Approche adaptée à la personne âgée : suivi de l’utilisation des sédatifs et antipsychotiques au Centre universitaire de santé McGill

Louise Papillon-Ferland1,2,3, B.Pharm., M.Sc., André Bonnici4, B.Pharm., M.Sc., Chantal Guévremont5, B.Pharm, M.Sc, Louise Mallet6,7, B.Sc.Pharm., Pharm.D., BCGP, FESCP, FOPQ

1Pharmacienne au moment de la rédaction, Centre universitaire de santé McGill, Montréal (Québec) Canada;
2Pharmacienne, Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal, Institut universitaire de gériatrie de Montréal, Montréal (Québec) Canada;
3Professeure adjointe de clinique, Faculté de pharmacie, Université de Montréal, Montréal (Québec) Canada;
4Pharmacien, Chef du département de pharmacie, Centre universitaire de santé McGill, Montréal (Québec) Canada;
5Pharmacienne, Coordonnatrice du Programme de gestion thérapeutique des médicaments; (PGTM), Centre universitaire de santé McGill, Montréal (Québec) Canada;
6Pharmacienne, Centre universitaire de santé McGill, Montréal (Québec) Canada;
7Professeure titulaire de clinique, Faculté de pharmacie, Université de Montréal, Montréal (Québec) Canada

Reçu le 30 mai 2020: Accepté après révision le 24 août 2020

Résumé

Objectif : Évaluer le pourcentage global de prescriptions de sédatifs (benzodiazépines et zopiclone)/antipsychotiques chez les patients d’au moins 75 ans, hospitalisés au Centre universitaire de santé McGill, ainsi que le taux de prescriptions pour les patients naïfs à ces médicaments avant l’hospitalisation.

Description de la problématique : Les sédatifs et antipsychotiques sont associés à de multiples risques chez la personne âgée hospitalisée, et un usage judicieux de ceux-ci est recommandé.

Résolution de la problématique : Une revue prospective des dossiers-patients d’une semaine par unité de soins a été réalisée de juillet 2017 à janvier 2018 par le département de pharmacie. Un suivi de ces prescriptions a ensuite été effectué durant l’été 2018 puis en 2019, après diffusion des résultats aux équipes médicales à la suite de chaque audit. Un total de 1074 dossiers-patients a été évalué. Le pourcentage global de prescriptions de sédatifs lors de l’audit initial était de 27,5 % puis, respectivement, de 23,6 % et 21,4 % lors des second et troisième audits. Pour les patients naïfs, le pourcentage initial de prescriptions de sédatifs était de 14,7 %, puis de 13,2 % et 9,8 % lors des audits subséquents. Dans le même ordre, les pourcentages de prescriptions d’antipsychotiques chez les patients naïfs étaient respectivement de 9,8 %, 6,2 % et 10,3 %.

Conclusion : Cette revue d’utilisation des sédatifs/antipsychotiques a permis d’effectuer un suivi de ces prescriptions chez la personne âgée et d’instaurer des changements afin d’optimiser leur usage.

Mots clés : Antipsychotique, hôpital, personne âgée, sédatif-hypnotique

Abstract

Objective : To determine the overall percentage of sedative (benzodiazepines and zopiclone)/antipsychotic prescriptions in inpatients 75 years of age and older at the McGill University Health Centre and the prescription rate for patients who are naïve to these drugs prior to hospitalization.

Problem description : Sedatives and antipsychotics are associated with multiple risks in elderly hospitalized patients. It is therefore recommended that they be used judiciously.

Problem resolution : The pharmacy department conducted a one-week prospective patient chart review per care unit from July 2017 to January 2018. A follow-up of these prescriptions was then carried out during the summer of 2018 and again in 2019, after the dissemination of the results to the medical teams following each audit. A total of 1,074 patient charts were reviewed. The overall percentage of sedative prescriptions was 27.5% during the initial audit and 23.6% and 21.4%, respectively, during the second and third audits. For the naïve patients, the initial percentage of sedative prescriptions was 14.7% during the initial audit and 13.2% and 9.8% during the subsequent audits. In the same order, the percentage of antipsychotic prescriptions in the naïve patients was 9.8%, 6.2% and 10.3%, respectively.

Conclusion : This review of sedative/antipsychotic use made it possible to monitor these prescriptions in elderly patients and to institute changes to optimize their use.

Keywords : Antipsychotic, elderly patient, hospital, sedative-hypnotic

Introduction

Les personnes âgées sont vulnérables lors d’une hospitalisation, celle-ci pouvant entraîner le déclin fonctionnel ou un délirium pour 30 à 50 % d’entre elles, avec des conséquences parfois irréversibles, telles que l’hébergement ou le décès1. Pour minimiser ces risques, les centres hospitaliers de soins généraux et spécialisés doivent depuis plusieurs années implanter l’Approche adaptée à la personne âgée (AAPA), telle que requise par le ministère de la Santé et des Services sociaux2. Ce type d’approche, favorisant un dépistage précoce des facteurs de risque de déclin cognitif et fonctionnel conjugué à des interventions adaptées, a permis, dans certaines études, de réduire l’incidence de délirium de 40 à 70 %1.

La médication est un élément essentiel à considérer parmi les facteurs de risque associés au délirium et au syndrome d’immobilisation1. Plusieurs éléments sont suggérés dans le cadre de référence de l’AAPA, tels que réaliser le bilan comparatif des médicaments (BCM), qui permet d’identifier et de corriger les erreurs médicamenteuses, et minimiser l’usage des médicaments potentiellement inappropriés, dont ceux ayant des propriétés anticholinergiques1.

Parmi les médicaments à éviter, les benzodiazépines augmentent le risque de déclin cognitif, de délirium, de chutes et de fractures, et elles ont une efficacité limitée contre l’insomnie3,4. Leur amorce durant une hospitalisation est associée à une durée de séjour prolongée5. Un risque accru de pneumonie associé aux benzodiazépines a aussi été rapporté chez les patients atteints de la maladie d’Alzheimer6. Les hypnotiques en « Z », tels que le zopiclone, comportent des risques similaires aux benzodiazépines, et ces deux classes de sédatifs-hypnotiques figurent sur la liste des médicaments potentiellement inappropriés selon les critères de Beers3.

L’usage d’antipsychotiques comporte également des risques pour la personne âgée, tels que les chutes, les fractures, la pneumonie d’aspiration, ainsi qu’un risque accru d’accidents vasculaires cérébraux et de décès pour les patients avec trouble neurocognitif3,7. Plusieurs revues systématiques incluant une récente revue Cochrane n’ont pas permis de démontrer les bénéfices des antipsychotiques en ce qui a trait à la prévention, à la durée ou à la gravité du délirium8,9. Leur usage doit être réservé lorsque les mesures non pharmacologiques ont échoué et qu’il y a un risque de danger pour le patient ou son entourage3.

Description de la problématique

Au niveau canadien, Pek et coll. ont rapporté l’instauration d’un traitement par des sédatifs-hypnotiques chez des patients d’au moins 65 ans, admis dans un centre hospitalier universitaire de Toronto, de janvier à avril 201310. Parmi 251 patients naïfs aux sédatifs-hypnotiques, âgés en moyenne de 79,9 ans, un traitement avait été entrepris pour 19,2 % d’entre eux10. La majorité de ces ordonnances (77 %) étaient considérées comme inappropriées selon les recommandations de l’organisme Choisir avec soin, étant prescrites pour l’insomnie ou l’agitation10. Les patients admis dans un service chirurgical étaient plus à risque d’avoir une ordonnance de sédatifs-hypnotiques que ceux admis dans un service médical (Rapport de cote : 6,61; intervalle de confiance à 95 % [IC 95 %] 2,70–16,17)10. En France, une étude rétrospective effectuée en 2016 aux unités de soins de médecine interne et de gériatrie de huit hôpitaux de la région parisienne a rapporté un taux d’amorce de traitement par les sédatifs-hypnotiques en cours d’hospitalisation pour les patients d’au moins 65 ans de 21,5 %, 45 % de ces sédatifs ayant été poursuivis au congé11.

Quant aux antipsychotiques, une étude de cohorte rétrospective ayant inclus 12 817 patients d’au moins 65 ans admis de 2012 à 2013 dans un hôpital américain de soins tertiaires a rapporté un taux global de prescriptions d’antipsychotiques de 9 %12. Une autre étude rétrospective publiée en 2018 et incluant 250 patients d’au moins 65 ans admis aux unités de soins de médecine d’un centre hospitalier de la Colombie-Britannique a évalué la prévalence d’antipsychotiques hors conformité (sans indication officielle) amorcés durant l’hospitalisation à 18 % (IC 95 % 13,7–23,2)13. L’indication la plus fréquente était le délirium et près du tiers des antipsychotiques amorcés à l’hôpital avait été poursuivi au congé, sans plan de sevrage établi13.

Au Québec, la prévalence des sédatifs-hypnotiques et des antipsychotiques chez les patients âgés naïfs à ces molécules en soins hospitaliers de courte durée est peu décrite dans la littérature scientifique. À titre informatif, une récente étude documentant les médicaments potentiellement inappropriés dans la communauté à partir du Système intégré de surveillance des maladies chroniques du Québec, ayant inclus plus d’un million d’individus, a établi une prévalence de 25,7 % de benzodiazépines et de 5,6 % d’antipsychotiques chez les patients d’au moins 66 ans assurés par le régime public québécois14. Celle-ci peut toutefois varier significativement selon le milieu de soins. En effet, dans les centres hospitaliers de soins de longue durée (CHSLD), la prévalence des antipsychotiques était de 52 % initialement parmi 1054 résidents hébergés dans 24 CHSLD québécois, telle que rapportée dans la phase initiale du projet « Optimisation des pratiques, des usages, des soins et des services – Antipsychotiques (OPUS-AP) »15. Ce projet encourage une approche centrée sur le patient, des interventions non pharmacologiques ainsi qu’une déprescription des antipsychotiques pour les patients atteints de troubles neurocognitifs. Il a permis de déprescrire les antipsychotiques chez 64 % des patients suivis15.

Au Centre universitaire de santé McGill (CUSM), un audit informatique a été effectué en 2017 afin d’établir le taux global de prescriptions de sédatifs et d’antipsychotiques chez les patients d’au moins 75 ans hospitalisés, soit la population majoritairement visée par le programme de l’AAPA. L’extraction d’un mois de données du système informatique de la pharmacie avait permis d’établir un taux de prescriptions de benzodiazépines de 40,3 % et d’antipsychotiques de 26 % parmi 843 patients hospitalisés16. Par contre, ce type d’audit n’a pas permis de dissocier les utilisateurs chroniques des patients naïfs. Cela est primordial car, s’il faut éviter les sédatifs chez les patients naïfs, une cessation abrupte chez les utilisateurs chroniques peut précipiter des symptômes de sevrage4. De plus, l’audit informatique ne permet pas d’exclure les patients en soins de confort ou d’identifier des indications pour lesquelles une benzodiazépine serait appropriée, telles que le sevrage à l’alcool.

Résolution de la problématique

Afin de remédier aux limites de l’audit informatique et d’établir un portrait réel de l’utilisation des sédatifs-hypnotiques et des antipsychotiques chez les patients âgés hospitalisés naïfs à ces médicaments, des revues prospectives des dossiers-patients ont été effectuées. L’objectif était d’évaluer le pourcentage global de prescriptions de sédatifs (benzodiazépines et zopiclone) et d’antipsychotiques chez les patients d’au moins 75 ans hospitalisés au CUSM, ainsi que le taux de prescriptions chez les patients naïfs à ces médicaments avant l’hospitalisation. Ces audits visaient aussi à décrire les indications d’utilisation, la provenance des ordonnances (services médicaux, services chirurgicaux, urgence) ainsi que le format d’ordonnance utilisé (manuscrit ou ordonnance prérédigée). Une ordonnance prérédigée correspond à une prescription préalablement imprimée selon des protocoles approuvés par le comité de pharmacologie.

Lors de chaque audit, une revue prospective des dossiers-patients d’une semaine dans chaque unité de soins a été réalisée. Tous les patients d’au moins 75 ans admis ou inscrits à l’urgence ont été ciblés pour un total de 20 unités de soins. Les patients aux unités de soins palliatifs, intensifs et psychiatriques ont été exclus, ainsi que les patients avec un niveau de soins D (soins de confort). Une lettre d’exemption provenant du comité d’éthique de la recherche du CUSM a été obtenue, ce projet étant considéré comme un projet d’amélioration de la qualité. Les audits ont été effectués par des étudiants en pharmacie une fois formés par la pharmacienne du comité directeur de l’AAPA du CUSM. La liste des médicaments pris avant l’admission a été consultée afin d’établir si un patient était naïf aux sédatifs et/ou aux antipsychotiques (p. ex., au moyen du BCM à l’admission ou de la liste de médicaments de la pharmacie communautaire). Les sédatifs et antipsychotiques prescrits à l’hôpital étaient ensuite documentés (doses régulières et au besoin). Lorsque ces derniers étaient prescrits au besoin, l’administration de doses dans les 24 heures précédant la collecte était documentée.

Lorsqu’une des deux classes de médicaments, sédatifs ou antipsychotiques, était prescrite à un patient naïf, l’indication était recherchée dans le dossier médical, de même que le format de l’ordonnance (prérédigé ou manuscrit). Pour les sédatifs, l’indication était considérée comme appropriée selon une liste préalablement publiée par le comité de pharmacologie au printemps 2017, basée sur les indications suggérées dans le guide Choisir avec soin sur la réduction de l’utilisation inappropriée de benzodiazépines ou autres sédatifs-hypnotiques chez les personnes âgées hospitalisées (liste en annexe)17. Ces indications comprenaient entre autres la prise en charge aiguë du trouble épileptique, le sevrage à l’alcool et/ou aux benzodiazépines et la sédation pré-procédurale17.

De 2017 à 2019, une collecte de données dans chaque unité de soins a ainsi été réalisée à trois reprises dans trois établissements du CUSM. La première a eu lieu de juillet 2017 à janvier 2018 (une semaine par unité, les sites n’étant pas audités simultanément). À la suite de cette collecte, les résultats ont été présentés au comité de pharmacologie et diffusés aux équipes médicales sous forme d’infolettre. De plus, dans chaque unité de soins où l’AAPA était en processus d’implantation, pour un total de huit courtes présentations ont été faites lors des caucus hebdomadaires dédiés à l’AAPA par une infirmière accompagnée d’une pharmacienne. Ces caucus visaient à regrouper les membres des équipes interdisciplinaires (p. ex., infirmiers, médecins, physiothérapeutes, ergothérapeutes, etc.) pour une courte réunion d’information et de discussion. Deux présentations étaient généralement effectuées dans chaque unité afin de cibler différentes équipes de soins. Lors de ces caucus, les résultats spécifiques de l’unité de soins étaient présentés et ceux-ci demeuraient affichés au babillard de l’unité pour consultation ultérieure. Les risques liés aux sédatifs et antipsychotiques pour la personne âgée ainsi que les mesures non pharmacologiques pour favoriser le sommeil étaient discutés afin de sensibiliser les équipes interdisciplinaires à ces enjeux.

Après cette première phase, une deuxième collecte a eu lieu durant l’été 2018 avec une méthodologie similaire, soit une semaine de collecte dans les mêmes 20 unités de soins auditées initialement. Les résultats individualisés de chaque service ont ensuite été envoyés aux équipes concernées et présentés aux équipes interdisciplinaires lors des caucus AAPA de 13 unités de soins. Une troisième collecte, effectuée dans les 20 mêmes unités de soins, s’est échelonnée de février à mai 2019.

Résultats

Au cours des trois périodes d’audit, 1074 dossiers-patients totalisant 2950 patient-jours ont été audités. Parmi ces patients, 846 (79 %) étaient naïfs aux sédatifs (benzodiazépines ou hypnotiques en « Z ») et 959 (89 %) étaient naïfs aux antipsychotiques. L’âge moyen était de 83,7 ans (écart-type de 6,1 ans), et 54 % de ces patients étaient des femmes.

Sédatifs

La prévalence globale des prescriptions de sédatifs pour chaque audit est présentée à la figure 1a. La proportion de sédatifs prescrits « au besoin » était respectivement de 21,2 %, 18,3 % et 12,4 % pour chaque audit. Les doses « au besoin » étaient administrées dans 39 %, 31 % et 52 % des jours audités. Dans le même ordre, la proportion des ordonnances régulières de sédatifs était de 6,7 %, 6,4 % et 10 %.

 


 

Figure 1 Taux de prescriptions de sédatifs et d’antipsychotiques chez les personnes de 75 ans et plus hospitalisées au CUSM pendant trois périodes de collecte (s’échelonnant de 2017 à 2019)

Le taux de prescriptions de sédatifs chez les patients naïfs, soit ceux qui n’en recevaient pas avant leur hospitalisation, est présenté à la figure 1b et les résultats stratifiés par site et par mission figurent au tableau I. Les sédatifs les plus fréquemment prescrits pour ces patients naïfs étaient le lorazépam, l’oxazépam et le zopiclone. Peu d’ordonnances de sédatifs pour les patients naïfs avaient une indication documentée et considérée comme appropriée (respectivement 17 %, 13 % et 13 %). En réalité, l’indication n’était pas disponible pour plus de la moitié des ordonnances.

Lors du premier audit, 11 ordonnances de sédatifs provenaient d’ordonnances prérédigées, et celles-ci étaient toutes destinées à des patients naïfs, correspondant à 24 % des sédatifs prescrits pour cette population (11/46). Lors de l’audit suivant, 20 ordonnances de sédatifs étaient rédigées au moyen de ces ordonnances, dont 17 pour des patients naïfs, soit 45 % de ces derniers (17/38). Au troisième audit, seulement six ordonnances de sédatifs étaient prérédigées, dont cinq pour des patients naïfs (soit 21 %, 5/24).

Tableau I Taux de prescriptions d’antipsychotiques et de sédatifs pour les patients naïfs stratifiés par site et par mission médicale

 

Antipsychotiques

La prévalence globale des prescriptions d’antipsychotiques pour chaque audit est présentée à la figure 1c. Le taux de prescriptions d’antipsychotiques prescrits régulièrement était respectivement de 11,6 %, 7,8 % et 9,4 % pour les trois audits. Pour les antipsychotiques prescrits « au besoin », ce taux était de 10,1 %, 7,8 % et de 10,4 %. L’administration réelle de ces doses « au besoin » par le personnel des soins infirmiers variait entre 31 %, 24 % et 20 % des jours audités.

Pour les patients naïfs aux antipsychotiques, le taux de prescriptions est présenté à la figure 1c et est détaillé par site et par mission au tableau I. Les types d’antipsychotiques les plus fréquemment prescrits incluaient la quétiapine, l’halopéridol et la rispéridone. Les indications étaient documentées dans respectivement 64 %, 80 % et 93 % des cas pour chaque audit. Les indications les plus fréquentes étaient des symptômes d’agitation, d’hallucination ou le délirium.

Discussion

Ces audits ont permis d’évaluer et de suivre, de 2017 à 2019, les taux de prescriptions de sédatifs et d’antipsychotiques, particulièrement chez les patients naïfs à ces médicaments. Les taux de prescriptions de benzodiazépines et de zopiclone ont diminué entre le premier et le troisième audit, passant de 14,7 % à 9,8 %, soit une diminution relative de 33 %. Cette réduction est similaire à celle obtenue dans un centre hospitalier académique de Toronto à la suite d’interventions comprenant de la formation, un retrait des sédatifs des protocoles d’ordonnances électroniques et une promotion des mesures non pharmacologiques18. En effet, Fan-Lun et coll. ont rapporté un taux initial de prescription de sédatifs-hypnotiques de 15,8 % chez les patients naïfs des unités de soins de médecine interne et de cardiologie, et une réduction absolue de 5,3 % à la suite d’interventions, correspondant à une réduction relative de 33 %18.

Malgré une baisse des ordonnances de sédatifs-hypnotiques, le taux global de sédatifs-hypnotiques est resté stable (30,6 % à 30,8 %) lorsque la prescription de mélatonine était comptabilisée, et celui-ci a même légèrement augmenté chez les patients naïfs (17,9 % à 19,6 %). Quoique la mélatonine soit parfois considérée comme une solution de rechange aux benzodiazépines, son efficacité est limitée, avec une réduction moyenne de la latence du sommeil de neuf minutes (IC 95 % 2–15 minutes)19. Elle peut également entraîner des effets indésirables, tels qu’une sédation diurne résiduelle, des cauchemars, de l’irritabilité, des nausées, etc19. Elle ne doit pas automatiquement remplacer les benzodiazépines et les hypnotiques en « Z », et des approches non pharmacologiques doivent être favorisées.

Parmi les mesures prônées lors des rencontres avec les équipes interdisciplinaires, notons la réduction du bruit ambiant, une lumière tamisée, le regroupement des soins de manière à ne pas réveiller inutilement le patient, le soulagement de la douleur, l’offre d’une collation en soirée, l’instauration d’un horaire mictionnel avant le coucher, l’ajustement de la médication (p. ex., éviter les diurétiques en soirée), ainsi que l’élimination des siestes diurnes prolongées. Par contre, d’autres mesures, comme des bouchons d’oreille, des masques ou du lait chaud, étaient moins facilement applicables, n’étant pas disponibles dans plusieurs unités de soins. La disponibilité des chambres individuelles, sur un site du CUSM, est également une mesure pouvant favoriser la qualité du sommeil.

La réduction des prescriptions de sédatifs-hypnotiques observée au CUSM peut être liée à plusieurs interventions combinées. La diffusion des résultats auprès des équipes médicales et lors des caucus AAPA y a possiblement contribué. De plus, l’identification des ordonnances prérédigées comme facteur contribuant à la problématique lors du premier audit a enclenché un retrait progressif des benzodiazépines qui y figuraient. Cette révision des ordonnances n’était pas encore terminée lors du troisième audit. Cependant, on les a retrouvées en quantité moindre.

La réduction de l’utilisation de sédatifs-hypnotiques chez les patients naïfs a été particulièrement notée dans le site A (tableau I), passant de 18,8 % à 9,7 %. Une réduction moindre a été constatée dans les deux autres sites. Le site A avait initialement un taux plus élevé de prescriptions de sédatifs, ce qui peut expliquer pourquoi une réduction plus importante a été atteinte sur ce site. Lorsque les résultats étaient stratifiés par mission, les services de chirurgie avaient le taux de prescriptions le plus élevé initialement (27,9 %). Ils utilisaient fréquemment des ordonnances prérédigées, dont certaines incluaient des benzodiazépines. Leur taux de prescriptions a diminué à 18,3 %, ce qui demeurait tout de même plus élevé que dans la moyenne des unités de soins (9,8 %).

La révision des dossiers médicaux a permis de rechercher les indications spécifiées lors de l’instauration de sédatifs-hypnotiques. Malheureusement, peu de ces ordonnances étaient jugées appropriées et, dans la majorité des cas, aucune intention thérapeutique n’était mentionnée. Cette problématique pourrait être améliorée en exigeant l’indication pour la prescription, particulièrement dans les cas d’ordonnances « au besoin ». Dans un tel cas, il faudrait toutefois s’assurer de ne pas refuser une ordonnance pour un utilisateur chronique, engendrant ainsi un risque de sevrage. Un meilleur taux de réalisation du BCM, documentant la prise réelle à domicile des médicaments d’ordonnance « au besoin », et le suivi des divergences notées subséquemment aideront aussi à minimiser un tel risque.

Le taux d’administration des doses de sédatif « au besoin », représenté par le pourcentage des jours prescrits où celles-ci étaient administrées, semble avoir augmenté au fil du temps, passant de 39 % à 52 %. Par contre, le nombre brut de jours où des doses de sédatifs ont été effectivement administrées a baissé, passant de 89 à 41 patient-jours. Un nombre de patient-jours avec sédatifs prescrits moindre au troisième audit, comparativement au premier (passant de 227 à 79 patient-jours avec sédatifs prescrits), permet d’expliquer l’augmentation apparente de l’utilisation des doses « au besoin ». La documentation de l’utilisation réelle de ces doses augmente le temps nécessaire à la réalisation de la collecte, mais cette étape permet de mieux sensibiliser le personnel des soins infirmiers, car ce sont eux qui les administrent ultimement au patient. Ce processus devrait être plus efficient lorsqu’une feuille d’administration électronique des médicaments, regroupant la prise des doses régulières et de celles dites « au besoin », documentée sur une période donnée, pourra être implantée et subséquemment consultée à l’ordinateur.

À propos des antipsychotiques, le taux global de prescriptions était plus faible que celui des sédatifs-hypnotiques. Celui-ci a fluctué, diminuant au second audit pour revenir près de l’état initial lors du dernier audit. Pour les patients naïfs aux antipsychotiques, un phénomène similaire a été observé, avec un taux relativement bas (6 à 10 %). Par contre, une légère augmentation a pu être notée dans les sites A et C. Des collectes futures permettront de déterminer la tendance globale de ces prescriptions. Si les services chirurgicaux avaient un taux plus élevé de prescriptions de sédatifs, cela n’était pas le cas pour les antipsychotiques, les taux étant relativement similaires à ceux des unités de soins de la mission médicale.

Le taux d’administration des doses d’antipsychotiques « au besoin », représenté par le pourcentage des jours prescrits où celles-ci étaient administrées, a diminué entre la première et la dernière collecte, passant de 31 % à 20 %. La majorité de ces doses n’étaient donc pas administrées au patient. Les antipsychotiques étant particulièrement prescrits en situation aiguë de délirium, ils demeurent souvent actifs dans le dossier du patient, même s’ils ne sont plus requis. Une réévaluation régulière de ces ordonnances, couplée ou non à l’implantation d’une durée de validité écourtée, permettrait possiblement de les réduire tout en évitant l’administration de doses par mégarde ou pour des indications injustifiées.

Contrairement aux sédatifs-hypnotiques, les indications en matière d’antipsychotiques étaient plus régulièrement documentées (jusqu’à 93 % au dernier audit). Par contre, il est difficile de déterminer si celles-ci étaient réellement appropriées. En effet, le terme « agitation », souvent utilisé, est vague et ne reflète pas réellement la gravité des symptômes. Une révision des dossiers ne permet pas d’évaluer dans quelle mesure des approches non pharmacologiques ont été tentées avant de recourir à un antipsychotique.

Le suivi de ces indicateurs à l’aide d’audits prospectifs comporte plusieurs points forts. Un grand nombre de dossiers-patients a pu être révisé. La collecte a permis de cibler les patients naïfs et de décrire l’indication dans les dossiers-patients. La stratification des résultats par mission et par unité de soins permet de personnaliser les résultats lorsqu’on les présente aux équipes médicales et chirurgicales. Les présentations réalisées dans les unités de soins lors des caucus AAPA ont permis de faire de la formation et de la sensibilisation quant à cette problématique.

Par contre, ces audits comportent plusieurs limites. En effet, des sources d’information fiables, permettant de savoir si un patient était naïf, étaient souvent manquantes, les BCM n’étant pas effectués pour plus de 50 % de cette population puisque l’activité était en cours d’implantation. Dans ces cas, la liste de médicaments disponibles au dossier était utilisée, mais elle pouvait ne pas refléter l’utilisation réelle du patient. Aussi, les collectes annuelles étant effectuées pour une période de cinq jours en moyenne dans chaque unité de soins, des fluctuations entre ces périodes ont pu ne pas avoir été captées. En effet, il est possible qu’une collecte ponctuelle mesure les habitudes du prescripteur en service à un moment précis durant l’année, et non celles de l’ensemble des prescripteurs.

La poursuite des sédatifs et antipsychotiques au congé de l’hôpital n’a pas été évaluée dans le cadre de ce projet. Il serait pertinent de documenter leur présence dans les ordonnances de départ. Ce processus nécessite par contre un suivi plus long jusqu’au congé des patients ou une collecte en mode rétrospectif lorsque le dossier est archivé. Un autre aspect non évalué lors de ces audits est la présence d’effets indésirables liés à l’utilisation de ces agents.

Plusieurs aspects du processus de collecte pourraient être améliorés pour optimiser le suivi de ces indicateurs et ainsi promouvoir une baisse de l’utilisation des sédatifs/antipsychotiques chez la personne âgée hospitalisée. Sur le plan informatique, le logiciel utilisé pour les BCM ne permettait pas de produire des rapports automatisés ciblant les utilisateurs naïfs figurant dans les BCM. Cet aspect serait à prendre en considération lors du choix de logiciel à l’avenir. Aussi, la collecte étant effectuée annuellement et des statistiques et rapports devant être réalisés par la suite, un délai inévitable était présent entre le moment de la collecte et l’envoi des résultats. Une automatisation du procédé statistique permettrait une rétroaction plus rapide des résultats aux équipes de soins. La mise au point d’un outil de collecte informatisé mis à la disposition des unités de soins, en ligne ou sur tablette, permettrait d’impliquer davantage les pharmaciens et autres cliniciens des unités de soins dans la collecte, et aussi d’effectuer celle-ci plus régulièrement. En effet, il est préférable de responsabiliser les cliniciens dans ce processus afin qu’ils s’approprient ces indicateurs. Cela favoriserait la pérennité de ce processus. Un dossier santé numérique intégré où toutes les données seraient codifiées, et ce, autant pour les médicaments que pour d’autres facteurs (âge, pathologies, facteurs de risque, etc.), permettrait de croiser les données et d’automatiser les suivis.

En ce qui concerne la rétroaction effectuée auprès des équipes de soins à la suite des résultats, plusieurs éléments pourraient aussi être optimisés. Les présentations lors des caucus AAPA n’ont été faites dans chaque unité de soins qu’à deux reprises annuellement, pendant la journée. Les quarts de travail de soir et de nuit n’ont ainsi pas pu être ciblés, même si ces professionnels jouaient un rôle primordial pour instaurer des approches non pharmacologiques favorisant le sommeil. Le CUSM étant un centre universitaire avec de multiples résidents, la rotation continuelle de ceux-ci rend plus difficile la rétroaction directe lorsqu’il y a un délai entre la collecte et la production des résultats. Une automatisation du suivi permettant une rétroaction plus rapide aux équipes médicales et chirurgicales, et contribuant ainsi à la formation des résidents en médecine à ce sujet pourrait être bénéfique.

Conclusion

Cette revue d’utilisation des sédatifs/antipsychotiques au CUSM a permis d’effectuer un suivi de ces prescriptions pour la personne âgée et d’instaurer des changements afin d’optimiser leur usage. Par contre, le processus d’audit actuel est lourd à soutenir et à pérenniser sans ressource additionnelle. Un investissement dans des ressources informationnelles pourrait aider à rendre l’amélioration de la qualité pour les prescriptions de sédatifs et d’antipsychotiques plus fluide et favoriserait la réalisation d’analyses dans d’autres domaines de la prescription de médicaments.

Annexe

Cet article comporte une annexe; elle est accessible sur le site de Pharmactuel (www.pharmactuel.com).

Financement

Aucun financement en relation avec le présent article n’a été déclaré par les auteurs.

Conflits d’intérêts

Tous les auteurs ont rempli et soumis le formulaire de l’ICMJE pour la divulgation de conflits d’intérêts potentiels. Louise Mallet est membre du comité de rédaction du Pharmactuel. Les autres auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec le présent article.

Remerciements

Nous remercions sincèrement Marie-Ève Leblanc, infirmière, M.Sc.N., gestionnaire de projet AAPA-CUSM, ainsi que les étudiants en pharmacie ayant participé aux collectes (dont Sophie Shalaby, Anne-Philipe Nault, Marie-Pier Ducas, Cynthia Krieg, Minh Thông Nguyen et Christophe Gauthier). Une autorisation écrite a été obtenue de ces personnes.

Références

1. Ministère de la santé et des services sociaux. Approche adaptée à la personne âgée en milieu hospitalier - Cadre de référence. [en ligne] https://publications.msss.gouv.qc.ca/msss/fichiers/2010/10-830-03.pdf (site visité le 30 mai 2020).

2. Ministère de la santé et des services sociaux. Rapport annuel de gestion 2018–2019. [en ligne] https://publications.msss.gouv.qc.ca/msss/document-002394/ (site visité le 30 mai 2020).

3. By the 2019 American Geriatrics Society Beers Criteria Update Expert Panel. American Geriatrics Society 2019 Updated AGS Beers criteria for potentially inappropriate medication use in older adults. J Am Geriatr Soc 2019;67:674–94.

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19. Papillon-Ferland L, Mallet L. Should melatonin be used as a sleeping aid for elderly people? CJHP 2019;72:327–30.



Pour toute correspondance: Louise Papillon-Ferland, Faculté de pharmacie, Université de Montréal, 2940, chemin de la Polytechnique, Montréal (Québec) H3T 1J4, CANADA; Téléphone : 514 343-6111 poste 34802; Courriel : louise.papillon-ferland@umontreal.ca

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PHARMACTUEL, Vol. 54, No. 1, 2021