Portrait de l’exercice de la Loi 41 à l’Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec – Université Laval

Alexandre Sanctuaire1, B.Sc. (Kin.), Pharm.D., DESS, Rosalie Darveau1, Pharm.D., Catherine Ouellette1, B.Sc. (Nut.), Pharm.D., M.Sc., Anne Pandev-Girard1, Pharm.D., Julie Racicot2,3, B.Pharm., M.Sc., Julie Méthot4,5, B.Pharm., M.Sc., Ph.D.

1Candidat au Pharm.D. au moment de la rédaction, Faculté de pharmacie, Université Laval, Québec (Québec) Canada;
2Pharmacienne, Chef du département de pharmacie, Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec – Université Laval, Québec (Québec) Canada;
3Professeure de clinique, Faculté de pharmacie, Université Laval, Québec (Québec) Canada;
4Pharmacienne et chercheure associée, Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec – Université Laval, Québec (Québec) Canada;
5Professeure agrégée et directrice du programme de maîtrise en pharmacothérapie avancée, Faculté de pharmacie, Université Laval, Québec (Québec) Canada

Reçu le 13 juin 2019: Accepté après révision par les pairs le 11 décembre 2019

Résumé

Objectif : Décrire les activités réservées de la Loi 41 réalisées par les pharmaciens de l’Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec – Université Laval (IUCPQ-UL).

Méthode : Il s’agit d’une étude rétrospective recensant les neuf activités réservées de la Loi 41 sur une période de 13 jours. Les rapports quotidiens des pharmaciens oeuvrant à l’urgence ou aux unités de soins ont permis d’établir les actes réalisés. Le dossier patient électronique et le dossier pharmacologique informatisé ont servi à la collecte des données. Le suivi de l’acte consistant à prescrire une analyse de laboratoire ainsi que l’impact clinique des activités utilisant une échelle adaptée ont été déterminés.

Résultats : Les pharmaciens ont effectué 287 activités réservées découlant de la Loi 41, et 72,1 % d’entre elles sont considérées comme cliniquement significatives. Les activités les plus fréquentes sont: la prescription d’une analyse de laboratoire (27,9 %), la prolongation d’une ordonnance (26,5 %) et la modification de la dose afin d’assurer la sécurité du patient (19,2 %). Parmi les 80 actes consistant à prescrire une analyse de laboratoire, 52,5 % ont bénéficié d’un suivi documenté par le pharmacien au dossier médical ou au dossier pharmacologique de l’usager.

Conclusion : Les pharmaciens à l’IUCPQ-UL effectuent plusieurs activités de la Loi 41. Malgré l’élaboration d’un agenda électronique pour assurer un suivi des interventions, il est nécessaire d’améliorer la documentation du suivi de l’acte de prescrire une analyse de laboratoire.

Mots clés : Activités réservées, documentation, interventions, Loi 41, suivi

Summary

Objective : To describe the reserved activities specified in Bill 41 that are performed by the University Institute of Cardiology and Respirology of Quebec – Université Laval (IUCPQ-UL)’s pharmacists.

Method : This is a retrospective study in which an inventory was taken of the nine reserved activities specified in Bill 41 over a 13-day period. The daily reports by the pharmacists working in the emergency department or wards were used to determine the activities performed. Electronic health records and computerized medication profiles were used to gather data. The follow-up on the activity consisting of prescribing a laboratory test and the clinical impact of the activities, as assessed using a customized scale, were determined.

Results : There were 287 reserved activities specified in Bill 41 performed by the pharmacists, 72.1 % of which are considered clinically signif icant. The most frequent ones were ordering a laboratory test (27.9 %), renewing a prescription (26.5 %) and modifying the dosage to ensure the patient’s safety (19.2 %). Among the 80 acts whereby the pharmacist prescribed a laboratory test, 52.5 % of these had a documented follow-up in the patient’s health record or medication profile.

Conclusion : The IUCPQ-UL’s pharmacists perform several of the reserved activities specified in Bill 41. Despite the fact that an electronic agenda has been created to ensure procedure follow-up, the activity consisting of prescribing a laboratory test needs to be documented better.

Keywords : Bill 41, documentation, follow-up, procedures, reserved activities

Introduction

Depuis 2015, la Loi modifiant la Loi sur la pharmacie (Loi 41) permet aux pharmaciens d’effectuer de nouvelles activités, dont la prolongation et l’ajustement de l’ordonnance d’un médecin ainsi que la prescription d’analyses de laboratoire aux fins de suivi de la thérapie médicamenteuse13. Différents guides de pratiques regroupent les informations requises pour faciliter l’application de la Loi 41 en établissement de santé2,4. Il s’agit du Guide d’exercice pour les pharmaciens en établissement de santé du Québec, réalisé conjointement par l’Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec (A.P.E.S.) et l’Association des conseils des médecins, dentistes et pharmaciens (ACMDP) du Québec, et de Loi 41: Guide d’exercice: Les activités réservées aux pharmaciens de l’Ordre des pharmaciens du Québec et du Collège des médecins du Québec2,4. Malgré ces guides, l’implantation de ces activités au sein des divers établissements de santé au Québec se fait plus ou moins rapidement47. À l’IUCPQ-UL, plusieurs interventions étaient réalisées à l’aide d’ordonnances collectives permettant aux pharmaciens la prescription de certains médicaments et de certaines analyses de laboratoire ainsi que l’ajustement de la médication dans des populations spécifiques. De plus, la présence quotidienne de nombreux prescripteurs auprès des patients hospitalisés peut complexifier l’application des activités de la Loi 41 en établ issement de santé comparativement à la pharmacie communautaire5.

L’application des actes de la Loi 41 en milieu hospitalier a fait l’objet de peu de publications au Québec. Audet et collaborateurs ont réalisé un recensement volontaire des activités autorisées par la Loi 41 sur une période de trois semaines auprès des pharmaciens de l’Hôpital Saint-François d’Assise du Centre hospitalier universitaire (CHU) de Québec – Université Laval ainsi qu’un audit de 50 formulaires de consultation pharmaceutique6. L’audit a révélé que 40 % des interventions réalisées découlaient de l’application de la Loi 41. Le recensement volontaire a permis de colliger 453 interventions pharmaceutiques destinées à 648 patients, et 48 % des interventions découlaient des actes de la Loi 41. La nature et la quantité des interventions réalisées variaient grandement selon les groupes de patients. Par exemple, une prescription de laboratoire a été rédigée pour 78 % des patients de la clinique d’anticoagulothérapie alors que 38 % des patients de l’urgence ont bénéficié d’un acte de la Loi 41. Audet et collaborateurs présentent également les résultats d’un sondage réalisé auprès de 67 pharmaciens du CHU de Québec. Une majorité de pharmaciens indique que la Loi 41 n’a pas modifié leur pratique et 57,4 % préfèrent encore discuter avec le médecin traitant pour ensuite rédiger une ordonnance verbale. Une proportion importante (41 %) de pharmaciens rapporte qu’il est difficile d’appliquer concrètement la Loi 41. Une description de l’implantation des activités de la Loi 41 et un recensement des activités ont également été réalisés au Département d’obstétrique-gynécologie du CHU Sainte-Justine5. Ils rapportent les données relatives à 200 actes de la Loi 41 effectués par les pharmaciens sur une période de cinq mois. Les trois actes les plus fréquents étaient l’ajustement de l’ordonnance d’un médecin (45 %), la prolongation de l’ordonnance d’un médecin (24 %) et la prescription d’un médicament sans diagnostic (25 %). Seules neuf prescriptions d’analyse de laboratoire ont été recensées. Les auteurs mentionnent que les suivis requis pour cet acte n’avaient pas été notés au dossier, puisqu’ils étaient effectués de façon verbale, ce qui constituait un point à améliorer. Desparois et Dumoulin ont présenté l’implantation des activités de la Loi 41 en milieu hospitalier dans les Centres intégrés de santé et de services sociaux (CISSS) de la Montérégie et de l’Outaouais7. Lors de l’implantation des activités de la Loi 41 dans leurs établissements, la mise en place du suivi figurait parmi les principaux obstacles. Les auteurs ont proposé d’améliorer la traçabilité des prescripteurs dans les logiciels informatiques afin d’améliorer le suivi de l’acte de prescrire une analyse de laboratoire.

Comme le mentionnent Brochet et collaborateurs ainsi que Desparois et Dumoulin, le suivi de l’acte de prescrire une analyse de laboratoire est difficile pour le pharmacien en établissement de santé5,7. Selon la Loi 41, le pharmacien qui prescrit une analyse de laboratoire doit transmettre ce suivi à un collègue1,2,4. Pour Adam et collaborateurs, la documentation au dossier médical des activités du pharmacien d’un centre hospitalier universitaire doit faire l’objet d’améliorations, de sorte que toute intervention cliniquement significative soit consignée8. Dans leur étude, 72,3 % des inscriptions étaient qualifiées de minimales, 55,5 % de suffisantes et 10,4 % d’exhaustives. À l’IUCPQ-UL, après l’implantation du nouveau modèle d’offre de soins pharmaceutiques basé sur la priorité accordée aux patients, les interventions nécessitant un suivi doivent être inscrites à l’agenda électronique9,10. Un pharmacien extrait chaque jour les données de l’agenda, même en l’absence ponctuelle d’un pharmacien à l’unité de soins et durant les fins de semaine. Ce processus vise à l’optimisation des suivis. À la suite de la mise en place de cet outil de suivi, il est intéressant d’évaluer la documentation des suivis associés à l’acte de prescrire une analyse de laboratoire au sein de notre établissement.

L’objectif principal de la présente étude consistait à décrire les activités réservées de la Loi 41 réalisées par les pharmaciens de l’IUCPQ-UL.

Les objectifs secondaires de l’étude visaient à:

Méthodologie

Devis

Cette étude comportait un devis descriptif de population longitudinale. La collecte de données a été réalisée de façon rétrospective. Les données portant sur les actes correspondent à un moment précis, toutefois l’évaluation de la documentation du suivi de l’acte de prescrire une analyse de laboratoire portait sur la durée du séjour de soins. Le Comité d’éthique de la recherche de l’IUCPQ-UL a approuvé la réalisation de ce projet.

Population et échantillon

La population cible de cette étude correspondait aux activités réservées découlant de la Loi 41, réalisées par les pharmaciens de l’IUCPQ-UL pour l’ensemble des usagers inscrits à l’urgence ou admis à une unité de soins. Un pharmacien offre des soins pharmaceutiques dans tous les secteurs cliniques de l’établissement pour les usagers admis, à savoir: la cardiologie (y compris l’unité coronarienne), la chirurgie cardiaque (y compris les soins intensifs de chirurgie cardiaque), la pneumologie (y compris les soins intensifs respiratoires), la gériatrie, la greffe cardiaque, la chirurgie bariatrique, la chirurgie thoracique, de même que la médecine interne9. L’échantillon étudié comprenait l’ensemble des activités mentionnées dans la Loi 41 qu’ont réalisées les pharmaciens pendant les 13 jours ouvrables compris entre le 5 et le 21 décembre 2018. Les activités réalisées par les pharmaciens affectés aux cliniques ambulatoires et à la validation des ordonnances ont été exclues. Les pharmaciens des divers secteurs devaient repérer les numéros de dossiers révisés en indiquant sur la liste quotidienne «Loi 41» lorsqu’un acte de la Loi 41 avait été réalisé durant la période visée. Ils étaient informés des objectifs du présent projet. Les activités réservées de la Loi 41 pouvaient avoir été réalisées par un pharmacien, un pharmacien résident ou un étudiant en pharmacie, mais sans signature d’un autre prescripteur autorisé, comme un médecin.

Pendant la période de l’étude, les neuf activités de la Loi 41 rapportées par les pharmaciens ont été prises en compte dans la collecte de données1,2:

  1. Ajuster – Modifier la forme, la posologie ou la quantité d’un médicament prescrit;

  2. Ajuster – Modifier la dose d’un médicament afin d’atteindre les cibles thérapeutiques;

  3. Ajuster – Modifier la dose d’un médicament prescrit afin d’assurer la sécurité du patient;

  4. Prescrire et interpréter des analyses de laboratoire en établissement de santé;

  5. Prolonger l’ordonnance d’un médecin pour empêcher l’interruption d’un traitement;

  6. Substituer un médicament prescrit, en cas de rupture d’approvisionnement complète au Québec;

  7. Prescrire un médicament lorsqu’aucun diagnostic n’est requis;

  8. Prescrire un médicament pour une condition mineure;

  9. Administrer un médicament afin d’en démontrer l’usage approprié.

Collecte de données

La collecte de données a été réalisée de façon rétrospective à partir des dossiers patients électroniques (Cristal-NetMD, CDOCristal Net, Québec, Canada) et du dossier pharmacologique informatisé de la pharmacie (GesphaRxMD, CGSI@SOLUTIONS-TI inc., Québec, Canada). Lors de la collecte des données dans les dossiers ciblés par les pharmaciens, les actes de la Loi 41 ont été repérés à partir des notes évolutives, du formulaire «Ordonnances médicaments», du formulaire «Ordonnances médicales» et de celui intitulé «Consultation pharmaceutique» versés au dossier médical de l’usager. Le repérage des actes était facilité par la mention «Pharmacie» au début des notes d’évolution ou des ordonnances rédigées par les pharmaciens. Les actes documentés dans l’agenda électronique sous l’onglet «Dossier clinique» de GesphaRxMD ont aussi été considérés comme faisant partie du dossier pharmacologique. À l’IUCPQ-UL, l’agenda électronique GesphaRxMD a été mis en place entre autres pour qu’on puisse y décrire les suivis relatifs à la Loi 41. L’agenda électronique permet de prévoir le suivi d’un dossier pharmacologique donné à une date précise. L’agenda électronique comporte habituellement l’élément clinique nécessitant un suivi (p. ex.: analyse de laboratoire), l’interprétation du pharmacien et son plan pharmacologique. Ce processus fait en sorte que tous les suivis inscrits soient réalisés, et l’accessibilité de la note clinique favorise le transfert d’information entre les pharmaciens. La note de l’agenda peut également être imprimée sur le formulaire «Ordonnances médicaments» ou «Notes évolutives» et déposée au dossier médical. L’outil de collecte de données était un fichier ExcelMD qui comprenait l’ensemble des variables à l’étude.

Évaluation de la documentation

Le lieu de consignation au dossier médical ou au dossier pharmacologique des actes et des suivis des analyses de laboratoire prescrits a été collecté. Par conséquent, un même acte pouvait se retrouver dans plusieurs lieux de consignation.

Comme le demande le Règlement sur la tenue des dossiers, livres et registres par un pharmacien dans l’exercice de sa profession, dans le cas du pharmacien oeuvrant dans un établissement, le dossier de l’établissement est considéré comme le dossier-patient afin d’y inscrire, s’il y a lieu, les renseignements mentionnés à l’article 2.02, entre autres le nom du médicament et la posologie11. Ainsi, les actes réalisés dans le cadre de la Loi 41 de même que les suivis de l’acte de prescrire une analyse de laboratoire ont été qualifiés de conformes au cadre légal lorsqu’ils étaient documentés à au moins un endroit du dossier médical. Par ailleurs, pour considérer que l’acte de prescrire une analyse de laboratoire avait fait l’objet d’un suivi, la documentation du pharmacien devait se retrouver au dossier médical ou pharmacologique et inclure au moins la valeur de laboratoire et l’analyse du pharmacien.

Évaluation de l’impact clinique

Les impacts cliniques des interventions réalisées par les pharmaciens ont été classés en trois catégories: mineurs, significatifs et majeurs à partir d’une grille adaptée utilisée dans une étude précédente sur l’impact des activités réalisées par les pharmaciens9. En effet, l’échelle de Lukes et Overhage sur la gravité des erreurs médicamenteuses et celle sur la gravité des divergences lors de la réalisation d’un bilan comparatif des médicaments ont été adaptées afin qu’elles prennent plus largement en compte tous les types d’activités réalisées par les pharmaciens en établissement de santé1214. L’annexe de la référence de Racicot et collaborateurs présente l’échelle catégorisant l’impact clinique de 15 catégories de problèmes cliniques9. À titre d’exemple, l’impact des ajustements associés à une interaction médicamenteuse est qualifié de «mineur» dans le cas où l’interaction potentielle a une signification clinique peu décrite. L’impact est qualifié de «significatif» lorsque l’interaction est cliniquement significat ive et nécessite un suivi (par exemple: emploi concomitant d’un antiplaquettaire et d’un anticoagulant). Une duplication thérapeutique non optimale, mais qui ne devrait pas engendrer de conséquences majeures sur les activités journalières (par exemple: ranitidine et pantoprazole) était également qualifiée d’impact «significatif». Une interaction suffisamment grave pour que l’emploi concomitant des deux médicaments soit contre-indiqué ou qu’elle puisse entraîner des conséquences majeures sur les activités journalières (par exemple: duplication d’anti-inflammatoires non stéroïdiens ou emploi concomitant de nitrates et d’un inhibiteur de la phosphodiestérase 5, etc.) avait un impact clinique qualifié de «majeur»9. Deux pharmaciennes ont révisé séparément l'impact clinique de chaque activité selon l’échelle adaptée. Le degré d’impact clinique final de chaque acte de la Loi 41 découle de la mise en commun des évaluations de chacune d’elles.

Analyse statistique

Les analyses statistiques ont été réalisées à l’aide du logiciel SPSSMD v.24 (IBM, Markham, Ontario, Canada). Avant de procéder à l’analyse de la base de données, les pharmaciennes supervisant le projet ont procédé à la révision de celle-ci afin de valider les activités colligées de manière indépendante.

Des statistiques descriptives ont été utilisées pour la présentation des résultats. Les données qualitatives sont présentées à l’aide de proportions et les données quantitatives, à l’aide de mesures de tendance centrale (moyenne et médiane), de dispersion (écart-type) et de proportions (pourcentages).

Résultats

Au terme de la collecte, 65 activités initialement définies comme étant des actes de la Loi 41 par les pharmaciens ont été exclues, car elles ne correspondaient pas réellement à des actes de la Loi 41. 40 de ces actes (61,5 %) ont été réalisés par un ordre verbal d’un commun accord avec le médecin. Les autres actes (n = 15) n’étaient pas des actes de la Loi 41. Ils consistaient par exemple au passage de l’administration d’un médicament de la voie orale à la voie intraveineuse, en l’arrêt définitif d’un traitement pour intolérance, en des modifications apportées à des ordonnances de substances ciblées ou contrôlées (selon la politique en vigueur à l’IUCPQ-UL) ainsi qu’en l’introduction, l’optimisation ou la substitution de statines selon une ordonnance collective en vigueur.

Au cours des 13 jours de collecte, les pharmaciens (environ sept équivalent temps complet [ETC]) ont analysé les dossiers de 1291 patients. Parmi ceux-ci, 161 ont pu bénéficier d’au moins une activité réservée prévue à la Loi 41. Les pharmaciens, les pharmaciens résidents ou les étudiants en pharmacie ont effectué 287 activités réservées découlant de la Loi 41 pendant la période de l’étude, ce qui correspond en moyenne à 22 activités par jour. La durée moyenne et médiane des séjours des patients qui ont bénéf icié d’un acte pharmaceutique de la Loi 41 étaient respectivement de 14,2 ± 13,3 jours et de 10 jours. Les séjours de moins de 24 heures à l’urgence étaient considérés comme un séjour d’une journée. L’âge moyen était de 70 ans et la créatinine sérique moyenne était de 147 μmol/L ± 191 μmol/L pour un débit de filtration glomérulaire moyen de 66 ± 35 mL/min/1,73m2 (tableau I).

Tableau I Données descriptives des activités réservées par secteur clinique pendant les 13 jours de la période à l’étude

 

La période de collecte a duré 13 jours dans la majorité des secteurs, mais elle a été écourtée dans certains secteurs. Contrairement aux autres secteurs cliniques, la collecte de données s’est déroulée sur 12 jours pour le secteur de la pneumologie (y compris les soins intensifs respiratoires) et 11 jours pour la gériatrie. Le pharmacien en greffe cardiaque oeuvre à l’unité de soins de même qu’en clinique ambulatoire, donc pendant la période de l’étude, il a consacré huit jours aux usagers admis. Seuls trois jours ont été compilés en médecine interne, car le pharmacien avait pris en charge ce secteur trois jours avant la fin de l’étude. De plus, le pharmacien était présent à temps complet dans la majorité des secteurs et à temps partiel, soit 0,5 ETC en chirurgie bariatrique et en chirurgie thoracique et 0,2 ETC en médecine interne.

Le tableau I présente les données descriptives des activités réservées par secteur clinique pendant la période à l’étude. La majorité des actes ont été effectués dans les secteurs de la chirurgie cardiaque (y compris les soins intensifs de chirurgie cardiaque), de l’urgence, de la cardiologie (y compris l’unité coronarienne) et de la chirurgie thoracique.

Le tableau II présente la documentation des activités de la Loi 41 qui ont été effectuées. L’activité la plus fréquente était la prescription d’une analyse de laboratoire dans 27,9 % (n = 80) des cas. De ce nombre, le tiers était réalisé dans un contexte de surveillance et d’ajustement des aminosides, de la vancomycine, de l’anticoagulation pour des raisons d’obésité ou d’insuffisance rénale. Les autres activités les plus fréquentes incluaient la prolongation d’ordonnances, la modification de la dose afin d’assurer la sécurité du patient et l’ajustement ou la modification de la posologie d’un médicament.

Tableau II Description des activités réservées effectuées

 

Concernant la prolongation des ordonnances, celles-ci étaient notamment effectuées après la réalisation du bilan comparatif des médicaments à l’admission ou lors de la reprise de la médication en période postopératoire. La modification de la forme pharmaceutique était majoritairement liée à la nécessité d’écraser les médicaments à administrer ou de trouver une alternative sous une autre formulation pour des raisons de dysphagie. Les neuf prescriptions réalisées (3,1 %) par les pharmaciens lorsqu’aucun diagnostic n’est requis étaient toutes liées à une prophylaxie cytoprotectrice pour des patients à risque élevé. Les auteurs n’ont répertorié aucune activité portant sur la prescription d’un médicament pour une condition mineure ou l’administration d’un médicament pour en démontrer l’usage.

Parmi les activités réservées les plus fréquentes selon les secteurs cliniques, on remarque que les ajustements, les modifications de posologies et la prolongation d’ordonnance d’un médecin prédominent au secteur de l’urgence. La prescription d’analyse de laboratoire prédomine en cardiologie (unité coronarienne comprise), en chirurgie cardiaque (soins intensifs de chirurgie cardiaque compris), en gériatrie et en chirurgie bariatrique. En greffe cardiaque et en chirurgie thoracique, la prolongation d’ordonnances du médecin est l’activité la plus fréquente. Neuf prescriptions de médicaments, lorsqu’aucun diagnostic n’est requis, dont six en cardiologie (unité coronarienne comprise) ont été réalisées.

Le tableau III rapporte le lieu de consignation au dossier médical des actes de la Loi 41 pendant la période à l’étude. Tous les actes réservés de la Loi 41 ont été documentés à au moins un endroit du dossier médical. La moitié des actes était consignée à un seul endroit du dossier médical alors que l’autre moitié était consignée à deux ou trois endroits. La section des ordonnances médicaments est l’endroit où les actes de la Loi 41 étaient le plus souvent décrits. Lorsque l’acte était décrit à deux endroits du dossier médical, il se trouvait principalement dans les sections «Notes évolutives» et «Ordonnances médicaments». Comme il s’agit de la première mention de l’activité réservée, le lieu de consignation tend à être différent. Par exemple, les interventions portant sur la prescription d’une analyse de laboratoire se trouvaient exclusivement dans le secteur des ordonnances médicales tandis que toutes les modifications relatives à un médicament se trouvaient dans les «Ordonnances médicaments». Concernant l’ordonnance, une documentation plus détaillée se trouvait dans les notes d’évolution pour justif ier davantage l’intervention. Le recours au formulaire «Consultation pharmaceutique» était peu fréquent, ce qui laisse supposer que ce formulaire est moins propice à la rédaction d’activités pharmaceutiques visées par la Loi 41. 27 (9,4 %) actes de la Loi 41 mentionnés dans le dossier médical se trouvaient également dans le dossier pharmacologique GespharRxMD.

Tableau III Documentation au dossier médical des actes de la Loi 41 (n = 287) pendant 13 jours

 

Quant aux 80 prescriptions d’analyse de laboratoire, 42 (52,5 %) ont bénéficié d’un suivi noté par le pharmacien dans le dossier médical ou dans le dossier pharmacologique informatisé de l’usager. Le tableau IV rapporte le lieu de consignation des 42 suivis de l’acte de prescrire une analyse de laboratoire. Dix suivis étaient présents à la fois au dossier médical et au dossier pharmacologique. Les pharmaciens consignent le plus souvent leurs actes dans le dossier pharmacologique, y compris dans l’agenda électronique. Finalement, 42,9 % des suivis étaient qualifiés de conformes au cadre légal, puisqu’ils étaient mentionnés à au moins un endroit du dossier médical.

Tableau IV Lieu de documentation des 42 suivis de l’acte de prescrire une analyse de laboratoire

 

Le tableau V présente l’impact clinique des interventions pharmaceutiques réalisées dans chaque secteur clinique. Parmi les 287 activités recensées de la Loi 41, 72,1 % ont été considérées comme cliniquement significatives. Les activités évaluées comme ayant un impact majeur représentaient 13,9 % des interventions effectuées par les pharmaciens et 13,9 % ont été définies comme ayant un impact mineur. Parmi les 40 actes ayant un impact majeur, les investigateurs ont recensé la prescription d’analyses de laboratoire (30 %), la modification de la dose afin d’assurer la sécurité du patient (30 %), la prolongation d’ordonnances du médecin (20 %), l’ajustement ou la modification de la posologie d’un médicament (17,5 %) ainsi que la modification de la dose pour atteindre les cibles thérapeutiques (5 %). Quant à l’acte de prescrire une analyse de laboratoire ayant un impact majeur, il a bénéficié à 67 % d’un suivi consigné.

Tableau V Impact clinique des interventions pharmaceutiques réalisées par secteur clinique lors des activités réservées (n = 287)

 

Discussion

Cette étude dresse le portrait de l’application de la Loi 41 à l’IUCPQ-UL selon l’offre de soins pharmaceutique préétablie à l’exception des cliniques ambulatoires et du service pharmaceutique de validation des ordonnances1,9. L’entrée en vigueur de la Loi 41 augmente les responsabilités et l’autonomie des pharmaciens46. Toutefois, ceux-ci doivent respecter certaines obligations déontologiques, comme le suivi des interventions1,4,15.

Durant la période à l’étude, 287 actes pharmaceutiques découlant de la Loi 41 posés pour 161 patients ont été décrits. La proportion de patients présentant une altération de la fonction rénale ainsi que la durée d’hospitalisation moyenne de 14,2 jours, comparativement à la durée moyenne habituelle de 6,3 jours à l’IUCPQ-UL, laissent supposer que les interventions ont été réalisées dans les dossiers des usagers les plus vulnérables16. Ce résultat n’a rien de surprenant, puisque le nouveau modèle d’offre de soins pharmaceutiques basé sur la priorisation des patients cible les plus vulnérables9. Brochet et collaborateurs rapportent aussi une longue durée d’hospitalisation. Ils la corrèlent avec des patientes dont la grossesse présentait des risques, ce qui permet aux pharmaciens d’effectuer davantage d’activités5.

Dans notre étude, un plus grand nombre d’activités pharmaceutiques découlant de la Loi 41 concernaient la chirurgie cardiaque (y compris les soins intensifs de chirurgie cardiaque), la cardiologie (y compris l’unité coronarienne), la chirurgie thoracique, l’urgence et la pneumologie (y compris les soins intensifs respiratoires). Le plus faible nombre d’activités réservées concernait les secteurs cliniques de la greffe cardiaque, de la gériatrie, de la chirurgie bariatrique et de la médecine interne. En gériatrie et en chirurgie bariatrique, le pharmacien effectue régulièrement la tournée conjointement avec l’équipe médicale. Ainsi, les interventions liées à la médication sont prescrites par le médecin dans le dossier de l’usager à la suite de discussions avec le pharmacien et ne constituent pas des actes découlant de la Loi 41. De plus, dans ces secteurs, l’ETC du pharmacien est moindre que dans les autres secteurs étudiés, ce qui peut influencer le nombre d’actes réalisés dans chacun d’eux. Quant à la médecine interne, le pharmacien était présent uniquement entre deux à trois heures par jour à l’unité de soins au moment de la collecte de données et il venait de commencer à travailler dans ce secteur, ce qui explique probablement les résultats. Audet et collaborateurs rapportent une grande différence du nombre d’interventions en fonction des groupes de patients6. Dans leur étude, outre la clinique d’anticoagulothérapie, les patients des soins intensifs et ceux de la chirurgie étaient ceux qui avaient bénéficié du plus grand nombre d’actes autorisés par la Loi 41, ce qui concorde avec nos résultats. Les résultats du sondage réalisé au CHU de Québec vont aussi dans le même sens, puisqu’ils rapportent que 65,7 % des pharmaciens considèrent que certains secteurs se prêtent davantage à la pratique des actes autorisés, dont les unités de chirurgie ou les soins de longue durée et les cliniques externes. À l’IUCPQ-UL, les activités liées à la Loi 41 concernaient majoritairement la prescription d’analyses de laboratoire, la prolongation d’ordonnances du médecin, la modification de la dose afin d’assurer la sécurité du patient et l’ajustement de la posologie d’un médicament. La prescription d’analyses de laboratoire était également l’activité la plus fréquente (34 %) dans l’étude d’Audet et collaborateurs, une proportion semblable à la nôtre6. En revanche, la modification de la dose d’un médicament afin d’atteindre les cibles thérapeutiques se situe au deuxième rang des actes que les pharmaciens ont le plus souvent accomplis dans l’étude d’Audet, soit 32 %, alors que dans la nôtre, elle ne représente qu’un faible pourcentage, soit 5 %. Il faut dire que les patients de l’étude d’Audet se distinguent des nôtres par le fait que ceux des cliniques ambulatoires (anticoagulothérapie ou insuffisance cardiaque) ont aussi été pris en compte. Selon nous, il s’agit d’une clientèle qui nécessite plus souvent un acte de cet ordre. Brochet et collaborateurs rapportent des proportions des divers actes différentes des nôtres, mais ils expliquent leurs résultats par le type de clientèle de leur établissement5. Par exemple, l’acte le plus fréquent consistait en l’ajustement des ordonnances (45 %), en particulier la réduction de la dose ou la suspension temporaire d’un médicament. Ce résultat était attendu en raison de l’imminence de l’accouchement des patientes hospitalisées en obstétrique-gynécologie.

Par ailleurs, certains secteurs cliniques prédisposent davantage les pharmaciens à poser des actes autorisés par la Loi 41. En effet, le pharmacien qui exerce à l’urgence reçoit beaucoup d’usagers qui viennent du domicile. Il doit donc veiller à ce que la médication prescrite concorde avec celle de la réalisation du bilan comparatif des médicaments. Ceci explique la raison pour laquelle, dans cette étude, ce sont les secteurs cliniques où les patients proviennent directement du domicile ou sont admis de manière élective pour une intervention chirurgicale, soit l’urgence, la chirurgie cardiaque ou la chirurgie thoracique, qui ont réalisé le plus grand nombre de prolongations d’ordonnances. Brochet et collaborateurs obtiennent les mêmes résultats à l’effet que les prolongations d’ordonnances s’inscrivent dans la démarche du bilan comparatif des médicaments5.

Les pharmaciens veillent à ce que les doses de médicaments prescrites correspondent bien aux conditions parfois changeantes des usagers et, au besoin, ils ajustent les doses pour assurer la sécurité des patients. Par exemple, modifier la dose d’un médicament en raison d’une insuffisance rénale ou en fonction du poids du patient. Les modifications touchaient principalement la posologie et visaient le moment de prise optimal afin d’éviter une interaction avec la nutrition entérale ainsi que la forme d’administration d’un médicament pour des problèmes de dysphagie. L’acte le plus fréquent (45 %) au CHU Sainte-Justine concernait l’ajustement d’un médicament prescrit afin d’assurer la sécurité du patient alors que ce même acte ne représente que 9 % au CHU de Québec5,6. Il importe d’ajouter que, dans l’offre de soins pharmaceutiques de l’IUCPQ-UL, le pharmacien clinicien prend systématiquement en charge les patients sous gavage ou recevant les médicaments par sonde entérique, ce qui peut influencer les résultats de cet établissement par rapport à d’autres. Cet acte dépend aussi du type de clientèle et il faut se rappeler que l’IUCPQ-UL comporte un ratio très élevé de lits en soins intensifs et qu’il est spécialisé notamment en chirurgie thoracique et bariatrique, conditions qui prédisposent à l’administration de médicaments par sonde entérique.

Deux actes n’ont pas été posés durant la période de collecte de données, il s’agit de la prescription d’un médicament pour une condition mineure et l’administration d’un médicament afin d’en démontrer l’usage. Dans un cadre hospitalier, la réalisation de ces deux actes prévus à la Loi 41 est plus rare, étant donné la présence constante d’autres professionnels habilités à les réaliser. L’étude d’Audet et collaborateurs a également révélé la faible fréquence de ces actes (3 % au maximum)6. Dans l’étude de Brochet et collaborateurs, 25 % des actes concernaient la prescription d’un médicament lorsqu’aucun diagnostic n’est requis. Ceci s’explique par une population de patientes très différente, soit celle du Département d’obstétrique-gynécologie, qui nécessite la prise de suppléments vitaminiques en périnatalité et la gestion des nausées et vomissements liés à la grossesse5. Selon nous, les conditions prévues par la Loi 41 ne permettent pas de couvrir adéquatement le champ de pratique de la pharmacie hospitalière.

Parmi les 80 actes pris en compte dans notre étude concernant la prescription d’une analyse de laboratoire, 52,5 % ont bénéficié d’un suivi documenté au dossier médical ou pharmacologique. Cette proportion n’est certes pas optimale, mais elle se compare avantageusement aux résultats de Brochet et collaborateurs qui rapportent que les suivis n’ont pas été notés au dossier, puisqu’ils étaient effectués verbalement5. Nous pouvons présumer que les pharmaciens de notre établissement ont aussi fait un suivi verbal d’une portion des suivis, surtout dans les secteurs où le pharmacien participe à la tournée médicale. Dumoulin et Desparois rapportent que 65,8 % des prescriptions d’une analyse de laboratoire ont fait l’objet d’un suivi lors d’un sondage réalisé après l’implantation des activités de la Loi 41 au CISSS de l’Outaouais7. Cette proportion est supérieure à notre établissement, ils ont toutefois inclus des patients suivis en clinique externe, où on présume que la culture de la documentation des suivis est davantage développée.

Le pharmacien prescrivant une analyse de laboratoire doit en interpréter les résultats et en faire un suivi ou le transmettre à un autre collègue ou professionnel habilité à le faire1,4. Ceci implique que le pharmacien d’établissement pourrait transférer le suivi à un collègue de la pharmacie communautaire. Ce fait n’a pas été examiné dans le cadre de notre étude. De plus, malgré le fait que les pharmaciens sont enregistrés au laboratoire d’analyse biomédical de notre établissement et l’autorisation accordée par le Conseil des médecins, dentistes et pharmaciens, aucune requête n’a été encodée au laboratoire au nom du pharmacien prescripteur. Cette situation n’est pas unique à notre établissement et peut contribuer à occasionner des retards dans l’interprétation des résultats de laboratoire, notamment si ceux-ci sont préoccupants ou urgents et qu’ils peuvent avoir un impact sur le suivi de l’activité.

Les actes rapportés figuraient tous dans le dossier médical, on peut donc les qualifier de conformes au cadre légal. Toutefois, moins de 10 % des 287 actes de la Loi 41 se trouvaient également au dossier pharmacologique. En établissement de santé, la possibilité de documenter les actes au dossier pharmacologique du patient et au dossier médical soulève des questions sur le lieu à privilégier. La documentation exclusive au dossier médical ne satisfait pas pleinement les exigences professionnelles du pharmacien. Le questionnaire d’inspection professionnel le de l’OPQ relativement à «l’organisation du circuit du médicament et des soins et services pharmaceutiques en établissement de santé» révèle la nécessité de consigner les notes des pharmaciens non seulement au dossier médical, mais également au dossier informatique de la pharmacie17. Le pharmacien affecté à la validation des ordonnances a besoin d’accéder à l’information, ce qui motive l’intérêt de laisser une trace au dossier pharmacologique. Le dossier médical prévaut sur le plan légal toutefois, idéalement, les inscriptions devraient aussi paraître au dossier pharmacologique11,18-21. Dans notre étude, seulement 42,9 % des suivis de l’acte de prescrire une analyse de laboratoire étaient documentés au dossier médical, ce qui peut être qualifié de conforme au cadre légal. Les suivis uniquement décrits dans l’agenda électronique, soit le dossier pharmacologique de GesphaRxMD, comptaient pour 57,1 % des suivis. La disponibilité de l’agenda électronique permettant la traçabilité des suivis et la rédaction de notes de suivis semblent avoir contribué à augmenter la documentation des suivis. Toutefois, il est nécessaire d’améliorer tant la proportion des suivis que leur documentation. Nos résultats nous amènent à nous questionner sur l’efficacité associée à l’enregistrement d’un même acte à deux et même parfois à trois endroits. Un projet portant sur la documentation de l’ensemble des interventions des pharmaciens et la détermination des barrières à cette tenue des dossiers au sein de notre établissement est actuellement en cours à l’IUCPQ-UL. Les résultats préliminaires suggèrent un manque de temps, d’accessibilité au dossier médical ou une méconnaissance de l’obligation de faire un suivi dans le dossier médical, mais cela reste à confirmer. En vertu des résultats à venir, le renforcement de l’utilisation de l’agenda électronique pourrait contribuer à améliorer le nombre de suivis liés aux activités de la Loi 41. Malgré les exigences professionnelles et l’importance de tenir les dossiers à jour, l’enregistrement des interventions des pharmaciens d’établissement n’est pas optimale15,1822. Les études d’Adam et collaborateurs ainsi que de Ballandras et collaborateurs rapportent respectivement que 72,3 % et 58,4 % des dossiers qui concernaient le pharmacien étaient documentés8,19.

Dans la présente étude, une proportion importante des actes exclus était réalisée sous forme d’ordonnances verbales ou après l’obtention de l’accord du médecin traitant. Les activités faisaient partie des actes autorisés par la Loi 41, mais la majorité des cas concernaient des situations plus complexes, où le pharmacien souhaitait obtenir l’approbation de l’équipe médicale. Finalement, celle-ci a accepté plus de 95 % des suggestions des pharmaciens, lesquelles ont été signées par le médecin ou l’infirmière praticienne spécialisée. Cette constatation correspond aux résultats d’Audet et collaborateurs qui rapportent que 57,4 % des pharmaciens sondés préfèrent discuter avec le médecin traitant avant d’émettre une ordonnance verbale6.

Il est intéressant de constater que d’autres actes exclus n’étaient pas des actes de la Loi 41, mais ils seront probablement permis par la Loi modifiant la Loi sur la pharmacie afin de faciliter l’accès des patients à certains services (projet de Loi no31)22. On trouve parmi ces actes la substitution d’un médicament par un autre d’une sous-classe thérapeutique différente, la prescription de tout autre test aux fins de surveillance de la thérapie médicamenteuse ou la cessation d’une thérapie médicamenteuse selon une ordonnance ou à la suite d’une consultation effectuée à la demande d’un prescripteur. En ce qui concerne les modifications concernant les substances ciblées ou contrôlées, elles sont plutôt encadrées par la Politique relative à l’émission et à l’exécution des ordonnances à l’IUCPQ-UL23. Les actes ont été posés conformément à cette politique plutôt qu’à celle des activités de la Loi 41.

Concernant l’impact clinique, sur les 287 actes posés par les pharmaciens, 207 (72,1 %) ont été jugés significatifs et capables d’améliorer la condition de l’usager ou d’éviter des signes et symptômes indésirables ne menaçant pas les fonctions journalières ou la vie de la personne. Quant aux 40 (13,9 %) actes ayant eu un impact majeur, ils ont permis de prévenir une toxicité sévère éventuelle, un sevrage, un risque d’effet indésirable grave pouvant menacer la vie ou entraîner des conséquences importantes sur les activités de la vie quotidienne. De leur côté, les 40 (13,9 %) actes considérés comme ayant un impact mineur touchaient principalement les prolongations d’ordonnances effectuées à partir des bilans comparatifs des médicaments. Le suivi des actes ayant un impact majeur est donc suffisamment important pour que nous souhaitions vérifier si les suivis requis ont été effectués. Soixante-sept pour cent (67 %) des actes de prescription d’analyse de laboratoire ayant un impact majeur ont bénéficié d’un suivi dûment consigné comparativement à 52,5 % de l ’ensemble des actes de prescrire une analyse de laboratoire. Seule l’étude de Brochet et collaborateurs a aussi évalué l’impact clinique des activités de la Loi 41 à l’aide de l’échelle Overhage et collaborateurs, qui comporte six niveaux5. La majorité des actes exécutés par les pharmaciens (80,9 %) ont été qualifiés de significatifs sur cette échelle, c’est-à-dire les actes qui ont permis de procurer des soins optimaux accompagnés d’une amélioration de la qualité de vie, mais sans impact majeur (p. ex.: décès) sur la santé du patient. La comparaison de nos résultats avec les leurs démontre que l’impact de notre étude semble plus élevé, bien que l’échelle soit différente. Une étude antérieure réalisée à IUCPQ-UL comparait l’impact clinique des interventions pharmaceutiques réalisées selon deux modèles d’offres de soins (nouvelle offre basée sur une priorisation des soins en fonction de critères de vulnérabilité présentés par les patients par rapport à un modèle traditionnel, où les patients sont pris en charge sans différenciation)9. Sur la base de la même échelle que dans la présente étude et selon le nouveau modèle d’offres de soins, environ 59 % des interventions réalisées par les pharmaciens avaient un impact clinique signif icatif et 23 % avaient un impact clinique majeur. Nos résultats globaux indiquent donc un impact clinique supérieur à ceux déjà publiés5,9.

Quant aux limites de l’étude, elles concernent notamment l’identification des activités répertoriées par les pharmaciens. De plus, le fait que les pharmaciens aient été au courant des objectifs du projet peut les avoir incités à réaliser des actes de la Loi 41. Toutefois, la nature rétrospective de la collecte de données peut avoir potentiellement diminué le nombre d’actes pharmaceutiques répertoriés. Par exemple, des dossiers identifiés par les pharmaciens comme étant exempts d’actes de la Loi 41 auraient pu contenir des activités réservées sans qu’elles ne soient colligées. De plus, l’absence de précision systématique sur les formulaires pour identifier adéquatement les activités de la Loi 41 peut avoir contribué à sous-estimer le nombre réel d’activités. En outre, certains secteurs cliniques n’ont pas collecté les informations demandées sur l’ensemble de la période ciblée. En effet, 99 jours-secteur ont été recensés dans la collecte de données au lieu des 117 jours-secteur prévus. Ce manque de données peut s’expliquer par le fait que certains pharmaciens auraient oublié de colliger leurs informations. Par ailleurs, à l’IUCPQ-UL, un pharmacien ne couvre pas en tout temps les secteurs de la médecine interne et de la gériatrie, et le secteur de la greffe cardiaque ne comporte pas toujours d’usagers hospitalisés. L’échelle adaptée ayant servi à évaluer l’impact clinique n’a pas été validée dans un projet de recherche.

Conclusion

La Loi 41 a permis aux pharmaciens d’établissement de réaliser de nouveaux actes et d’accomplir de façon plus autonome d’autres actes autrefois encadrés par des ordonnances collectives. Les pharmaciens ont réalisé 287 actes de la Loi 41 pendant la période à l’étude. La prescription d’une analyse de laboratoire et la prolongation d’une ordonnance constituent les actes les plus fréquents. La majorité des actes réalisés ont un impact clinique significatif. Malgré le développement d’un agenda électronique pour assurer le suivi des interventions, il est nécessaire d’apporter des améliorations à la rédaction de notes de suivi de l’acte de prescrire une analyse de laboratoire. À notre connaissance, il s’agit d’une première étude portant sur le suivi des interventions du pharmacien liées à la Loi 41, qui propose un agenda électronique intégré au dossier pharmacologique pour la rédaction de notes de suivi. Cette étude brosse un portrait de l’exercice de la Loi 41 et de son suivi à l’IUCPQ-UL. Elle s’ajoute à la littérature existante sur le sujet pour explorer plus largement l’impact de la Loi 41 en milieu hospitalier au Québec.

Financement

Aucun financement en relation avec le présent article n’a été déclaré par l’auteur.

Conflits d’intérêts

Tous les auteurs ont rempli et soumis le formulaire de l’ICMJE pour la divulgation de conflits d’intérêts potentiels. Julie Méthot est rédactrice adjointe de Pharmactuel. Les autres auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec le présent article.

Remerciements

Un remerciement spécial aux pharmaciens du département de pharmacie de l’IUCPQ-UL pour leur collaboration au projet.

Références

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Pour toute correspondance: Julie Racicot, Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec – Université Laval, 2725, chemin Sainte-Foy, Québec (Québec) G1V 4G5, CANADA; Téléphone: 418 656-4590; Courriel: julie.racicot@ssss.gouv.qc.ca

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PHARMACTUEL, Vol. 53, No. 2, 2020