Arianne Giard, Pharm.D.1,2, Brian Ly, Pharm.D.1,2, Kenzi Wassil Mokhtari, Pharm.D.1,2, Michelle Nguyen, Pharm.D., MBA1,2, Vincent Dagenais-Beaulé, Pharm.D., M.Sc.3,4,5
1 Candidat à la maîtrise en pharmacothérapie avancée au moment de la rédaction, Faculté de pharmacie, Université de Montréal, Montréal (Québec) Canada;
2 Résident en pharmacie au moment de la rédaction, Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux du Centre-Ouest-de-l’Île-de-Montréal, Hôpital général juif, Montréal (Québec) Canada;
3 Pharmacien, Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux du Centre-Ouest-de-l’Île-de-Montréal, Hôpital général juif, Montréal (Québec) Canada;
4 Professeur invité, Faculté de pharmacie, Université de Montréal, Montréal (Québec) Canada;
5 Chercheur, Institut Lady Davis, Université McGill, Montréal (Québec) Canada
Reçu le 6 avril 2021: Accepté après révision par les pairs le 29 septembre 2021
Titre : Effect of long-acting injectable antipsychotics vs usual care on time to first hospitalization in early-phase schizophrenia. JAMA Psychiatry 2020;77:1217-241.
Auteurs : Kane JM, Schooler NR, Marcy P, Correll CU, Achtyes ED, Gibbons RD et coll.
Commanditaires : L’étude a obtenu des fonds de Lundbeck et d’Otsuka Pharmaceuticals, qui ont participé à la conception de l’étude seulement. Les commanditaires n’ont pas eu un rôle actif dans l’étude ni dans la décision de la soumission pour publication.
Cadre de l’étude : La schizophrénie est une maladie psychiatrique chronique associée à de récurrents épisodes de rechutes. Ces rechutes sont des exacerbations psychotiques aiguës associées à une altération du fonctionnement. Elles impliquent non seulement un risque social, entre autres en matière de relations interpersonnelles et de statut d’emploi, mais aussi un risque de morbidité en lien avec les exacerbations psychotiques2. L’hypothèse émise est qu’elles sont associées à une progression de la maladie sans retour possible au niveau prérechute2. En 2016, 147 500 Canadiens ont eu recours à des soins en lien avec leur schizophrénie3. La prévention des rechutes psychotiques dans le cadre de la schizophrénie est un enjeu clé de santé publique.
Cette problématique est tout aussi importante chez les patients nouvellement diagnostiqués que chez ceux qui sont à un stade de maladie plus avancée. La réponse au traitement instauré serait moindre pour chaque épisode de rechute, comparativement à un premier épisode psychotique4. Il est donc essentiel d’initier un antipsychotique efficace le plus tôt possible. L’initiation et la continuation d’un antipsychotique permettent de réduire le risque de rechute de façon significative. En effet, l’utilisation d’antipsychotiques est associée à une baisse de 62 % du risque de réadmission à l’hôpital et de 60 % du risque de rechute à un an5. Malgré ces avantages, 35,7 % des patients admis pour une première hospitalisation cessent leur antipsychotique dans les 30 jours suivant leur congé et 54,3 %, dans les 60 jours6.
L’adhésion au traitement est donc un enjeu clé dans la schizophrénie. Les antipsychotiques injectables à action prolongée offrent un avantage à cet égard, ce qui explique l’importance d’évaluer leur utilisation dans la phase initiale de la schizophrénie7. En pratique, les antipsychotiques injectables à action prolongée sont fréquemment réservés aux patients ayant eu de nombreuses hospitalisations ou bien à ceux réfractaires à de nombreux traitements8. Des études ont donc tenté d’évaluer leur utilisation, comparativement à des agents antipsychotiques oraux, thérapie standard de première ligne, dans le contexte de phase initiale de schizophrénie9–12. La population de ces études était composée de jeunes patients (âge moyen de 20 à 35 ans) et d’une majorité masculine. Certaines ont démontré des bénéfices, tandis que d’autres n’ont pas révélé de différence significative entre ces deux traitements9–12. Une étude de grande envergure, l’étude PRELAPSE, est donc nécessaire pour obtenir une puissance suffisante afin de détecter une différence significative.
Protocole de recherche : Il s’agit d’une étude clinique multicentrique à répartition aléatoire en grappes, menée à l’insu de l’évaluateur et portant sur une population issue de 39 instituts de santé mentale de 19 États américains, dont la majorité faisait partie du Feinstein Institutes for Medical Research, dans l’État de New York. Les cliniques étaient associées soit au traitement par aripiprazole injecté mensuellement, soit à un traitement au choix du clinicien. La répartition aléatoire a été effectuée par site selon un ratio 1:1 et stratifiée selon des variables sociodémographiques, soit par site en milieu rural ou urbain, académique ou communautaire et présence de soins pour premiers épisodes ou non. L’étude a débuté en décembre 2014 et s’est terminée en mars 2019, avec une durée de suivi de deux ans. Les patients des cliniques réparties aléatoirement à l’aripiprazole injectable avaient un rendez-vous mensuel, tandis que les patients de la grappe choix du clinicien visitaient la clinique minimalement tous les trois mois. L’analyse a été effectuée en intention de traiter et l’objectif primaire a été évalué grâce à une régression de Cox avec un estimateur de matrice de covariance robuste sandwich. Une analyse de sensibilité a été réalisée pour l’analyse de survie en effets mixtes à temps discrets. Pour permettre à l’étude d’atteindre une puissance de 80 % avec une valeur alpha de 5 %, les auteurs ont estimé une taille d’échantillon de 400 sujets ayant terminé l’étude pour détecter une différence de 38 %.
Patients : Les patients recevant un traitement dans les cliniques participantes constituaient la population source. Les patients intéressés à participer à l’étude étaient inclus. Les critères d’inclusion pour la sélection des participants étaient un diagnostic de schizophrénie confirmé par une entrevue clinique structurée selon la version de recherche du Structured clinical interview for DSM-5 (SCID-5), une utilisation d’antipsychotiques d’une durée de moins de cinq ans, un âge de 18 à 35 ans et la capacité de donner un consentement éclairé13.
Les critères d’exclusion étaient un diagnostic primaire autre que la schizophrénie, selon le Diagnostic and statistical manual of mental disorders , 5th edition (DSM-5), une grossesse ou un allaitement, une condition médicale instable pouvant rendre la participation à l’étude inappropriée et une utilisation antérieure de la clozapine. Un antécédent d’intolérance à l’aripiprazole constituait un critère d’exclusion seulement dans les cliniques assignées à l’aripiprazole injecté mensuellement.
Interventions : Dans la grappe choix du clinicien, les sujets recevaient le médicament au choix du clinicien, par exemple un antipsychotique injectable à longue durée d’action, ou pouvaient poursuivre la prise de l’antipsychotique qu’ils prenaient avant de commencer l’étude. Dans la grappe aripiprazole injecté mensuellement, on débutait par une formulation par voie orale afin d’assurer la tolérabilité du traitement, pratique requise par la Food and Drug Administration. Une fois la tolérabilité établie, l’aripiprazole injecté mensuellement était administré et la formulation par voie orale était cessée dans les 14 jours suivant l’injection. Lorsque le patient ne tolérait pas l’aripiprazole, n’avait pas une réponse adéquate ou choisissait de cesser ce traitement, d’autres options de traitement étaient fournies à la discrétion des cliniciens.
Points évalués : L’évaluation a été effectuée au niveau individuel sur une période de deux ans. L’objectif primaire de cette étude était d’évaluer la durée avant une première hospitalisation en psychiatrie. Une hospitalisation signifiait un séjour d’au moins une nuit dans une unité de stabilisation de crise ou une unité d’urgence psychiatrique pour le traitement de symptômes psychiatriques. Les données sur les visites à l’urgence ou les hospitalisations étaient évaluées par téléphone auprès des patients tous les deux mois, ainsi que tous les quatre mois, au moyen d’un formulaire d’utilisation de services et de ressources. Les événements étaient jugés à l’aveugle par des investigateurs indépendants.
D’autres points évalués en objectif secondaire étaient le SCID-5, l’échelle Brief Psychiatric Rating Scale , l’échelle Clinical Global Impressions Scale , l’échelle Columbia Suicide Severity Rating Scale , l’échelle Heinrichs-Carpenter Quality of Life Scale , ainsi que le Repeatable Battery for Assessment of Neuropsychological Status 13–18. Ces échelles étaient évaluées à l’aveugle par vidéoconférence au début de l’étude, après 12 mois et 24 mois, sauf pour le Repeatable Battery for Assessment of Neuropsychological Status , obtenu par le personnel sur le site18. Les événements indésirables ont aussi été répertoriés en utilisant des questionnaires non structurés et des examens de laboratoire au début de l’étude, à six, 12, 18 et 24 mois. Les hospitalisations en lien avec d’autres causes n’étaient pas notées.
Résultats : Un total de 489 patients a été inclus dans l’étude, soit 234 dans la grappe aripiprazole injecté mensuellement (47,9 %) et 255 dans la grappe choix du clinicien (52,1 %). L’âge moyen des patients et la proportion d’hommes dans la grappe aripiprazole injecté mensuellement étaient respectivement de 25,7 ans et 73,5 %, et de 24,7 ans et 76,9 % dans la grappe choix du clinicien. On note aussi que 43,6 % des patients dans la grappe aripiprazole injecté mensuellement ont reçu moins d’un an de traitement antipsychotique, comparativement à 48,2 % pour la grappe choix du clinicien. Cinquante-deux patients de la grappe aripiprazole injecté mensuellement (22,2 %) et 91 patients de la grappe choix du clinicien (36,0 %) ont eu une première hospitalisation. Parmi eux, 40 patients recevaient l’aripiprazole dans la grappe aripiprazole injecté mensuellement et 22 recevaient un antipsychotique à action prolongée dans la grappe choix du clinicien. Le temps de survie moyen avant la première hospitalisation était de 613,7 jours dans la grappe aripiprazole injecté mensuellement et de 530,6 jours dans la grappe choix du clinicien (rapport de risque [RR] : 0,56; intervalle de confiance à 95 % [IC 95 %] : 0,34–0,92, p = 0,02). Les investigateurs ont obtenu une probabilité de survie de 0,73 dans la grappe aripiprazole injecté mensuellement et de 0,58 dans la grappe choix du clinicien, ce qui établissait à 6,67 le nombre nécessaire de patients à traiter (NNT) par l’aripiprazole injecté mensuellement plutôt que par une thérapie standard pour éviter une hospitalisation supplémentaire sur une période de deux ans. L’analyse de sensibilité a donné un résultat similaire, soit un RR de 0,56 (IC 95 % : 0,34–0,91, p = 0,02).
Aucune différence statistiquement significative n’a été détectée pour les objectifs secondaires entre les grappes quant aux différentes échelles évaluées. Il y avait une plus grande proportion de dépressions dans la grappe aripiprazole injecté mensuellement (10,4 % dans la grappe aripiprazole injecté mensuellement et 8,3 % dans la grappe choix du clinicien) mais aucune différence dans le changement de l’échelle Brief Psychiatric Rating Scale pour l’anxiété et la dépression (changement moyen à 12 mois : 0,960; IC 95 % : −1,105–3,025). Certaines différences entre les effets indésirables des différents groupes ont pu être observées, mais elles n’ont pas fait l’objet d’une analyse statistique. L’aggravation des symptômes psychotiques, le gain de poids et l’hyperprolactinémie semblent plus fréquents dans la grappe choix du clinicien, tandis que l’anxiété, l’agitation et l’agressivité semblent plus fréquentes dans la grappe aripiprazole injecté mensuellement.
L’étude PRELAPSE est la première étude américaine à grande échelle portant sur l’utilisation des antipsychotiques à action prolongée en schizophrénie à un stade précoce. L’utilisation de l’aripiprazole injecté mensuellement a permis une réduction statistiquement significative de 44 % du taux d’incidence de la première hospitalisation dans la grappe aripiprazole injecté mensuellement, comparativement à la grappe choix du clinicien (RR : 0,56; IC 95 % : 0,34–0,92, p = 0,02). Administrer un antipsychotique à action prolongée plus tardivement dans la schizophrénie chez les patients non observants, réfractaires ou ayant subi plusieurs rechutes est une pratique courante19. En effet, il existe deux autres études à répartition aléatoire évaluant la supériorité des antipsychotiques à action prolongée comparativement aux antipsychotiques oraux au stade précoce de la schizophrénie9,10. La première étude de Schreiner et coll. évaluait l’efficacité de la palipéridone injectable à longue durée d’action, comparativement aux antipsychotiques oraux pour prévenir une rechute, selon les critères de Csernansky9. Le temps avant une rechute était significativement plus long dans le groupe recevant la palipéridone, avec une diminution du RR de 29,4 % ( p = 0,032)9. La seconde étude, de Subotnick et coll., évaluait l’efficacité clinique de la rispéridone injectable à longue durée d’action chez seulement 86 patients suivant un premier épisode de schizophrénie10. Le comparateur était la rispéridone orale. Le taux combiné d’exacerbation et de rechute était statistiquement moindre pour le groupe rispéridone à longue durée d’action, soit 5 % dans le groupe rispéridone injectable à longue durée d’action et 33 % dans le groupe rispéridone orale ( p < 0,001). Cela correspondait à une diminution du rapport de risques de 84,7 %10.
L’étude PRELAPSE a montré des résultats statistiquement et cliniquement significatifs quant au temps de survie avant une première hospitalisation. Le NNT de 6,67 obtenu indique qu’il ne faut traiter que sept patients par l’aripiprazole injecté mensuellement pour prévenir une hospitalisation en deux ans. De plus, dans la grappe choix du clinicien, 130 participants (51 %) ont reçu un antipsychotique à action prolongée pendant l’étude, dont l’aripiprazole injecté mensuellement. Cela aurait pu sous-estimer l’effet observé de l’aripiprazole injecté mensuellement, l’orientant vers la valeur nulle dans l’étude, mais les résultats de l’objectif primaire ont été tout de même significatifs. En plus des résultats positifs pour l’objectif primaire, une aggravation des symptômes psychotiques moins importante a été détectée dans la grappe aripiprazole injecté mensuellement, ce qui est en lien avec une efficacité supérieure du traitement. Par ailleurs, PRELAPSE est une étude multicentrique à répartition aléatoire par grappes. Ce type de protocole de recherche est approprié, car il évite d’influer sur la pratique du clinicien et de favoriser ainsi la contamination entre les groupes, comparativement aux études à répartition aléatoire traditionnelles. Les cliniques étaient appariées selon leur emplacement sociodémographique et la présence ou l’absence de spécialistes en traitement de premiers épisodes psychotiques, ce qui est adéquat pour limiter le biais de confusion entre les cliniques. L’approche conservatrice de l’analyse en intention de traiter permet d’envisager que les résultats positifs soient vrais et non dus au hasard. Les données probantes en schizophrénie sont souvent limitées par la faible observance du traitement dans un contexte réel. La principale force de cette étude est sa généralisabilité dans le contexte nord-américain. En ont été exclus les patients avec un diagnostic psychiatrique principal selon le DSM-5 autre que la schizophrénie, mais pas les patients avec d’autres comorbidités, ce qui augmente sa validité externe. La grappe aripiprazole injecté mensuellement était suivie au minimum à chacune des injections, alors que les suivis dans la grappe choix du clinicien étaient minimalement tous les trois mois. Cela peut constituer un biais de surveillance, mais reflète l’intérêt d’utiliser les antipsychotiques à action prolongée en s’assurant d’un suivi adéquat et de l’observance. Bien que ces suivis aient pu biaiser le résultat positivement en s’assurant d’une meilleure réponse au traitement dans la grappe aripiprazole injecté mensuellement, ils reflètent mieux la réalité clinique.
L’étude PRELAPSE comporte toutefois des faiblesses introduisant certains biais. Les patients ont été sélectionnés après la répartition aléatoire des cliniques, ce qui entraîne un biais de sélection. De même, les patients acceptant de participer à ces études ne reflètent pas les patients paranoïdes avec une schizophrénie décompensée. Les résultats en faveur de la grappe aripiprazole injecté mensuellement peuvent s’expliquer, en plus de l’effet du médicament, par la formation clinique supplémentaire reçue par les cliniques d’aripiprazole injecté mensuellement portant sur l’indication et l’efficacité d’un antipsychotique à action prolongée, sur le rôle de l’inobservance dans les rechutes, etc. Les auteurs soutiennent que l’évaluation des hospitalisations était objective, mais ils se sont basés sur des entrevues téléphoniques, induisant potentiellement un biais de rapport. Cependant, les auteurs contrevérifiaient les données lorsque possible. Notons plusieurs différences importantes entre les grappes, ce qui indique un risque de biais de confusion, soit le nombre de patients sous aripiprazole injectable avant le début de l’étude, les patients ayant reçu un an ou moins de traitement antipsychotique, ainsi que le nombre d’hospitalisations antérieures à l’étude. Cela aurait pu favoriser une meilleure adhésion ou tolérance à l’aripiprazole injectable dans la grappe aripiprazole. De plus, la plus grande proportion de patients ayant reçu un an ou moins de traitement favoriserait une meilleure réponse dans la grappe choix du clinicien, mais cette grappe avait aussi une proportion plus élevée de patients avec un plus grand nombre d’hospitalisations. Plusieurs informations cliniques pertinentes sont aussi manquantes par rapport aux caractéristiques des groupes. Malgré les résultats cliniquement significatifs, les données sur les effets indésirables n’ont pas fait l’objet d’une analyse statistique et les comorbidités psychiatriques n’ont pas été évaluées. Enfin, les antipsychotiques à action prolongée ne s’équivalent pas tous. L’instauration des traitements injectables ne se fait pas de la même façon. Aussi, l’étude de Tiihonen et coll. comparant l’utilisation de plusieurs antipsychotiques en schizophrénie à l’absence de traitement renforce ce point avec des différences d’efficacité rapportées entre les antipsychotiques injectables en matière de réhospitalisation et d’échec du traitement19.
Une étude qualitative canadienne a relevé que, selon les psychiatres, les patients sont réticents à l’idée d’utiliser un traitement injectable, car ils associent ces agents à des concepts d’intrusivité, de coercition, de perte de confiance, de perte de contrôle et de douleur20. Cependant, les cliniciens ont pour la plupart exprimé des avantages à utiliser les antipsychotiques injectables, tels que leur efficacité, leur facilité d’utilisation et leur prédictibilité. Malgré cela, la majorité des psychiatres réservent ces agents aux patients plus malades, aux non-adhérents et aux ordonnances de traitement. L’indication officielle de ces agents en schizophrénie est le traitement en phase de maintien chez les patients stabilisés21. Néanmoins, des experts de départements de psychiatrie universitaires québécois, se basant sur une revue de la littérature scientifique, recommandent de proposer un antipsychotique injectable dès le premier épisode psychotique22.
Des aspects plus sociétaux ont aussi été abordés par les psychiatres : le transfert des patients à leur médecin de famille, la recherche d’une personne pour administrer l’injection et l’augmentation des sommes déboursées pour le traitement. Au Québec, le coût quotidien de l’aripiprazole injecté mensuellement (Abilify MaintenaMD) est d’environ 15,21 $, comparativement à entre 1,00 $ et 1,29 $ par comprimé d’aripiprazole oral23. Trois études européennes et américaines en pharmacoéconomie ont évalué le coût-efficacité des antipsychotiques à action prolongée par rapport au traitement oral24–26. Ces études ont démontré des avantages quant au nombre de rechutes et d’hospitalisations ainsi que d’années de vie pondérées par la qualité, associés à l’utilisation d’antipsychotiques à action prolongée, y compris l’aripiprazole reçu mensuellement, dans la schizophrénie24–26. L’étude QUALIFY a aussi démontré une meilleure qualité de vie chez les patients de 35 ans ou moins répondant à l’aripiprazole injecté mensuellement comparativement à ceux répondant à la palipéridone injectable à longue durée d’action, ce qui ne corrobore pas les résultats de l’étude PRELAPSE27. De plus, l’utilisation d’un antipsychotique à action prolongée semble améliorer l’adhésion comparativement à un traitement oral et, ainsi, contribuer à une meilleure réponse au traitement28–30. Il est à noter toutefois que l’aripiprazole injecté mensuellement ne faisait pas partie des agents utilisés dans ces études. Selon une étude prospective multicentrique, l’incidence des effets extrapyramidaux et de gain de poids chez les patients sous aripiprazole injecté mensuellement était faible (2,9 % et 0,4 % respectivement)31. Une méta-analyse portant sur l’innocuité des antipsychotiques à action prolongée et oraux n’a pas démontré de différence statistique pour les effets indésirables graves et la survenue d’au moins un effet indésirable entre les deux voies d’administration32. Par ailleurs, une étude de cohorte prospective comportant 29 823 patients a démontré une réduction du taux de mortalité de 33 % avec les antipsychotiques à action prolongée par rapport aux agents oraux33.
Les auteurs de l’étude PRELAPSE ont démontré que l’utilisation de l’aripiprazole injecté mensuellement en phase initiale de la schizophrénie permettait d’augmenter le délai avant une première hospitalisation. Cette molécule peut être un ajout à l’arsenal thérapeutique actuel lors de l’instauration d’un traitement pour la schizophrénie en phase initiale. Cependant, étant donné la sélection limitée des patients atteints d’une schizophrénie en phase non décompensée, l’absence de données sur les comorbidités des participants, l’utilisation antérieure des antipsychotiques ainsi que l’écart entre les deux grappes en ce qui a trait à l’utilisation antérieure de l’aripiprazole injecté mensuellement, la prudence est de mise quant à la généralisation des résultats. Un suivi étroit est nécessaire lorsque cette option est considérée.
Cet article a été réalisé dans le cadre du cours Communication scientifique (PHA62101) de la maîtrise en pharmacothérapie avancée de la Faculté de pharmacie de l’Université de Montréal. Les auteurs remercient Louise Mallet, responsable de ce cours. Cette personne a donné une autorisation écrite.
Aucun financement en relation avec le présent article n’a été déclaré par les auteurs.
Tous les auteurs ont rempli et soumis le formulaire de l’ICMJE pour la divulgation de conflits d’intérêts potentiels. Au cours des trois dernières années, pour des travaux non liés au présent article, Vincent Dagenais-Beaulé a reçu des frais de consultant et de conférencier de la part de HLS therapeutics, Otsuka-Lundbeck et Paladin. Les autres auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec le présent article.
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PHARMACTUEL , Vol. 55 , No. 1 , 2022