Marie-Ange
Audet
1,
Denis
Lebel
,
B.Pharm, M.Sc.
2,
Jean-Marc
Forest
,
B.Pharm., DPH, M.Sc.
3
Reçu le 5 février 2021: Accepté après révision le 9 mai 2021
Résumé
Objectif : Explorer les choix en matière de séchage des mains dans un secteur de production stérile d’un département de pharmacie hospitalier entre un séchoir à air pulsé et du papier à faible émission de particules standard.
Méthode : Chaque testeur se lavait les mains trois fois, opération suivie d’une méthode de séchage, avec séchoir ou papier, puis il répète le séchage avec la seconde méthode. Avant et après chaque série de lavages/séchages, le testeur posait ses doigts dans une gélose selon la technique des bouts de doigts gantés des normes OPQ 2014.01 et 02. Un biocollecteur et un compteur de particules collectaient en permanence les données pendant les différentes séances.
Résultats : Les résultats de microbiologie (compte de colonies bactériennes sur les mains et compte de colonies bactériennes et fongiques dans l’air) ne donnent pas de résultats probants. Les résultats du compte de particules montrent une baisse particulaire importante dans l’air ambiant de la pièce lors de l’utilisation du séchoir électrique par rapport à l’utilisation du papier traditionnel.
Conclusion : Ce projet pilote apporte des points intéressants sur l’emploi du séchoir électrique pour le séchage des mains, comme la diminution du nombre de particules en suspension dans l’air ou une grande acceptabilité par le personnel technique. D’autres études devront être conduites afin d’en confirmer les résultats avant son emploi de routine en production pharmaceutique stérile hospitalière.
Mots clés : Lavage aseptique des mains, papier à faible émission de particules, production stérile, séchoir à mains
Abstract
Objective : To explore the hand-drying options, specifically, a forced-air dryer and standard low-particulate paper, in a sterile production area of a hospital pharmacy department.
Method : Each tester washed his/her hands three times and then used one of the drying methods, either the dryer or paper. He/she subsequently repeated the drying using the other method. Before and after each series of washings/dryings, the tester placed his/her fingers in agar using the gloved fingertip technique in OPQ standards 2014.01 and 02. A biocollector and a particle counter continuously collected data during the different sessions.
Results : The microbiology results (bacterial colony count on the hands and bacterial and fungal colony counts in the air) were not conclusive. The results of the particle count showed a significant decrease in particulate matter in the ambient air of the room during use of the electric dryer relative to the use of conventional paper.
Conclusion : This pilot project yielded some interesting points regarding the use of the electric dryer for hand-drying, such as a reduction in the number of airborne particles and a high degree of acceptability by the technical staff. Other studies will need to be conducted to validate and confirm the results before its routine use in sterile pharmaceutical production in hospitals.
Keywords : Aseptic hand-washing, hand dryer, low-particulate paper, sterile production
Le lavage des mains reste encore aujourd’hui une des méthodes de prévention des infections les plus répandues et utilisées1. Cependant, l’étape subséquente du séchage des mains peut présenter une certaine controverse2. Les différentes méthodes possibles pour le séchage des mains font l’objet de plusieurs recherches et articles dans la littérature scientifique3–7. Plusieurs éléments restent à élucider, surtout dans un contexte de pharmacie hospitalière où le volet stérile suggère l’optimisation de ce séchage.
La grande majorité des études accessibles dans la littérature scientifique ont été réalisées dans un environnement non contrôlé pour le lavage/séchage de mains, soit, la plupart du temps, dans des toilettes publiques. Les conclusions en sont difficilement extrapolables au domaine des manipulations aseptiques pharmaceutiques. Plusieurs études sont en conflit d’intérêts évident, par exemple lorsque leur source de financement ou de soutien provient d’une compagnie de papier ou de sèche-mains3,4. Plusieurs recherches emploient des méthodologies d’expérimentation qui pourraient ne pas donner des résultats représentatifs. Une méthodologie testant la dispersion en procédant au séchage des mains recouvertes de peinture ou gantées et enduites d’une souche de bactérie provenant du yogourt est pour le moins douteuse5. L’utilisation de papier stérilisé préalablement, ce qui n’est pas le cas majoritairement dans le milieu hospitalier québécois, est aussi difficilement compréhensible6. Enfin, le type de sèche-mains électrique à air froid et combinant la robinetterie d’eau utilisée dans cette étude est relativement récent, peu étudié et apparu initialement en 20137.
L’objectif de cette étude est d’explorer quel moyen de séchage serait le plus adapté au contexte du milieu hospitalier pour les préparations stériles, puisque les normes OPQ (Ordre des pharmaciens du Québec) 2014.01 et 2014.02 autorisent les deux procédés, papier et séchoir8,9.
La problématique étant particulièrement difficile à cerner et à évaluer, c’est à l’aide de trois grands types de mesures que l’on peut tenter de répondre à la question de la supériorité du papier ou du séchoir. Le dénombrement bactérien est d’abord évalué sur les mains. Il est suivi du dénombrement bactérien et fongique dans l’air environnant puis du dénombrement particulaire au site des tests.
Pour réaliser ces expérimentations, étant donné que les manipulations stériles nécessitent un minimum de particules et de contaminants dans l’air et sur les mains des testeurs, des tests avec gélose, biocollecteur et compteur de particules sont utilisés pour caractériser les résultats de ce projet pilote se déroulant dans le secteur fabrication du département de pharmacie du Centre hospitalier universitaire (CHU) Sainte-Justine. À la suite des contraintes opérationnelles, il n’était pas possible d’effectuer l’étude directement dans le sas d’accès de la salle blanche du secteur fabrication du département de pharmacie, ce qui aurait été l’idéal. L’étude fut plutôt réalisée au local des formulations magistrales non stériles, ce dernier étant plus flexible et possédant surtout une cuve pouvant accueillir temporairement le modèle de séchoir visé. Par contre, ce local n’a pas de classification ISO, bien qu’il respecte la norme OPQ 2012.01, et il ne répond pas non plus à la norme d’ISO 8 selon la norme OPQ 2014.01 pour se qualifier au titre de sas de production stérile.
Tous les participants, tant superviseurs que testeurs, devaient porter un masque et un bonnet afin de ne pas biaiser les résultats. La salle était laissée au repos 10 à 15 minutes avant chaque série de tests, afin de permettre l’équilibrage du décompte particulaire normalement présent.
Pour le lavage des mains, les testeurs devaient utiliser une portion de la technique aseptique standard dans le secteur fabrication du département de pharmacie. En séquence, il s’agit du mouillage des mains, du nettoyage au savon des avant-bras, puis du lavage des mains au savon proprement dit pendant au moins 30 secondes. Il fallait de plus répéter deux fois, pour un total de trois, cette manœuvre de lavage avant de passer à l’assèchement des mains.
La majorité des testeurs (14 sur 20) étaient des assistants techniques manipulateurs en pharmacie ou des personnes formées pour les manipulations aseptiques. Six testeurs n’étaient pas des manipulateurs réguliers, mais des membres du personnel du département et des volontaires. Pour le séchage, il n’y avait pas de contraintes à propos du nombre de feuilles de papier à employer ou du temps d’exposition au jet d’air. En tout temps, les mains devaient être sèches grâce aux mêmes manœuvres faites au quotidien en situation réelle.
Un même testeur disposait de 10 minutes pour effectuer trois cycles consécutifs de lavage/séchage des mains avec un savon standard (savon standard Hygenipak InstafoamMD, DEB Canada). Suivait un séchage des mains avec du papier à mains (compagnie Cascade modèle : Tuff-Job, deux épaisseurs, 100 % recyclés, chiffons tout usage papier en boîtes de 125 chiffons modèle W110), ou avec un séchoir à air froid de type Dyson (modèle Airblade Wash + Dry, numéro de série : ZE2-XE-KCA0282A), prêté par la compagnie. L’ordre d’exécution papier/Dyson ou Dyson/papier a été réparti aléatoirement et équitablement entre les testeurs, chacun utilisant successivement les deux méthodes. Une photo de l’installation expérimentale est présentée à la figure 1.
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Figure 1 Photo des installations en cours d’essai |
Chaque testeur apposait le bout de chacun de ses dix doigts dans une même gélose avant et après le lavage/séchage des mains. Le tout donnait quatre géloses par testeur : deux avant/après le trio lavage puis papier et deux autres avant/après le trio lavage puis séchoir. Les géloses étaient de marque BD (Becton Dickinson) et de type TSA (Trypticase Soy Agar) 90 mm avec lécithine et polysorbate 80. Il s’agissait de la même technique que celle mentionnée dans les normes OPQ 2014.01 et 02 pour les bouts de doigts gantés, à l’exception d’une gélose utilisée pour les deux mains à chaque fois.
Durant chaque cycle de 10 minutes de lavages/séchages, l’air ambiant était vérifié par biocollecteur de type Air Ideal Traceability, compagnie BioMérieux modèle LCB, La Salle F71260 numéro de série 08622, prêté par le service de prévention des infections, en utilisant le même type de géloses que pour le bout des doigts ci-haut mentionné. Ce décompte standard pour un mètre cube d’air prenant 10 minutes explique le trio de lavages demandé chaque fois afin d’occuper le temps avant de passer au séchage des mains.
Le décompte des particules de plus de 0,3 et 0,5 microns était réalisé en permanence dans la pièce à l’aide d’un compteur de particules en continu de type APEX-R3, marque Lighthouse, Wordwide Solutions, numéro de série 1704101001, channel size : 0,3 et 0,5 micron, flow 1,0 CFM.
Les analyses statistiques ont été effectuées avec le logiciel RMD version 3.3.2 (2016-10-31) « Sincere Pumpkin Patch », the R Foundation for Statistical Computing Platform.
Les tableaux de résultats sont réorganisés afin d’en faciliter la compréhension, en excluant l’aspect aléatoire des assignations d’étude. Les 10 premiers testeurs correspondent aux tests débutant par la série de lavages/séchages avec papier et les 10 derniers, aux tests débutant par la série avec séchoir à mains. Toutes les géloses étaient lues par le laboratoire de bactériologie du CHU Sainte-Justine.
Le dénombrement de colonies bactériennes présentes sur les mains des testeurs est rapporté au tableau I. Ce dernier était réparti avant et après chaque série de trois lavages, les deux mains sur une même gélose. Une gélose TSA avec lécithine et polysorbate 80 était utilisée.
Tableau I
Nombre de colonies bactériennes (CFU) sur gélose inoculée avec les doigts des testeurs avant et après chaque série de trois lavages, suivie d’un séchage avec papier et séchoir à air
Parmi les 20 tests réalisés avec papier, neuf ont donné une tendance à la baisse, cinq une hausse et six aucune différence pour le décompte bactérien. Parmi les 20 tests avec séchoir électrique, 12 donnaient une tendance à la baisse pour le nombre de colonies bactériennes, trois une hausse et cinq aucune différence. Dans les deux cas, le dénombrement manuel a été cessé et plafonné à 100 colonies par gélose au maximum.
Les tests statistiques démontrent qu’il y a une tendance à obtenir plus de colonies après le séchoir électrique. Le test t pour données appariées présente une différence moyenne de 13,85 colonies de moins avec l’utilisation du papier comme moyen de séchage. Cependant, ces différences ne sont qu’indicatives, faute de cibles de comparaison. De plus, un p de 0,195 ne permet pas de tirer une conclusion formelle.
Le nombre de colonies bactériennes et fongiques présentes dans l’air à proximité du papier à mains et du séchoir électrique et lors des séries de lavages était recueilli par le biocollecteur. Il utilisait des géloses TSA avec lécithine et polysorbate 80. Le type de croissance, bactérienne ou fongique, était déterminé lors de la lecture de chaque colonie. Les résultats sont rapportés au tableau II.
Tableau II
Nombre de colonies bactériennes et fongiques (CFU) sur gélose à la suite de la collecte d’air dans la zone d’expérimentation pendant chaque série de trois lavages
En considérant le nombre de colonies bactériennes et fongiques et en comparant pour chaque testeur le nombre de colonies pour chaque moyen de séchage, le papier à mains tend à présenter moins de colonies que le séchoir neuf fois sur 20, alors que le séchoir électrique présente moins de colonies que le papier 11 fois sur 20. Une tendance à obtenir plus de colonies dans l’air lors du séchage avec papier est notable. Cette tendance ne peut être considérée comme significative, faute d’un référentiel de comparaison. Cela est également le cas pour le test t pour données appariées. Aucune conclusion formelle n’est possible avec une valeur de p de 0,7907.
Les données étaient enregistrées en continu à chaque seconde par le compteur de particules puis regroupées par testeur et série de trois lavages/séchages, puis organisées en graphiques à lignes brisées. La figure 2 rapporte les deux graphiques d’un testeur type. C’est à partir des graphiques à lignes brisées que l’aire sous la courbe à chaque séchage était calculée par la méthode des trapèzes via le logiciel ExcelMD. Afin de permettre une comparaison la plus équitable possible, l’aire sous la courbe a été calculée pour une durée de 100 secondes par séchage. Toutefois, 50 secondes ont été rajoutées aux testeurs moins rapides, soit pour quatre testeurs sur 20. Ces derniers ont mis significativement plus de temps à sécher leurs mains que les autres. Les résultats sont rapportés au tableau III.
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Figure 2 Exemples de graphiques sur le nombre de particules en fonction du temps |
Tableau III
Aire sous la courbe du compte particulaire pour chaque séchage
La comparaison par paire d’un même testeur pour le séchage papier/séchoir (1er avec 1er, 2e avec 2e, et 3e avec 3e) diffère des autres analyses de tests antérieurs, ces derniers se concentrant sur la comparaison entre les séries de trois lavages/séchages regroupés. Les moyennes de séries permettent tout de même de se rapprocher de ce même concept. En résumé, parmi les 60 couples de techniques de séchage, 44 présentaient une différence en faveur du séchoir, soit un peu plus des deux tiers. Le papier présentait moins de particules que le séchoir 16 fois sur les 60 comparaisons. Les moyennes sont relativement bien représentatives : le séchoir présentait moins de particules que le papier dans 14 des 20 comparaisons de moyennes de séries par testeur, comparativement à six sur 20 pour le papier.
Le graphique de décomposition partielle en valeur singulière ainsi qu’un test t de Welch à deux échantillons et un test t pour données appariées sont produits à partir des données du tableau III et figurent dans la figure 3. C’est ce qui est utilisé pour l’analyse statistique. Étant donné que la plupart des points de l’axe des Y sont situés sous la ligne, le séchoir aurait tendance à causer moins de particules dans l’air que le papier lors du processus de séchage. Le test t de Welch à deux échantillons permet de supposer que le nombre de particules n’est pas augmenté par le séchoir. Le test t pour données appariées montre une différence statistiquement significative moindre de particules en faveur du séchoir. Il est cependant à noter que les niveaux particulaires acceptables selon les normes OPQ 2014.01 et 02 étaient dans tous les cas respectés.
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Figure 3 Graphique de la décomposition partielle en valeurs singulières des données de comptes particulaires, séchoir et papier |
Enfin, il a été demandé de façon très subjective quelle était la préférence personnelle de chaque testeur. Le séchoir électrique était subjectivement le moyen de séchage favori selon les testeurs, avec 14 testeurs en sa faveur, quatre contre et préférant le papier, et une abstention.
Les conclusions des nombreuses études comparatives traitant des différents moyens de séchage de mains sont fort diversifiées. Certaines affirment que le papier est plus efficace et moins prompt à disperser des micro-organismes et des particules, tandis que d’autres soutiennent les mêmes arguments mais pour les sèche-mains, s’ils sont du même type que ceux de la compagnie Dyson1–7. D’autres suggèrent qu’il n’y a pas de différence d’efficacité concernant l’élimination des bactéries sur les mains après lavage, et ce, quel que soit le moyen de séchage10.
L’analyse des résultats est plutôt ardue pour cette étude. D’abord, il s’agit d’un projet pilote visant l’exploration de la problématique de l’évaluation du lavage et séchage des mains aux fins de préparations stériles. Ensuite, l’emploi de trois différents types de mesures oblige à harmoniser les résultats du dénombrement bactérien sur les mains, du dénombrement bactérien et fongique dans l’air environnant et, enfin, du dénombrement particulaire au site des tests. Plusieurs éléments sont donc à considérer.
Une certaine variabilité de résultats est à prévoir compte tenu de la vastitude d’expérimentations possibles pour tester et comparer les moyens de séchage des mains. Dans le cas de la présente étude il y a une contrainte de plus, à savoir le site d’utilisation et l’usage. Sachant que l’étude sert à déterminer le moyen de séchage dans le sas et qu’il est nécessaire de garder la production et la dispersion de micro-organismes et de particules au plus bas, il y a sélection et exécution de certains tests qui semblaient préférables pour répondre à la problématique. Par exemple, l’utilisation du biocollecteur est jugée pertinente, même si cela imposait des tests échelonnés sur 10 minutes chaque fois, puisque c’est le temps nécessaire à l’appareil pour collecter un mètre cube d’air ambiant selon la programmation. C’est la raison principale de la structure des tests en séries de trois lavages suivies d’un séchage.
Les tests statistiques sont également choisis en fonction de l’expérimentation. Par exemple, le test t pour données appariées, utilisé dans l’analyse statistique du compte particulaire, permet de garder ensemble des données reliées dans le temps, ce qui est le cas dans la mesure où un même testeur utilisait les deux méthodes l’une à la suite de l’autre. Il permet de prendre en compte que les valeurs variaient au courant de la journée et d’éliminer un peu de cette variabilité, tout en mettant l’accent sur le différentiel de particules entre les deux méthodes.
À partir des données contenues dans le tableau I, malgré une légère différence apparente en faveur du séchoir, l’analyse statistique donne un résultat contraire. Le séchoir comptabilise un nombre de tests avec baisse du nombre de colonies bactériennes plus important, soit 12 comparativement à neuf. Il compte un moins grand nombre de tests avec hausse du nombre de colonies bactériennes, soit trois comparativement à cinq, et moins de tests ne présentant aucune différence dans le nombre de colonies bactériennes, soit cinq comparativement à six. Toutefois, ce type de comparaison n’est pas tout à fait juste, car il néglige l’individualité du testeur, soit l’inconsistance dans la manière d’apposer les doigts dans la gélose, différente selon les testeurs. L’analyse statistique présente des résultats plus pertinents montrant plus de colonies bactériennes après séchage en utilisant la méthode avec séchoir. Par contre, cette différence n’est pas statistiquement significative et mériterait plus ample investigation. Cette étude ne présente pas l’inclusion des cibles comparatives et des seuils visés, ce qui serait plus simple. Ce serait un point intéressant pour une étude subséquente.
Le fait qu’il puisse y avoir globalement autant de colonies après trois lavages consécutifs est étonnant. Qu’il y ait plus de colonies bactériennes après qu’avant l’est encore plus. L’utilisation de géloses TSA avec lécithine et polysorbate 80 est justifiée par le fait que ces deux agents neutralisent les désinfectants11. Normalement, la procédure de lavage des mains pour production stérile à la pharmacie du CHU Sainte-Justine inclut l’application d’un gel alcoolisé. Ce n’était pas le cas dans la procédure faisant l’objet de cette étude, puisqu’il n’y avait pas d’enfilage de gants au final.
Il est également possible que le distributeur de savon, qui nécessitait une activation d’au moins une paume de la main, ait été contaminé, bien que cela soit peu probable. Une autre possibilité expliquant les variations inter testeurs se situe au niveau de l’ensemencement des géloses par application du bout des doigts sur celles-ci, avec un nombre de colonies sur gélose proportionnel à l’aire de surface appliquée.
Il y a une grande probabilité que l’aire de surface appliquée soit constante pour un même testeur mais pas entre les testeurs, c’est-à-dire qu’un même testeur effectue toujours la manœuvre sensiblement de la même façon. Il est également possible que certains testeurs ne se séchaient pas les mains complètement, même si l’aspect pratique de cette étude voulait que les testeurs agissent le plus naturellement possible, comme ils le feraient normalement avant l’enfilage de gants stériles. Effectuer un tel enfilage nécessite alors des mains rigoureusement sèches.
Les données présentes dans le tableau II pourraient laisser supposer que le séchoir électrique serait le moyen de séchage le mieux adapté au milieu pharmaceutique hospitalier concernant l’émission et la diffusion de micro-organismes dans l’air. Le séchoir, pour 11 testeurs sur 20, présentait moins de colonies bactériennes/fongiques que le papier. Bien que cela concorde avec la tendance obtenue avec l’analyse statistique, le nombre restreint de données disponibles ne permet pas d’obtenir une différence statistiquement significative. Le test t ne fut donc pas plus utile faute de puissance et, surtout, faute d’hypothèse de départ visant une valeur cible précise.
Pour le compte de particules, les graphiques de la figure 2 sont de bonnes représentations visuelles des données enregistrées. Le tableau III présente l’aire sous la courbe de tous les séchages et la moyenne pour chaque série. Pour 44 des 60 comparaisons entre séchages homologues d’un même testeur, le nombre de particules dans l’air lors de l’utilisation du séchoir est inférieur à celui libéré par le papier, soit un peu plus des deux tiers. Les moyennes donnent un résultat similaire. Le graphique de la figure 2 démontre clairement que le séchoir a tendance à produire moins de particules dans l’air que le papier lors du séchage des mains. Le test t de Welch à deux échantillons indique que le séchoir n’augmente pas le nombre de particules et le test t pour données appariées tend vers la même conclusion.
Il est également observé que le nombre moyen de particules dans l’air de la pièce lors d’une journée de tests a graduellement diminué. Une explication probable est que l’air projeté par le séchoir provient de la pièce et passe par un filtre HEPA, soit le même type de filtre que ceux utilisés dans les enceintes de préparations stériles (EPS) ou dans les enceintes de sécurité biologique (ESB). Le séchoir à air froid, en plus de ne pas produire de particules, filtre l’air qu’il utilise et donc élimine les particules volatiles. Le papier produit des particules principalement lors de son extraction de la boîte. Les graphiques de la figure 2 illustrent bien ces principes.
Une légère augmentation est parfois observée juste avant la baisse du compte de particules lors de l’emploi du séchoir, comme retrouvé dans le graphique B de la figure 2 avant le troisième séchage (vers 420 secondes). Une théorie pouvant expliquer ce phénomène est que le séchoir, en éjectant l’air filtré, pousse les particules déjà présentes dans l’environnement immédiat vers l’ouverture du compteur de particules en un relativement court laps de temps.
En résumé, pour la présente étude, les données du compte de particules dans l’air ambiant sont utilisables et intéressantes. Par contre, les résultats de microbiologie, soit le décompte de colonies bactériennes sur les mains avant et après les séries de lavages et le décompte de colonies bactériennes et fongiques dans l’air, ne sont pas statistiquement significatifs, entre autres probablement à cause d’un trop petit échantillonnage. Ils ne peuvent pas être utilisés dans l’élaboration d’une conclusion formelle, mais présentent des informations factuelles qui pourront servir à de prochaines études. De nouvelles études pourraient également bénéficier de cibles à atteindre, raffinant ainsi les analyses statistiques.
Le séchoir à air froid de type Dyson Tape Airblade ne semble pas créer une augmentation de micro-organismes sur les mains du testeur et dans l’air. Son mécanisme est actionné par détection de mouvement et donc sans contact. Il projette de l’air froid, ce qui ne favorise pas, contrairement à l’air chaud, la croissance de micro-organismes. Puisqu’il possède un filtre HEPA, soit le même filtre retrouvé dans les hottes à flux laminaire, il filtre l’air qu’il utilise au fur et à mesure. De plus, contrairement au papier, ce type de séchoir ne produit pas de particules. Le fait qu’il combine lavage et séchage est un avantage, puisque le testeur peut réaliser ces deux étapes successivement sans avoir à se déplacer avec des mains humides. Après le lavage, de l’eau dégoutte des mains si bien que se rendre jusqu’à la distributrice de papier peut occasionner des dégâts chemin faisant. Cependant, plusieurs testeurs ont insisté sur la nécessité d’une installation appropriée pour l’appareil, avec notamment un bon dégagement, permettant des mouvements faciles notamment pour les coudes. De l’avis même de la compagnie Dyson, ce type de séchoir exige un évier d’une taille et d’une profondeur suffisantes, en plus d’un retour d’eau usée décentré. Les filtres HEPA de Dyson ont une durée de vie de 10 ans, aux dires de la compagnie, mais compte tenu du contexte de production pharmaceutique, il serait approprié et facile d’en vérifier le bon fonctionnement une ou deux fois par an, soit lors des certifications exigées par l’OPQ.
Cette recherche est d’abord une étude pilote. Elle aide à définir les améliorations à faire pour une possible optimisation. Par exemple, devront être corrigées ou prises en compte la fermeture des portes de la salle pour éviter un déplacement continu de particules, la normalisation des techniques de lavage par les testeurs, l’inclusion de testeurs expérimentés et formés pour les manipulations stériles uniquement, la standardisation de l’application des doigts sur une gélose et l’utilisation d’une distributrice de savon sans contact.
L’échantillonnage disponible met en lumière toutes les limitations inhérentes à l’évaluation comparative des deux méthodes de séchage des mains (papier et séchoir) lors de la séquence de lavage des mains et d’habillement préalable à l’exécution de préparations stériles, tel qu’exigé par les normes de l’OPQ. Il est toutefois possible de conclure que la technologie du séchoir électrique présente un intérêt certain.
Les futurs locaux du département de pharmacie devant ouvrir d’ici la fin de 2022 comporteront notamment une salle blanche équipée de 10 EPS avec deux sas d’accès. Il serait envisageable d’équiper l’un des sas avec le papier conventionnel et l’autre avec des séchoirs Dyson. Il serait alors possible de monter un ou plusieurs protocoles d’études dans un contexte contrôlé et au long cours permettant de faire un nombre d’essais beaucoup plus important. Le nombre de tests est le fer de lance d’études de ce genre, mais il est souvent manquant, comme dans le présent projet pilote qui n’a pas la puissance statistique pour fournir une conclusion ferme.
Comme les normes de référence pour plusieurs de ces mesures sont inexistantes, il est difficile d’établir des cibles permettant de confirmer l’utilité réelle d’une technologie comme celle du sèche-mains électrique. Et sans ces cibles, il est difficile de déterminer un échantillonnage suffisant afin de pouvoir en tirer des conclusions claires. Le séchoir à mains à air froid de type Dyson Airblade est doté de caractéristiques qui semblent avantageuses et appréciées des utilisateurs, notamment son utilisation d’un filtre HEPA. L’air expulsé par le séchoir, provenant du sas lui-même, est donc purifié lors de son utilisation.
Il est difficile de concevoir une étude permettant de déterminer l’apport de ces appareils comparativement à la méthode habituelle de séchage des mains avec papier. Plusieurs autres études ont été effectuées sur ce sujet et plusieurs méthodologies se sont révélées intéressantes1–7,10,11. Entre autres, l’utilisation de bactériophages, au lieu de bactéries, permet notamment de cibler la dispersion causée seulement par le test, puisqu’elle élimine l’environnement ambiant et se concentre seulement sur le mode de séchage12.
Les auteurs tiennent à remercier la compagnie CETEP Canada pour le prêt gracieux du compteur à particules, particulièrement M. Dominique Bouilly et M. Christian Latreille. Ces personnes ont donné leur autorisation écrite.
Aucun financement extérieur au département de pharmacie du CHU Sainte-Justine ne fut accordé pour cette étude.
Tous les auteurs ont rempli et soumis le formulaire de l’ICMJE pour la divulgation de conflits d’intérêts potentiels. Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec le présent article.
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PHARMACTUEL, Vol. 54, No. 4, 2021