Histoire de la pratique pharmaceutique dans le Nord-du-Québec

Tommy Taing 1, Jean-François Bussières , B.Pharm., M.Sc., MBA, FCSHP, FOPQ 2,3

1 Candidat au Pharm.D. au moment de la rédaction, Unité de recherche en pratique pharmaceutique, Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine, Montréal (Québec) Canada ;
2 Pharmacien, chef, Département de pharmacie et Unité de recherche en pratique pharmaceutique, Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine, Montréal (Québec) Canada ;
3 Professeur titulaire de clinique, Faculté de pharmacie, Université de Montréal, Montréal (Québec) Canada

Reçu le 5 janvier 2021: Accepté après révision le 14 mai 2021

Résumé

Objectif : Décrire l’évolution de la pratique pharmaceutique dans le Grand Nord québécois, spécifiquement dans les régions sociosanitaires 17 et 18.

Mise en contexte : Les soins de santé prodigués aux populations de ces régions reposent sur l’ensemble des professionnels de santé, incluant les pharmaciens et les assistants techniques en pharmacie. On dispose de très peu de données sur les services et soins pharmaceutiques prodigués dans le Nord-du-Québec.

Résultats : Un stage à thématique optionnelle effectué à l’automne 2019 à partir de Montréal et durant un séjour à l’Hôpital de Chisasibi a permis d’évaluer les soins prodigués dans les régions sociosanitaires 17 et 18. Plus d’une vingtaine de personnes-contacts ont répondu à notre appel et ont accepté de participer à un entretien téléphonique ou en présentiel. Nos travaux ont permis de dégager le fil chronologique des principaux événements liés à l’histoire de la pratique pharmaceutique dans le Nord-du-Québec ( n = 108 dates) et d’établir le profil des principales ressources humaines pharmaceutiques au sein de ces deux régions sociosanitaires ainsi que le profil des services et soins pharmaceutiques, et de constituer un recueil d’anecdotes.

Conclusion : Il existe peu de données sur la pratique pharmaceutique dans le Nord-du-Québec. Les premiers pharmaciens diplômés arrivent à Fort George et Kuujjuaq dans les années 70 pour assurer la mise en place de départements de pharmacie. Progressivement, les activités pharmaceutiques se structurent autour des hôpitaux, des dispensaires et des pharmacies communautaires. Exercer la pharmacie dans le Nord-du-Québec est un véritable défi compte tenu des enjeux géographiques, cliniques et culturels.

Mots-clés : Autochtones, Nord-du-Québec, pratique pharmaceutique, Premières Nations

Abstract

Objective : To describe the evolution of pharmacy practice in Northern Quebec, specifically in health and social services regions 17 and 18.

Background : Health care for the populations in these regions relies on all health professionals, including pharmacists and technical pharmacy assistants. Very little data is available on pharmaceutical services and care in Northern Quebec.

Results : Care in health and social services regions 17 and 18 was evaluated during an optional theme internship done in the fall of 2019 in Montréal and during a stay at the Hôpital de Chisasibi. More than twenty contacts responded to our request and agreed to participate in a telephone or face-to-face interview. Our work served to identify the timeline of the main events in the history of pharmacy practice in Northern Quebec ( n = 108 dates); to establish the profile of the main pharmacy human resources in these two health and social services regions, the profile of the pharmacy services; and to compile a collection of anecdotes.

Conclusion : There is little data on pharmacy practice in Northern Quebec. The first pharmacists with university degrees arrived in Fort George and Kuujjuaq in the 1970s to see to the creation of pharmacy departments. Gradually, pharmacy activities were structured around hospitals, dispensaries and community pharmacies. Practicing pharmacy in Northern Quebec is a real challenge, given the geographical, clinical and cultural issues.

Keywords : Aboriginal, First Nations, Northern Quebec, pharmacy practice

Introduction

Le Nord-du-Québec occupe 55 % du territoire québécois avec ses 840 000 km carrés1. En ce qui concerne la gestion administrative du territoire, on retrouve trois municipalités régionales de comté, soit la Jamésie, les Terres-Cries-de-la-Baie-James (aussi appelées Eeyou Istchee , ou Terre du peuple) et le Nunavik (aussi appelé Kativik )2. La Jamésie est une municipalité régionale de comté géographique située au sud du 55e parallèle. Elle compte environ 14 500 habitants répartis dans une dizaine de villages (p. ex., Chibougamau, Chapais, Lebel-sur-Quévillon, Matagami, Radisson), sept territoires non organisés et plusieurs centrales hydroélectriques du complexe La Grande3.

L’Eeyou Istchee regroupe plusieurs villages cris de la municipalité de Eeyou Istchee Baie-James enclavés dans la Jamésie mais n’en faisant pas partie. Ce territoire compte environ 17 000 habitants, principalement cris, répartis dans neuf villages : Chisasibi, Eastmain [1774], Oujé-Bougoumou, Mistissini, Nemaska [1794], Waskaganish (anciennement Fort Rupert) [1668], Waspanipi [fin du 18e siècle], Wemindji et Whapmagoostui (communauté crie et inuite; située au Nunavik)4. L’année, entre crochets, renvoie à l’ouverture d’un poste de traite. La route 109 est asphaltée et permet de se déplacer de Val-d’Or à Radisson puis à Chisasibi. La plupart des autres villages cris sont également accessibles par voie terrestre en gravier.

Enfin, le Nunavik (autrefois Nouveau-Québec) compte environ 13 000 habitants, principalement inuits, répartis dans 14 villages (p. ex., Akulivik, Aupaluk, Inukjuak [début 20e], Ivujivik [1909], Kangiqsualujjuaq, Kangiqsujuaq, Kangirsuk [1921], Kuujjuaq [anciennement Fort-Chimo ou Good Hope, 1830], Kuujjuarapik [cohabitation inuite/crie], Puvirnituq [1921], Quaqtaq, Salluit [1925], Tasiujaq [1905] et Umiujaq)4. De plus, ce territoire inclut le village de Whapmagoostui et le village naskapi de Kawawachikamach4. Aucun déplacement routier n’est possible entre les villages et les transports par bateau et par avion sont privilégiés.

Les villages du Nord-du-Québec se développent, pour la plupart, autour du commerce de la fourrure5. Petit à petit, les Cris et les Inuits s’établissent à proximité des postes de traite pour faciliter leur travail de piégeage et de chasse5. Cette habitude amène progressivement ces populations à se sédentariser et à former des villages autochtones5. D’autres villages autochtones s’agrègent autour de missions religieuses ou résultent tout simplement de la volonté d’une communauté de s’agglomérer et de vivre ensemble6.

Les populations cries et inuites sont plus jeunes que la population québécoise et moins scolarisées6,7. Les ménages sont de plus grande taille et il n’est pas rare que trois générations habitent sous le même toit8. Bien que sédentaires, les nations cries et inuites continuent de pratiquer la chasse et la pêche régulièrement9.

En ce qui concerne les soins de santé, on trouve trois régions sociosanitaires, soit la région 10 (Nord-du-Québec, Centre régional de santé et de services sociaux de la Baie-James) pour les allochtones (provenant d’un endroit différent, s’opposant ainsi à « autochtones »), la région 17 (Nunavik, incluant la Régie régionale de la santé et des services sociaux du Nunavik, le Centre de santé Inuulitsvik et le Centre de santé Tulattavik de l’Ungava) et la région 18 (Terres-Cries-de-la-Baie-James, incluant le Conseil Cri de la santé et des services sociaux de la Baie James)10,11.

L’histoire du territoire commence avec la découverte de la baie d’Hudson par Henry Hudson en 161012. Un premier poste de traite de la Compagnie de la Baie d’Hudson est établi à Waskaganish en 166813. Des débuts de la colonie jusqu’à la naissance de la Confédération canadienne, en 1867, les territoires situés au nord du Québec portent le nom de « Terre de Rupert » puis de « Territoires du Nord-Ouest »13. Il faudra attendre 1898 pour que les frontières du Québec se déplacent jusqu’à la rivière Eastmain, puis 1912 pour qu’elles atteignent la baie d’Ungava14. Ces terres sont renommées « Nouveau-Québec »14. En 1975, la signature de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois permet à la nation crie de s’autodéterminer15. En 1986, le Nouveau-Québec est renommé « Nunavik »16. La Paix des Braves, signée en 2002, confirme une entente de relation nouvelle entre le gouvernement du Québec et les Cris du Québec17.

Les habitants et les professionnels de la santé du Nord-du-Québec doivent composer avec de nombreux enjeux, notamment le froid, la distance, l’isolement, les crises du logement, le problème de rétention des professionnels et celui des particularités sociosanitaires. Certaines enquêtes ont permis de documenter les enjeux sociaux et les principaux problèmes de santé18,19.

Les soins de santé prodigués à ces populations reposent sur l’ensemble des professionnels de santé, incluant les pharmaciens et les assistants techniques en pharmacie. On dispose de très peu de données sur les services et les soins pharmaceutiques prodigués dans le Nord-du-Québec.

Méthode

Il s’agit d’une étude descriptive rétrospective menée à l’automne 2019. L’objectif principal était de décrire l’évolution de la pratique pharmaceutique dans le Grand Nord québécois, spécifiquement dans les régions sociosanitaires 17 et 18.

Dans le cadre d’un stage à thématique optionnelle réalisé à la Faculté de pharmacie de l’Université de Montréal durant quatre semaines, sous la responsabilité d’un professeur de clinique de la Faculté, un projet semi-structuré de recherche historique a permis de relever ce défi. Les participants ont consenti à ce que leurs propos soient recueillis aux fins de rédaction d’une communication affichée et écrite.

Dans un premier temps, un plan de travail a été élaboré quelques mois avant le stage. Ce plan prévoyait d’établir un plan de recherche, une liste de contacts, une recherche documentaire générale sur le Web, des lectures préalables et un stage en présence pendant au moins trois semaines au département de pharmacie de Chisasibi.

Dans un deuxième temps, un stage s’est déroulé durant la première semaine au Centre hospitalier universitaire (CHU) Sainte-Justine de Montréal afin de mener à bien les lectures dirigées, de préparer le plan de rédaction de l’article et de réaliser un maximum d’entretiens semi-dirigés auprès des personnes-contacts identifiées.

Dans un troisième temps, un stage a été effectué sur le terrain, au département de pharmacie de l’Hôpital de Chisasibi. Ce stage prévoyait une visite des lieux, une consultation de documents d’archives, des rencontres avec l’équipe de gestion de l’hôpital, au moins un médecin, une infirmière et des membres du département de pharmacie. Avec la permission des personnes concernées, des anecdotes ont été recueillies et des photos ont été prises afin d’illustrer la pratique pharmaceutique.

Dans un quatrième temps, nous avons procédé à une analyse de l’ensemble des données recueillies afin de dresser le profil descriptif des infrastructures de santé, d’établir le fil chronologique des principaux événements liés à l’histoire de la pratique pharmaceutique dans le Nord-du-Québec, et de dresser le profil des principales ressources humaines pharmaceutiques au sein des deux régions sociosanitaires, ainsi que des services et soins pharmaceutiques, et de constituer un recueil d’anecdotes et de photos.

Résultats

Le stage s’est déroulé à l’automne 2019. Plus d’une vingtaine de personnes-contacts ont répondu à notre appel et accepté de participer à un entretien téléphonique ou en présentiel. Chaque échange durait en moyenne une heure et un rapport était rédigé afin de rapporter les faits saillants des entrevues.

Émergence des soins de santé

Avant l’arrivée des allochtones, les soins de santé étaient prodigués par des chamans et des praticiens de médecine traditionnelle20. Chez les Cris, on faisait également appel aux plus âgés (« elders ») 21. Dans l’ouvrage The Gift of Healing , on propose des traitements naturels notamment pour l’asthme, la constipation, l’hémorragie, la dépression, les engelures, le mal de gorge, le stress, l’arthrite, la perte de cheveux, la pneumonie, la fausse couche et la douleur. On recommande notamment d’utiliser de la gomme d’épinette, de la cendre de peuplier, de l’avoine, de la graisse d’animal, des feuilles de thé, de l’huile d’oie, du sang d’orignal et des pierres chauffées. Même en 2020, les cliniciens composent avec ces traitements traditionnels lorsqu’ils interviennent.

Avec l’arrivée des missionnaires vers 1840, de nouvelles pratiques sont instaurées22. Il faudra attendre les années 1920 pour que des infirmières du sud s’engagent, avec le soutien du gouvernement fédéral23. Les médecins, eux, tarderont davantage à intervenir et ne se concentreront que dans les plus gros villages dotés d’un hôpital, soit à Fort George (Chisasibi) et à Fort-Chimo (Kuujjuaq)24. Avec la signature de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois, les développements en matière d’infrastructures de santé s’accélèrent. Les conditions d’autodétermination négociées en 1975 contribuent à une prise en charge du système de santé des autochtones. Toutefois, celui des Cris et des Inuits se développera séparément et de manière indépendante25.

En vertu de la Politique de 1979 sur la santé des Indiens, le programme de services de santé non assurés assure désormais une couverture universelle des soins de santé, incluant les médicaments en hospitalisation et en ambulatoire pour les Cris et les Inuits du Nord-du-Québec26. Toutefois, la couverture de médicaments offerte à la communauté crie est égale ou supérieure à celle offerte en vertu du régime général d’assurance médicaments à la population du reste du Québec27.

Profil descriptif des infrastructures de santé

En dépit de la réorganisation du réseau de santé québécois, les établissements desservant les populations nordiques ont évité la fusion de 2015, préservant ainsi l’intégrité du CLSC Naskapi, du Centre régional de santé et de services sociaux de la Baie-James (région sociosanitaire 10) et des établissements mentionnés ci-après28. En 2020, la région sociosanitaire 18 est desservie par l’hôpital situé à Chisasibi, qui soutient huit dispensaires répartis au sein des villages suivants : Eastmain, Mistissini, Nemaska, Oujé-Bougoumou, Waskaganish, Waswanipi, Wemindji et Wahpmagoostui au Nunavik29. Dans chaque village de la communauté Eeyou Istchee, le Conseil cri de la santé et des services sociaux de la Baie James gère un centre Miyupimaatissiun communautaire, similaire au concept de centre intégré de santé et des services sociaux ailleurs au Québec. De plus, le Conseil cri de la santé et des services sociaux de la Baie James exploite des bureaux de liaison du Wiichihiituwin à Chibougamau, à Val-d’Or et à Montréal, de même qu’un bureau de recrutement à Montréal29.

En 2020, la région sociosanitaire 17 est desservie par deux établissements qui poursuivent les cinq missions du système de santé québécois30. Le Centre de santé Tulattavik de l’Ungava, situé à Kuujjuaq, soutient six dispensaires répartis au sein des villages suivants : Aupaluk, Kangiqsualujjuaq, Kangirsuk, Kangiqsujuaq, Quaqtaq et Tasiujaq. De plus, le Centre de santé Inuulitisivik situé à Puvirnituq soutient six dispensaires répartis au sein des villages suivants : Akulivik, Inukjuak, Ivujivik, Kuujjuarapik (cohabitation inuite/crie), Umiujaq et Salluit4. De plus, les régions sociosanitaires 17 et 18 font partie du Réseau universitaire intégré de santé de l’Université McGill, et la plupart des patients dont l’état nécessite un transfert vers le sud sont traités dans les établissements de ce réseau31.

De façon générale, les structures de santé reposent sur des équipes de gestion, des médecins, des infirmières; d’autres professionnels de la santé, incluant pharmaciens et assistants techniques en pharmacie, y contribuent. Dans les dispensaires, les soins sont généralement prodigués par des infirmières au rôle élargi qui profitent notamment d’ordonnances collectives et d’un bon niveau d’autonomie. Elles se réfèrent à des médecins, à des pharmaciens et à d’autres professionnels lorsque requis.

La figure 1 présente une carte géographique des principaux villages du Nord-du-Québec et des deux régions sociosanitaires. Le tableau I dresse le profil des principales caractéristiques des deux régions sociosanitaires.

 


 

Figure 1  Principaux villages du Nord-du-Québeca
Légende : Cercle : Premières Nations cries; Carré : Inuits
a Adaptation de la carte originale inspirée d’une carte des Services aux Autochtones Canada, Gouvernement du Canada – 2020

Tableau I   Profil des principales caractéristiques des régions sociosanitaires 17 et 18

 

Fil chronologique

À partir des archives consultées et des données recueillies lors des entretiens, nous avons établi le fil chronologique de 16 événements liés à l’histoire de la pratique pharmaceutique dans le Nord-du-Québec de 1610 à 2020 (figure 2). L’annexe présente le fil détaillé ( n = 108 dates).

 


 

Figure 2   Illustration des principaux événements du fil chronologique de l’histoire de la pratique pharmaceutique dans le Nord-du-Québec
Abréviations : FADM : feuille d’administration des médicaments; OPQ : ordre des pharmaciens du Québec

Profil des ressources humaines pharmaceutiques

À partir des archives consultées et des données recueillies lors des entretiens, nous avons établi le profil des principales ressources humaines au sein des deux régions sociosanitaires. Selon ces données, aucun pharmacien ne provient des nations cries ou inuites, tandis qu’au moins une dizaine d’assistants techniques en pharmacie vient de la nation crie. Au total, la collecte a permis d’identifier 22 pharmaciens et trois assistantes techniques en pharmacie ayant contribué à l’exercice de la pharmacie dans le Nord-du-Québec de 1970 à 2020.

Profil des services et des soins pharmaceutiques

On dispose de très peu de données sur les débuts de la pratique pharmaceutique dans le Nord-du-Québec. Le pharmacien Adrien Brûlé serait parmi les premiers à avoir exercé la pharmacie à l’Hôpital Sainte-Thérèse-de-l’Enfant-Jésus de Fort Georges, durant les années 70. La pharmacienne Suzanne Lachance serait, elle, parmi les premières à avoir exercé durant la même période à l’Hôpital de l’Ungava de Kuujjiaq. La pratique pharmaceutique débute au cœur de ces deux hôpitaux et s’étend au village de Puvirnituq au début des années 80 alors que la pharmacie est située dans une roulotte.

Au début, les pharmaciens assurent la mise en place d’un processus structuré d’approvisionnement et de distribution des médicaments, incluant la constitution d’un dossier-patient papier comme l’exige la Loi sur la pharmacie. Les chefs de département de pharmacie de ces établissements définissent les quantités annuelles de médicaments dont ils ont besoin dans le cadre du processus d’approvisionnement du Groupe d’approvisionnement commun de l’Est du Québec. Ainsi, les prix payés pour les achats de médicaments sont les mêmes qu’au sud de la province.

Dans les années 80, les médicaments sont expédiés par avion de Montréal par l’entremise d’un grossiste en médicaments (Distribution Pharmacies Universelles). Depuis les années 90 jusqu’à aujourd’hui, Médis Services pharmaceutiques, précurseur de Mckesson Canada, détient le contrat de distribution de médicaments pour le Nord-du-Québec. En 2020, les pharmaciens des établissements de santé ainsi que les infirmières des dispensaires cris peuvent procéder à des commandes directement chez le grossiste en utilisant le site Web transactionnel (PharmaclikMD). Dans le cas des établissements du Nunavik, seuls les pharmaciens procèdent aux commandes et assurent une répartition des stocks reçus auprès des dispensaires. Une livraison bihebdomadaire par camion (camion Mckesson jusqu’à Val-d’Or puis camion KEPA jusqu’à Chisasibi) ou par avion (pour les communauté inuites) est généralement offerte. Des glacières thermorégulées (American AerogelMD) sont implantées en 2014, en remplacement des glacières en styromousse, afin d’offrir une protection de la chaîne thermique pour une période de 72 heures. Ainsi, les premières pharmacies sont implantées dans des hôpitaux, même si elles desservent des patients hospitalisés et de la communauté. Il faudra attendre les années 90 pour que des pharmacies d’officine s’implantent notamment à Mistissini (1997), Kuujjuaq (années 2000), Puvirnituq (2015) et Waskaganish (2019).

De façon générale, les pharmacies sont ouvertes du lundi au vendredi de 9 à 17 heures; un pharmacien assure la garde en dehors des heures d’ouverture. Le dossier pharmacologique, d’abord en format papier, a été progressivement informatisé (Chisasibi, 1987; Kuujjuaq, 1999; Puvirnituq, 2004). Différents logiciels ont été implantés au fil du temps (p. ex., OmnipharmMD, MedisolutionMD, LabexpertMD, AssystRxMD, GesPhaRxMD) tant pour la gestion des stocks que pour celle des ordonnances. Une feuille d’administration des médicaments produite par l’équipe pharmacie est également établie (Chisasibi, 2005; Kuujjuaq, 2006). Pendant plusieurs décennies, la distribution des médicaments est effectuée en vrac (un flacon sécuritaire/médicament/patient avec une quantité variable de doses pour un nombre prédéterminé de jours). Progressivement, la distribution en vrac fait place à la distribution par dosette puis par pilulier (Puvirnituq, 2007; Kuujjuaq, 2008; Mistissini, 2012). L’Hôpital de Chisasibi octroie, par appel d’offres, le contrat de préparation des piluliers à une pharmacie au sud, en 2017. Une ensacheuse de type PacmedMD est installée à Kuujjuaq en 2016. Compte tenu de l’éloignement, les services et les soins pharmaceutiques sont prodigués par des pharmaciens qui séjournent dans ces communautés pour des périodes de durée variable (quelques semaines à plusieurs mois). Certains y exercent même quelques années.

Exercer la pharmacie dans le Nord-du-Québec comporte de nombreuses similitudes avec l’exercice au sud. Toutefois, les pharmaciens et leur équipe technique sont confrontés à des problèmes additionnels (p. ex., ressources humaines très limitées [souvent un seul pharmacien], délai pour l’obtention de médicaments, bris de chaîne thermique, difficultés d’expédition vers les dispensaires, prévalence de certaines pathologies différentes, présence très limitée de spécialistes). Le plus souvent, le pharmacien-chef est seul sur place à effectuer l’ensemble des tâches. Ainsi, exercer dans de telles conditions nécessite une bonne capacité d’adaptation, d’autonomie et de polyvalence.

Au cours des deux dernières décennies, la dotation en ressources pharmaceutiques a été bonifiée. Le chef du département de pharmacie de chaque établissement peut se consacrer, à tout le moins en partie, à la gestion et au développement de la pratique, tandis que quelques pharmaciens et assistants techniques assurent désormais le fonctionnement quotidien des opérations.

La figure 3 présente quelques photos du département de pharmacie de l’Hôpital de Chisasibi.

 


 

Figure 3   Photos du département de pharmacie de l’Hôpital de Chisasibi

Discussion

À notre connaissance, il s’agit du premier article publié sur la pratique pharmaceutique dans le Nord-du-Québec. Pour les gens au sud, le Nord-du-Québec représente un tout. Il s’agit pourtant d’un univers complexe qui regroupe deux nations autochtones qui vivent séparément et distinctement, tant du point de vue géographique que communautaire. Même dans les villages de Whapmagoostui et de Kuujjuarapik, au Nunavik, les deux communautés occupent le même sol, mais elles se fréquentent très peu et bénéficient de structures de santé distinctes.

D’un point de vue politique, la nation crie jouit d’une grande autonomie en vertu des ententes signées au cours des dernières décennies, et cette autodétermination fait en sorte qu’elle assure pleinement la gouverne de son système de santé, même si le financement provient des gouvernements. La nation inuite, quant à elle, ne jouit pas de ce niveau d’autonomie et demeure davantage sous la gouvernance du sud.

À partir des données recueillies, on note que la pratique pharmaceutique émerge en établissement de santé dans les années 70, tant chez les Cris que chez les Inuits. Ces pharmaciens d’hôpitaux assurent les services non seulement aux patients hospitalisés mais également aux patients de la communauté. Ce n’est que durant les années 90 que des pharmacies communautaires seront implantées. Ces ajouts ne sont pas étrangers aux recommandations de l’Ordre des pharmaciens du Québec et à la visite de ces derniers durant les années 90.

À l’image de la pratique au sud, la pratique pharmaceutique se développe, les activités de services et de soins s’informatisent et la dotation en équipements pharmaceutiques et électroniques progresse. Toutefois, ces progrès se font à plus petits pas, compte tenu de la dotation limitée en ressources humaines et matérielles et de la rotation du personnel.

Notre revue descriptive met en évidence plusieurs enjeux liés à la pratique pharmaceutique dans le Nord-du-Québec. Le recrutement et la rétention de ressources humaines constituent peut-être l’enjeu le plus important. Le recrutement est difficile et les établissements recourent notamment à des agences de remplacement. Les postes de chefs de département ont été vacants à plusieurs reprises au fil du temps. La rétention des ressources est également limitée et la plupart des pharmaciens partent après une ou deux années d’exercice.

Il est en effet plus difficile d’établir un lien de confiance avec ces populations, particulièrement si l’on souhaite prodiguer de véritables soins pharmaceutiques. A priori , les pharmaciens ne sont pas formés pour traiter ces populations et l’apprentissage se fait sur le terrain. En intégrant progressivement des assistants techniques issus des communautés cries et inuites, les pharmaciens peuvent mieux comprendre certains des défis auxquels ils sont confrontés. La pratique de la chasse (p. ex., Goose Break) ou de la pêche est sacrée et plusieurs patients quittent leur village pour de nombreux jours en oubliant d’apporter leurs médicaments avec eux ou en ne disposant pas de conditions d’entreposage adéquates (p. ex., pas de réfrigération stable pour l’insuline). Des employés cris ou inuits s’absentent également durant plusieurs jours pour pratiquer leurs rites traditionnels. Comme pharmacien ou assistant technique du sud, il faut apprécier ces différences, tenter de les comprendre et de les respecter afin de construire un lien de confiance.

La formation et le maintien de la compétence du personnel technique sont également un enjeu. Les assistants techniques exerçant dans le Nord-du-Québec ne détiennent généralement pas de diplôme d’études professionnelles en assistance technique en pharmacie remis par une école reconnue. Ils sont formés sur le terrain par les pharmaciens présents et l’équipe technique en place. Des efforts ont été déployés ces dernières années afin de structurer un programme local de formation et d’accroître les connaissances et la compétence du personnel technique en place.

Le partage des meilleures pratiques représente également un enjeu pour les prochaines années. En documentant davantage les pratiques pharmaceutiques entre les différents départements de pharmacie, il sera davantage possible de comparer les pratiques, de déterminer quelles sont les meilleures et de faire progresser plus rapidement l’exercice de la pharmacie dans cette région du Québec.

Enfin, en faisant davantage connaître cette pratique pharmaceutique, il est possible d’intéresser davantage de candidats. Des pharmaciens expriment le désir de contribuer à une pratique humanitaire; exercer la pharmacie dans le Nord peut combler ce désir d’exercer dans des conditions plus difficiles et de tenter d’améliorer les choses au quotidien.

Cette revue descriptive comporte des limites. Compte tenu de la durée du stage, il n’a pas été possible de visiter les départements de pharmacie des communautés inuites. Nous avons consulté un nombre limité de documents d’archives pharmaceutiques; la majorité des données recueillies proviennent donc d’ouvrages généraux, de sites Web, d’observations effectuées lors du stage à Chisasibi et d’entretiens semi-structurés auprès d’une vingtaine de pharmaciens ayant exercé dans le Nord-du-Québec.

Conclusion

Il existe peu de données sur la pratique pharmaceutique dans le Nord-du-Québec. Les premiers pharmaciens diplômés arrivent à Fort George et à Kuujuuaq dans les années 70 afin de mettre en place des départements de pharmacie. Progressivement, les activités pharmaceutiques se structurent autour des hôpitaux, des dispensaires et des pharmacies communautaires. Exercer la pharmacie dans le Nord-du-Québec est un véritable défi compte tenu des enjeux géographiques, cliniques et culturels.

Remerciements

Nous tenons à remercier Anh Nguyen (chef de département de pharmacie au moment de la rédaction de l’article), Michael Ondrick (pharmacien à l’hôpital de Chisasibi au moment de la rédaction de l’article), les assistantes techniques en pharmacie cries et toute l’équipe de l’Hôpital de Chisasibi. Nous tenons également à remercier les pharmaciens suivants ayant participé aux entretiens : Amélie Fortin, Anne Paré, Catherine Grondin, Cécile Lecours, Chantal-Andrée Paquette, David Pinard, France Dion, François Lavoie, François Ste-Marie Paradis, Minh-Tâm Trân, Pierre Grenier, Pierre Martineau, Sylvie Dansereau et Sylvie Demers. Nous remercions également Michelle Dubé, assistante-technique en pharmacie ayant œuvré à Chisasibi, et Vanessa Bombay, médecin à l’hôpital de Chisasibi au moment de la rédaction de l’article. Toutes ces personnes ont donné leur autorisation écrite.

Annexe

Cet article comporte une annexe; elle est disponible sur le site de Pharmactuel (www.pharmactuel.com).

Financement

Le déplacement et l’hébergement de l’étudiant ont été assumés par le Conseil cri de la santé et des services sociaux de la Baie James.

Conflits d’intérêts

Tous les auteurs ont rempli et soumis le formulaire de l’ICMJE pour la divulgation de conflits d’intérêts potentiels. Jean-François Bussières est membre du comité de rédaction de Pharmactuel . Les auteurs n’ont déclaré aucun autre conflit d’intérêts en relation avec le présent article.

Références

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9. Institut national de santé publique du Québec. L’alimentation des Premières Nations et des Inuits au Québec. 2015. [en ligne] https://www.inspq.qc.ca/sites/default/files/publications/2054_alimentation_premieres_nations_inuits.pdf (site visité le 3 janvier 2021).

10. Gouvernement du Québec. Régions sociosanitaires du Québec. [en ligne] https://www.msss.gouv.qc.ca/reseau/regions-sociosanitaires-du-quebec/ (site visité le 3 janvier 2021).

11. Ministère de la santé et des services sociaux. Revue des événements affectant les découpages territoriaux du MSSS (avant 2000). 2011. [en ligne] https://publications.msss.gouv.qc.ca/msss/document-001689/ (site visité le 3 janvier 2021).

12. L’Encyclopédie canadienne. Henry Hudson – Quatrième expédition (1610–1611) : exploration du détroit d’Hudson, de la baie d’Hudson et de la baie James. 2008. [en ligne] https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/hudson-henry (site visité le 3 janvier 2021).

13. L’Encyclopédie canadienne. Rivière Rupert. 2006. [en ligne] https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/riviere-rupert (site visité le 3 janvier 2021).

14. Bilan du siècle de l’Université Sherbrooke. Intégration du district de l’Ungava (Nouveau-Québec) au territoire québécois. [en ligne] http://bilan.usherbrooke.ca/bilan/pages/evenements/195.html (site visité le 3 janvier 2021).

15. L’Encyclopédie canadienne. Convention de la Baie-James et du Nord québécois. 2019. [en ligne] https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/convention-de-la-baie-james-et-du-nord-quebecois (site visité le 3 janvier 2021).

16. Commission de toponymie du Québec. Nunavik. [en ligne] http://www.toponymie.gouv.qc.ca/ct/ToposWeb/fiche.aspx?no_seq=212518 (site visité le 3 janvier 2021).

17. Secrétariat aux affaires autochtones du Gouvernement du Québec. Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Québec et les Cris du Québec. [en ligne] https://www.autochtones.gouv.qc.ca/relations_autochtones/ententes/cris/20020207.asp (site visité le 3 janvier 2021).

18. Institut national de santé publique du Québec. Enquête de santé auprès des Cris 2003, Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes. 2008. [en ligne] https://www.inspq.qc.ca/sante-des-autochtones/enquete-de-sante-aupres-des-cris-2003 (site visité le 3 janvier 2021).

19. Institut national de santé publique du Québec. Enquête de santé auprès des Inuits du Nunavik 2004. 2008. [en ligne] https://www.inspq.qc.ca/sante-des-autochtones/enquete-de-sante-aupres-des-inuits-du-nunavik-2004 (site visité le 3 janvier 2021).

20. L’Encyclopédie canadienne. Médecine traditionnelle des Premières Nations au Canada. 2006. [en ligne] https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/medecine-traditionnelle-autochtone (site visité le 3 janvier 2021).

21. Conseil Cri de la santé et des services sociaux de la Baie-James. The Gift of Healing – Health Problems and Their Treatments. 2006.

22. Université d’Ottawa. Le mouvement de colonisation des Canadiens français. 2003. [en ligne] https://crccf.uottawa.ca/passeport/I/IB4a/IB4a01-5.html (site visité le 3 janvier 2021).

23. Anonyme. Brève histoire des soins infirmiers au Canada, de la Nouvelle-France à aujourd’hui. [en ligne] https://www.museedelhistoire.ca/cmc/exhibitions/tresors/nursing/nchis01f.html (site visité le 3 janvier 2021).

24. Objectif Nord. Histoire de Fort-Chimo. [en ligne] http://objectifnord.telequebec.tv/explorer/liste/kuujjuaq/histoire-de-fort-chimo (site visité le 3 janvier 2021).

25. Ministère de la santé et des services sociaux du Québec. Particularités des services aux Premières Nations et aux Inuits. 2016. [en ligne] https://www.msss.gouv.qc.ca/professionnels/soins-et-services/particularites-des-services-aux-communautes-autochtones/ (site visité le 3 janvier 2021).

26. Santé Canada. Programme des services de santé non assurés – Livret d’information. 2003.

27. Santé Canada. Programme des services de santé non assurés. [en ligne] https://www.canada.ca/fr/services-autochtones-canada/services/services-sante-non-assures-pour-premieres-nations-et-inuits.html (site visité le 3 janvier 2021).

28. INSPQ. Portrait organisationnel du réseau. 2020. [en ligne] https://www.msss.gouv.qc.ca/reseau/portrait-organisationnel/ (site visité le 3 janvier 2021).

29. Conseil cri de la santé et des services sociaux de la Baie James. A propos. [en ligne] https://www.creehealth.org/fr/about-us/our-mission (site visité le 3 janvier 2021).

30. Régie régionale de la santé et des services sociaux du Nunavik. Les établissements. [en ligne] https://nrbhss.ca/fr/les-%C3%A9tablissements (site visité le 3 janvier 2021).

31. Réseau universitaire intégré de santé McGill. Mémoire du réseau universitaire intégré de santé McGill portant sur l’amélioration de l’accessibilité, la qualité, la continuité et la sécurisation culturelle des services offerts aux autochtones. 2018. [en ligne] https://www.cerp.gouv.qc.ca/fileadmin/Fichiers_clients/Documents_deposes_a_la_Commission/P-1162_M-020.pdf (site visité le 3 janvier 2021).



Pour toute correspondance : Tommy Taing, Unité de recherche en pratique pharmaceutique, Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine, 3175, chemin de la Côte-Sainte-Catherine, Montréal (Québec) H3T 1C5, CANADA; Téléphone : 514 345-4603; Courriel : tommy.taing@umontreal.ca

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PHARMACTUEL , Vol. 54 , No. 3, 2021