaciens et les archivistes médicaux.
En procédant à une revue de la littérature scientifique et à une rencontre avec deux archivistes médicales, nous avons établi une carte heuristique des termes pertinents pour le codage des séjours hospitaliers, nous avons aussi proposé une définition de chaque terme, cartographié le processus et établi un profil du codage des dossiers patients dans notre établissement. La compréhension du codage des séjours hospitaliers est instructive et utile à notre pratique de pharmaciens hospitaliers. La collaboration avec le Service des archives semble prometteuse pour l’application future de la Loi de Vanessa, mais également pour la mise en place d’un financement à l’activité évoqué depuis une dizaine d’années au Québec, une mesure qui reflètera mieux l’intensité des soins prodigués et qui assurera, le cas échéant, un financement adéquat de l’activité clinique.
Aucun financement en relation avec le présent article n’a été déclaré par les auteurs.
Tous les auteurs ont rempli et soumis le formulaire de l’ICMJE pour la divulgation de conflits d’intérêts potentiels. Tous les auteurs ne déclarent aucun conflit d’intérêts en relation avec le présent article.
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13. Institut canadien d’information sur la santé. Normes canadiennes de codification de la CIM-10-CA et la CCI. [en ligne] https://secure.cihi.ca/estore/productSeries.htm?locale=fr&pc=PCC189 (site visité le 18 janvier 2018).
14. Logibec. Clinibase MED-ECHO PLUS. [en ligne] http://www.logibec.com/wp-content/uploads/2016/04/Clinibase_Med-Echo-Plus_0514_Web.pdf (site visité le 18 janvier 2018).
15. Association des gestionnaires de l’information de la santé du Québec (AGISQ). [en ligne] https://www.agisq.ca/ (site visité le 18 janvier 2018).
16. Ministère de la Santé et des Services sociaux. Libellés des titres d’emploi. 2251 – archiviste médical. [en ligne] http://wpp01.msss.gouv.qc.ca/appl/N02/AfficherDetails.aspx?TitreEmploi=2251 (site visité le 18 janvier 2018).
17. Équipe de pilotage MSSS-RAMQ. Implantation des classifications médicales CIM-10-CA/CCI - Bulletin d’information numéro 2: Informations sur la feuille sommaire d’hospitalisation AH-109. 2006.
18. Collège de médecins du Québec. La tenue des dossiers par le médecin en centre hospitalier de soins généraux et spécialisés - Guide d’exercice. [en ligne] http://www.cmq.org/publications-pdf/p-1-2005-12-01-fr-tenue-desdossiers-par-medecin-en-centre-hospitalier-desoins-generaux-et-specialises.pdf (site visité le 18 janvier 2018).
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