Christine Hamel1,2, B.Pharm., M.Sc., Julie Méthot3,4,5, B.Pharm., Ph.D.
Reçu le 31 octobre 2018: Accepté après révision par les pairs le 04 novembre 2018
Au sortir de l’ère de la Commission Charbonneau, la question de l’éthique est de plus en plus omniprésente tant dans la vie personnelle que professionnelle des pharmaciens1. Les médias mettent l’accent sur cette question et s’empressent de révéler les scandales ayant trait à l’éthique. La démission en pleine campagne électorale de Stéphane Le Bouyonnec, candidat de la Coalition Avenir Québec, en est l’illustration récente2. L’Ordre des pharmaciens du Québec cherche également à resserrer les règles d’éthique entourant la pratique de la profession, particulièrement en ce qui a trait aux liens entre les pharmaciens et l’industrie pharmaceutique3.
Mais qu’en est-il de l’éthique dans les publications scientifiques ? Plusieurs pharmaciens publient sans nécessairement avoir conscience des enjeux éthiques entourant le processus de publication. L’éthique en matière de publication est un élément important des politiques éditoriales du Pharmactuel et nous sommes d’avis qu’une diffusion de ces concepts est pertinente et d’actualité pour notre lectorat4,5. Quelques organismes reconnus, comme l’International Committee of Medical Journal Editors (ICMJE) et le Committee on Publication Ethics (COPE) s’affairent à établir des balises autour de l’éthique dans les publications6,7. Le tableau I présente les principaux sites de référence en matière de politiques éditoriales6–10. Trois aspects éthiques sont particulièrement d’actualité, soit la détermination des auteurs des articles, les droits d’auteurs ainsi que l’intégrité.
Tableau I Principales ressources en matière de politiques éditoriales6–10
L’existence d’auteurs invités, c.-à-d. n’ayant pas vraiment participé à la conception ou à la rédaction du manuscrit, est un phénomène répandu dans certains milieux11. En effet, Rohwer et coll. ont sondé 607 auteurs de correspondance et 77 % d’entre eux rapportent que des auteurs invités sont présents dans leur milieu (universitaire principalement)11. Afin d’éviter la présence d’auteurs invités ou d’auteurs fantômes (qui ont participé au manuscrit de manière substantielle mais dont le nom n’apparaît pas dans la publication finale), l’ICMJE a établi quatre critères objectifs permettant de déterminer la « paternité » d’un manuscit6,8,12.
Ces critères incluent:
la contribution de manière substantielle à la conception, à la collecte ou à l’analyse des données ou encore à l’interprétation de la recherche ayant mené au manuscrit,
la participation à la rédaction du premier jet ou à la révision du manuscrit,
l’approbation de la version finale et
la prise de responsabilité du contenu de l’article6.
Seules les personnes satisfaisant à ces critères devraient apparaître dans la liste des auteurs du manuscrit6. De nombreux journaux comme le Journal of the American Medical Association (JAMA) exigent que les auteurs rapportent leur contribution à l’article soumis pour publication13. Pharmactuel demande à chaque auteur de remplir le formulaire de Divulgation de conflits d’intérêts potentiels et licence de droit d’auteur pour publication d’un article dans Pharmactuel14. L’auteur garantit à l’A.P.E.S. qu’il répond aux critères d’auteur. Le titre d’auteur est important et peut avoir des conséquences importantes dans le milieu universitaire sur l’embauche d’un nouveau professeur, sa promotion ou l’obtention de subventions15. Il est important de comprendre que chaque auteur doit avoir suffisamment participé à la publication pour prendre la responsabilité du contenu de l’article16.
Une fois les auteurs confirmés, l’ordre de mention des auteurs doit être déterminé après discussion entre tous les auteurs. Il est préférable de discuter de cet ordre au moment de l’amorce du projet. La première personne nommée est habituellement celle qui a apporté la contribution intellectuelle la plus significative15. Après elle, les autres auteurs sont nommés par ordre d’importance décroissante de leur contribution à la recherche. Traditionnellement, le directeur de recherche (senior author) est placé en dernier.
Si l’article comporte plus d’un auteur, il importe de déterminer un auteur de correspondance. Celui-ci est responsable de la communication avec le journal durant le processus de soumission, de révision par les pairs et de publication6. Il doit être disponible durant tout le processus éditorial et doit informer tous les auteurs de l’avancement de la soumission6. Il doit faire approuver chaque version ultérieure du manuscrit par les coauteurs. Selon notre expérience, l’auteur le plus expérimenté agit souvent à titre d’auteur de correspondance. Il est fréquent que le directeur soit l’auteur de correspondance.
Depuis quelques années, le comité de rédaction de Pharmactuel a été informé que des éditeurs peu scrupuleux sont entrés en contact avec des auteurs pour leur proposer de republier leur article protégé par les droits d’auteurs. De fait, les Éditions universitaires européennes, organisme reconnu comme maison d’édition prédatrice dans plusieurs milieux universitaires, ont contacté plusieurs auteurs ayant publié dans Pharmactuel pour leur offrir la réédition de leurs articles en livre17. Ensuite, des sites comme Amazon vendent ces livres à des prix déraisonnables17. Puisque, les droits d’auteur des articles publiés dans Pharmactuel ont été cédés à l’A.P.E.S., seule l’Association peut autoriser la reproduction des articles en partie ou en totalité. En effet, chaque auteur signe une licence exclusive de droits d’auteur au bénéfice de l’A.P.E.S.
Les auteurs qui acceptent l’offre des Éditions universitaires européennes pourraient donc être poursuivis, contrairement à cette maison d’édition basée à l’étranger, donc soustraite aux lois québécoises et canadiennes.
Dans les dernières années, des revues prédatrices ont aussi vu le jour18. Généralement, ces revues sont basées dans des pays émergents et sollicitent les auteurs par courriel. Ils promettent des processus de révision très courts et utilisent le modèle « payer pour publier » afin de faire des bénéfices18. Ces revues se soucient peu de la qualité ou de l’intégrité scientifique des articles. Par exemple, certains journaux prédateurs utilisent le logo de COPE, un organisme qui veille au respect des normes les plus élevées en matière d’éthique de publication, sans être réellement membre de COPE ou utilisent un faux facteur d’impact18. Certaines de ces revues publient dans chaque numéro un nombre important d’articles qui ne sont même pas en rapport avec leur mission18.
Un cas de reportages inventés de toutes pièces par le journaliste François Bugingo a été récemment mis au jour19. Un cas semblable serait plutôt surprenant dans les publications pharmaceutiques québécoises. Par contre, les auteurs ne sont pas à l’abri du risque de publier involontairement des résultats erronés6,7,17. Il importe donc que les auteurs révisent méticuleusement leurs manuscrits avant de les soumettre, ceci afin d’éviter la publication de données inexactes, puisqu’ils demeurent professionnellement responsables du contenu de leurs articles6.
Quant au plagiat, il est malheureusement beaucoup plus fréquent qu’on ne le pense6,7,12,17,20. Il est de nos jours tellement répandu que la plupart des éditeurs de journaux scientifiques utilisent des logiciels permettant de le détecter12,17. Le plus souvent, le plagiat est involontaire12,17. Dans ce cas, les auteurs reprennent de longues sections de phrases d’une autre publication sans intention de reproduction illicite, mais sans en citer la référence12,17. Qu’il soit volontaire ou non, le plagiat peut avoir des conséquences graves tant pour l’auteur qui l’a subi que pour celui qui l’a effectué20. L’auteur plagié peut par exemple avoir plus de difficulté à obtenir des subventions avant la révélation du plagiat20. L’auteur ayant utilisé le plagiat peut quant à lui perdre sa réputation, son emploi, ses subventions et avoir de la difficulté à publier20. Le mot d’ordre est donc d’éviter de reproduire en tout ou en partie le travail d’autrui6,7,12,17. Si la reproduction de ce travail est nécessaire, l’auteur doit veiller à citer le manuscrit original de manière adéquate et à obtenir les autorisations nécessaires6,7,12,17. L’autoplagiat est une sous-catégorie du plagiat. Il s’agit de l’auteur qui utilise ses propres données déjà publiées dans un certain journal pour les inclure dans un nouveau manuscrit destiné à être soumis à une autre revue. La traduction d’une partie ou de la totalité d’un article publié dans une autre langue est aussi une forme d’autoplagiat, d’ailleurs, l’ICMJE et le COPE déconseillent vivement cette pratique6,7.
La notion d’intégrité touche également les données fabriquées21. Le New England Journal of Medicine vient de rétracter un article publié en 2011 pour des raisons d’images manipulées22. Dans l’éventualité où un réviseur ou un lecteur soulève la possibilité qu’un article contienne des données fabriquées, l’éditeur peut demander l’avis d’un deuxième réviseur7,21. Si un doute persiste, il peut demander aux auteurs des explications et exiger d’avoir accès aux données brutes7,21.
Pour le maintien de la confiance des lecteurs envers les revues scientifiques, le respect des règles d’éthique liées à la publication d’articles, émises par des organismes reconnus comme l’ICMJE ou le COPE, est primordial6,7. La vigilance est de mise en cas de sollicitation par des maisons d’édition étrangères. Par ailleurs, les auteurs doivent veiller à l’exactitude du contenu de leur manuscrit pour faire en sorte de ne jamais publier de données erronées ou frauduleuses. Finalement, ils doivent citer avec la plus grande rigueur tout contenu tiré de travaux externes afin de prévenir le plagiat. La mise en œuvre de ces pratiques permettra d’assurer l’intégrité scientifique de revues comme Pharmactuel et de protéger ses auteurs.
À vos plumes….
Aucun financement en relation avec le présent article n’a été déclaré par l’auteur.
Tous les auteurs ont rempli et soumis le formulaire de l’ICMJE pour la divulgation de conflits d’intérêts potentiels. Tous les auteurs sont membres du comité de rédaction du Pharmactuel.
1. Gouvernement du Québec. Commission d’enquête sur l’octroi et la gestion des contrats publics dans l’industrie de la construction. Fin des travaux de la commission. [en ligne] https://www.ceic.gouv.qc.ca/ (site visité le 28 octobre 2018).
2. Le Devoir. Le président de la CAQ démissionne. [en ligne] https://www.ledevoir.com/politique/quebec/535507/elections-quebec-2018-demission-coalition-avenir-quebec (site visité le 9 octobre 2018).
3. Ordre des pharmaciens du Québec. L’interaction: relations éthiques et commerciales: les résultats de l’inspection. [en ligne] https://www.opq.org/doc/media/2198_38_fr-ca_0_interaction_vol4_no4_br_final.pdf (site visité le 9 octobre 2018).
4. Mallet L, Méthot J. Le parcours du Pharmactuel: un regard sur l’éthique de la publication. Pharmactuel 2011;44:17.
5. Pharmactuel. Politiques éditoriales. Éthique en matière de publication. [en ligne] http://www.pharmactuel.com/index.php/pharmactuel/pages/view/Politiques%C3%89ditoriales#Soumissionsetpublications (site visité le 28 octobre 2018).
6. International Committee of Medical Journal Editors (ICMJE). Recommandations pour la conduite, la présentation, la rédaction et la publication des travaux de recherche soumis à des revues médicales. [en ligne] http://www.h2mw.eu/redactionmedicale/2018/02/French%20Dec%202017.pdf (site visité le 9 octobre 2018).
7. Committee on Publication Ethics (COPE). Guidelines on good publication practice. [en ligne] https://publicationethics.org/files/u7141/1999pdf13.pdf (site visité le 9 octobre 2018).
8. Peternelj-Taylor C. Promoting ethical integrity in publishing. J Forensic Nurs 2013;9:65–7.
9. Council of Sciences Editors [en ligne] https://www.councilscienceeditors.org (site visité le 28 octobre 2018).
10. World Association of Medical Editors [en ligne] http://www.wame.org/ (site visité le 28 octobre 2018).
11. Rohwer A, Young T, Wager E, Garner P. Authorship, plagiarism and conflict of interest:views and practices from low/middle-income country health researchers. BMJ Open 2017;7:e018467.
12. Ligon BL, Turner TL, Thammasitboon S. Highlighting common pitfalls to avoid when writing the medical education manuscript. MedEdPublish 2017;6:1–4.
13. Rennie D, Flanagin A, Yank V. The contributions of authors. JAMA 2000;284:89–91.
14. Pharmactuel. Divulgation de conflits d’intérêts potentiels et licence de droit d’auteur pour publication d’un article dans Pharmactuel [en ligne] http://www.pharmactuel.com (site visité le 30 octobre 2018).
15. Kempers RD. Ethical issues in biomedical publications. Hum Fertil 2001;4:261–6.
16. International Committee of Medical Journal Editors. Uniform requirements for manuscripts submitted to biomedical journals: Writing and editing for biomedical publication. J Pharmacol Pharmacother 2010;1:42–58.
17. Presses de l’université du Québec. Mise en garde: VDM Verlag ou Éditions Universitaires Européennes. [en ligne] https://www.puq.ca/blogue/2011/05/mise-en-garde-vdm-verlag-ou-editions-universitaires-europeennes (site visité le 8 octobre 2018).
18. Memon AR. Predatory journals spamming of publications: what should researchers do? Sci Eng Ethics 2018;24: 1617–39.
19. La Presse. François Bugingo: des reportages inventés de toutes pièces. [en ligne] https://www.lapresse.ca/arts/medias/201505/22/01-4871868-francois-bugingo-des-reportages-inventes-de-toutes-pieces.php (site visité le 9 octobre 2018).
20. Dansinger M. Dear plagiarist: a letter to a peer reviewer who stole and published our manuscript as his own. Ann Intern Med 2017;166:143.
21. Morton NS. Publication ethics. Paediatr Anaesth 2009;19:1011–3.
22. Drazen JM. Retraction: Kajstura J et al. Evidence for Human Lung Stem Cells. N Engl J Med 2011;364:1795–806.
PHARMACTUEL, Vol. 51, No. 4, 2018