Programmes de résidences de pratique avancée en pharmacie au Québec

Nancy L. Sheehan1,2,3, PharmD, M.Sc., David Williamson4,5,6, B.Pharm., M.Sc., Ph.D., Nathalie Letarte2,7,8, Pharm.D., M.Sc., BCOP, Marc M. Perreault1,3,4, B.Pharm., M.Sc., Pharm.D., BCPS

1Pharmacien, Centre universitaire de santé McGill, Montréal (Québec), Canada;
2Professeure agrégée de clinique, Faculté de Pharmacie, Université de Montréal, Montréal (Québec), Canada;
3Chercheur, Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill, Montréal (Québec), Canada;
4Professeur titulaire de clinique, Faculté de Pharmacie, Université de Montréal, Montréal (Québec), Canada;
5Pharmacien, Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux du Nord-de-l’Île-de-Montréal, Hôpital du Sacré-Coeur de Montréal, Montréal (Québec), Canada;
6Chercheur régulier, Centre de recherche de l’Hôpital du Sacré-Coeur de Montréal, Montréal (Québec), Canada;
7Pharmacienne, Centre hospitalier de l’Université de Montréal, Montréal (Québec), Canada;
8Chercheur, professionnel de la santé, Centre de recherche du CHUM, Montréal (Québec), Canada

Reçu le 5 février 2019: Accepté après révision le 6 février 2019

Introduction

La spécialisation en pharmacie au Québec est un enjeu professionnel depuis plusieurs années. Il existe différentes définitions de la spécialisation et de la pratique avancée en pharmacie ainsi que différents processus de reconnaissance à travers le monde, tel que Marceau et coll. le mentionnent dans leur article1. Dans cet éditorial, nous présentons notre propre expérience des résidences de pratique avancée en pharmacie (2e année) en débutant par une présentation des changements récents ayant eu lieu au Canada.

En mai 2016, le Conseil canadien de la résidence en pharmacie (CCRP) a publié le premier recueil de normes d’agrément des programmes de résidence de pratique avancée en pharmacie (2e année)2. Ces normes arrivent au Canada à un moment charnière, car les programmes de doctorat en pharmacie clinique de 2e cycle (Pharm.D. de 2e cycle) des universités de Toronto et de Colombie Brittanique ont été abolis après l’arrivée des programmes de doctorat professionnel en pharmacie d’entrée en pratique (Pharm.D. de 1er cycle). La reconnaissance par le CCRP de ces programmes de résidence de 2e année a relancé le débat sur d’une part la spécialisation et d’autre part la pratique avancée de la pharmacie. Après réflexion et consultation auprès de diverses instances canadiennes et internationales, le CCRP a fait le choix de suivre le modèle australien et britannique et d’opter pour l’appellation de pratique avancée en pharmacie. Le simple fait de pratiquer au sein d’une population spécialisée ne fait pas du pharmacien un spécialiste ni un pharmacien avec une pratique avancée. Pour être qualifié pharmacien avec une telle pratique, celui-ci doit démontrer des compétences cliniques de haut niveau (au-delà de celles d’un résident détenteur d’une maîtrise en pharmacothérapie avancée) pour la prise en charge de la pharmacothérapie de patients ayant des problèmes de santé complexes. Les programmes de résidence de 2e année mettent également l’accent sur l’enseignement et la recherche. Le but de ces programmes ne vise pas uniquement l’élargissement des actes pharmaceutiques (tel que le droit de prescrire) mais la formation de pharmaciens qui deviendront des leaders cliniques au niveau local, provincial et national, des futurs enseignants et des chercheurs en pharmacie clinique. Selon nous, une seule personne ne peut pas atteindre ce haut degré de performance clinique, d’enseignement et de recherche dans toutes les disciplines touchant la pharmacie. Il est important de préciser que les notions de spécialisation et de pratique avancée ne s’excluent pas mutuellement, mais qu’elles sont plutôt complémentaires et il serait donc important de cesser ce faux débat. D’ailleurs, lorsqu’on étudie de plus près les normes d’agrément du CCRP régissant les programmes de résidence de pratique avancée en pharmacie de 2e année, ainsi que les stades 2 et 3 de pratique avancée du modèle australien et britannique, on se rend compte que la notion de spécialisation (pratique dans un domaine précis) est toujours présente dans la pratique avancée1. Les normes d’agrément du CCRP mentionnent ceci: « La résidence de pratique avancée en pharmacie (2e année) peut être axée sur un domaine thérapeutique précis (par exemple, la cardiologie, l’oncologie, les maladies infectieuses), sur une population spécifique de patients (par exemple, la pédiatrie, la gériatrie) ou sur un type de pratique précis (par exemple, les soins primaires/ambulatoires, les soins intensifs)2. » Précisons également que, contrairement aux certifications américaines du Board of Pharmacy Specialties, les programmes de résidence de pratique avancée en pharmacie (2e année) exigent non seulement la démonstration de connaissances, mais surtout l’atteinte de compétences de haut niveau.

Selon les normes d’agrément du CCRP, le pharmacien qui veut se qualifier de pratique avancée doit en premier lieu satisfaire aux sept compétences de l’Association des facultés de pharmacie du Canada pour les programmes de premier cycle (Pharm.D.) nouvellement mises à jour en 2017, aux six compétences des programmes de résidence générale (année 1), comme la maîtrise en pharmacothérapie avancée offerte au Québec, mais également acquérir les cinq compétences spécifiques aux programmes de résidence de pratique avancée en pharmacie (2e année) suivantes3,4:

  1. Prestation de soins directs aux patients fondés sur les données probantes à titre de membre d’équipes interdisciplinaires;

  2. Gestion/amélioration des systèmes d’utilisation des médicaments;

  3. Leadership;

  4. Enseignement portant sur les médicaments et les autres aspects liés à la pratique;

  5. Démonstration de compétences en recherche.

Ce sont essentiellement les mêmes compétences que celles mentionnées dans les programmes de résidence de première année, mais le niveau de compétences à atteindre, le degré d’autonomie à développer et la complexité des conditions médicales des patients diffèrent grandement entre ces deux programmes.

Tableau I Programme de résidence de pratique avancée en pharmacie au Québeca

 

Programme de résidence de pratique avancée en pharmacie au Québec

Avant même la publication des normes d’agrément du CCRP, plusieurs pharmaciens québécois ont développé et offert au fil des ans des programmes de résidence de pratique avancée en pharmacie (tableau I). Ils ont formé des candidats qui se démarquent par leur leadership clinique, en gestion, en enseignement et en recherche, tant sur le plan hospitalier qu’universitaire. Certains de ces programmes ne recrutent plus activement de résidents, non pas en raison d’un manque d’intérêt de la part des candidats, mais plutôt à cause de la précarité du financement de ces programmes.

Au Québec, nous croyons que les facultés de pharmacie devraient prendre en main le développement de ces résidences de pratique avancée en pharmacie en partenariat avec les centres hospitaliers universitaires ou d’autres milieux de formation dans des programmes de troisième cycle. Ces programmes universitaires devraient être accrédités par le CCRP afin que soient reconnues à la fois la qualité du programme de formation et celle des candidats ainsi formés. Un tel programme doté d’un tronc commun avec des options pour des domaines thérapeutiques précis (p. ex. cardiologie, oncologie, maladies infectieuses, pédiatrie, gériatrie, soins ambulatoires/primaires, soins intensifs) serait envisageable et plus simple à développer que des programmes distincts pour chaque champ de pratique. Le nombre de candidats serait limité à quelques-uns par année.

La reconnaissance de la pratique avancée en pharmacie par les patients, les membres des équipes interdisciplinaires, par notre propre profession et ultimement par le gouvernement nous apparaît essentielle à ce stade d’évolution de la pratique clinique de la pharmacie.

Financement

Aucun financement en relation avec le présent article n’a été déclaré par les auteurs.

Conflits d’intérêts

Les auteurs ont rempli et soumis le formulaire de l’ICMJE pour la divulgation de conflits d’intérêts potentiels. MP et NLS sont membres du CCRP; MP, NLS, NL et DW sont directeurs de programmes de résidence de pratique avancée en pharmacie et professeurs de clinique à la Faculté de pharmacie de l’Université de Montréal.

Références

1. Marceau N, Floricel M. Spécialisation et pratique avancée de la pharmacie dans le monde. Pharmactuel 2019:52:41–49.

2. Conseil canadien de la résidence en pharmacie (CCRP). Normes d’agrément pour les résidences de pratique avancée en pharmacie (2e année). Mai 2016. [en ligne] https://www.cshp.ca/sites/default/files/residency/CPRB-Accreditation-Standards-for-Advanced-Pharmacy-Residencies(F).pdf (site visité le 3 février 2019).

3. Association of Faculties of Pharmacy in Canada (AFPC). [en ligne] http://www.afpc.info/system/files/public/AFPC-Educational%20Outcomes%202017_final%20Jun2017.pdf (Site visité le 3 février 2019).

4. Conseil canadien de la résidence en pharmacie (CCRP). Accreditation Standards for Pharmacy (Year 1) Residencies. Mai 2018. [en ligne] https://www.cshp.ca/sites/default/files/residency/CPRB%20Pharmacy%20(Year%201)%20Residency%20Standards%20-%20FINAL%20(06May2018).pdf (Site visité le 3 février 2019).



Pour toute correspondance: Marc M. Perreault, Centre universitaire de santé McGill – Hôpital général de Montréal, 1650, avenue Cedar, Montréal (Québec), H3G 1A4, CANADA; Téléphone 514 934-1934, p. 43325; Courriel: marc.perreault@umontreal.ca

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PHARMACTUEL, Vol. 52, No. 1, 2019