Marine Floutier1,2, Denis Lebel3, B.Pharm., M.Sc., FCSHP, André Bonnici4, B.Pharm., M.Sc., Jean-François Bussières5,6, B.Pharm., M.Sc., MBA, FCSHP, FOPQ
Reçu le 12 novembre 2019: Accepté après révision le 25 novembre 2019
Résumé
Objectif : Décrire l’évolution des dépenses des départements de pharmacie en établissement de santé au Québec selon le rapport financier AS471 de 2014–2015 à 2018–2019.
Description de la problématique : Afin d’assurer le bon usage des médicaments, les chefs de départements de pharmacie effectuent périodiquement des analyses financières comparatives, en mettant en parallèle les dépenses de l’exercice financier en cours avec celles des périodes et des années précédentes, mais également en confrontant leur département avec ceux d’autres établissements de santé. Il n’existe aucune analyse globale des dépenses en pharmacie publiée au cours des dernières années.
Résolution de la problématique : À partir des extraits de données disponibles sur le web sur les rapports financiers (AS-471) du ministère de la Santé et des Services sociaux entre 2014 et 2019, nous avons extrait l’ensemble des lignes de données et les avons regroupées dans une base de données. Alors que les dépenses globales étaient relativement stables de 2014–2015 à 2016–2017, on note une hausse importante au cours des deux derniers exercices (principalement due aux médicaments). En 2018–2019, les cinq secteurs représentant les coûts unitaires les plus élevés entre la composante médicament et l’unité de mesure sont l’hémato-oncologie en milieu ambulatoire (1023,23 $ CA / visites de traitement), les soins intensifs en hospitalisation (665,50 $ CA / admission), les soins spécialisés aux nouveau-nés en hospitalisation (372,32 $ CA / admission), l’hématologie-oncologie en hospitalisation (234,61 $ CA / admission), les soins médicaux et chirurgicaux en hospitalisation (191,62 $ CA / admission).
Conclusion : Cette étude décrit l’évolution des dépenses des départements de pharmacie en établissement de santé au Québec selon le rapport financier AS-471 de 2014–2015 à 2018–2019. Bien que les dépenses de la pharmacie ne représentent que 4,15 % des dépenses de l’ensemble des établissements de santé du Québec, elles continuent de croître à un rythme rapide. Dans la perspective de l’implantation du coût par parcours de soins et service, les chefs de départements de pharmacie doivent faire en sorte que les données publiées dans le rapport financier de leur établissement soient de qualité.
Mots clés : Composante médicament, composante professionnelle, coût unitaire, gestion financière, pharmacie
Abstract
Objective : To describe the changes in Quebec institutional pharmacy departments’ expenditures based on the AS-471 financial reports from 2014–2015 to 2018–2019.
Problem description : To ensure proper medication use, pharmacy department heads periodically conduct comparative financial analyses by comparing expenditures for the current fiscal year with those of previous periods and years, but also by comparing their department with those at other health-care facilities. No comprehensive analysis of pharmacy expenditures in Quebec has been published in recent years.
Problem resolution : Using the data extracts available on the Internet on the Ministère de la Santé et des Services sociaux’s 2014 to 2019 financial reports (AS-471), we extracted all the data lines and grouped them together in a database. While overall expenditures were relatively stable from 2014–2015 to 2016–2017, there was a significant increase during the past two fiscal years (mainly due to drugs). In 2018–2019, the five areas with the highest unit costs between the drug component and the unit of measure were ambulatory hematology-oncology (CDN$1023.23/treatment visit), inpatient critical care (CDN$665.50/admission), inpatient specialized neonatal care (CDN$372.32/admission), inpatient hematology-oncology (CDN$234.61/admission), and inpatient medical and surgical care (CDN$191.62/admission).
Conclusion : This study describes the changes in spending by Quebec’s institutional pharmacy departments based on the 2014–2015 to 2018–2019 AS-471 financial reports. Although pharmacy expenditures account for only 4.15% of the expenditures in all of Quebec’s health-care facilities, they continue to increase at a rapid pace. In view of the implementation of the cost per care and service pathway, pharmacy department heads must ensure that the data published in their institution’s financial report are of high quality.
Keywords : Drug component, financial management, pharmacy, professional component, unit cost
Selon l’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS), les dépenses liées à la santé au Canada devraient atteindre 264 milliards de dollars, soit 7 068 $ CA (dollars canadiens) par habitant en 2019. Selon les prévisions, les dépenses de santé devraient globalement représenter 11,6 % du produit intérieur brut (PIB) canadien1.
En ce qui concerne les médicaments utilisés au Canada, l’ICIS rapportait qu’en 2018, « le secteur public financera 42,7 % des dépenses en médicaments prescrits, ce qui représente 14,4 milliards de dollars. Environ un Canadien sur quatre a reçu une indemnisation provenant d’un régime public d’assurance médicaments en 2017. […] En 2017, 2 % des bénéf iciaires ont reçu une indemnisation d’au moins 10 000 $ CA, mais ils ont été à la source de plus du tiers des dépenses publiques en médicaments »2. L’ICIS rapportait également que l’ensemble des dépenses globales des hôpitaux représentaient 28,3 % de toutes les dépenses de santé publique contre 15,7 % pour les médicaments prescrits en milieu ambulatoire3. De plus, l’ICIS rapporte que « la part des dépenses liées aux hôpitaux a diminué, passant de 45 % du total des dépenses de santé au milieu des années 1970 à 28,3 % en 2018 »3. En revanche, la part des dépenses en médicaments est passée de moins de 10 % en 1975 à 15,7 % en 20183. Toutefois, il faut préciser que les dépenses en pharmacie hospitalière (c.-à-d. ressources humaines et médicaments) sont incluses dans les dépenses des hôpitaux et non dans les dépenses de médicaments prescrits en milieu ambulatoire.
En somme, les médicaments représentent une part importante et croissante des dépenses en santé au Canada. L’objectif de cet article est de décrire l’évolution des dépenses des départements de pharmacie en établissement de santé au Québec selon le rapport financier AS-471 de 2014–2015 à 2018–2019.
Au Québec, les chefs de départements de pharmacie sont responsables du circuit du médicament et particulièrement du médicament lui-même. Cette responsabilité comporte notamment l’approvisionnement en médicaments (c.-à-d. sélection, entente d’approvisionnement et achat) et la gestion financière de ces dépenses.
En ce qui concerne la négociation des ententes contractuelles, l’article 436.0.1 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, prévoit que « le ministre doit s’assurer que les établissements publics utilisent les services du groupe d’approvisionnement en commun qui les dessert. Le ministre peut, dans la mesure où il estime que les besoins d’optimisation des ressources le justifient et après avoir consulté l’établissement public concerné, obliger un tel établissement à participer à un processus d’appel d’offres mené par un tel groupe. Un groupe doit aviser le ministre lorsqu’un établissement refuse de participer à un processus d’approvisionnement en commun pour lequel le ministre a exigé la participation des établissements publics »4. Les chefs de départements de pharmacie ou leur représentant sont membres d’un comité d’utilisateurs de l’un des trois groupes d’approvisionnement en commun, soit Sigmasanté (région de Montréal et Laval), le groupe d’approvisionnement en commun de l’est du Québec (GACEQ) et le groupe d’approvisionnement en commun de l’ouest du Québec (GACOQ)5. Ces groupes d’approvisionnement en commun facilitent la signature des ententes entre les établissements de santé et les fabricants5.
Depuis 2010, un processus complémentaire aux approvisionnements en commun a été mis en place. En effet, les provinces canadiennes se sont dotées d’une Alliance pharmaceutique pancanadienne (APP) qui a pour mandat de négocier les prix avec l’industrie pharmaceutique6. Chaque province demeure libre de participer ou non à une entente ciblant un médicament en particulier. Au Québec, chaque médicament visé par une entente entre l’APP et le fabricant prend la forme d’une entente provinciale entre le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) et le fabricant6. Ces médicaments sont exclus du processus d’achats groupés.
En outre, le marché du médicament est en pleine transformation, avec la mise en marché de plusieurs nouveaux médicaments (la Food and Drug Administration a connu une année record en 2018 avec 59 nouveaux médicaments), les pénuries durables de médicaments et l’arrivée de nouveaux joueurs sur le marché (c.-à-d. nouveaux fabricants de médicaments ciblant des populations particulières)7. En ce qui concerne la gestion financière, les normes et pratiques de gest ion du MSSS précisent les obligations en matière de responsabilité et de gestion financière8. Toutes les dépenses en médicaments sont sous la responsabilité du chef du Département de pharmacie et el les sont imputées au centre d’activité 6800 et aux sous-centres (6801, 6803, 6804, 6805, 6806)8.
Afin d’assurer le bon usage des médicaments, les chefs de départements de pharmacie effectuent périodiquement des analyses financières comparatives, en mettant en parallèle les dépenses de l’exercice financier en cours avec les périodes et les années précédentes, mais également en établissant un parallèle entre leur département et celui d’autres établissements de santé. Aucune publication d’analyse globale des dépenses en pharmacie de tous les établissements de santé n’a eu lieu au cours des dernières années.
Toutefois, il existe un outil web (Performance SSSMD, Services conseils LG, Québec, Qc, Canada) qui contient l’ensemble des données statistiques et financières du MSSS et qui permet d’afficher les données d’un établissement de santé et de les comparer à un autre, à un groupe d’établissements ou à une région9. Une partie de ces données est publique tandis que les rapports de performance proposés par l’outil nécessitent un abonnement payant. Ainsi, cet outil permet à un établissement de se comparer à un autre établissement, à un groupe d’établissements ou à une région, mais il ne permet pas de calculer l’ensemble des dépenses d’un secteur à l’échelle du réseau de la santé. Les chefs de départements peuvent également utiliser les données publiées dans le Rapport canadien sur les pharmacies hospitalières, mais ce rapport est publié tous les deux ou trois ans et comporte des données financières limitées10.
Afin de soutenir le travail des chefs de départements de pharmacie lié à l’analyse comparative des dépenses en pharmacie, nous avons choisi d’explorer les rapports financiers (AS-471) du MSSS. En vertu du cadre juridique en vigueur, l’année financière d’un établissement de santé du Québec débute le 1er avril de chaque année et se termine le 31 mars de l’année suivante11. Depuis plusieurs années, le MSSS publie en ligne l’ensemble des données des rapports financiers des établissements de santé du Québec. Les données des exercices financiers de 2014–2015 et les suivants sont actuellement disponibles en ligne12. Dans leur forme actuelle, ces données (extraits de données en format .csv) sont difficilement exploitables par les chefs de départements de pharmacie.
À partir des extraits de données disponibles sur le web pour les exercices financiers de 2014–2015 à 2018–2019, nous avons extrait l’ensemble des lignes de données et les avons regroupées dans une base de données (AccessMD, Microsoft, Seattle, WA, ÉUA)12. L’extrait regroupé comporte 2 945 195 lignes de données (1 048 575 lignes en 2014–2015, 473 270 lignes en 2015–2016, 473 959 lignes en 2016–2017, 463 659 lignes en 2017–2018 et 485 732 lignes en 2018–2019). Les données extraites sont en dollars canadiens.
À partir du dictionnaire des données fournies par le MSSS, nous avons relevé les lignes pertinentes liées aux dépenses du Département de pharmacie13. Ces lignes proviennent de pages ciblées, soit la page 750 qui présente les dépenses en médicaments par classe thérapeutique de la RAMQ (lignes 1 à 29), la page 751 (lignes 1 à 22) qui comporte la composante médicament (médicament et fournitures), la composante professionnelle, l’unité de mesure et le coût unitaire lorsque l’unité de mesure est indiquée pour les usagers externes (6803), la page 752 (lignes 1 à 22) qui comprend les mêmes paramètres que la page 751 mais pour les usagers hospitalisés (6804), la page 753 (lignes 1 à 10) qui renferme les mêmes paramètres que la page 751 mais pour les usagers hébergés (6805) et la pratique en CLSC (centre local de services communautaires) (6806). Les données liées à la réadaptation (6801) se trouvent ailleurs dans le rapport financier (c.-à-d. page 650 et 700) et se présentent de façon différente; elles ont été exclues de notre analyse13. Le MSSS publ ie les modalités d’imputation financière relatives au Département de pharmacie dans ses normes et pratiques de gestion14.
À partir de ces données, nous avons extrait celles allant de 2014–2015 à 2018–2019 relatives aux dépenses du Département de pharmacie, soit le centre d’activité 6800 et ses sous-centres à l’exception du sous-centre 6801, ce qui donne 39 509 lignes en 2014–2015, 38 461 lignes en 2015–2016, 33 152 lignes en 2016–2017, 35 537 lignes en 2017–2018 et 24 885 lignes en 2018–2019. Ces données illustrent la grande quantité de données à traiter pour produire une analyse des tendances.
La composante médicament comprend les médicaments et les fournitures pharmaceutiques ainsi que les autres charges nécessaires au bon fonctionnement du circuit du médicament utilisées au Département de pharmacie14. La composante professionnelle comporte les pharmaciens (titre d’emploi 1320), les assistants techniques en pharmacie (titre d’emploi 3212), les assistants techniques séniors en pharmacie (titre d’emploi 3215), les agents administratifs (plusieurs titres d’emploi), les étudiants en pharmacie (titre d’emploi 9086) et autres titres d’emploi14. Les activités de recherche clinique (centre d’activité 0100) et les résidents en pharmacie (titre d’emploi 9031; centre d’activité 7201) et les activités d’enseignement des pharmaciens (centre d’activité 7202) ne sont pas attribués au 680014.
Afin de comprendre l’état actuel de l’évolution des dépenses des départements de pharmacie au Québec, nous avons exploré les données afin de présenter des figures et des tableaux synthèses, du général au spécifique. La base de données de la pharmacie sera disponible pour les chefs de départements en format Microsoft AccessMD pour qu’ils en fassent une exploitation locale. Les variations des dépenses sont exprimées en ratio (p. ex. une hausse de 4 % correspond à une variation ou à un ratio de 1,04 – p. ex. une augmentation de 1154 $ CA à 1200 $ CA).
La figure 1 présente le profil des dépenses globales de la composante professionnelle et médicament de 2014–2015 à 2018–2019. Alors que les dépenses globales étaient relativement stables de 2014–2015 à 2016–2017, on note une hausse importante au cours des deux derniers exercices (c.-à-d. hausse de 7 % de 2016–2017 à 2017–2018 et de 13 % de 2017–2018 à 2018–2019).
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Figure 1 Profil des dépenses globales de la composante professionnelle et médicament de 2014–2015 à 2018–2019 |
La figure 2 présente le profil des dépenses globales de la composante professionnelle par sous-centre d’activités de 2014–2015 à 2018–2019. Les dépenses sont stables en CLSC, en hébergement et en milieu ambulatoire, mais en hausse pour les usagers hospitalisés (c.-à-d. hausse de 4 % de 2016–2017 à 2017–2018 et de 3 % de 2017–2018 à 2018–2019). On note une hausse très modeste de l’effectif en pharmacie compte tenu des nombreux défis auxquels ces équipes sont confrontées. Chabrier et coll. se sont intéressés au cadre juridique et normatif applicable à un département de pharmacie au Québec. De 1973 à 2018, le nombre cumulatif de critères de conformité de nombreux organismes (p. ex. organisme national d’agrément, ordre professionnel, sociétés savantes) auxquels les membres de départements de pharmacie doivent répondre est passé de 26 à 370315. Un tel degré d’encadrement requiert des ressources en quantité suffisante pour assurer une prestation de services et de soins pharmaceutiques adéquats et une évaluation périodique de la conformité.
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Figure 2 Profil des dépenses globales de la composante professionnelle par sous-centre d’activités de 2014–2015 à 2018–2019 |
La figure 3 présente le profil des dépenses globales de la composante médicament par sous-centre d’activités de 2014–2015 à 2018–2019. Les dépenses sont relativement stables en CLSC, en hébergement et pour les usagers hospitalisés mais en hausse pour les activités en milieu ambulatoire (c.-à-d. variation importante au cours des deux derniers exercices financiers, soit une hausse de 13 % de 2016–2017 à 2017–2018 et de 26 % de 2017–2018 à 2018–2019).
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Figure 3 Profil des dépenses globales de la composante médicament par sous-centre d’activités de 2014–2015 à 2018–2019 |
Ainsi, ces données montrent une hausse modeste de la composante professionnelle et une hausse importante de la composante médicament. Il n’existe pas de ratio ou de balise définissant le rapport optimal entre les effectifs en pharmacie et les dépenses en médicaments. Il est toutefois raisonnable de penser que l’utilisation croissante d’un plus grand nombre de médicaments, plus coûteux à acquérir, plus complexes à prescrire, à valider et à préparer, et plus risqués à utiliser nécessite davantage d’effectifs pour assurer un bon usage au sein d’un établissement de santé. D’autres travaux d’exploration de ces données sont nécessaires.
La figure 4 présente l’ensemble des dépenses globales des composantes professionnelle et médicament par région socio-sanitaire de 2014–2015 à 2018–2019. Les données sont rapportées par million de $ CA. En 2018–2019, le poids des dépenses globales en pharmacie de chaque région varie : trois régions s’approprient la majorité des dépenses, soit 34,13 % par la région 06 (Montréal), 12,48 % par la région 03 (Capitale-Nationale) et 10,53 % par la région 16 (Montérégie). Ces dépenses sont notamment liées au poids démographique de chaque région. La figure met en évidence ces trois régions tandis que les autres sont regroupées dans un bloc plus homogène. De 2014–2015 à 2018–2019, la hausse varie de 2 % (Bas-Saint-Laurent) à 74 % (Estrie) pour une hausse moyenne de 22 %. De 2016–2017 à 2018–2019, la hausse varie de 0 % (Nunavik) à 38 % (Montérégie) pour une hausse moyenne de 21 %. L’annexe 1 regroupe les données détaillées de l’ensemble des dépenses globales des composantes professionnelle et médicament par région sociosanitaire de 2014–2015 à 2018–2019.
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Figure 4 Ensemble des dépenses globales des composantes professionnelle et médicament par région socio-sanitaire de 2014–2015 à 2018–2019 |
Le tableau 1 présente le coût unitaire de l’ensemble des dépenses globales de la composante médicament/unité de mesure et de la composante professionnelle/unité de mesure de 2014–2015 à 2018–2019. Il est possible de calculer un coût unitaire lorsqu’une unité de mesure est applicable. Il est aussi possible de calculer un coût unitaire pour les centres d’activités utilisateurs du sous-centre 6803 (usagers externes) pour 11 des 21 centres. Le Manuel de gestion financière prescrit plus d’une unité de mesure. Il est également possible de calculer le coût unitaire applicable au sous-centre 6804 (usagers hospitalisés) de sept des 21 centres. Seule l’admission est utilisée comme unité de mesure en hospitalisation.
Tableau I Ratio de l’ensemble des dépenses de la composante médicament / unité de mesure et de la composante professionnelle / unité de mesure de 2014–2015 à 2018–2019
En 2018–2019, les cinq secteurs représentant les coûts unitaires les plus élevés de la composante médicament par rapport à l’unité de mesure sont l’hémato-oncologie en milieu ambulatoire (1023,23 $ CA / visites de traitement), les soins intensifs en hospital isation (665,50 $ CA / admission), les soins spécialisés aux nouveau-nés en hospitalisation (372,32 $ CA / admission), l’hématologie-oncologie en hospitalisation (234,61 $ CA / admission), les soins médicaux et chirurgicaux en hospitalisation (191,62 $ CA / admission).
En 2018–2019, les cinq secteurs représentant les coûts unitaires les plus élevés de la composante professionnelle par rapport à l’unité de mesure sont identiques à celui des médicaments, même si les coûts unitaires sont plus faibles. Peu importe le prix d’un médicament, il existe un coût de base en effectif pharmaceutique pour assurer l’ensemble des missions d’un département. De même, il existe un coût de base minimal par ordonnance, quel qu’il soit, qui permet de réaliser l’ensemble des étapes du circuit du médicament à la pharmacie (p. ex. achat, réception, emballage, saisie, validation, préparation, dispensation, réapprovisionnement). De plus, plusieurs médicaments requièrent davantage de travail et d’effectifs, compte tenu des modalités de gestion, d’utilisation et d’administration.
En 2018–2019, les dix classes thérapeutiques représentant les dépenses les plus élevées pour les usagers externes (6803) sont comme suit : 10:00 – Médicaments antinéoplasiques (360 940 000 $ CA), 20:00 – Médicaments du sang (20 290 000 $ CA), 92:00 – Autres médicaments (17 350 000 $ CA), 96:00 – classe non spécif iée (16 090 000 $ CA), 40:00 – Médicaments électrolytes-diurétiques (13 310 000 $ CA), 98:00 – classe non spécifiée (8 330 000 $ CA), 52:00 – Médicaments en otorhinolaryngologie (7 930 000 $ CA), 28:00 – Médicaments du système nerveux central (7 850 000 $ CA), 68:00 – Hormones et substituts (7 760 000 $ CA) et 08:00 – Médicaments anti-infectieux (7 150 000 $ CA).
Les dix classes thérapeutiques représentant les dépenses les plus élevées pour les usagers hospitalisés (6804) sont comme suit : 20:00 – Médicaments du sang (36 470 000 $ CA), 40:00 – Médicaments électrolytes-diurétiques (30 460 000 $ CA), 28:00 – Médicaments du système nerveux central (27 140 000 $ CA), 08:00 – Médicaments anti-infectieux (26 780 000 $ CA), 10:00 – Médicaments antinéoplasiques (17 480 000 $ CA), 12:00 – Médicaments du système nerveux autonome (11 680 000 $ CA), 92:00 – Autres médicaments (10 990 000 $ CA), 68:00 – Hormones et subst ituts (8 440 000 $ CA), 96:00 – classe non spécifiée (5 860 000 $ CA) et 24:00 – Médicaments cardiovasculaires (5 670 000 $ CA). L’annexe 2 présente le profil des dépenses globales de médicaments par classe thérapeutique de 2014–2015 à 2018–2019 (en 10 000 $ CA).
À notre connaissance, il s’agit de la première publication d’une analyse de l’ensemble des dépenses en pharmacie hospitalière d’une province (Québec) dans la littérature pharmaceutique au Canada. En 2018–2019, les dépenses en pharmacie représentent un total de 1 186 568 600 $ CA, soit 4,15 % de l’ensemble des dépenses de tous les établissements de santé du Québec. Les dépenses en pharmacie sont réparties entre la composante médicament (71,7 %) et la composante professionnelle (28,3 %). Dans les autres départements et services des établissements de santé, cette proportion est généralement inversée et les ressources humaines représentent près des trois-quarts des dépenses16. Au fil des trois dernières décennies, les gouvernements ont concentré leurs efforts sur le contrôle budgétaire en établissement de santé, en ciblant souvent la composante professionnelle (c.-à-d. ressources humaines). En pharmacie, le capital humain représente moins du tiers des dépenses encourues.
Notre analyse met en évidence une hausse récente des dépenses en pharmacie. De 2014–2015 à 2018–2019, on note une hausse des dépenses globales en pharmacie de 21 %, liée à une hausse importante de la composante médicament de 25 % et à une hausse moins importante de la composante professionnelle de 14 %. À partir des données extraites de notre analyse, on note que la hausse de la composante médicament est davantage liée aux usagers externes (37 %) qu’aux usagers hospitalisés (14 %). Si on tient compte des classes thérapeutiques de médicaments impliquées, on note que la variation des dépenses est davantage liée aux médicaments de la classe 10:00 (oncologie), soit une hausse de 42 % pour les usagers externes et une hausse de 26 % pour les usagers hospitalisés. Il n’est pas surprenant que la mise en marché de nombreux nouveaux médicaments en oncologie (c.-à-d. thérapies ciblées) soit majoritairement à l’origine de cette variation.
Mais la hausse de la composante médicament est-elle seule en cause? Pas tout à fait. En vertu des ententes confidentielles signées entre l’Alliance pharmaceutique pancanadienne et les fabricants de médicaments, une province peut se prévaloir d’une telle entente et donner accès à un nouveau médicament au sein de sa province. En vertu de ce mécanisme, le médicament visé par cette entente n’est plus négocié dans le cadre des groupes d’approvisionnement en commun et le Département de pharmacie doit en payer le prix maximal (c.-à-d. prix transparent). Bien qu’une remise financière liée au volume d’achat soit donnée périodiquement au Gouvernement, les établissements de santé (c.-à-d. direction générale et services professionnels, chef du département de pharmacie, cliniciens) ne connaissent pas le prix réel du médicament utilisé. Ainsi, la hausse constatée de la composante médicament de 2017–2018 à 2018–2019 est en partie limitée par les remises financières faites par les fabricants au Fonds consolidé du Gouvernement. Bien que ceci ait l’allure d’une bonne affaire, si le prix final de la transaction est inférieur, il a l’effet pervers d’éliminer toute transparence et d’habituer les cliniciens à des prix de plus en plus élevés. À notre avis, une telle désensibilisation au coût réel des médicaments peut nuire au bon usage et à la capacité de contrôler les coûts. De plus, ce processus de négociation secrète entre le MSSS et les fabricants de médicaments se fait sans la contribution des comités d’utilisateurs des groupes d’approvisionnement en commun, ce qui nuit à l’intégrité du processus d’achats en commun et à sa pérennité. En outre, cette hausse des dépenses peut également mener, à tort, à une pression budgétaire sur le chef du Département de pharmacie et son effectif pharmaceutique, ce qui pourrait mener à une réduction de la qualité et de la quantité des services et des soins pharmaceutiques prodigués pour tenir compte de la hausse des dépenses en médicaments. Il faut absolument éviter un tel arbitrage.
Dans le rapport annuel de gestion de la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ) publié en novembre 2018 pour l’exercice financier de 2017–2018, on peut lire qu’en « vertu des articles 52.1 et 60.0.1 de la Loi sur l’assurance médicaments (RLRQ, chapitre A-29.01), le ministre de la Santé et des Services sociaux peut conclure, avec les fabricants, des ententes de partage de risques financiers, des ententes de contribution visant à atténuer les retombées négatives d’une hausse de prix sur le régime public ainsi que des ententes d’inscription sur la Liste des médicaments17. En vertu de l’article 40.9 de la Loi sur la Régie de l’assurance maladie du Québec, la Régie doit fournir, dans son rapport financier, des renseignements relatifs à ces ententes18. Au 31 mars 2018, 70 ententes d’inscription étaient en vigueur. Elles concernent 28 fabricants et 82 produits. La somme globale annuelle provenant des fabricants en application de ces ententes est de 222,3 millions $ CA »18. Cette remise touche tous les médicaments visés par les ententes de partenariat, tant pour l’utilisation en établissement de santé qu’en pharmacie d’officine. Ainsi, les données publiées par la RAMQ ne permettent pas de connaître la proportion de ces remises qui s’appliquent aux départements de pharmacie des établissements de santé. Soulignons enfin qu’il existe des ententes relatives aux médicaments génériques, mais dont l’application ne vise que les pharmacies d’officine.
Avec l’arrivée du financement par parcours de soins et services (aussi appelé financement axé sur les patients ou à l’activité), les chefs de départements de pharmacie doivent avoir une meilleure connaissance des dépenses pharmaceutiques au sein du réseau de la santé19,20. Ces données devraient permettre d’alimenter les discussions et la réflexion et mieux outiller les chefs de départements de pharmacie. Cette réf lexion peut également tenir compte de quelques travaux effectués sur le sujet au Québec21–23.
Cette analyse comporte des forces et des limites. Sa grande force réside dans le fait qu’elle constitue la première publication d’une analyse des dépenses en pharmacie hospitalière du Québec, qui s’étend sur cinq ans. Parmi les limites, citons le fait que l’étude ne permet pas de confirmer la qualité des données publ iées dans le rapport AS-471. De plus, les données financières représentent 100 % des dépenses mais, dans la réalité, la ventilation des dépenses professionnelles est diff icile et imprécise. Ainsi, les coûts unitaires sont également inclus dans le calcul. De plus, bien qu’il soit plus facile de répartir les dépenses en médicaments par souscentres d’activités, il existe néanmoins une certaine imprécision liée aux nombreux logiciels utilisés dans la gestion du circuit du médicament. Par ailleurs, une répartition des données de mauvaise qualité au sein d’un établissement peut limiter leur validité externe lors de comparaisons entre établissements. Finalement, les chefs de départements de pharmacie sont conscients que le coût par parcours de soins pourrait reposer sur ces données financières, c’est pourquoi ils porteront une attention toute particulière à la qualité de ces données financières au fil des prochaines années et ils émettront des consignes plus uniformes relatives à la répartition des dépenses.
Cette étude décrit l’évolution des dépenses des départements de pharmacie en établissement de santé au Québec selon le rapport financier AS-471 de 2014–2015 à 2018–2019. Bien que les dépenses de la pharmacie ne représentent que 4,15 % des dépenses de l’ensemble des établissements de santé du Québec, elles continuent de croître à un rythme rapide. Dans la perspective de l’implantation du coût par parcours de soins et services, les chefs de départements de pharmacie doivent faire en sorte que les données publiées dans le rapport financier de leur établissement soient de qualité.
Cet article comporte des annexes; elles sont disponibles sur le site de Pharmactuel (www.pharmactuel.com).
Aucun financement en relation avec le présent article n’a été déclaré par les auteurs.
Tous les auteurs ont rempli et soumis le formulaire de l’ICMJE pour la divulgation de conf lits d’intérêts potentiels. Jean-François Bussières est membre du comité de rédaction de Pharmactuel. Les auteurs n’ont déclaré aucun autre conflit d’intérêts en relation avec le présent article.
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