Dapagliflozine pour les patients atteints d’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection réduite : étude DAPA-HF

Vincent Leclerc1,2,3, B.Pharm., M.Sc.

1Pharmacien, Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec-Université Laval, Québec (Québec) Canada;
2Chargé d’enseignement clinique, Faculté de pharmacie, Université Laval, Québec (Québec) Canada;
3Rédacteur associé, Pharmactuel, Montréal (Québec) Canada

Reçu le 20 janvier 2020: Accepté après révision par les pairs le 8 juin 2020

Titre : Dapagliflozin in patients with heart failure and reduced ejection fraction. N Engl J Med 2019;381:1-131.

Auteurs : McMurray JJ, Solomon SD, Inzucchi SE, K.ber L, Kosiborod MN, Martinez FA et coll. pour le groupe d’investigateurs DAPA-HF.

Commanditaires : L’étude a été financée par la compagnie AstraZeneca, qui a participé à l’élaboration et à la conduite de l’étude ainsi qu’à l’analyse des données, le tout en collaboration avec le comité exécutif du groupe d’investigateurs.

Cadre de l’étude : Plusieurs grandes études cliniques ont porté sur la sécurité cardiovasculaire des inhibiteurs du co-transporteur sodium-glucose de type 2 (iSGLT2) dans les dernières années24. Ces études ont démontré une réduction des hospitalisations pour de l’insuffisance cardiaque dans une population atteinte de diabète de type 2 (DB2)24. Il est à noter que seulement 10 à 15 % des patients de ces études étaient atteints d’insuffisance cardiaque (IC) à l’inclusion, sans précision sur l’étiologie ou la sévérité de la condition24. Cette diminution des hospitalisations observée tôt après la répartition aléatoire ainsi que les avantages rénaux observés évoquent un mécanisme d’action et de protection cardiovasculaire indépendant des effets hypoglycémiants57. L’étude DAPA-HF a donc été conduite afin de tester ces hypothèses et de démontrer l’efficacité d’un iSGLT2, la dapagliflozine, pour une population atteinte d’IC à fraction d’éjection réduite, atteinte ou non de DB2.

Protocole de recherche : Il s’agit d’une étude à répartition aléatoire menée en double aveugle, internationale et multicentrique. Après avoir fourni un consentement éclairé, le patient entrait dans une phase de dépistage afin de valider les critères d’inclusion. S’en suivait la répartition aléatoire dans un ratio 1:1 par un système automatisé, stratifiée selon la présence ou non de DB2, défini comme la présence d’un diagnostic établi ou par un résultat d’hémoglobine glyquée d’au moins 6,5 % pendant la phase de dépistage. Les patients étaient évalués au 14e et au 60e jour après la répartition aléatoire et tous les quatre mois par la suite. Les investigateurs portaient une attention particulière à la volémie, à la fonction rénale et à certains effets secondaires. L’analyse principale était effectuée en intention de traiter (ITT), avec une hiérarchisation des analyses statistiques pour les objectifs primaires et secondaires. Les analyses portaient sur 14 sous-groupes différents afin de vérifier la constance des effets du traitement. On ne procédait aux analyses de sécurité que pour les patients ayant reçu au moins une dose du traitement. Un comité indépendant a validé les analyses statistiques.

Patients : Les patients d’au moins 18 ans ayant une fraction d’éjection maximale de 40 % avec une classe fonctionnelle de la New York Heart Association (NYHA) II, III ou IV étaient inclus si leur taux de N-terminal pro-B-type natriuretic peptide (NT-proBNP) était supérieur à 600 pg/mL. Le taux limite était de 400 pg/mL si le patient avait été hospitalisé pour une IC dans l’année précédente ou de 900 pg/mL si le patient présentait une fibrillation ou un flutter auriculaire. Le traitement standard de l’IC, médicaments et cardiostimulateurs, devait être en place et stable depuis au moins quatre semaines, à l’exception des diurétiques. Les patients devaient recevoir un inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IECA), un bloqueur des récepteurs de l’angiotensine (ARA) ou du sacubitril-valsartan en combinaison avec un bêtabloquant, à moins d’une contre-indication ou d’intolérance antérieure. L’utilisation d’un antagoniste des récepteurs minéralocorticoïdes (ARM) était encouragée, sans être obligatoire.

Les patients souffrant de diabète de type I, ayant reçu dans les huit semaines précédentes un iSGLT2, ayant une pression artérielle systolique de moins de 95 mmHg ou un débit de filtration glomérulaire estimé (DFGe) inférieur à 30 mL/min/1,73m2 étaient exclus. Les patients ayant été hospitalisés dans les quatre semaines précédentes ou ayant subi un événement cardiovasculaire, une intervention coronarienne ou valvulaire dans les 12 semaines précédentes étaient aussi exclus. Une dysfonction hépatique, définie comme une élévation des transaminases dépassant de plus de trois fois la limite supérieure de la normale ou la bilirubine dépassant de plus de deux fois la limite supérieure de la normale empêchait l’inclusion dans l’étude. Une cardiomyopathie obstructive, restrictive, une myocardite, une péricardite constrictive, une cardiomyopathie valvulaire non corrigée ou le port d’un dispositif d’assistance ventriculaire gauche étaient aussi des critères d’exclusion.

Interventions : Les patients recevaient une dose de 10 mg une fois par jour de dapagliflozine ou un placebo équivalent. La dose pouvait être réduite à 5 mg ou le traitement suspendu temporairement en présence d’hypotension, de déplétion volémique ou de détérioration aiguë de la fonction rénale. La reprise du traitement avec une augmentation subséquente de la dose à 10 mg était recommandée, si cela était possible. Les doses d’insuline et de sulfonylurée des patients présentant un DB2 pouvaient être réduites afin de diminuer le risque d’hypoglycémie.

Points évalués : L’objectif primaire était un composite formé de dégradation de l’IC, soit une hospitalisation pour une IC ou une visite urgente résultant en l’administration d’une thérapie intraveineuse pour une IC (diurétique ou agent vasoactif), et de mortalité cardiovasculaire. L’objectif secondaire principal était un composite formé d’hospitalisation pour une IC et de mortalité cardiovasculaire. Les autres objectifs secondaires d’efficacité et de sécurité sont énumérés dans le tableau I. Un comité de vérification indépendant effectuait la révision des événements.

Tableau I Objectifs primaires et secondaires évalués

Résultats : Entre février 2017 et août 2018, 4744 patients provenant de 20 pays ont été répartis aléatoirement, 2373 dans le groupe dapagliflozine et 2371 dans le groupe placebo. À la fin de l’étude, environ 11 % des patients avaient arrêté le traitement, dans une proportion semblable entre les deux groupes. Environ 98 % des patients de chaque groupe, qui étaient toujours sous traitement à la fin du suivi, recevaient le traitement à la dose de 10 mg. Le suivi médian a duré 18 mois.

Les caractéristiques de base étaient bien équilibrées entre les deux groupes. Environ 67 % des patients étaient des hommes âgés de 66 ans en moyenne. Plus de 70 % des patients étaient caucasiens (provenant d’Europe à 45 % et d’Amérique du Nord à 14 %) et environ 23 % étaient asiatiques. Environ 67 % des patients étaient en classe fonctionnelle de la NYHA II. La pression artérielle moyenne se situait à 122 mmHg avec une fréquence cardiaque moyenne de 72 battements par minute, la fraction d’éjection du ventricule gauche à 31 %, le NT-proBNP moyen à 1400 pg/mL et le DFGe moyen à 66 mL/min/1,73m2. Un peu plus de 40 % des patients avaient un DFGe inférieur à 60 mL/min/1,73m2. Une proportion de 57,3 % des patients du groupe placebo souffraient de cardiomyopathie ischémique contre 55,5 % dans le groupe dapagliflozine. Seulement 42 % des patients étaient considérés comme diabétiques à l’inclusion. Environ 95 % des patients recevaient un IECA, un ARA ou du sacubitril-valsartan, 96 % un bêtabloquant et 70 % un ARM. Le sacubitril-valsartan n’était donné qu’à 11 % des patients, tandis que 19 % des patients recevaient de la digoxine.

Un événement de l’objectif primaire composite s’est produit chez 16,3 % des patients du groupe dapagliflozine, contre 21,2 % des patients du groupe placebo, soit une réduction de 4,9 % du risque absolu et 26 % du risque relatif (risque relatif [RR] : 0,74, intervalle de confiance à 95 % [IC 95 %] : 0,65–0,85, p < 0,001). Le taux d’événements de chaque composante de l’objectif primaire favorisait le groupe dapagliflozine, avec la plus grande réduction pour la composante des hospitalisations pour une IC, soit une réduction relative de 30 % (IC 95 % : 0,59–0,83). La réduction relative de la mortalité cardiovasculaire atteint, quant à elle, 18 % (IC 95 % : 0,69–0,98). Le nombre de patients nécessaires à traiter (NNT) afin d’éviter un événement de l’objectif primaire est de 21 à 18 mois.

L’incidence de l’objectif secondaire principal a aussi diminué de manière significative dans le groupe dapagliflozine. Un total de 567 événements se sont produits dans le groupe dapagliflozine comparativement à 742 pour le groupe placebo (RR: 0,75, IC 95 % : 0,65–0,85, p < 0,001).

Un plus grand nombre de patients du groupe dapagliflozine ont amélioré leur score au Kansas City cardiomyopathy questionnaire (KCCQ) d’au moins cinq points (58,3 % contre 50,9 %, rapport des cotes : 1,15, IC 95 % : 1,08–1,23). Aucune différence entre les deux groupes n’a été détectée pour le composite formé de la détérioration de la fonction rénale ou de la mortalité rénale et de la mortalité toutes causes confondues. Pour la mortalité toutes causes confondues, une réduction de 17 % a été observée dans le groupe dapagliflozine. Les analyses statistiques n’ont cependant pas pu être effectuées sur ce point, puisque l’analyse hiérarchique s’est arrêtée au composite rénal.

L’effet du traitement demeure constant parmi 13 des 14 sous-groupes prédéfinis. Seuls les patients se situant dans la classe NYHA III ou IV semblaient moins bénéficier du traitement. L’effet du traitement restait semblable, que le patient soit diabétique ou non.

Les patients du groupe dapagliflozine subissaient une diminution de leur hémoglobine glyquée de 0,2 %, de leur poids de 0,9 kg, du NT-proBNP de 200 pg/mL et de la pression artérielle de 2 ± 15 mmHg. La créatinine sérique augmentait de 6 μmol/L et l’hématocrite de 2 %.

Du côté des effets secondaires, aucune différence statistiquement significative n’a été démontrée entre les deux groupes, tant sur le plan des événements d’hypovolémies que sur celui des fractures, des amputations ou des acidocétoses diabétiques. Trois acidocétoses diabétiques se sont produites dans le groupe dapagliflozine, toutes chez des patients diabétiques. Bien que le nombre d’événements indésirables rénaux soit similaire entre les deux groupes, on a observé moins d’événements graves dans le groupe dapagliflozine (1,6 % contre 2,7 %, p = 0,009).

Grille d’évaluation critique

Table 2

Discussion

L’étude DAPA-HF a démontré une réduction de la mortalité cardiovasculaire et des hospitalisations pour une IC lorsque la dapagliflozine est ajoutée à une thérapie usuelle pour des patients atteints d’IC à fraction d’éjection inférieure ou égale à 40 %, qu’ils aient ou non un DB2. Ces résultats viennent confirmer la réduction observée dans les hospitalisations pour une IC et la mortalité cardiovasculaire observée dans les études précédentes avec les iSGLT2 dans une population diabétique ayant un risque cardiovasculaire élevé24. La réduction du risque relatif de 26 % se compare avantageusement avec l’étude PARADIGM, qui a étudié le sacubitril-valsartan dans une population similaire et qui a démontré une réduction du composite formé de la mortalité cardiovasculaire et de l’hospitalisation pour une IC de 20 % (RR : 0,80, IC 95 % : 0,73–0,87, p < 0,001)10. La réduction du risque d’hospitalisations pour une IC se compare aussi à celle prouvée dans l’étude SHIFT, sur l’ajout de l’ivabradine pour les patients avec une IC à fraction d’éjection inférieure ou égale à 35 %11. La réduction du risque d’hospitalisations était de 26 % (RR : 0,74, IC 95 % : 0,66–0,83)11. La réduction du composite formé de la mortalité cardiovasculaire et des hospitalisations se rapproche aussi de celle observée dans l’étude EMPHASIS-HF, avec l’éplérénone, qui a démontré une réduction de 37 % (RR : 0,63, IC 95 % : 0,54–0,74)13.

La persistance de l’effet de la dapagliflozine même pour les patients sans DB2 est sans doute le résultat le plus intéressant de l’étude. Ce résultat vient appuyer le fait que les avantages que procurent les iSGLT2 ne sont probablement pas dus à leurs effets hypoglycémiants, d’autant plus qu’un contrôle glycémique intensif n’est pas lié à une réduction du risque de développer une IC6,7,15. Dans une sous-analyse de DAPA-HF examinant l’effet de la dapagliflozine en fonction du statut diabétique (non diabétique comparé à prédiabétique et à diabétique), Petrie et coll. ont observé une réduction de la survenue des éléments de l’objectif primaire comparable entre les groupes, malgré un taux plus élevé parmi les patients diabétiques16. L’étude DEFINE-HF, une étude évaluant l’effet de la dapagliflozine sur le NT-proBNP et la qualité de vie à la 12e semaine chez 130 patients souffrant d’IC et avec une fraction d’éjection réduite n’a pas démontré de réduction significative de ce biomarqueur comparativement au placebo, mais a amélioré la qualité de vie de manière significative17. Ces résultats diffèrent de l’effet du sacubitril-valsartan ou des IECA qui diminuent respectivement de 46,7 % et de 25,3 % le NT-proBNP chez des patients souffrant d’une IC décompensée, ce qui laisse penser à un mécanisme d’action différent18. Plusieurs mécanismes d’action sont proposés pour expliquer l’efficacité des iSGLT2 en situation d’IC. Entre autres, un effet simulant le système rénine-angiotensine-aldostérone, un maintien de la fonction rénale et de l’érythropoïèse, une diminution de l’inflammation et du stress oxydatif ainsi que des effets au niveau du métabolisme et de l’utilisation de l’énergie par le myocarde sont différents mécanismes avancés5,19,20. Tous ces effets ne sont pas affectés par le statut diabétique du patient et seraient complémentaires aux traitements actuels19. Les résultats de l’étude EMPEROR-reduced, qui a étudié l’effet de l’empagliflozine comparativement au placebo pour des patients souffrant d’IC à fraction d’éjection réduite sans égard à leur statut diabétique, permettent de confirmer les résultats obtenus par l’étude DAPA-HF21. Les patients inclus à cette étude possédaient des caractéristiques semblables à ceux de l’étude DAPA-HF, sauf pour la fraction d’éjection (un peu plus faible) et les NT-proBNP (un peu plus élevés)21. Une réduction du risque relatif de 25 % de la fréquence de l’objectif primaire composite formé par la mortalité cardiovasculaire et par une première hospitalisation pour de l’IC a été observée, ce qui est comparable aux résultats de l’étude DAPA-HF21. Encore une fois dans cette étude, le statut diabétique ne change rien à l’effet du traitement21. Les résultats d’études en cours dans une population similaire à celle de DAPA-HF et d’EMPEROR-reduced, portant sur la sotagliflozine et l’ertugliflozine, viendront ajouter de l’information sur l’utilisation des iSGLT2 pour une population sans DB2 présentant une IC22,23.

Bien que les patients devaient recevoir une thérapie médicamenteuse optimale pour être inclus dans l’étude, aucune information n’est disponible sur les doses de médicaments prises par les patients. Avec une tension artérielle de près de 120 mmHg et une fréquence cardiaque de plus de 70 battements par minute, il est possible que les doses des médicaments n’aient pas été optimisées. Il est pourtant connu que des doses plus élevées confèrent de plus grands avantages8. Par ailleurs, l’utilisation de la digoxine (19 % des patients) n’est pas conforme à la pratique québécoise, où son utilisation est moins fréquente12. De plus, il est à noter que seuls 11 % des patients recevaient le sacubitril-valsartan, bien que, depuis 2016, différentes sociétés de cardiologie recommandent son utilisation24,25. Autre fait à noter, aucune information sur l’utilisation de l’ivabradine n’est disponible. Ceci peut sans doute s’expliquer par la répartition géographique des patients, une bonne proportion venant d’Europe de l’Est et d’Amérique du Sud, où on utilise peut-être moins de médication plus coûteuse, comme le sacubitril-valsartan. Le recrutement s’étant déroulé de février 2017 à avril 2018, il se peut que le sacubitril-valsartan ait été intégré dans les pratiques régionales en cours d’étude. Malgré tout, le sous-groupe recevant le sacubitril-valsartan conserve les mêmes avantages avec la dapagliflozine que la cohorte totale. Une sous-analyse des données de DAPA-HF a été effectuée par Docherty et coll. dans le but de vérifier si l’effet de la dapagliflozine différait selon l’intensité du traitement médicamenteux de base des patients26. L’effet du traitement à la dapagliflozine pour les patients qui recevaient au moins 50 % de la dose cible d’un IECA ou d’un ARA et aussi au moins 50 % de la dose cible d’un bêtabloquant ne diffère pas de l’effet de ceux recevant moins de 50 % de la dose cible26. La prise ou non d’un ARM, de digoxine ou le port d’un cardiostimulateur ne faisaient pas non plus varier les résultats26. Ces résultats permettent d’apaiser les inquiétudes potentielles sur le traitement de base des patients dans l’étude DAPA-HF.

Du côté de l’applicabilité des résultats, l’utilisation de la dapagliflozine pour les patients DB2 ayant atteint leur cible glycémique ou pour les patients sans DB2 sera limitée pour le moment par le remboursement offert par les différentes assurances médicaments. Peu de patients très âgés, frêles ou avec plusieurs comorbidités étaient inclus dans l’étude DAPA-HF. Au début de l’année 2020, Martinez et coll. ont publié une sous-analyse de DAPA-HF pour examiner les effets de la dapagliflozine en fonction de l’âge des patients27. Environ 24 % des patients de DAPA-HF avaient au moins 75 ans, soit 1149 patients. Les résultats de l’objectif primaire pour ces patients demeuraient constants comparativement aux autres strates d’âge (moins de 55 ans, 55 à 64 ans, 65 à 74 ans) et avec les résultats de la cohorte totale de DAPA-HF, soit un risque relatif 0,68 avec un IC 95 % : 0,53–0,8827. Cependant, le taux d’incidence des effets indésirables rénaux et secondaires à une déplétion volémique était plus élevé chez les 75 ans et plus27. Ces effets indésirables étaient plus fréquents dans le groupe placebo (effet secondaire rénal : 10,6 %, déplétion volémique: 1,7 %) que dans le groupe dapagliflozine (effet secondaire rénal : 6,8 %, déplétion volémique : 1,2 %)27.

Par ailleurs, aucune information sur les ajustements de doses des autres médicaments effectués en cours d’étude n’est disponible. Il faudra choisir avec prudence les patients pour qui on veut entreprendre ce traitement et effectuer une surveillance biochimique et clinique afin de s’assurer de la sécurité de l’utilisation de cette molécule comportant des effets secondaires potentiels sérieux25,28. Bien que les auteurs de DAPA-HF mentionnent qu’aucun effet secondaire n’a été plus fréquent dans le groupe dapagliflozine, les effets secondaires qui n’étaient pas considérés comme d’intérêt n’étaient pas colligés de manière systématique, ce qui réduit la portée de cette affirmation.

Il reste à savoir quelle place sera faite aux iSGLT2 dans les prochaines lignes directrices concernant l’IC. Les données robustes de mortalité et de morbidité de DAPA-HF et la complémentarité possible des mécanismes d’action laissent présager que ce sera en ajout aux traitements de base actuels que sont les IECA, ARM et bêta-bloquants. Des données sur le remodelage cardiaque seront nécessaires avant que la dapagliflozine soit préférée au sacubitril-valsartan, lequel augmente la fraction d’éjection du ventricule gauche29. La Société canadienne de cardiologie a émis un avis en début 2020 recommandant la prise de dapagliflozine par les patients diabétiques ayant une fraction d’éjection de 40 % ou moins avec des symptômes légers à modérés. Cette recommandation est conditionnelle à l’approbation par Santé Canada de l’utilisation de la dapagliflozine pour les patients non diabétiques30. Le prix de 2,45 $ par jour de la dapagliflozine se compare avantageusement aux 7,24 $ par jour du sacubitril-valsartan et pourra permettre son utilisation préférentielle dans les situations où les coûts des traitements sont un enjeu majeur, bien qu’il s’ajoute aux nombreux autres traitements des patients atteints d’IC31.

Conclusion

Lorsqu’on l’utilise en plus des traitements usuels de l’IC à fraction d’éjection réduite, la dapagliflozine réduit la mortalité cardiovasculaire et les hospitalisations pour de l’IC. Ces résultats ouvrent la porte à l’utilisation de la dapagliflozine comme traitement de l’IC, sans égard au statut diabétique du patient. Étant donné le manque d’informations sur les doses de médicaments au début de l’étude, le faible nombre de patients atteints d’une maladie avancée ou frêles ainsi que les ajustements nécessaires en cours de traitement, il importe d’être prudent dans la généralisation des résultats et d’effectuer un suivi adéquat suite au début de ce traitement.

Financement

Aucun financement en relation avec le présent article n’a été déclaré par l’auteur.

Conflits d’intérêts

L’auteur a rempli et soumis le formulaire de l’ICMJE pour la divulgation de conflits d’intérêts potentiels. Vincent Leclerc est rédacteur associé de Pharmactuel. L’auteur n’a déclaré aucun autre conflit d’intérêts en relation avec le présent article.

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31. Régie de l’assurance maladie du Québec. Liste des médicaments : mise à jour le 18 décembre 2019. [en ligne] http://www.ramq.gouv.qc.ca/SiteCollectionDocuments/liste_med/2019/liste_med_2019_05_23_fr.pdf (site visité le 30 décembre 2019).



Pour toute correspondance: Vincent Leclerc, Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec – Université Laval, 2725, chemin Sainte-Foy, Québec (Québec) G1V 4G5, CANADA; Téléphone : 418 656-4590; Courriel : vincent.leclerc@ssss.gouv.qc.ca

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PHARMACTUEL, Vol. 53, No. 4, 2020