Audrey-Ann Pelletier-St-Pierre1,2, Pharm.D., M.Sc., Julie Racicot1,3,4, B.Pharm., M.Sc., Isabelle Taillon1,5,6, B.Pharm., M.Sc., FOPQ
Reçu le 20 novembre 2019: Accepté après révision par les pairs le 19 janvier 2020
Résumé
Objectifs : Un nouveau modèle d’offre de soins pharmaceutiques, basé sur la hiérarchisation des patients selon des critères de vulnérabilité, a été mis en place à l’Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec-Université Laval. Cette étude succède à celle publiée en 2018, qui visait à établir une comparaison de ce modèle avec le modèle traditionnel (sans égard à la priorisation des patients). L’objectif de l’étude consiste à décrire les interventions effectuées selon le nouveau modèle de soins pharmaceutiques.
Méthode : Des soins pharmaceutiques, tels qu’ils sont décrits dans les offres, ont été dispensés pendant dix jours dans trois secteurs cliniques. Les patients visés par le nouveau modèle ont été ciblés en lien avec les critères de vulnérabilité établis ou une situation clinique particulière (évaluation demandée par l’équipe traitante ou selon le jugement du pharmacien). Les interventions réalisées ont été catégorisées selon leur impact clinique.
Résultats : Les pharmaciens ont réalisé 290 interventions auprès de 207 patients. Près de 57 % (164/290) des interventions effectuées étaient catégorisées comme ayant un impact clinique significatif, 26 % (75/290) un impact clinique majeur et 18 % (51/290) un impact clinique mineur.
Conclusion : Le modèle d’offre de soins pharmaceutiques instauré à l’Institut cible majoritairement des interventions ayant un impact clinique majeur ou significatif. Le déploiement de l’offre de soins, y compris la priorisation des patients, requiert la présence d’un pharmacien dans tous les secteurs cliniques de l’établissement et mène à une utilisation judicieuse des compétences de ce spécialiste du médicament.
Mots clés : Hiérarchisation, interventions, offre de soins pharmaceutiques
Abstract
Objectives : A new model of offering pharmaceutical care based on patient prioritization according to vulnerability criteria was put in place at the Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec – Université Laval (IUCPQ-UL). This study is the sequel to the one published in 2018, which was aimed at comparing this model with the conventional one (in which patient priority ranking is not a consideration). The objective of this study is to describe the interventions performed under the new model of pharmaceutical care.
Method : Pharmaceutical care, as described in the offers, was dispensed for 10 days in three clinical care units. The patients targeted by the new model were selected on the basis of established vulnerability criteria or a particular clinical situation (evaluation requested by the care team or at the pharmacist’s discretion). The interventions performed were categorized according to their clinical impact.
Results : The pharmacists performed 290 interventions among 207 patients. Close to 57% (164/290) of them were categorized as having had a significant clinical impact, 26% (75/290) a major clinical impact, and 18% (51/290) a minor clinical impact.
Conclusion : The model of offering pharmaceutical care instituted at the IUCPQ-UL targets, for the most part, interventions that have a major or significant clinical impact. The execution of the offer of care, including patient priority ranking, requires the presence of a pharmacist in all of the institution’s clinical care units and leads to the judicious use of the expertise of this specialist in medications.
Keywords : Interventions, offer of pharmaceutical care, prioritization
Aux prises avec des besoins sans cesse croissants en matière de santé et de services sociaux et étant donné le contexte de pénurie de main-d’œuvre, le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) énonçait dans son plan stratégique de 2015–2020 la nécessité d’amorcer un virage vers l’optimisation des ressources dans le domaine de la santé1. Au sein des départements de pharmacie, une modification des structures impliquant une réorganisation des activités et une uniformisation des pratiques s’impose, malgré la pénurie des effectifs. Ceci se traduit entre autres par la conception d’une ≪ offre de services pharmaceutiques optimale en fonction du niveau d’activité, des spécialités et des patients pris en charge ≫, laquelle indique notamment la ≪ hiérarchisation des services pharmaceutiques à offrir, les effectifs nécessaires et la répartition de ceux-ci ≫, selon la recommandation du Vérificateur général du Québec en 20142.
En 2018, dans son document énonçant des recommandations sur la pratique de la pharmacie en établissement de santé, l’Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec (A.P.E.S.) a établi les bases de l’élaboration d’une offre de soins pharmaceutiques dans tous les établissements de santé3. Ensuite, l’A.P.E.S. a demandé aux départements de pharmacie de décrire la couverture actuelle des soins pharmaceutiques pour les patients hospitalisés ou ambulatoires. Après quoi, un plan d’action, portant entre autres sur la planification des besoins actuels et de ceux à venir en ressources pharmaceutiques pour l’ensemble des patients (actuellement couverte ou non par des soins pharmaceutiques) a dû être déposé auprès du Conseil des médecins, dentistes et pharmaciens (CMDP) et de la direction de chaque établissement. Dans ce plan d’action, l’A.P.E.S. exigeait des établissements l’inclusion prioritaire de tous leurs patients vulnérables selon les variables propres à l’établissement (soit les caractéristiques du patient, ses problèmes de santé et ses médicaments). Venait ensuite la prise en charge des patients adultes et pédiatriques qui nécessitaient des soins tertiaires, tels que la néphrologie, l’oncologie, les soins intensifs et la transplantation. Enfin, les patients nécessitant des soins pharmaceutiques secondaires, puis ceux nécessitant des soins primaires pouvaient être considérés3.
Afin de déterminer les patients plus vulnérables, des auteurs ont discuté de la complexité associée aux soins offerts aux patients dans le but d’établir des critères et d’en déterminer l’ampleur4–9. La littérature scientifique rapporte que la vulnérabilité d’un patient est liée à ses conditions cliniques. Certaines conditions lui font courir un risque plus élevé de présenter des effets indésirables causés par les médicaments (par exemple: insuffisance rénale ou hépatique, plus de quatre comorbidités médicales, greffe, antécédents de nonobservance au traitement, fibrose kystique, âge avancé, etc.)4,5,10. Certains patients sont particulièrement exposés au risque d’effets indésirables, comme ceux sous traitements d’hémodialyse ou de chimiothérapie6. De plus, les traitements médicamenteux complexes sont associés à une augmentation de la mortalité7. Un traitement médicamenteux complexe comporte plusieurs caractéristiques, comme un médicament à index thérapeutique étroit, un médicament ayant un potentiel élevé d’interactions médicamenteuses ou ayant un mode d’administration complexe4,6. De son côté, l’Ordre des pharmaciens du Québec (OPQ) a élaboré une liste de critères qui permettent d’évaluer la vulnérabilité des patients. Ce document mentionne que plus les critères sont nombreux, plus le patient est vulnérable et plus il risque d’expérimenter des problèmes liés à sa pharmacothérapie8. Ainsi, dans un contexte de manque de ressources, l’ordre d’intervention prioritaire auprès des patients pourrait être établi en conséquence8. Dans ce même ordre d’idées, la littérature internationale développe de plus en plus le modèle d’un système de score clinique qui priorise les interventions en fonction du nombre de critères de vulnérabilité présents10–12. En effet, comme le rapporte l’article de Carlson et coll., dans un contexte de rationalisation des ressources, l’implantation d’un tel système de score clinique semble permettre des interventions auprès des patients bénéficiant le plus des services du pharmacien11. Selon leur système, par exemple, un patient recevant un traitement antibiotique et présentant une insuffisance rénale obtiendrait un score plus élevé qu’un patient présentant un seul de ces deux critères. Évidemment, dans des circonstances idéales, tous les patients pourraient tirer profit de l’expertise du pharmacien. Par contre, dans un contexte où les ressources en pharmaciens ne sont pas suffisantes pour que tous les patients présentant au minimum un critère de vulnérabilité soient vus en priorité, un tel système semble permettre une intervention plus rapide auprès des patients ayant les besoins les plus urgents. De plus, ce système de score permet au pharmacien d’intervenir auprès d’un plus grand nombre de patients et d’offrir des soins pharmaceutiques à certains secteurs qui, autrefois, n’étaient pas couverts par le pharmacien11.
Par ailleurs, les différentes interventions effectuées par les pharmaciens n’ont pas toutes la même pertinence clinique13. Certaines peuvent prévenir un effet indésirable mineur tandis que d’autres permettent d’éviter des conséquences plus sérieuses, pouvant aller jusqu’à la mort13. L’étude de Mongaret et coll. a déterminé les facteurs propres aux patients pouvant corréler davantage avec des interventions pharmaceutiques dont l’impact clinique est significatif. Selon les auteurs, un score élevé à l’indice de comorbidité de Charlson est prédicteur d’interventions pharmaceutiques cliniquement signifcatives13. Cet indice évalue le degré de comorbidité en prenant en compte le degré de sévérité de 19 comorbidités prédéfinies ainsi que le nombre de troubles présents14. Parmi les comorbidités citées, mentionnons l’insuffisance rénale et hépatique, le virus de l’immunodéficience humaine et la présence de néoplasies14.
En 2016, le Département de pharmacie de l’Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec-Université Laval (IUCPQ-UL) a entrepris une métamorphose de son modèle d’offre de soins pharmaceutiques consistant en une hiérarchisation de la dispensation des soins pharmaceutiques. Cette hiérarchisation est basée sur la mission de l’établissement, le type de patients et certains critères de vulnérabilité. Elle comprend les trois niveaux suivants de priorisation des patients pour la dispensation des soins pharmaceutiques:
Les patients qui bénéficient de la contribution systématique du pharmacien dans leur dossier (dossiers traités en moins de 24 heures);
Ceux pris en charge de façon prioritaire par le pharmacien (c’est-à-dire après la révision des dossiers devant être consultés systématiquement, soit dans un délai visé de 24 à 48 heures);
Ceux dont le dossier sera consulté par le pharmacien en raison d’un médicament ou d’une situation clinique particulière (dossiers dans lesquels le pharmacien n’interviendra pas d’emblée: il décidera de s’investir ou non selon son jugement clinique ou à la demande d’autres intervenants, et non en fonction des critères établis. Le délai de réponse attendu est de 24 à 72 heures).
À partir de l’offre générale de soins, qui établit les critères de vulnérabilité à l’IUCPQ-UL et leur priorisation, des offres de soins spécifiques propres à chaque secteur clinique ont été élaborées pour refléter leurs particularités. À titre d’exemple, l’offre de soins pharmaceutiques pour le secteur de la cardiologie est disponible en annexe.
Avant l’instauration de la nouvelle offre de soins, plusieurs unités de soins à l’IUCPQ-UL ne bénéficiaient pas des services d’un pharmacien clinicien. La répartition des pharmaciens dans les secteurs cliniques s’était faite au fil des années par opportunités et par des demandes médicales et non en fonction des besoins des patients, des missions de l’établissement et des ressources disponibles. Les problématiques cliniques étaient adressées aux pharmaciens à la validation des ordonnances, ce qui engorgeait ce secteur. Le modèle en place, avec les effectifs actuels, prévoit une couverture de chaque secteur clinique par un pharmacien. Ce dernier s’occupe de l’ensemble de la pharmacothérapie du patient, qui comprend le bilan comparatif des médicaments (BCM), l’accès aux médicaments hors formulaire, l’antibiogouvernance, la liaison avec la première ligne ainsi que l’antibiothérapie intraveineuse à domicile (ATIVAD) et davantage. Cette réorganisation a permis de retirer les pharmaciens attitrés aux programmes ATIVAD ou d’antibiogouvernance afin de les déployer aux unités de soins et d’élargir leur rôle.
L’objectif de l’étude Racicot et coll., publiée en 2018, visait à décrire les interventions réalisées selon le modèle traditionnel de soins pharmaceutiques et d’en déterminer la pertinence clinique. Par la suite, les auteurs établissaient la liste des interventions effectuées qui n’auraient pas été ciblées par la nouvelle offre en place, afin de s’assurer que l’offre de soins vise les patients les plus vulnérables, bénéficiant le plus des interventions pharmaceutiques15. L’élaboration d’un nouveau modèle de soins pharmaceutiques est un processus long et encore peu étudié. Des modèles innovateurs proposant une hiérarchisation des soins en priorisant des catégories de patients plus vulnérables existent déjà au niveau international9–12,16–19. Ces modèles ont été décrits dans l’article de Racicot et coll. publié en 201815. Au Québec, outre l’étude de Racicot et coll., seules des études d’optimisation des processus de BCM à l’admission ou en période périopératoire sont publiées actuellement20–25.
L’objectif primaire de la présente étude est de décrire les interventions pharmaceutiques réalisées à l’aide du nouveau modèle de soins pharmaceutiques de l’IUCPQ-UL et d’en déterminer la pertinence clinique. L’objectif secondaire est de comparer les résultats obtenus avec ceux de l’étude précédente publiée en 2018, où le modèle traditionnel (sans égard à un ordre de priorité des patients) avait été étudié dans les mêmes secteurs cliniques. Il faut se rappeler qu’avant la réorganisation, ces secteurs cliniques ne bénéficiaient pas de soins pharmaceutiques.
Pour répondre aux objectifs de la recherche, une étude prospective d’évaluation du modèle de soins pharmaceutiques instauré à l’IUCPQ-UL a été menée pendant dix jours dans chacun des secteurs cliniques ciblés (soit la pneumologie, la médecine interne et la cardiologie) entre le 24 septembre et le 14 décembre 201815. La collecte de données a été effectuée dans chaque secteur, du lundi au vendredi pendant deux semaines consécutives. La collecte devait se faire à un moment où un même pharmacien était présent toute la semaine, où il n’y avait pas d’étudiant et où la pharmacienne chercheuse était libérée pour le projet. La collecte de données dans l’étude de Racicot et coll. de 2018 s’est déroulée sur une période de huit à dix jours. La durée de la collecte pour la présente étude a été déterminée à 10 jours ouvrables pour favoriser la comparaison des résultats avec ceux de l’étude précédente. La population à l’étude comprend l’ensemble des patients admis dans les secteurs ciblés et pris en charge par le pharmacien au moins une fois dans l’épisode de soins. Dans l’étude de 2018, où on évaluait un modèle traditionnel de soins, un nombre de 15 à 25 lits avait été ciblé par unité et par pharmacien. Tous les usagers des lits ciblés étaient suivis par le pharmacien pendant toute la durée de l’hospitalisation. L’étude actuelle vise à démontrer l’application de l’offre de soins pharmaceutiques actuellement en vigueur, si bien que le nombre de lits par pharmacien est très variable selon les secteurs. Les usagers ne sont pas tous suivis par un pharmacien, ils sont sélectionnés selon les critères d’intervention systématiques et prioritaires établis dans l’offre de soins; critères qui ont été présentés dans une publication antérieure et pour lesquels un exemple pour le secteur de la cardiologie est disponible en annexe15. L’utilisation de l’outil de recherche des médicaments du logiciel de gestion des ordonnances GesphaRxMD a permis de générer des rapports quotidiens programmés dans chaque secteur clinique. Ces rapports identifient les patients nécessitant une intervention du pharmacien par ordre de priorité. En plus de ces critères préétablis, les usagers pouvaient bénéficier de l’intervention d’un pharmacien que ce soit pour clarifier des divergences lors de la validation des BCM, pour faire suite au suivi des interventions liées à la Loi 41 prévu à l’agenda du secteur clinique ou encore à la demande d’un collègue pharmacien ou d’un autre professionnel. Le pharmacien ne participait pas officiellement aux tournées médicales, mais il était présent à l’unité de soins. Les heures de travail de chaque pharmacien à chaque unité étaient réparties comme suit: huit heures par jour en cardiologie (69 lits de cardiologie et 33 lits ou civières d’hémodynamie ou électrophysiologie), quatre heures en après-midi en pneumologie (52 lits) et deux heures et demie par jour en médecine interne (22 lits). Aucun stagiaire en pharmacie ou pharmacien résident n’était présent dans les secteurs cliniques pendant la durée de l’étude. La pharmacienne chercheuse assistait les pharmaciens dans la collecte de données, pour ne pas affecter le temps qu’ils devaient consacrer aux soins pharmaceutiques.
En dehors de ces heures, le pharmacien à la validation des ordonnances pouvait faire des interventions à partir de la pharmacie centrale, comme d’ordinaire. Ces dernières n’ont pas été compilées pour l’étude. Par contre, lorsque la situation nécessitait une analyse plus importante du dossier, le pharmacien à la validation des ordonnances pouvait contacter le pharmacien clinicien du secteur ou inscrire un suivi à l’agenda du secteur. À ce moment, les interventions effectuées par le pharmacien clinicien étaient compilées. Ce projet ne nécessitait pas l’approbation du comité d’éthique de l’IUCPQ-UL, mais il a été réalisé avec l’accord du directeur des services professionnels (DSP).
Pendant la période à l’étude, dans chacun des secteurs cliniques, toutes les interventions pharmaceutiques réalisées ont été consignées dans un fichier Excel standardisé. Les données suivantes ont été colligées:
Description des interventions pharmaceutiques réalisées;
Interventions provenant de l’initiative du pharmacien ou d’une demande d’un autre professionnel;
Nature de l’acte pharmaceutique effectué (histoire pharmaceutique, validation de BCM, évaluation ou opinion pharmaceutique, ajustement de la pharmacothérapie, surveillance de la thérapie, initiation de la pharmacothérapie, lien avec la communauté ou la pharmacie communautaire ou intervention auprès du patient);
Impact clinique de l’intervention (jugé majeur, significatif ou mineur en fonction d’une échelle adaptée, inspirée de l’échelle de gravité des erreurs médicamenteuses de Lukes et Overhage et d’une échelle de gravité des divergences lors de la réalisation du BCM)20,26,27. Cette échelle adaptée a servi dans l’étude de Racicot et coll. publiée antérieurement, et elle avait fait l’objet d’une validation à ce moment-là15. Le degré d’impact clinique (mineur, significatif ou majeur) a été déterminé par la pharmacienne chercheuse. Une pharmacienne de l’établissement n’ayant pas participé aux activités cliniques ni à la collecte de données a révisé les interventions afin de s’assurer de la conformité des impacts cliniques attribués;
Nature du problème pharmacothérapeutique à l’origine de l’intervention (omission, interaction, etc.).
La collecte des données s’est déroulée sur 10 jours pendant lesquels un pharmacien était attitré à temps complet (huit heures par jour) en cardiologie, un pharmacien à mi-temps (quatre heures par jour) en pneumologie et un pharmacien à raison de deux heures et demie par jour en médecine interne. Au total, 207 patients ont été pris en charge au moins une fois par le pharmacien, soit 18 patients en médecine interne, 63 en pneumologie et 126 en cardiologie. Cette prise en charge s’est traduite par la réalisation de 48 interventions pharmaceutiques en médecine interne, 83 en pneumologie et 159 en cardiologie, pour un total de 290 interventions pharmaceutiques. De ce nombre, 223 interventions étaient directement liées aux critères établis dans l’offre de soins pharmaceutiques de l’établissement. Les 67 autres interventions ont été réalisées à la suite d’une analyse plus globale des dossiers de patients ciblés. Les caractéristiques des patients de l’étude sont décrites au tableau I.
Tableau I Caractéristiques des participants à l’étude
L’analyse a porté sur toutes les interventions effectuées dans l’étude afin d’en déterminer l’impact clinique. Les résultats sont présentés à la figure 1. Parmi les interventions réalisées dans le secteur de la cardiologie et de la médecine interne, on remarque une prédominance d’interventions ayant un impact clinique significatif (respectivement 83/159 et 30/48) ou majeur (respectivement 54/159 et 10/48). Les interventions ayant un impact clinique mineur ne représentent que 14 % et 17 % des interventions (respectivement 22/159 et 8/48). Pour la pneumologie, on remarque également une grande proportion d’interventions ayant un impact clinique significatif (51/83). Les autres interventions ont un impact clinique mineur (21/83) ou majeur (11/83). Il y a donc eu une prédominance d’interventions pharmaceutiques dont l’impact clinique était significatif dans chacun des secteurs cliniques. Des 67 interventions effectuées dans le contexte d’une analyse globale et non directement liée à un critère de vulnérabilité, l’impact clinique de 12 interventions était qualifié de mineur (18 %), 35 de significatif (52 %) et 20 de majeur (30 %).
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Figure 1 Impact clinique des interventions des pharmaciens selon l’offre de soins pharmaceutiques à l’Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec-Université Laval dans les secteurs de la cardiologie, la pneumologie et la médecine interne |
Le tableau II présente la nature des actes pharmaceutiques effectués selon les différents secteurs cliniques. Les trois principaux actes effectués dans l’étude selon le modèle de soins de l’IUCPQ-UL sont l’évaluation ou l’opinion pharmaceutique 53 % (154/290), la surveillance de la thérapie 18 % (53/290) et l’ajustement de la thérapie 12 % (35/290). Les actes pharmaceutiques les moins effectués sont l’initiation d’une pharmacothérapie (2/290) et l’intervention auprès de l’usager (4/290). La répartition des différents types d’actes effectués est sensiblement la même dans les trois secteurs cliniques étudiés.
Tableau II Nature des actes pharmaceutiques exécutés en cardiologie, médecine interne et pneumologie
Le tableau III présente la nature des problèmes pharmacothérapeutiques à l’origine des interventions effectuées dans l’étude. La majorité des problèmes pharmacothérapeutiques ayant nécessité des actes pharmaceutiques concernait une précaution ou une contreindication à l’endroit d’un médicament (17 %), la nécessité d’effectuer un suivi de la thérapie (16 %) ou à des fins d’optimisation de la thérapie (15 %).
Tableau III Nature des problèmes pharmacothérapeutiques à l’origine des interventions aux unités de médecine interne, de cardiologie et de pneumologie
Le tableau IV présente le nombre de questions provenant de l’équipe traitante, adressées au pharmacien du secteur et ayant résulté ou non en une intervention pharmaceutique. Les demandes de consultation pharmaceutique sont incluses dans ces résultats. Puisque les pharmaciens ne participent pas aux tournées médicales de ces secteurs cliniques, ces demandes ont été adressées aux pharmaciens en dehors des tournées. Un total de 71 questions ou demandes ont été adressées aux pharmaciens des trois secteurs cliniques. Il faut noter qu’avant la réorganisation des soins à l’IUCPQ-UL, ces trois secteurs n’étaient pas couverts par un pharmacien. Il y a tout lieu de croire que certaines demandes n’étaient pas faites et que d’autres étaient adressées aux pharmaciens à la validation des ordonnances.
Tableau IV Nombre de demandes des autres professionnels de la santé adressées au pharmacien selon le secteur clinique
Cette étude décrit les interventions pharmaceutiques réalisées selon le nouveau modèle d’offre de soins pharmaceutiques de l’IUCPQ-UL dans les secteurs de médecine interne, de cardiologie et de pneumologie. L’étude de l’impact clinique et de la nature des interventions effectuées aide à décrire le modèle mis en place et à l’améliorer au besoin. Un objectif secondaire de l’étude actuelle visait à la comparer avec celle effectuée en 2018, soit l’étude qui étudiait le rôle traditionnel du pharmacien à l’IUCPQ-UL (sans système de priorisation des patients).
Dans l’étude de 2018 portant sur le modèle traditionnel, seulement 11 % des interventions effectuées en cardiologie et en médecine interne avaient un impact clinique majeur, comparativement à 31 % dans l’étude actuelle14. Dans l’étude de 2018 en pneumologie, 6 % des interventions effectuées avaient un impact clinique majeur et ce résultat s’élève à 13 % dans la présente étude15. Les données récoltées sur la pneumologie avaient été analysées séparément étant donné l’utilisation d’un modèle plus hybride que traditionnel (une certaine priorisation des patients avait eu lieu, elle se situait à mi-chemin entre celle préconisée par le nouveau modèle d’offre de soins et l’absence de priorisation de l’ancien modèle). Dans l’étude de 2018, l’impact clinique de 46 % des interventions était qualifié de significatif, comparativement à 55 % dans la présente étude pour la cardiologie et la médecine interne15. Pour la pneumologie, l’impact clinique de 54 % des interventions était qualifié de significatif dans l’étude de 2018 comparativement à 61 % dans la présente étude15. Puis dans l’étude de 2018, l’impact clinique d’une bonne proportion des interventions en cardiologie et médecine interne, soit 38 %, était qualifié de mineur tandis que dans la présente étude ce nombre a baissé à 15 %15. Pour la pneumologie, l’impact clinique de 30 % des interventions selon l’étude de 2018 était qualifié de mineur, comparativement à seulement 25 % dans la présente étude15. Ainsi, selon l’étude actuelle, avec le nouveau modèle de soins pharmaceutiques, les pharmaciens font plus d’interventions dont l’impact clinique est significatif et majeur et moins d’interventions dont l’impact clinique est mineur. En effet, dans le modèle traditionnel, on note une prépondérance d’interventions dont l’impact clinique est qualifié de mineur ou de significatif et une proportion modeste des interventions catégorisées comme ayant un impact clinique majeur15. Les résultats actuels concordent avec ce qui avait été observé dans l’étude de 2018, où les auteurs avaient également abordé la répartition des interventions selon leur impact clinique avec le nouveau modèle d’offre de soins15. De plus, un plus grand nombre d’interventions pharmaceutiques ont été effectuées dans la présente étude, soit 290 interventions comparativement à 200 dans l’étude de 2018, et ce, pendant une durée de collecte similaire. Dans l’étude de 2018, les pharmaciens étaient présents entre 8 heures et 16 heures à l’unité de soins pendant huit jours en médecine interne, neuf jours en cardiologie et dix jours en pneumologie, soit un total de 216 heures de présence à l’étage. Les auteurs avaient constaté un rapport d’environ une intervention par heure de travail15. Dans l’étude actuelle, un plus grand nombre d’interventions ont été effectuées (290), malgré un nombre plus faible d’heures de présence à l’étage (145 c. 216 heures). L’étude actuelle a constaté un rapport d’environ deux interventions par heure de travail, soit deux fois plus qu’avec le modèle traditionnel. Avant 2016, aucun pharmacien n’était présent aux unités de soins prises en compte dans l’étude. Étant donné le grand nombre de patients hospitalisés dans ces secteurs et les effectifs restreints, l’utilisation du modèle traditionnel de soins pharmaceutiques se révèle peu réaliste, puisqu’un pharmacien suit environ 20 patients par jour. Avec le nouveau modèle à l’IUCPQ-UL, le pharmacien est responsable d’un plus grand nombre de patients. L’article de Carlson et coll. corrobore le fait que les pharmaciens peuvent suivre un nombre plus grand de patients dans un système de priorisation de patients11. Les résultats de l’étude actuelle démontrent que la priorisation des soins pharmaceutiques entraîne une utilisation judicieuse et optimale des services du pharmacien, particulièrement dans un contexte de rareté des ressources. Il serait intéressant d’évaluer les critères de vulnérabilité qui conduisent au plus grand nombre d’interventions et à celles ayant le plus grand impact clinique. De plus, d’autres recherches similaires à cette étude devraient être effectuées dans les autres secteurs cliniques.
Bien qu’il y ait toujours place à l’amélioration et que les offres de soins n’en sont qu’à leur début, les résultats démontrent que les critères de vulnérabilité établis cernent bien les patients vulnérables, étant donné l’impact clinique des interventions effectuées par les pharmaciens. D’ailleurs, les critères de priorisation définis dans la littérature sont très similaires à ceux du nouveau modèle d’offre de soins de l’IUCPQ-UL9–12,16–19. Le nombre de médicaments pris par un patient n’est pas un critère franc de l’offre de soins pharmaceutiques actuelle. La littérature semble d’avis qu’un patient prenant plusieurs médicaments est exposé à un risque plus élevé de problèmes liés à sa pharmacothérapie9,10,13,28,29. Le nombre de médicaments à partir duquelle patient est davantage exposé à ce risque varie selon les sources, mais pourrait se situer entre quatre et cinq13,30. Selon l’étude de Germain et coll., les patients se présentant à l’urgence de l’IUCPQ-UL prennent en moyenne 9,4 médicaments, ce qui démontre en partie la lourdeur et la vulnérabilité des patients et, par le fait même, la difficulté d’en faire un critère dans l’offre de soins31. Par ailleurs, les caractéristiques des patients de la présente étude sont semblables à celles de l’étude menée en 201815. Il est intéressant de noter que la durée moyenne de séjour à l’IUCPQ-UL est de 6,2 jours32. Dans la présente étude, la durée moyenne de l’hospitalisation était de 14 jours avec un très grand écart type. Ceci s’explique probablement par le fait qu’avec les nouvelles offres de soins pharmaceutiques, les pharmaciens ciblent les patients les plus vulnérables et donc les plus malades.
On remarque que certaines interventions faites par les pharmaciens ne sont pas issues de l’offre de soins pharmaceutiques en vigueur. En effet, lorsque le pharmacien analyse un dossier, il peut procéder à une analyse globale et trouver d’autres problèmes pharmacothérapeutiques. Par exemple, en médecine interne, le pharmacien avait peu de patients vulnérables ciblés et il prenait le temps d’analyser la pharmacothérapie globale du patient. L’étude démontre que ces interventions ne sont pas moins importantes pour les patients vulnérables, étant donné que l’impact clinique de la majorité d’entre elles était qualifié de significatif ou de majeur. En cardiologie et en pneumologie, le pharmacien a plusieurs patients vulnérables ciblés et il procède généralement à une analyse plus sommaire de la pharmacothérapie en fonction de la raison de la consultation ou du critère de vulnérabilité ciblé. Certains patients ciblés admis à l’IUCPQ-UL bénéficient de cette évaluation initiale globale de la pharmacothérapie, comme en greffe, en gériatrie, aux soins intensifs respiratoires, en chirurgie bariatrique et en oncologie. Dans les secteurs comme la pneumologie, la cardiologie, la chirurgie cardiaque et la chirurgie thoracique, le pharmacien a à sa charge davantage de patients et il ne peut effectuer une analyse globale de la pharmacothérapie de chaque patient. Ceci est sans doute un bon indicateur de la nécessité d’ajouter davantage de ressources pharmaciens dans ces secteurs. Il serait intéressant d’évaluer, dans un autre projet de recherche, la différence du nombre d’interventions effectuées selon que l’évaluation initiale de la pharmacothérapie est globale ou ciblée en fonction du critère de vulnérabilité ou de la demande de consultation.
Dans la présente étude, les actes pharmaceutiques les plus courant étaient l’évaluation ou l’opinion pharmaceutique, la surveillance de la thérapie et l’ajustement de la thérapie. Dans l’étude de 2018, avec le modèle de soins traditionnel, les principaux actes effectués étaient l’évaluation ou l’opinion pharmaceutique, la surveillance de la thérapie et l’histoire médicamenteuse15. Tout comme l’étude de 2018 l’avait mentionné, le modèle de soins pharmaceutiques en place favorise une plus grande proportion d’interventions associées à l’ajustement et à la surveillance de la thérapie comparativement à la réalisation d’histoires médicamenteuses15. Avec la nouvelle offre de soins, le pharmacien ne fait pas systématiquement l’histoire médicamenteuse de tous les patients ciblés. Ces dernières sont réalisées selon des critères établis, le jugement du pharmacien ou à la suite d’une demande d’un membre de l’équipe traitante ou d’un collègue pharmacien. Dans l’étude de 2018, 15 des 56 interventions réalisées, qui n’auraient pas été couvertes avec la nouvelle offre de soins, étaient issues de l’histoire médicamenteuse, mais l’impact thérapeutique d’aucune d’entre elles n’était majeur15. Dans l’étude actuelle, huit interventions étaient issues d’une histoire médicamenteuse. L’impact thérapeutique de trois d’entre elles était qualifié de majeur. Moins d’histoires médicamenteuses sont réalisées avec le nouveau modèle d’offre de soins. Même si des problèmes pharmacothérapeutiques peuvent être déterminés lors d’une histoire médicamenteuse, la littérature scientifique ne semble pas claire sur la nécessité de réaliser systématiquement des histoires médicamenteuses pour tous les patients, étant donné les ressources pharmaciens souvent limitées16. Il serait intéressant d’étudier quels patients bénéficient réellement d’interventions significatives de la part du pharmacien à la suite d’une histoire médicamenteuse et ensuite de tenter de déterminer des critères de vulnérabilité pour cibler les patients pour lesquels une histoire médicamenteuse devrait être effectuée.
Près de la totalité des patients admis à l’IUCPQ-UL disposent d’un BCM à l’admission (taux réalisation moyen: 95 %). Les assistants techniques en pharmacie (ATP) le réalisent de façon systématique. Le pharmacien du secteur clinique valide la saisie des données de ces BCM et décèle les divergences. Il intervient au besoin auprès de l’usager et corrige les divergences. Dans cette étude, les pharmaciens cliniciens n’ont pas validé l’ensemble des BCM réalisés pour les usagers de leur secteur, car les pharmaciens à la validation des ordonnances en font aussi. Toutefois, si le pharmacien à la validation des ordonnances constate une divergence, il contacte le clinicien du secteur. Ainsi, 9 % (25/290) des interventions réalisées étaient liées au BCM. Dans l’étude de 2018, les pharmaciens cliniciens validaient tous les BCM des patients de leur secteur et environ 5 % (9/207) des interventions étaient liées au BCM15. Ces résultats semblent démontrer que le modèle actuel en place, où les pharmaciens des secteurs cliniques ne valident pas tous les BCM de leurs propres patients, n’influence pas le nombre d’interventions pharmaceutiques qu’ils réalisent. Par contre, l’étude n’était pas structurée pour évaluer cet enjeu.
L’acte d’initier une pharmacothérapie a été effectué dans deux cas seulement. Ceci peut s’expliquer par le fait que la présence des pharmaciens dans ces secteurs est particulièrement récente et que les pharmaciens préconisent souvent la discussion avec l’équipe.
L’antibiogouvernance est intégrée dans toutes les offres de soins à titre de critère systématique de prise en charge. Ainsi, chaque pharmacien est responsable d’en assurer le suivi pour les patients de son secteur. Il n’est pas possible de mentionner spécifiquement le nombre ni la description des interventions faites en fonction de l’antibiogouvernance, puisque l’étude n’a pas été prévue en ce sens. Une autre étude répondant à cette question sera publiée sous peu.
L’étude de 2018 mentionne que l’une des faiblesses du modèle actuel d’offre de soins pharmaceutiques réside dans le fait qu’il ne favorise pas la détection de l’inobservance. En effet, si on réalise un faible nombre d’histoires médicamenteuses, il est difficile de détecter l’inobservance. Seules deux interventions concernaient l’inobservance. Actuellement, la validation des BCM par les pharmaciens permet de déceler les inobservances probables. En cardiologie, on constate qu’une plus grande proportion (12/290) d’interventions était liée à la prise de médicaments sans indication valable. L’étude menée en 2018 avait entre autres démontré un bon nombre d’interventions dues à la prise d’acide acétylsalicylique sans indication valable. Les pharmaciens y sont davantage conscientisés15.
Avec le nouveau modèle d’offre de soins pharmaceutiques dans les secteurs étudiés, le pharmacien ne participe pas systématiquement aux tournées médicales. Dans l’étude de 2018, seulement 10 % des interventions pharmaceutiques avaient été effectuées dans le cadre de la tournée médicale15. La plupart des interventions avaient un impact clinique mineur à significatif. Il importe de rappeler que la tournée médicale dans ces secteurs supposerait une implication quotidienne du pharmacien pendant près de deux heures pour 20 à 25 lits et qu’elle n’est pas structurée de manière à optimiser le temps du pharmacien, ce qui est peu compatible avec le modèle de soins instauré. Dans l’étude actuelle, 71 demandes ont été adressées aux pharmaciens des secteurs étudiés, malgré qu’ils ne soient pas présents lors des tournées médicales.
La pharmacienne qui recueillait les données était aussi celle qui posait les actes pharmaceutiques cliniques en médecine interne, étant donné le faible temps de présence nécessaire à l’étage. C’était cette même pharmacienne qui collectait les données pour le secteur de la cardiologie et de la pneumologie, mais ce n’était pas elle qui posait les actes cliniques. Ceci permettait aux pharmaciens présents à l’étage de se consacrer entièrement à leurs tâches cliniques comme d’habitude. Une pharmacienne de l’établissement n’ayant pas participé à la collecte de données évaluait d’un point de vue externe les impacts cliniques associés à chacun des actes. Cette pharmacienne était la même que dans l’étude réalisée en 2018, ce qui favorise la comparaison des deux études et la validité de la présente étude. L’outil utilisé pour déterminer les impacts des interventions est le même que celui de l’étude antérieure, ce qui rend possible une meilleure comparaison des deux études. Il aurait peut-être été souhaitable de recourir à un pharmacien n’œuvrant pas au sein de l’établissement pour la classification de l’impact clinique des interventions effectuées.
Parmi les limites, mentionnons aussi la présence de deux pharmaciens différents pendant la durée de l’étude dans le secteur de la cardiologie et celui de la pneumologie. Ainsi, malgré une offre de soins claire et définie, des différences existent entre les pharmaciens quant à leur degré d’engagement dans l’examen des dossiers. Par exemple, il est possible que certains s’en tiennent aux interventions directement liées aux critères de vulnérabilité, tandis que d’autres tentent de préconiser une analyse plus globale malgré la grande charge de travail. L’étude n’a pas évalué si, concrètement, la nouvelle offre de soins pharmaceutiques procure la rapidité d’action qu’elle promet, c’est-à-dire une analyse de dossier en 24 heures pour les patients ayant des critères systématiques, en moins de 48 heures pour les patients devant être vus de façon prioritaire et en moins de 72 heures pour les autres patients ciblés.
Il est rassurant de constater que la majorité des interventions effectuées avec la nouvelle offre de soins ont un impact clinique significatif et majeur. De plus, cette étude démontre que l’offre de soins actuelle permet d’effectuer davantage d’interventions en une heure comparativement au modèle de soins pharmaceutiques traditionnel. Le nouveau modèle d’offre de soins implique que tous les secteurs cliniques bénéficient de la présence d’un pharmacien et favorise une priorisation des soins basée sur l’identification des patients les plus vulnérables et les plus exposés au risque de présenter des problèmes liés à la pharmacothérapie. Comme le pharmacien prend en charge tous les aspects de la pharmacothérapie des patients, y compris le BCM, l’ATIVAD, l’antibiogouvernance et l’analyse des demandes d’utilisation de médicaments hors formulaire, sa présence à l’étage devient incontournable. Il sera pertinent d’évaluer par la suite la proportion de patients ciblés par l’offre de soins qui ont été vus par le pharmacien et les délais de prise en charge. Il serait aussi intéressant d’étudier la différence entre une analyse ciblée et une analyse plus globale sur les interventions effectuées. Ces résultats permettront d’établir un plan d’effectifs précis et de justifier l’ajout de ressources dans certains secteurs, tels la cardiologie et la pneumologie où le pharmacien a actuellement un trop grand nombre de lits à couvrir. Étant donné cet aspect et dans l’optique où le Département cherche à améliorer constamment ses pratiques, ce dernier aurait probablement avantage à travailler sur l’implantation d’un système de score clinique intégré à un logiciel, qui priorise plus précisément les interventions. Cette étude aura permis de valider un nouveau modèle d’offre de soins basé sur une priorisation des patients, qui n’a pas encore été étudié au Québec.
Cet article comporte une annexe; elle est disponible sur le site de Pharmactuel (www.pharmactuel.com).
Aucun financement en relation avec le présent article n’a été déclaré par les auteurs.
Tous les auteurs ont rempli et soumis le formulaire de l’ICMJE pour la divulgation de conflits d’intérêts potentiels. Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec le présent article.
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PHARMACTUEL, Vol. 53, No. 3, 2020