Augmentation rapide de la dose de clozapine chez un patient avec trouble psychotique réfractaire fuguant à répétition

Anne-Sophie Pépin1,2,3*, Pharm.D., M.Sc., Cloé Pelletier1,2,4*, Pharm.D., M.Sc., Sarah Lamothe1,2,3*, Pharm.D., M.Sc., Valérie Roy1,2,3,4,5*, B.Pharm., M.Sc., Philippe Vincent6,7*, B.Pharm., M.Sc., BCPP

1Candidate à la maîtrise en pharmacothérapie avancée au moment de la rédaction, Faculté de pharmacie, Université de Montréal, Montréal (Québec) Canada;
2Résidente en pharmacie au moment de la rédaction, Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de l’Est-de-l’Île-de-Montréal, Hôpital Maisonneuve Rosemont, Montréal (Québec) Canada;
3Pharmacienne, Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de l’Est-de-l’Île-de-Montréal, Montréal (Québec) Canada;
4Pharmacienne, Centre intégré de santé et de services sociaux de Lanaudière, Joliette (Québec) Canada;
5Pharmacienne, Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec, Trois-Rivières (Québec) Canada;
6Pharmacien, Institut universitaire en santé mentale de Montréal, Montréal (Québec) Canada;
7Professeur agrégé de clinique, Faculté de pharmacie, Université de Montréal, Montréal (Québec) Canada

Reçu le 27 avril 2020: Accepté après révision par les pairs le 20 novembre 2020

Résumé

Objectifs : Présenter un cas d’augmentation rapide des doses de clozapine chez un patient avec trouble psychotique réfractaire, déterminer les suivis pertinents et définir le type de patient pouvant bénéficier de cette pratique.

Résumé du cas : Un homme de 31 ans, ayant un trouble psychotique traité par la clozapine, avait l’habitude de fuguer à répétition pendant plus de 48 heures. Cela nécessitait de réintroduire graduellement la clozapine après chaque fugue, engendrant des périodes de contrôle sous-optimal. Une augmentation par tranche de 100 mg par jour en quatre prises a été tentée. La dose de 400 mg a été atteinte en cinq jours, puis modifiée pour une prise uniquotidienne au jour 8. Cette augmentation a été bien tolérée.

Discussion : La clozapine est un antipsychotique de deuxième génération indiqué chez les patients avec schizophrénie réfractaire. On retrouve peu de données dans la littérature scientifique pour soutenir une augmentation rapide de la dose. Une augmentation graduelle permet de limiter les effets secondaires dépendant de la dose et de la vitesse d’ajustement, soit la sédation, l’hypotension, les convulsions, le risque de myocardite et les changements à l’électrocardiogramme. Autrement, le fractionnement de la dose réduit l’intensité des concentrations plasmatiques et les effets secondaires associés.

Conclusion : Ce cas présente une augmentation rapide et bien tolérée des doses de clozapine. Une telle pratique s’applique à un nombre restreint de patients. En raison de la variabilité interindividuelle du métabolisme de la clozapine, un suivi étroit pour ajuster l’augmentation des doses selon la tolérance du patient est nécessaire.

Mots clés : Clozapine, dangerosité, effets secondaires, hétéro-agressivité, titration rapide, tolérance, trouble psychotique

Abstract

Objectives : To present a case involving a rapid increase in clozapine doses in a patient with a refractory psychotic disorder, to determine the relevant follow-ups and to define the type of patient who might benefit from this practice.

Case summary : A 31-year-old male with a psychotic disorder treated with clozapine had the habit of repeatedly running away for more than 48 hours. This required a gradual reintroduction of clozapine after each runaway event, which resulted in periods of suboptimal control. An increase of 100 mg per day in four doses was attempted. The 400 mg dose was reached in 5 days and was switched to once-daily administration on Day 8. This increase was well tolerated.

Discussion : Clozapine is a second-generation antipsychotic indicated in patients with refractory schizophrenia. There is little data in the scientific literature to support rapid dose escalation. A gradual increase limits the dose- and speed of adjustment-dependent adverse effects, namely, sedation, hypotension, convulsions, the risk of myocarditis, and electrocardiographic changes. In other words, dose splitting reduces the peak plasma concentrations and their associated adverse effects.

Conclusion : This case involves a rapid and well-tolerated increase in clozapine doses. This practice applies to a small number of patients. Because of interindividual variability in clozapine metabolism, close monitoring is necessary in order to adjust the dose increase according to the patient’s tolerance.

Keywords : Adverse effects, clozapine, dangerousness, hetero-aggressiveness, psychotic disorder, rapid titration, tolerance

Introduction

La clozapine est un antipsychotique dont l’efficacité supérieure est établie1. Elle nécessite certaines précautions pendant la titration, soit la prise de signes vitaux, un examen mental et une revue des systèmes. Le fractionnement des doses permet de réduire les effets indésirables proportionnels au pic de concentration plasmatique2. Les plus redoutés sont l’hypotension orthostatique sévère, la somnolence excessive, les myoclonies, les myocardites et les changements à l’électrocardiogramme (ECG)35. Ces derniers incluent l’allongement de l’intervalle QT (13,8 ms en moyenne), un sous-décalage du segment ST et un aplatissement ou une inversion de l’onde T2,6.

Les guides de pratique recommandent une titration graduelle des doses, mais une augmentation rapide pourrait calmer des symptômes psychotiques dangereux, selon certains auteurs2,3.

Le cas présenté est celui d’un patient atteint d’un trouble psychotique et de toxicomanie. La souffrance associée à sa maladie ainsi que le potentiel de dangerosité ont convaincu les cliniciens d’augmenter les doses de clozapine plus rapidement que les recommandations habituelles2.

Description du cas

Il s’agit d’un homme caucasien de 31 ans dont le diagnostic est un trouble psychotique non spécifié. Comme antécédents médicaux, il a un syndrome orbitofrontal, un trouble de la personnalité du cluster B, une hépatite C traitée, une neutropénie constitutionnelle autour de 1,7 × 109/L et un nystagmus congénital, un trouble lié à l’usage des substances, dont le cannabis, les amphétamines et la cocaïne, et il fume du tabac pendant ses sorties ou dans les toilettes de l’unité. La fréquence est variable, mais les quantités sont jugées dangereuses.

Il a été hospitalisé à plusieurs reprises en raison d’une grande impulsivité, de paranoïa, d’hallucinations visuelles et de comportement agressif. Il a été placé sous ordonnance de traitement et d’hébergement pour protéger la population. Des tentatives d’intégration ont échoué, parfois suivies d’emprisonnement pour menaces de mort. De nombreux médicaments tels que le méthylphénidate, le divalproex, le topiramate, le zuclopenthixol, la rispéridone et la palipéridone injectable à action prolongée ainsi que plusieurs antidépresseurs, dont le citalopram et le bupropion, ont été tentés avec des réponses sous-optimales. Il a reçu un traitement par buprénorphine et naloxone pour le trouble lié à l’usage des substances.

Après un échec avec la rispéridone, le psychiatre a tenté la clozapine. Elle a été titrée graduellement, tel que recommandé par la monographie, en augmentant de 12,5 à 25 mg tous les un à deux jours jusqu’à atteindre une dose quotidienne de 400 mg, durant 39 jours2. Une nette amélioration a été notée en 30 jours par le personnel soignant, allant jusqu’à la disparition du comportement menaçant et de l’agressivité.

Toutefois, le patient fuguait régulièrement pour consommer. Après chaque absence de plus de 48 heures, l’augmentation graduelle de la clozapine devait être reprise. Deux à trois semaines étaient nécessaires pour atteindre la dose quotidienne de 400 mg, selon les moments de réévaluation par le psychiatre. Pendant ce temps, le patient était agité et irritable, mais non violent. Sa colère était plutôt exprimée par la voix et les comportements. Après trois fugues, la clozapine a été remplacée par la quétiapine à longue durée d’action (XR) 1000 mg une fois par jour. Une réapparition des hallucinations, des délires paranoïdes et de l’agressivité a été observée en moins de 10 jours. En raison de son excellente efficacité, un retour à la clozapine s’imposait avec une titration de 25 mg par jour jusqu’à 400 mg (16 jours) qui a été bien tolérée.

Pour maîtriser rapidement les délires paranoïdes et l’agressivité verbale à la suite d’une nouvelle fugue de quatre jours, un schéma plus rapide que celui recommandé par la monographie a été proposé par le pharmacien hospitalier. Le premier jour, le patient a reçu 25 mg dès son retour et 25 mg au coucher. Le deuxième jour, il a reçu quatre doses de 25 mg. Puis, la dose a été augmentée tous les jours de 25 mg par prise, soit 50 mg quatre fois par jour, 75 mg quatre fois par jour, et 100 mg quatre fois par jour. Le fractionnement de la dose permet de minimiser les pics de concentration plasmatique et les effets secondaires qui y sont reliés, dont l’hypotension et la sédation. Le schéma complet de titration est présenté au tableau I.

Tableau I Schéma de titration rapide de la clozapine, signes vitaux et valeurs de laboratoire

 

Afin de s’assurer de l’innocuité du médicament, plusieurs paramètres ont été suivis. Les signes vitaux ont été pris avant chaque dose, avec la mention de suspendre la dose advenant une pression artérielle inférieure à 100/60 mmHg. Durant la titration rapide, la pression artérielle du patient était acceptable. La somnolence du patient a été documentée et une formule sanguine complète a été établie à quatre reprises durant la semaine. Un code rouge a été suspecté au jour 5 (neutrophiles = 1,12 × 109/L), mais une seconde prise de sang dans la même journée l’a infirmé. De plus, le patient présentait une éruption cutanée importante, laissant entrevoir un virus ou un effet indésirable à une drogue inconnue. Pour les premières journées de titration, la clozapine a été associée à l’olanzapine 10 mg afin d’assurer une certaine occupation des récepteurs D2 et 5HT2A. Cette association doit toujours s’accompagner d’une surveillance étroite du patient, car elle comporte un risque additionnel d’arythmies par l’allongement de l’intervalle QT et une possible toxicité anticholinergique. Cette dernière se traduit notamment par de la constipation pouvant entraîner un iléus paralytique2.

Le processus de titration jusqu’à la dose efficace de 100 mg quatre fois par jour s’est échelonné sur cinq jours. Puis, trois jours ont été nécessaires pour modifier les doses pour une prise uniquotidienne au coucher. Une note médicale rédigée trois jours après la fin de la titration indique que le patient tolérait bien le traitement, sans preuve d’effets secondaires, et que ses symptômes psychiatriques s’amélioraient.

En somme, il est permis de conclure au bon déroulement de la titration rapide de la clozapine chez ce patient. Ce même schéma sera retenu par la suite advenant une fugue de moins de 96 heures.

Une autorisation écrite du patient a été obtenue pour la publication de ce cas.

Analyse

En raison de la surveillance hématologique étroite ainsi que des nombreux effets indésirables associés à cette molécule, la clozapine est réservée aux patients n’ayant pas répondu à au moins deux essais significatifs d’antipsychotiques7.

Son effet principal s’exerce par le blocage du récepteur dopaminergique D2 postsynaptique de la voie mésolimbique8. Elle présente également une affinité pour les récepteurs sérotoninergiques 5HT2A, alpha-1 et alpha-2, en plus d’être un agoniste du récepteur 5HT1A, ce qui lui procure une activité anxiolytique8. La clozapine est extensivement métabolisée par les isoenzymes CYP 3A4 et 1A2 en son métabolite actif, la norclozapine. La fumée de cigarette peut réduire la concentration plasmatique de clozapine au moyen d’une induction de l’isoenzyme CYP 1A2. Les concentrations plasmatiques de la clozapine varient grandement, mais atteindraient un pic après 2,5 heures en moyenne (1 à 6 heures)2. La clozapine se lie aux protéines plasmatiques à 95 % et sa demi-vie est de 12 heures en moyenne (6 à 30 heures); elle est de 22 heures pour la norclozapine2,9. La principale crainte à l’arrêt de la clozapine est une disparition de la tachyphylaxie du système nerveux autonome.

Le profil d’innocuité de la clozapine s’explique en partie par son effet sur plusieurs neurotransmetteurs, dont l’histamine et l’acétylcholine8. Les effets secondaires à surveiller sont la somnolence, la sialorrhée, l’hypotension orthostatique, la prise de poids, les convulsions, la perturbation du bilan métabolique, la myocardite et la neutropénie. Cette dernière nécessite d’ailleurs un suivi de la formule sanguine complète, instauré avant le début du traitement, puis poursuivi à une fréquence variant selon le délai écoulé depuis l’instauration9. L’incidence de la neutropénie bénigne se situe autour de 3 %, mais peut aller jusqu’à 22 % selon certaines sources9. La neutropénie sévère et l’agranulocytose sont plus rares (autour de 1 à 2 %), mais elles nécessitent l’arrêt de la clozapine, et la prise en charge subséquente dépend de la gravité de la cytopénie9. Une toxicité directe des neutrophiles matures périphériques et des précurseurs dans les cas d’agranulocytose serait en cause9,10. La toxicité hématologique est indépendante de la dose et de la vitesse de titration9.

Les autres effets indésirables sont davantage reliés aux concentrations plasmatiques9. Dans le cas de l’hypotension engendrée par le blocage du récepteur alpha-1, une tolérance s’installe généralement après quatre semaines de traitement à dose stable. Ce même récepteur est aussi responsable de la somnolence, des étourdissements et de la tachycardie. Cette dernière, accompagnée d’une augmentation de la protéine C réactive, est parfois le signe précurseur d’une atteinte du myocarde9. En plus des troponines, il est recommandé de la mesurer quelques fois en début de traitement pour dépister la myocardite, dont le risque est accru au cours des huit premières semaines de traitement9. Enfin, l’interaction avec le récepteur muscarinique serait responsable de la sialorrhée, de la constipation et de la sédation8. Une titration lente permet donc d’améliorer la tolérance à plusieurs niveaux. Deux exemples de titration sont présentés dans le tableau II.

Tableau II Exemples tirés de la littérature médicale portant sur deux schémas de titration de la clozapine

 

La dose maximale quotidienne est de 900 mg. Il est possible de la diviser en plusieurs prises afin de réduire les pics de concentration plasmatique et les effets secondaires engendrés par l’interaction avec les récepteurs2,9.

Comme il existe une grande variabilité interindividuelle dans le métabolisme de la clozapine, il s’avère pertinent d’effectuer un dosage sérique de la clozapine et de la norclozapine. Cela permet d’estimer la réponse clinique et le risque de toxicité, de mieux connaître la cinétique propre à chaque patient, de gérer les périodes d’inobservance et les interactions possibles11. Plusieurs auteurs estiment que la limite inférieure de clozapinémie à viser est de 1071 nmol/L11. Il existe peu de consensus quant à la limite supérieure, mais des clozapinémies supérieures à 2500 nmol/L sont généralement associées à la présence d’au moins un effet indésirable9,11.

L’olanzapine, pour sa part, présente une efficacité clinique intéressante. Même si son niveau d’affinité avec les différents récepteurs est similaire à celui de la clozapine, son profil d’innocuité est plus favorable et nécessite moins de suivis8. Pour notre patient, elle fut ajoutée en cas de non-tolérance au schéma de titration rapide de la clozapine et pour occuper les récepteurs D2 et 5HT2A, en attendant l’effet de cette dernière.

Discussion

La dose de clozapine de 400 mg par jour correspond à la dose moyenne efficace12. Lors d’un arrêt de traitement de 48 heures ou plus, une augmentation graduelle de la dose de clozapine est recommandée par les fabricants pour accroître la tolérance au traitement2. La monographie permet une augmentation plus rapide dans certaines circonstances, sans plus de précision12. Dans le cas présenté, le patient fuguait à répétition pendant plus de 48 heures, ce qui nécessitait au minimum 16 jours de titration chaque fois, représentant un risque pour lui-même et pour le personnel médical. La durée de son hospitalisation fut prolongée plusieurs fois, retardant par le fait même sa possible réintégration dans une ressource externe. Le schéma de titration en quatre jours a représenté des économies d’environ 7000 $ pour le réseau de la santé13.

L’augmentation rapide des doses de clozapine a été bien tolérée par ce patient. Le suivi n’a pas révélé d’hypotension ou de tachycardie. Le seul effet secondaire rapporté a été la somnolence, un effet indésirable dépendant de la dose et de la vitesse de titration. Le patient n’a eu aucune convulsion. Aucun ECG n’a été effectué. Le fractionnement initial de la dose en quatre prises quotidiennes a permis de minimiser les effets indésirables proportionnels à la concentration plasmatique.

La titration a été poursuivie malgré le code rouge suspecté au jour 5 étant donné que la toxicité hématologique était indépendante de la vitesse de la titration et que le patient était connu pour faire des neutropénies occasionnelles avant la prise de clozapine. En ce sens, un seuil abaissé des neutrophiles pour le suivi hématologique a été instauré au congé.

Nous croyons qu’il eut été plus prudent de mesurer la protéine C réactive et les troponines, de faire un ECG au jour 7 et d’éviter de donner l’olanzapine à ce patient durant les premiers jours.

Par ailleurs, la clozapine aide à réduire la consommation chez les polytoxicomanes souffrant de schizophrénie14. Le mécanisme d’action serait lié à la réduction des symptômes de sevrage14. Cet effet a été difficile à observer chez ce patient.

Le schéma d’augmentation de la dose ainsi que la tolérance globale sont semblables à ce qui est rapporté dans la littérature médicale4,15. Une revue sommaire de la littérature a permis de cerner deux études, ainsi qu’un rapport de cas évaluant l’efficacité et l’innocuité d’une augmentation rapide des doses de clozapine. Lochhead et coll. ont rapporté le cas d’un patient ayant manifesté un syndrome neuroleptique malin (SNM) à la suite d’une titration rapide de la clozapine16. L’homme de 21 ans prenait quotidiennement, par voie orale, de la rispéridone 6 mg en association avec de la chlorpromazine 200 mg depuis deux semaines lorsque la clozapine a été instaurée16. Sept jours plus tard, la dose orale quotidienne totale de clozapine était de 175 mg16. Deux jours plus tard, à 300 mg, le patient a présenté un SNM avec fièvre, tachycardie, augmentation de la créatine kinase, rigidité, léthargie et désorientation16. Les auteurs ne peuvent conclure à une relation causale entre la titration rapide de la clozapine et l’apparition du SNM, mais ils invitent les cliniciens à évaluer les bénéfices et les risques liés à une telle pratique16.

L’étude de cohorte rétrospective de Poyraz et coll. a été menée auprès de 51 patients hospitalisés atteints de schizophrénie réfractaire ayant été exposés à la clozapine ou non dans le passé4. Un schéma d’augmentation rapide des doses a été comparé à un schéma standard durant les premiers jours de titration4. Le premier groupe a reçu une dose de départ de 25 à 50 mg, suivie d’une dose de 50 à 100 mg toutes les six heures au besoin le jour 1, puis d’une augmentation quotidienne de 50 à 100 mg par la suite4. Le deuxième groupe a reçu une dose de départ de 12,5 à 50 mg le jour 1, suivie d’une augmentation de 25 à 50 mg par jour par la suite4. Les patients du premier groupe ont bénéficié d’une durée totale d’hospitalisation plus courte (29,7 ± 10,6 jours vs 41,2 ± 14,8 jours, p = 0,002), mais leur hypotension a augmenté, la plus basse valeur étant de 90/50 mmHg (neuf vs cinq patients)4. La fréquence cardiaque moyenne était similaire entre les deux groupes (87,8 ± 3,6 battements par minute vs 82,6 ± 7,6 battements par minute). Un cas de myocardite suspectée a été rapporté dans le premier groupe4.

De leur côté, Ifteni et coll. ont réalisé une étude de cohorte auprès de 111 patients schizophrènes ayant été exposés à la clozapine ou non dans le passé15. Ces patients ont reçu une dose initiale de 25 mg, suivie de doses de 25 à 50 mg toutes les six heures au besoin le jour 115. L’ajustement des doses dépendait de la réponse au traitement. Puis, la dose quotidienne de clozapine a été augmentée de 100 mg maximum par jour pour les jours subséquents14. Aucun effet indésirable majeur n’a été rapporté15. Toutefois, la faible puissance des deux études limitait la probabilité de détecter des événements rares.

Aucune étude à répartition aléatoire de grande envergure ne compare directement différents régimes de titration de la clozapine15. Les risques réels d’une augmentation rapide de la clozapine et l’apparition de potentiels effets indésirables restent à clarifier15. Par conséquent, la prudence qu’impose le schéma habituel de titration demeure surtout théorique, et de plus en plus d’experts s’expriment sur la nécessité de nuancer cette pratique très prudente et dépersonnalisée3.

Conclusion

Cet article présente un cas d’augmentation rapide des doses de clozapine sur une période de cinq jours chez un patient atteint d’un trouble psychotique réfractaire. Son état nécessitait en effet des titrations fréquentes en raison de fugues de plus de 48 heures, avec une maîtrise sous-optimale de sa maladie durant la reprise. La clozapine est un antipsychotique de seconde génération indiqué dans le traitement de la schizophrénie réfractaire qui nécessite une titration graduelle des doses lors d’un arrêt de plus de 48 heures2. L’augmentation graduelle des doses permet d’améliorer la tolérance, plus particulièrement de limiter les effets secondaires dépendant de la dose2. Quelques données probantes figurent dans la littérature médicale quant à l’innocuité associée à une augmentation rapide des doses de clozapine à la suite d’un arrêt de plus de 48 heures6. Ce cas présente une titration à raison de 100 mg par jour qui a été bien tolérée.

Une telle titration pourrait être envisagée pour un patient hospitalisé chez qui un délai dans l’atteinte des doses thérapeutiques présenterait un danger pour lui-même ou pour autrui. La clozapine doit avoir été bien tolérée dans le passé en plus d’avoir démontré une maîtrise supérieure des symptômes par rapport aux autres antipsychotiques. La reprise concomitante d’autres psychotropes devrait être évitée.

Un suivi étroit des patients lors d’une titration rapide demeure primordial pour détecter promptement la présence d’effets secondaires dépendant de la dose, dont l’hypotension, la somnolence excessive, la tachycardie, la présence de convulsions et les changements à l’ECG3,4. Il existe une grande variabilité interindividuelle dans le métabolisme de la clozapine, se traduisant par des concentrations plasmatiques difficilement prévisibles. Il est nécessaire d’individualiser la titration selon la tolérance et les besoins de chacun.

Financement

Aucun financement en relation avec le présent article n’a été déclaré par les auteurs.

Conflits d’intérêts

Tous les auteurs ont rempli et soumis le formulaire de l’ICMJE pour la divulgation de conflits d’intérêts potentiels. Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts actuel ou potentiel en relation avec le présent article.

Remerciements

Cet article a été rédigé dans le cadre du cours Communication scientifique de la Faculté de pharmacie de l’Université de Montréal. Les auteurs tiennent à remercier les responsables du cours. Une autorisation écrite a été obtenue de la part de ces personnes.

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Pour toute correspondance: Anne-Sophie Pépin, Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de l’Est-de-l’Île-de-Montréal, Hôpital Maisonneuve Rosemont, 5415, boulevard de l’Assomption, Montréal (Québec) H1T 2M4, CANADA; Téléphone : 514 252-3400; Courriel : anne-sophie.pepin@umontreal.ca

*Tous les auteurs ont contribué de façon équivalente à la rédaction de cet article ( Return to Text )

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PHARMACTUEL, Vol. 54, No. 1, 2021