Déploiement du programme français dit « Staff d’évaluation des pratiques professionnelles » sur l’iatrogénie médicamenteuse de patients âgés institutionnalisés au sein d’établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes

My Hanh Luu Hoai , Pharm.D., M.Sc. 1,2,3, Corinne Derharoutunian , Pharm.D. 4, Anne Gadot , Pharm.D. 4, Magali Hellot Guersing , Pharm.D. 4, Charlotte Jarre , Pharm.D. 4, Anne-Sophie Leromain , Pharm.D. 4, Renaud Roubille , Pharm.D. 4

1 Candidate à la maîtrise en pharmacothérapie avancée au moment de la rédaction, Faculté de pharmacie, Université de Montréal, Montréal (Québec) Canada ;
2 Résidente en pharmacie au moment de la rédaction, Centre hospitalier de l’Université de Montréal, Montréal (Québec) Canada ;
3 Pharmacienne, Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux du Nord-de-l’Île-de-Montréal, Hôpital Jean-Talon, Montréal (Québec) Canada ;
4 Pharmacien, Centre hospitalier Lucien Hussel, Vienne, France

Reçu le 21 novembre 2020: Accepté après révision le 5 mai 2021

Résumé

Objectif : Dans le cadre d’un stage à thématique optionnelle internationale de l’Université de Montréal se déroulant au Centre hospitalier de Vienne (France), l’objectif du projet est de déployer et d’analyser les résultats du programme « Staff d’évaluation des pratiques professionnelles “Médicaments et personnes âgées”» en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes.

Mise en contexte : Le programme consiste à réviser les dossiers médicaux des résidents dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes. Ces personnes ont été identifiées comme des patients à risque d’iatrogénie médicamenteuse pouvant bénéficier de ce programme. Le but de ce projet est de définir les non-conformités aux référenciels et d’organiser des réunions multidisciplinaires pour discuter des interventions à effectuer. Avec la présence d’une stagiaire en pharmacie, il a été possible de déployer ce programme dans ces unités.

Résultats : La révision des dossiers s’est effectuée dans quatre unités d’hébergement, avec un nombre total de 130 résidents audités et 201 propositions de modifications de traitement. Le programme « Staff d’évaluation des pratiques professionnelles “Médicaments et personnes âgées”» a permis de mettre en évidence principalement deux types de non-conformité aux référentiels. Quarante-neuf pour cent des résidents avaient au moins un médicament potentiellement inapproprié et 65 % avaient une durée non établie pour les traitements aigus. Plus de la moitié des propositions faites aux médecins ont été acceptées (60 %) lors des réunions multidisciplinaires, ce qui souligne l’impact du rôle du pharmacien dans la révision des dossiers-patients.

Conclusion : Ce projet permet de conclure que le programme « Staff d’évaluation des pratiques professionnelles “Médicaments et personnes âgées”» est un excellent complément à l’analyse d’ordonnances faite par le pharmacien lors de la validation. La prochaine étape serait d’évaluer l’impact de ces interventions auprès des résidents.

Mots clés : Déprescription, gériatrie, iatrogénie, multidisciplinaire, pratique professionnelle

Abstract

Objective : Within the context of an optional clinical rotation from the Faculty of pharmacy at the University of Montreal that took place at the Centre hospitalier de Vienne, France, the objective of this project is to present and analyze the results of the program entitled “Professional Practices Assessment Meetings-Medications and the Elderly” in residential facilities for dependent elderly people.

Background : The program involves reviewing the charts of residents in residential facilities for dependent elderly persons. They were identified as patients at risk for iatrogenic event from medications who might benefit from this program. The aim of this project was to identify noncompliance with the guidelines and to organize multidisciplinary meetings to discuss the action to be taken to correct them. It was possible to carry out this program at these facilities due to the presence of a pharmacy student.

Results : Chart reviews were conducted at four residential facilities, with a total of 130 residents audited and 201 proposed treatment changes. The Professional Practices Assessment Meetings – Medications and the Elderly program mainly identified two types of noncompliance with the guidelines. Forty-nine percent of the residents had at least one potentially inappropriate medication and 65% had an unspecified duration for an acute treatment. More than half of the proposals made to the physicians were accepted (60%) at the multidisciplinary meetings, which showed the impact of the pharmacist’s role in chart reviews.

Conclusion : This project lead to the conclusion that the Professional Practices Assessment Meetings – Medications and the Elderly program is an excellent complement to the pharmacist’s analysis of prescriptions during validation. The next step would be to assess the impact of these interventions on the residents.

Keywords : Deprescribing, geriatrics, iatrogeny, multidisciplinary, professional practice

Introduction

L’organisation de réunions de concertation multidisciplinaires portant sur l’iatrogénie médicamenteuse de patients âgés n’est pas une pratique courante en France. Certaines équipes pharmaceutiques hospitalières ont publié des expériences intéressantes et ont été des précurseurs dans le domaine pour la région Rhône-Alpes1. Les pharmaciens d’officine français commencent depuis peu à s’engager dans des bilans partagés de médication réalisés notamment en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD)2. Le Centre hospitalier de Vienne (Rhône-Alpes, France) a identifié les patients de plus de 80 ans ou plus de 65 ans et polypathologiques comme patients à risque d’iatrogénie médicamenteuse. Tous les six mois, les pharmaciens sensibilisent les médecins grâce à des documents pédagogiques qui leur sont distribués.

De plus, ils organisent avec l’équipe mobile gériatrique des réunions d’évaluation des pratiques professionnelles connues en interne sous le nom de « Staff d’évaluation des pratiques professionnelles “Médicaments et personnes âgées”». Organisées jusqu’à ce jour dans les unités de médecine et de chirurgie (mais ne faisant néanmoins pas partie du quotidien de ce centre), ces réunions d’évaluation des pratiques professionnelles ont pour but d’assurer la révision des ordonnances des patients âgés, un jour donné, dans une unité de soins, afin de limiter le risque d’iatrogénie médicamenteuse des patients audités et d’apporter un soutien pédagogique aux équipes médicales concernées. L’objectif de ce projet, réalisé lors d’un stage à thématique optionnelle (STOP) de l’Université de Montréal, est de déployer et d’analyser les résultats de ces réunions d’évaluation des pratiques professionnelles en EHPAD.

Méthode

Ce projet s’est déroulé du 4 au 29 mars 2019. Le Centre hospitalier de Vienne comprend cinq EHPAD (capacité totale de 174 résidents) : les Allobroges, la Bâtie, les Charmilles, le Jardin de Cybèle et la Pyramide. Tous les résidents des EHPAD présents lors des visites au mois de mars 2019 ont été inclus dans le projet, excepté ceux de la Bâtie qui ont été exclus par manque de temps dans le cadre du stage STOP.

Grâce à l’accessibilité aux notes médicales, aux valeurs de laboratoire et à la liste de médicaments de chaque résident, la révision des ordonnances a été effectuée à l’aide de plusieurs outils par la stagiaire en pharmacie et sous la supervision des pharmaciens du centre hospitalier. Les pharmaciens et l’équipe mobile gériatrique avaient antérieurement mis au point des outils de révision d’ordonnances de patients âgés. Ces outils comprenaient une liste de vérification des critères à réviser dans un dossier-patient (Figure 1), le Guide pour la prescription médicamenteuse chez la personne âgée hospitalisée de plus de 80 ans ou plus de 65 ans et polypathologique (Annexe) et le guide Médicaments et insuffisance rénale : Recommandations pour l’adaptation des posologies à la fonction rénale chez les adultes (accessible sur demande)3,4.

 


 

Figure 1   Liste de vérification remplie pour l’analyse des ordonnances médicamenteuses des personnes âgées de plus de 80 ans (ou plus de 65 ans avec polypathologies)

Les deux premiers outils basés sur les critères de Beers et les critères STOPP/START avaient pour objectif de standardiser le processus de révision de dossiers-patients. Ils ont été élaborés dans le cadre d’une thèse d’exercice de pharmacien en 2012, à la suite d’une évaluation des pratiques professionnelles de grande ampleur faite dans l’établissement, puis mis à jour5. Le Guide pour la prescription médicamenteuse chez la personne âgée hospitalisée de plus de 80 ans ou plus de 65 ans et polypathologique explique le processus cognitif dans lequel le pharmacien doit s’engager lorsqu’il utilise la liste de vérification. Il donne accès à la liste des médicaments inscrits au livret du Centre hospitalier de Vienne et considérés comme potentiellement inappropriés chez la personne âgée. Ce guide comprend aussi la liste de médicaments dont l’efficacité est jugée discutable et quelques définitions de termes utilisés dans la liste de vérification, tels que « doublons » et « cascades médicamenteuses ».

La figure 1 montre un exemple de liste de vérification complète. À noter que deux critères dans cette liste n’ont pas été évalués lors de ce projet, soit : Forme galénique adaptée en cas de troubles de la déglutition ou de sonde naso-gastrique et Traitements potentiellement utiles présents, puisque l’information n’était pas toujours accessible dans les notes médicales, et aussi par manque de temps. Le guide Médicaments et insuffisance rénale : Recommandations pour l’adaptation des posologies à la fonction rénale chez les adultes (basé sur le résumé des caractéristiques du produit du fabricant et sur le site GPR [Guide de Prescription & Rein], élaboré par des néphrologues et des pharmaciens d’un centre hospitalier universitaire parisien) a servi de référence pour vérifier si les médicaments étaient adaptés à la fonction rénale des résidents6. Le logiciel VidalMD, une base de données médicale française qui regroupe les caractéristiques des médicaments, notamment les indications, les posologies, les effets indésirables, les précautions, etc., a été utilisé. Le logiciel de gestion des ordonnances ORBISMD a aussi été utilisé. Ce logiciel a permis de détecter la présence d’interactions médicament-médicament et médicament-pathologie.

Des plages horaires de rencontres multidisciplinaires ont été définies au préalable afin de proposer aux médecins les changements à apporter dans les dossiers. Les propositions acceptées, refusées et tout autre commentaire émis lors des rencontres ont été pris en note dans les listes de vérification. Ces listes ont été numérisées et portées aux dossiers respectifs de chaque résident afin de documenter les interventions de la pharmacie. Les données démographiques des résidents ont été collectées. Le nombre de réunions multidisciplinaires et leurs membres présents ont été pris en note. Le nombre de propositions, le taux de conformité des critères de révision et le taux d’acceptation des médecins par rapport aux recommandations ont été calculés. Les classes de médicaments qui ont nécessité le plus d’interventions de la part du pharmacien ont aussi été comptabilisées.

Une autorisation du Directeur des Centres Hospitaliers de Vienne, Beaurepaire et Condrieu a été obtenue pour la publication de cet article.

Résultats

La révision des dossiers s’est effectuée dans quatre EHPAD, dont les Allobroges ( n = 29), les Charmilles ( n = 36), le Jardin de Cybèle ( n = 32) et la Pyramide ( n = 33). Au total, 130 résidents ont été audités. La tranche d’âge était de 56 à 100 ans (âge moyen 84 ans, 3,8 % de résidents de moins de 65 ans). Au total, six rencontres multidisciplinaires d’une durée d’une heure et 30 minutes chacune ont eu lieu avec la participation de trois médecins (deux gériatres et un médecin généraliste), deux pharmaciennes et une stagiaire de quatrième année en pharmacie de l’Université de Montréal. L’équipe de la pharmacie a fait 201 propositions aux médecins pour une moyenne de 1,5 proposition par résident. La révision d’un dossier-patient prenait en moyenne 15 minutes pour les 10 critères de révision.

Critères de révision

Les critères audités sont présentés dans le tableau I et les taux de conformité aux référentiels sont présentés dans la figure 2. Parmi les différents critères audités, le premier « Absence de médicaments potentiellement inappropriés chez la personne âgée » a 51 % de conformité et le sixième « Durée des traitements aigus précisée » a 35 % de conformité. Les autres critères ont plus de 90 % de conformité.

Tableau I   Critères de révision des dossiers-patients

 

 


 

Figure 2   Taux de conformité aux référentiels des critères de révision des dossiers-patients

Classes médicamenteuses

La figure 3 présente les différentes classes médicamenteuses concernées par les propositions effectuées. Quarante-deux pour cent des interventions ont ciblé les médicaments de la classe gastro-intestinale; 16 % d’entre elles ont porté sur l’usage non indiqué d’un inhibiteur de la pompe à protons de plus de huit semaines pour lequel un sevrage ou un arrêt complet était proposé, et 12 % concernaient le docusate sodique avec une demande d’arrêt ou de substitution par un laxatif osmotique.

 


 

Figure 3   Classes médicamenteuses concernées par les propositions pharmaceutiques
Abréviations : AOD : anticoagulant oral direct; IPP : inhibiteur pompe à protons
a Propositions d’arrêt ou diminution de posologie
b Propositions de rajout

Les médicaments cardiovasculaires ont fait l’objet de 11 % des interventions. Six pour cent d’entre elles ont porté sur la cessation ou la diminution de la dose de statine prise en prévention primaire et 3 %, sur la prescription d’anticoagulants oraux directs. En effet, l’apixaban de deux résidents a été arrêté, car il n’y avait plus d’indication à poursuivre le traitement pour l’embolie pulmonaire sans risque de récidives depuis 2015 et 2018. Par ailleurs, une date d’arrêt a été proposée chez quatre résidents sous apixaban pour le traitement actif d’une thrombose veineuse profonde afin d’éviter que le traitement ne perdure au-delà de la durée recommandée. La dernière intervention concernait un résident ayant reçu une dose sous-optimale d’apixaban 2,5 mg deux fois par jour pour le traitement d’une fibrillation auriculaire (92 ans, 62 kg et clairance de la créatinine de 65 mL/min).

Sept pour cent des interventions ont porté sur les psychotropes, plus particulièrement le remplacement d’une benzodiazépine à longue demi-vie par une autre à courte demi-vie et le remplacement de cyamémazine par un neuroleptique avec une charge anticholinergique moindre. Les autres interventions concernaient la mise au jour d’ordonnances en double pour la même classe de médicaments, la poursuite d’un sevrage de gabapentine oublié et l’arrêt de tropatépine dont l’indication officielle est le syndrome parkinsonien induit par les neuroleptiques chez des résidents qui ne prenaient pas de neuroleptique.

En France, il est suggéré de rajouter du chlorure de sodium 0,9 % au soluté de glucose 5 % en perfusion sous-cutanée pour prévenir le risque d’œdème et de choc7. Ainsi, 7 % des propositions ont porté sur l’ajout du chlorure de sodium 0,9 % au soluté de glucose 5 %. Sept pour cent des interventions ont porté sur l’arrêt de suppléments de potassium et de fer chez des résidents dont les niveaux de potassium et les bilans martiaux étaient normaux depuis longtemps. Dans la même catégorie d’intervention, 6 % ont concerné des antifongiques topiques qui ont été cessés en raison d’une infection résolue.

En France, les médicaments indiqués dans la maladie d’Alzheimer ne sont plus remboursés depuis août 2018, en raison d’un service médical rendu insuffisant (efficacité symptomatique au mieux très faible et transitoire, et risque d’effets indésirables sérieux) à la suite de la parution du guide Haute Autorité de Santé « parcours de soins de la maladie d’Alzheimer »8. L’indication locale consiste à proposer l’arrêt de ces médicaments (6 %). À noter que ce n’est pas dans tous les cas que les médicaments pour la maladie d’Alzheimer ont pu être arrêtés. En effet, parmi les 12 résidents ayant eu un diagnostic de maladie d’Alzheimer, le traitement par mémantine chez trois d’entre eux a été maintenu. Cette décision a été justifiée par l’évaluation des médecins (agitation, vie relationnelle, vie active).

Taux d’acceptation

Soixante pour cent des propositions faites aux médecins ont été acceptées. Cependant, 37 % n’ont pas été acceptées, mais avec justification. En effet, la suggestion de remplacer les capsules de docusate sodique ou la gelée de LansoylMD par un laxatif osmotique sous forme de poudre à dissoudre dans un liquide n’a pas été acceptée pour plusieurs résidents en raison de leur préférence. Dans d’autres cas, le sevrage ou l’arrêt de l’inhibiteur de la pompe à protons chez 33 résidents a été suggéré; la prescription pour 15 résidents a toutefois été maintenue en raison d’une suspicion d’anémie d’origine gastro-intestinale et de la possibilité que des examens invasifs présentent plus de risques que de bénéfices. Parmi les autres propositions, 2 % d’entre elles n’ont pas été acceptées, et ce, sans justification valide. Les deux raisons considérées comme non valides étaient les suivantes : 1) le médecin rencontré n’était pas le médecin prescripteur et ne désirait pas effectuer des changements; 2) les membres de la famille du résident étaient résistants aux changements, selon les dires du médecin.

Discussion

La déprescription est le concept au cœur du programme « Staff d’évaluation des pratiques professionnelles “Médicaments et personnes âgées” » En effet, la plupart des interventions réalisées par le pharmacien étaient destinées à arrêter ou à diminuer la posologie d’un médicament afin d’avoir un profil pharmacologique approprié chez la personne âgée. La majorité des critères de révision ont été conformes aux référentiels, car deux médecins sur trois exerçant dans les EHPAD étaient des gériatres et les pharmaciens effectuaient systématiquement des analyses d’ordonnances lors de la réception de celles-ci pour validation. Toutefois, quelques critères sont restés non conformes. La moitié des résidents a reçu au moins un médicament potentiellement inapproprié et presque les trois quarts d’entre eux ont eu un traitement pour une pathologie aiguë, sans durée de traitement ou date d’arrêt. Même s’il ne s’agit pas de l’intervention la plus significative en termes de nombre, l’arrêt des anticoagulants oraux directs sans indication de traitement est une intervention significative sur le plan clinique. En effet, les conséquences d’une anticoagulation non indiquée peuvent être graves, ce qui souligne l’impact du rôle du pharmacien dans la révision des dossiers-patients9. Plus de la moitié des propositions faites par le pharmacien a été acceptée par les médecins. Seule une minorité d’entre elles n’a pas été acceptée, mais cela a été justifié après discussion avec les médecins.

En effet, malgré la revue des notes cliniques, certaines informations étaient manquantes et c’était seulement lors des échanges avec les médecins que les pharmaciens obtenaient la justification d’un traitement. Également, réviser des dossiers-patients sans avoir rencontré les résidents au préalable a constitué un réel défi. Une prise de décision partagée entre les professionnels de la santé et les patients devrait toujours être privilégiée dans le but de les inclure dans leurs propres soins, de les connaître, d’établir un lien de confiance et de collecter des données.

Toutefois, le projet a été réalisé dans le cadre d’un stage STOP d’une durée de quatre semaines et la contrainte de temps devait être prise en compte. Ayant déjà exclu un des EHPAD et deux critères de révision, rencontrer chaque résident ou quelques-uns d’entre eux aurait augmenté le temps de travail. Une autre limite du projet est d’avoir inclus tous les patients des EHPAD, sans considération de leur âge. C’est ainsi que des résidents de moins de 65 ans ont été inclus dans ce projet.

Par contre, les outils utilisés pour la révision des dossiers-patients ont été conçus pour des personnes de plus de 80 ans ou plus de 65 ans avec polypathologies. Toutefois, les résidents de moins de 65 ans ne représentaient qu’une très faible proportion du projet (3,8 %).

En comparant les résultats de ce projet à une étude réalisée en 2018 au Centre hospitalier de Vienne, qui recensait les interventions pharmaceutiques dans ces quatre EHPAD, lors de la validation d’ordonnances habituelle, avant la mise en place des « staffs d’évaluation des pratiques professionnelles », il ressort ceci : 103 propositions ont été faites en un an, donc beaucoup moins qu’en un mois durant le présent projet10. Les classes médicamenteuses les plus souvent concernées étaient les suivantes : les médicaments cardiovasculaires (37 %), dont une majorité portait sur les antagonistes de la vitamine K (18 %) pour un ajustement selon le rapport international normalisé et les statines, n’ont fait l’objet d’aucune proposition; également les antibiotiques (17 %), dont on a principalement souligné les posologies inadéquates. Quant aux médicaments gastrointestinaux, ils ne représentaient que 6 % des interventions (une seule sur un inhibiteur de la pompe à protons et aucune sur le docusate sodique). Au total, 62 % des interventions ont été suivies de modifications de prescription et 31 % n’ont pas été acceptées. Les « staffs d’évaluation des pratiques professionnelles » ont donc permis de mettre en évidence des types de non-conformité non détectés par la requête informatique utilisée pour les analyses d’ordonnances, et en nombre plus important.

Conclusion

Le déploiement du programme « Staff d’évaluation des pratiques professionnelles “Médicaments et personnes âgées” » et la présence d’une stagiaire en pharmacie ont été l’occasion de collaborer avec d’autres professionnels de santé exerçant en EHPAD. La stagiaire, ne faisant pas partie de la chaîne de travail du département de pharmacie, a pu consacrer ses journées à analyser les dossiers-patients, et à organiser et assister aux réunions multidisciplinaires. Sa présence a été un facteur facilitant dans le déploiement de cette nouvelle pratique, en termes logistiques et organisationnels. Aussi, cela a permis de mettre en évidence l’impact du pharmacien dans la révision d’ordonnances et l’importance de la collaboration interprofessionnelle. C’est ainsi que 130 dossiers-patients ont pu être révisés afin d’y apporter des changements.

Ce projet démontre une bonne acceptation des interventions pharmaceutiques et indique que certains types de proposition sont plus efficients lorsqu’il existe un véritable échange avec les médecins. Les pharmaciens ont ainsi pu accorder une attention particulière à la présence de médicaments considérés comme potentiellement inappropriés en gériatrie et à la durée de traitement des pathologies aiguës. Il s’agit du premier déploiement de ce programme en EHPAD à Vienne qui vient compléter le programme déjà en place, mais il reste encore beaucoup de travail à accomplir et de temps à dégager afin que ces démarches soient intégrées à la routine pharmaceutique. Rencontrer les résidents est un élément important qui n’a pas pu être réalisé dans le contexte de ce projet, mais qui aurait certainement bonifié les interventions.

Il est donc permis de conclure que le programme « Staff d’évaluation des pratiques professionnelles », mis en place à la faveur de la présence d’une stagiaire en pharmacie du Québec, est un excellent complément à l’analyse d’ordonnances faite par le pharmacien. Il permet en effet de mettre en évidence d’autres types de risques d’iatrogénie médicamenteuse et en nombre plus important. Cela encourage l’équipe pharmaceutique du Centre hospitalier de Vienne à poursuivre ce type de démarche. La prochaine étape serait d’évaluer l’impact des interventions auprès des résidents.

Financement

Aucun financement en relation avec le présent article n’a été déclaré par les auteurs.

Conflits d’intérêts

Tous les auteurs ont rempli et soumis le formulaire de l’ICMJE pour la divulgation de conflits d’intérêts potentiels. Les auteurs ne déclarent aucun conflit d’intérêts en relation avec le présent article.

Références

1. Pineau-Blondel E, Betegnie AL, Valencon P, Hugon A, Peuchet V, Tavernier L et al. Programme d’optimisation de la prise en charge médicamenteuse de la filière gérontologique « Annecy-Rumilly-Saint-Julien-Gex » : séance pluridisciplinaire de relecture d’ordonnances, posters et communications orales présentés au congrès de la Société française de gériatrie et gérontologie en 2013.

2. Assurance maladie en ligne. Bilan partagé de médication pour les pharmaciens d’officine. [en ligne] https://www.ameli.fr/pharmacien/textes-reference/textes-conventionnels/avenants#text_105169 (site visité le 14 mars 2021).

3. Derharoutunian C, Leclerc Nancey H. Guide pour la prescription médicamenteuse chez la personne âgée hospitalisée de plus de 80 ans ou plus de 65 ans et polypathologique. Centre Hospitalier Vienne Lucien Hussel. 2017.

4. Perrier Q, Piquemal M, Derharoutunian C. Médicaments et insuffisance rénale : Recommandations pour l’adaptation des posologies à la fonction rénale chez l’adulte. Centre Hospitalier de Vienne Lucien Hussel. 2017. 15 p.

5. Brutel A. EPP relative aux prescriptions médicamenteuses chez le patient âgé au Centre Hospitalier de Vienne Lucien Hussel. Thèse d’exercice. Faculté de pharmacie de Lyon. 2012.

6. Site GPR. Le bon usage clinique du médicament. [en ligne] http://sitegpr.com/fr/ (site visité le 14 mars 2021).

7. OMEDIT Centre-Val de Loire. Perfusion sous-cutanée de solutés en prévention de la déshydratation. 2017.

8. Haute Autorité de Santé. Guide parcours de soins des patients présentant un trouble neurocognitif associé à la maladie d’Alzheimer ou à une maladie apparentée. Mai 2018. [en ligne] https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2018-05/parcours_de_soins_alzheimer.pdf (site visité le 30 mars 2019).

9. Hellenbart EL, Faulkenberg KD, Finks SW. Evaluation of bleeding in patients receiving direct oral anticoagulants. Vasc Health Risk Manag 2017;13:325–42.
cross-ref  pubmed  

10. Luu Hoai MH, Perrier Q, Piquemal M, Tamzejian Ghadban R, Hournau-Blanc J, Leclerc-Nancey H et al. Les staffs EPP « médicaments » sont-ils plus efficaces, en termes de communication, que l’analyse d’ordonnances faite par le pharmacien hospitalier en EHPAD ?, affiche présentée à la 10e Journée régionale qualité et sécurité en santé, Lyon, novembre 2019.



Pour toute correspondance : My Hanh Luu Hoai, Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux du Nord-de-l’Île-de-Montréal, Hôpital Jean-Talon, 1365, rue Jean-Talon Est, Montréal (Québec), H2E 1S6, CANADA; Téléphone : 514 495-6767; Courriel : my.hanh.luu.hoai@umontreal.ca

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PHARMACTUEL , Vol. 54 , No. 3, 2021