Valérie Barrette-Mayrand1, Audrey Vachon2,3, B.Pharm., M.Sc., Julie Méthot3,4, B.Pharm., Ph.D.
Reçu le 21 mai 2018: Accepté après révision par les pairs le 25 août 2018
L’insuffisance cardiaque est un syndrome complexe résultant d’une dysfonction structurelle ou fonctionnelle qui altère la capacité du cœur à faire circuler le sang à un débit suffisant pour subvenir aux besoins métaboliques. L’insuffisance cardiaque avec une fraction d’éjection diminuée est caractérisée par une fraction d’éjection de 40 % ou moins, mais aussi par une dilatation du ventricule gauche et un taux élevé de peptides natriurétiques de type B (BNP) ou de propeptides natriurétiques de type B N-terminal (NT-proBNP) 1,2. En 2016, 600 000 Canadiens souffraient de cette maladie dont le pronostic est assez sombre avec, en 2017, un taux de mortalité à un an de 6 ou 7 % parmi les patients ayant une insuffisance cardiaque stable et de 25 % voire davantage parmi les patients hospitalisés pour une insuffisance cardiaque aiguë3,4.
Les recommandations relatives au traitement de l’insuffisance cardiaque ont évolué au fil du temps avec la publication d’études cliniques démontrant une réduction de la mortalité sous l’effet de certaines molécules. Au début des années 90, l’étude SOLVD révolutionnait le traitement en démontrant une réduction du rapport de risque instantané (RR) de mortalité de 16 % (intervalle de confiance à 95 % [IC 95 %] 0,05 – 0,26; p = 0,0036) en présence d’inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IECA) comparativement au placebo5. Puis des études ont démontré successivement les bienfaits des bêta-bloqueurs (BB) et des antagonistes des récepteurs minéralocorticoïdes (ARM) ajoutés aux IECA6,7.
Quelques essais cliniques ont permis de mieux caractériser le lien entre les bienfaits cardiovasculaires et la dose de médicament. En 1996, Bristow et coll. ont d’abord comparé une dose plus élevée de carvédilol avec une dose plus faible du même produit et ont démontré une diminution de la mortalité et des hospitalisations liées à la dose8. En 1999, l’étude ATLAS révélait qu’un dosage plus élevé de lisinopril diminuait le risque d’événements cliniques majeurs par rapport à une faible dose et concluait que les patients ne devraient pas être traités avec de faibles doses d’IECA à moins qu’une réelle intolérance en empêchait la titration9. Plus récemment, en 2009, l’étude HEAAL démontrait que la titration à la hausse des doses d’antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II (ARA) amenait une diminution statistiquement significative de 10 % de la survenue de l’objectif primaire combiné, soit la mortalité toutes causes et les hospitalisations pour insuffisance cardiaque10.
En 2014, l’étude PARADIGM-HF démontrait que le sacubitril/valsartan était supérieur à l’IECA lorsqu’il était ajouté au traitement standard de l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection réduite pour diminuer la mortalité cardiovasculaire, les hospitalisations pour insuffisance cardiaque ainsi que les symptômes et limitations physiques dues à la maladie, mais en contrepartie, qu’il était aussi associé à une plus grande incidence d’hypotension symptomatique11. Les résultats de cette étude nous amènent à nous questionner sur les impacts de la vitesse de titration du sacubitril/valsartan sur son innocuité et de son efficacité.
Avant la mise en marché du sacubitril/valsartan, les IECA, les BB ainsi que les ARM constituaient la pierre angulaire du traitement de l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection réduite. La durée totale de titration de ces trois classes de médicaments pour atteindre la dose cible devrait être de six mois selon 93 % des professionnels questionnés lors de la réalisation d’un vadémécum destiné à répondre à des questions clés élaborées par des praticiens canadiens spécialistes de l’insuffisance cardiaque. Ces cliniciens étaient aussi d’accord pour dire qu’il n’était pas nécessaire d’avoir une visite face à face pour effectuer la titration à moins qu’il y ait des préoccupations d’ordre clinique concernant cette dernière12.
Le système rénine-angiotensine-aldostérone (SRAA) participe à l’homéostasie du corps en permettant le maintien de la pression et du volume circulatoire et en régulant les électrolytes13. Ce dernier joue un rôle clé dans la physiopathologie de l’insuffisance cardiaque. En effet, dans cette maladie, on constate une augmentation de l’angiotensine II qui accentue la vasoconstriction périphérique ainsi que la rétention liquidienne et qui accélère la synthèse de protéines menant à une hypertrophie anormale des cellules cardiaques13. L’aldostérone contribue aussi à une détérioration cardiaque progressive par plusieurs mécanismes, tels que la rétention hydrosodée et l’activation des récepteurs minéralocorticoïdes13. Tout cela explique pourquoi les traitements recommandés jusqu’à l’arrivée du sacubitril/valsartan agissaient principalement pour contrer le SRAA14.
La production et la libération de peptides natriurétiques sont des mécanismes compensatoires de l’insuffisance cardiaque avec une fraction d’éjection diminuée. Ces peptides contrent les effets du SRAA par la natriurèse, la diurèse, la vasodilatation, la diminution de la sécrétion d’aldostérone, l’inhibition de la stimulation sympathique et la réduction de la fibrose myocardique13. La néprilysine est un peptide endogène neutre qui dégrade plusieurs molécules, telles que les peptides natriurétiques, les bradykinines et l’angiotensine II. Ainsi, l’inhibition de la néprilysine augmente le décompte des peptides natriurétiques, mais aussi de certains peptides vasoconstricteurs, tels que l’angiotensine II, d’où la nécessité de combiner le sacubitril avec un inhibiteur du SRAA, tel un ARA13.
Le sacubitril/valsartan est un composé chimique constitué de deux molécules: un inhibiteur de la néprilysine (sacubitril) et un ARA (valsartan)11. Après son administration, le sacubitril/valsartan se dissocie rapidement puis est absorbé. Le sacubitril est un promédicament qui est métabolisé en LBQ657, son métabolite actif13. La figure 1 présente le métabolisme du sacubitril/valsartan15.
La biodisponibilité du sacubitril est de ≥ 60 % et le temps qui lui est nécessaire pour atteindre le pic plasmatique (Tmax) est de 0,5 h. Le Tmax du LBQ657 est de 3 h et lors d’une administration biquotidienne (BID), l’état d’équilibre est atteint en trois jours. Le LBQ657 ne présente aucune interaction avec le CYP450 et il est majoritairement excrété dans l’urine. Une interaction théorique est par contre décrite entre le sacubitril et les statines, surtout l’atorvastatine et la simvastatine, puisque le sacubitril est un inhibiteur des transporteurs OATP1B1 et OATP1B3. Il serait donc possible d’envisager de réduire la dose de statine lorsque cette association est nécessaire16.
Concernant le valsartan, sa biodisponibilité est d’environ 25 %, son Tmax est de 1,5 h et il est métabolisé à 20 % en un métabolite mineur16,17. La biodisponibilité du valsartan augmente d’environ 40 % dans le produit sacubitril/valsartan (EntrestoMD) comparativement au DiovanMD. C’est pourquoi des doses de 26, 51 et 103 mg de valsartan dans le sacubitril/valsartan satisfont aux critères de bioéquivalence comparativement à 40, 80 et 160 mg de DiovanMD13,16. Les effets de l’âge et du sexe sur la pharmacocinétique du sacubitril/valsartan n’étant pas cliniquement significatifs, il n’existe aucune recommandation pour des ajustements de dose19.
En 2014, l’étude PARADIGM-HF apportait un changement majeur au traitement de l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection réduite en comparant l’efficacité du sacubitril/valsartan à celle de l’énalapril. L’étude englobait des patients de plus de 18 ans capables de donner un consentement informé et écrit, ayant une insuffisance cardiaque systolique de classe fonctionnelle New York Heart Association (NYHA) II à IV, un taux plasmatique élevé de BNP ou de NT-proBNP (BNP ≥ 150 pg/mL (ou NT-proBNP ≥ 600 pg/mL) à la première visite ou BNP ≥ 100 pg/mL (ou NT-proBNP ≥ 400 pg/mL) si l’hospitalisation était due à une insuffisance cardiaque qui s’était manifestée dans les 12 derniers mois), une fraction d’éjection de 35 % ou moins (fixée à 40 % au début puis révisée durant l’étude), un traitement avec un IECA ou un ARA à une dose minimale équivalente à 10 mg par jour d’énalapril depuis au moins quatre semaines et un traitement stable avec un BB depuis plus de quatre semaines à moins que ce dernier soit contre-indiqué ou non toléré20.
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Figure 1 Métabolisme du sacubitril/valsartan |
L’objectif primaire combinait le décès cardiovasculaire et les hospitalisations pour insuffisance cardiaque. Les patients entraient premièrement dans une période de pré-inclusion de cinq à huit semaines, en simple aveugle, avec l’énalapril à 10 mg BID durant deux semaines, suivie par l’administration de sacubitril/valsartan 49/51 mg (100 mg) BID titré jusqu’à 97/103 mg (200 mg) BID après une à deux semaines. Il est à noter que, durant cette période, près de 20 % des 10 513 sujets initialement sélectionnés ont été exclus de l’étude, dont 12 % en raison d’effets indésirables, les plus fréquents étant la toux, l’hyperkaliémie, la dysfonction rénale et l’hypotension11. Les 8436 patients qui ont répondu aux objectifs de cette période ont ensuite été répartis aléatoirement 1:1 dans le groupe énalapril 10 mg BID ou sacubitril/valsartan 97/103 mg (200 mg) BID, la dose cible pouvant être diminuée selon la tolérance du patient20.
L’étude a été interrompue précocement après un suivi médian de 27 mois, puisque les objectifs visés par l’étude pour le sacubitril/valsartan avaient été atteints. En effet, 914 patients (21,8 %) dans le groupe sacubitril/valsartan et 1117 patients (26,5 %) dans le groupe énalapril (RR dans le groupe sacubitril/valsartan: 0,80; IC 95 %: 0,73 – 0,87; p < 0,001) avaient répondu aux critères de l’objectif primaire combiné11. De plus, la différence en faveur du sacubitril/valsartan avait déjà été constatée 30 jours après la répartition aléatoire et lors de toutes les analyses intermédiaires.
Dans une sous-étude de PARADIGM-HF, Vardeny et coll. ont démontré que le sacubitril/valsartan demeure supérieur à l’énalapril, même s’il est administré à des doses sous-optimales (RR: 0,80; IC 95 %: 0,70 – 0,93). Les auteurs rapportent également que le risque d’événements liés à l’objectif primaire avait augmenté après une diminution de la dose, quelle que soit la nature du traitement (RR: 2,5; IC 95 %: 2,2–2,7)21.
Le nombre de décès cardiovasculaires de patients sous sacubitril/valsartan s’est établi à 558 et celui des patients recevant l’énalapril à 693 (RR: 0,80; IC 95 %: 0,71 – 0,89; p < 0,001)11,22. De plus, le sacubitril/valsartan a réduit le risque d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque de 21 % (p < 0,001) et diminué les symptômes et limitations physiques dus à l’insuffisance cardiaque. En effet, huit mois après le début de l’étude, la réduction moyenne dans le pointage au questionnaire Kansas City Cardiomyopathy Questionnaire (KCCQ) qui fournit une description de la qualité de vie liée à la santé des gens atteints d’insuffisance cardiaque congestive était de 2,99 points dans le groupe sacubitril/valsartan et de 4,63 dans le groupe énalapril (p = 0,001)23. Finalement, durant toute l’étude, le nombre nécessaire de patients à traiter (NNT) pour prévenir la survenue de l’objectif primaire combiné, soit le décès cardiovasculaire et l’hospitalisation pour insuffisance cardiaque, était de 21 et le NNT pour éviter une hospitalisation liée à l’insuffisance cardiaque ou pour éviter la mort de cause cardiovasculaire était respectivement de 36 et de 3211.
Comparativement au groupe énalapril, le groupe sacubitril/valsartan a recensé moins d’augmentation de la créatinine à plus de 221 mmol/L (3,3 % c. 4,5 %; p = 0,007), moins d’hyperkaliémie de plus de 6 mmol/L (4,3 % c. 5,6 %; p = 0,007) et aussi moins de toux (11,3 % c. 14,3 %; p < 0,001). Il a toutefois été associé à un taux plus élevé d’hypotension symptomatique (14 % c. 9,2 %; p = 0,001), mais cela n’a pas mené à une augmentation statistiquement significative de l’arrêt du traitement pour hypotension dans ce groupe11,24. Les principales raisons du retrait du sacubitril/valsartan dans l’étude PARADIGM-HF étaient l’hypotension et une détérioration de la fonction rénale, bien que ces effets indésirables soient survenus moins fréquemment que dans le groupe énalapril. Donc, les patients hypotendus ou insuffisants rénaux pourraient avoir plus de difficulté à atteindre la dose cible et c’est la raison pour laquelle il est particulièrement important de faire un suivi serré de la pression et de la fonction rénale chez ces derniers25. Pour les personnes âgées, il faut peser les risques par rapport aux avantages d’utiliser le sacubitril/valsartan, sachant que cette clientèle vulnérable risque davantage de faire des chutes dues à de l’hypotension en plus de présenter plus fréquemment une insuffisance rénale.
Dans la sous-étude de PARADIGM-HF menée par Vardeny et coll., on constate dans le groupe sacubitril/valsartan 1) une augmentation moins fréquente de la dose de diurétique et 2) une diminution plus fréquente de la dose de diurétique comparativement à l’énalapril. Il serait donc possible de devoir diminuer les doses de diurétiques pour les patients atteints d’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection réduite qui reçoivent le sacubitril/valsartan21.
L’étude TITRATION a évalué, parmi ses objectifs, l’impact de la vitesse de titration du sacubitril/valsartan sur la tolérance au traitement ainsi que sur le succès d’atteinte et de maintien de la dose cible de 97/103 mg (200 mg) BID durant 12 semaines. L’étude a réparti aléatoirement 498 patients préalablement stratifiés en fonction de leur dose de base d’IECA ou d’ARA (faible ou élevée) en deux groupes de titration distincts pour une atteinte de la dose cible en trois ou en six semaines. Les résultats montrent que 77,8 % des patients ont atteint et maintenu la dose cible dans le groupe titré en trois semaines comparativement à 84,3 % dans le groupe titré en six semaines (p = 0,078). Dans le sous-groupe de patients qui étaient préalablement sous faible dose d’IECA ou d’ARA, l’atteinte et le maintien de la dose cible s’est chiffré à 73,6 % lorsque la titration était effectuée en trois semaines alors qu’ils étaient de 84,9 % si la titration était plutôt répartie sur six semaines (p = 0,030). Du point de vue de l’innocuité, la vitesse de titration du médicament n’a pas eu d’impact significatif sur l’incidence de la survenue d’hyperkaliémie, de dysfonctionnement rénal ou d’hypotension. Cependant, dans le sous-groupe de patients qui prenaient au préalable une faible dose d’IECA ou d’ARA, l’incidence d’hypotension définie par une pression artérielle systolique inférieure à 95 mmHg était de 14,3 % lorsque la titration était effectuée en trois semaines comparativement à 4,9 % lorsqu’elle était réalisée en six semaines (p = 0,016)26.
Il est important de noter que la pression artérielle systolique de base dans la population ayant participé à l’étude TITRATION était de 130,8 mmHg alors qu’elle était respectivement de 121 et 122 mmHg dans les groupes énalapril et sacubitril/valsartan dans l’étude PARADIGM-HF11,26. De plus, les informations rapportées dans l’article nous permettent de douter qu’un calcul de la puissance ait été fait. Mentionnons aussi que certains patients inclus étaient naïfs de tout traitement aux IECA ou ARA. Par ailleurs, ils n’étaient pas tenus de prendre une dose minimale d’IECA avant l’entrée dans l’étude, et les patients hospitalisés étaient inclus, ce qui complexifie la comparaison avec l’étude PARADIGM-HF. La figure 2 présente une comparaison des études PARADIGM-HF et TITRATION relativement à la vitesse de titration du sacubitril/valsartan11,26.
Une sous-étude de TITRATION menée par Senni M. et coll. a également réanalysé les données obtenues en fonction de la pression systolique de base. Les auteurs montrent qu’une titration plus conservatrice sur six semaines permet l’atteinte et le maintien de la dose cible de sacubitril/valsartan pour une plus grande proportion de patients comparativement à une titration concentrée sur trois semaines, quelle que soit la pression artérielle de base. Ils soulignent aussi que l’écart le plus important a été noté dans le groupe de patients avec la pression systolique de base la plus basse (100–110 mmHg), puisque l’atteinte et le maintien de la dose cible étaient de 79,3 % avec une titration en six semaines comparativement à 67,6 % en trois semaines. La proportion de patients qui ont toléré et maintenu la dose cible était plus grande dans les deux groupes de patients qui avaient une pression de base supérieure à 120 mmHg (84,3 %) par rapport à celle du groupe avec une pression de 111 à 120 mmHg (76,1 %) et de 100 à 110 mmHg (72,7 %), bien que ces différences ne soient pas statistiquement significatives (111–120 mmHg: p = 0,958; 121–139 mmHg: p = 0,055 et ≥ 140 mmHg: p = 0,248).
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Figure 2 Comparaison des études PARADIGM-HF et TITRATION relativement à la vitesse de titration du sacubitril/valsartan (y compris la période de préinclusion)11,26 |
Finalement, les auteurs présentent la variation de la pression artérielle à 12 semaines comparativement à celle qui avait été mesurée au moment de la répartition aléatoire et ils démontrent que la diminution de la pression est proportionnelle à la valeur de base, avec une proportion de patients qui ont subi une baisse d’au moins 20 % de leur pression systolique, soit respectivement de 8,6 %, 10,8 %, 20,2 % et 46,1 % dans les sous-groupes avec une pression artérielle de base de 100–110 mmHg, 111–120 mmHg, 121–139 mmHg et ≥ 140 mmHg. Les auteurs concluent qu’on pourrait administrer le sacubitril/valsartan à des patients ayant une pression systolique de base plus basse, puisque l’hypotension s’atténuera avec l’amélioration de l’insuffisance cardiaque. Ils recommandent par contre de faire une titration plus conservatrice (en six semaines) pour ces patients27.
La Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ) couvre actuellement ce médicament pour le traitement de l’insuffisance cardiaque de classe NYHA II ou III avec dysfonction systolique ventriculaire gauche avec une fraction d’éjection inférieure ou égale à 40 % en remplacement d’un traitement en cours depuis au moins quatre semaines avec un IECA ou un ARA et en association avec un BB à moins d’indication contraire ou d’intolérance28.
L’étude TRANSITION, dont les résultats sont attendus au cours de l’année 2018, a pour objectif d’évaluer l’utilisation du sacubitril/valsartan peu après la stabilisation du patient hospitalisé pour une décompensation aiguë d’insuffisance cardiaque. En effet, les premiers mois après l’hospitalisation sont considérés comme une phase de grande vulnérabilité avec un risque de décès et de réadmission qui atteint son point culminant dans les 30 premiers jours22.
Une étude menée à l’Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec (IUCPQ-UL) a évalué l’utilité d’un algorithme de titration pour introduire et optimiser le sacubitril/valsartan dans un contexte de pratique de la cardiologie au quotidien pour les patients souffrant d’insuffisance cardiaque avec une fraction d’éjection diminuée. Cent patients de la clinique d’insuffisance cardiaque qui ont reçu le sacubitril/valsartan à une dose de 24/26 mg (50 mg) jusqu’à 97/103 mg (200 mg) BID ont été suivis jusqu’à deux semaines après l’atteinte de la dose maximale tolérée. Ainsi, 46 % d’entre eux ont atteint et maintenu la dose cible de 97/103 mg (200 mg) BID sans interruption ni diminution de dose et 73 % ont atteint au moins 49/51 mg (100 mg) BID. Le temps moyen de titration était de 30 ± 9 jours (médiane à 24 jours)29.
Finalement, la vitesse à laquelle le sacubitril/valsartan est titré pour atteindre la dose cible semble avoir un impact sur sa tolérance. En effet, les données disponibles sont en faveur d’une titration graduelle (sur six semaines) par rapport à une titration rapide (sur trois semaines) surtout pour les patients ayant une pression systolique de base plus basse et pour ceux qui prenaient une faible dose d’IECA ou d’ARA au préalable. Cette méthode de titration pourrait mener un plus grand nombre de patients à atteindre la dose cible de sacubitril/valsartan et présenter ainsi un gain supérieur sur la mortalité. Les données probantes sont par contre encore insuffisantes pour déterminer l’impact de cette vitesse de titration sur l’efficacité du sacubitril/valsartan.
Par conséquent, puisque l’effet positif du sacubitril/valsartan sur la réduction de la mortalité cardiovasculaire et des hospitalisations pour insuffisance cardiaque a été détecté après seulement 30 jours de traitement, que les bienfaits sur la qualité de vie ont été significatifs dès la quatrième semaine d’utilisation et que les risques de décès et de réadmission sont très élevés dans les trois mois qui suivent une hospitalisation, il serait pertinent d’obtenir rapidement des données probantes à ce sujet. Finalement, les preuves nous rappellent également qu’il faudrait peut-être penser à diminuer les diurétiques des patients euvolémiques qui reçoivent le sacubitril/valsartan, dans le but de réduire le risque d’hypotension symptomatique.
Aucun financement en relation avec le présent article n’a été déclaré par les auteurs.
Tous les auteurs ont rempli et soumis le formulaire de l’ICMJE pour la divulgation de conflits d’intérêts potentiels. Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec le présent article.
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