Yi Tong Fang, Pharm.D., M.Sc.1,2, Alice Sananikone, Pharm.D., M.Sc.1,2, Radja Belakrouf, Pharm.D., M.Sc.1,3,4, Jodianne Couture, B.Pharm., M.Sc.5
1 Candidate à la maîtrise en pharmacothérapie avancée au moment de la rédaction, Faculté de pharmacie, Université de Montréal, Montréal (Québec) Canada;
2 Résidente en pharmacie au moment de la rédaction, Centre universitaire de santé McGill, Montréal (Québec) Canada;
3 Résidente en pharmacie au moment de la rédaction, Pharmacie Jean Coutu Nirvishi Jawaheer, Montréal (Québec) Canada;
4 Pharmacienne, Jean Coutu Jacques Bourget, Laval (Québec) Canada;
5 Pharmacienne, Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de l’Estrie-Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke, Sherbrooke (Québec) Canada
Reçu le 10 mai 2021: Accepté après révision par les pairs le 22 juillet 2021
Titre : Dapagliflozin in patients with chronic kidney disease. N Engl J Med 2020;383:1436-461.
Auteurs : Heerspink HJL, Stefànsson BV, Correa-Rotter R, Chertow GM, Greene T, Hou FF et coll. pour le groupe d’investigateurs DAPA-CKD.
Commanditaires : L’étude était financée par AstraZeneca. Deux employés d’AstraZeneca siégeaient au comité exécutif de l’étude, qui s’occupait de la conception, de la supervision de l’étude et du rapport des résultats, mais ils n’avaient pas le droit de vote. Les analyses effectuées par AstraZeneca ont été reproduites par un groupe académique indépendant.
Cadre de l’étude : L’insuffisance rénale chronique (IRC) est une maladie qui atteignait environ 3,4 millions d’individus au Canada en 20172. L’IRC constitue une des causes principales de décès en Amérique du Nord et la mortalité ne cesse de croître ces dernières années2. Avec le vieillissement de la population, l’IRC est devenue une préoccupation importante dans les pays développés à cause du nombre croissant de patients souffrant d’IRC à un stade avancé nécessitant de la dialyse ou une transplantation rénale2,3,4.
Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IECA) et les antagonistes des récepteurs de l’angiotensine (ARA) étaient, jusqu’à tout récemment, les seuls agents connus qui pouvaient ralentir la progression de l’IRC5,6. Les inhibiteurs du cotransporteur sodium-glucose de type 2 (iSGLT2) représentent une nouvelle classe de médicaments permettant de ralentir le déclin de la fonction rénale chez les patients atteints de diabète de type 2 (DB2) et d’IRC7. En effet, l’étude EMPA-REG OUTCOME, publiée en 2015, a démontré pour la première fois que l’usage de l’empagliflozine permet de réduire la mortalité cardiovasculaire chez les patients atteints de DB28. Une sous-analyse de cette étude, publiée en 2016, a observé que l’empagliflozine permet également de ralentir la progression de l’IRC chez les patients atteints de DB29. Par la suite, les études CANVAS et DECLARE-TIMI-58 ont évalué les bénéfices cardiovasculaires de la canagliflozine et de la dapagliflozine respectivement chez les patients atteints de DB210,11. Ces deux études ont également inclus le ralentissement du déclin de la fonction rénale comme objectif secondaire et ont déterminé qu’un iSGLT2 apportait des bénéfices rénaux chez les patients diabétiques10,11. L’étude CREDENCE, publiée en 2019, viendrait mieux soutenir le rôle des iSGLT2 en IRC en démontrant clairement l’efficacité de la canagliflozine sur le ralentissement du déclin de la fonction rénale chez les patients atteints de DB2 et de l’IRC12. Ainsi, l’étude DAPA-CKD a été conçue afin de mieux connaître l’impact de la dapagliflozine au niveau rénal à la fois chez les patients diabétiques et non diabétiques.
Protocole de recherche : L’étude DAPA-CKD est une étude de phase III, à répartition aléatoire, contrôlée contre placebo, à double insu, multicentrique, menée dans 386 sites au sein de 21 pays, incluant le Canada, les États-Unis, et quelques pays européens et asiatiques. La répartition aléatoire a été faite par blocs balancés et stratifiée selon le diagnostic de DB2 (présent ou non) et le ratio albumine/créatinine (RAC) urinaire (inférieur ou égal à 113 mg/mmol ou supérieur à 113 mg/mmol) pour obtenir un ratio de 1:1. L’objectif primaire a été analysé selon le principe « intention de traiter » (ITT).
Patients : Les patients de 18 ans et plus avec ou sans DB2, dont le débit de filtration glomérulaire estimé (DFGe) se situait entre 25 et 75 mL/min/1,73 m2 et le RAC urinaire, entre 22,6 et 565,0 mg/mmol étaient admissibles. Tous les patients devaient être traités avec une dose stable d’IECA ou d’ARA pour au moins quatre semaines avant l’entrée dans l’étude, à moins d’avoir une intolérance ou une contre-indication documentée aux IECA ou aux ARA. Les principaux critères d’exclusion étaient un diagnostic documenté de diabète de type 1, de maladie rénale polykystique, de néphrite lupique ou de vasculite associée aux anticorps anticytoplasme des polynucléaires neutrophiles, un antécédent de transplantation d’organe ou une insuffisance cardiaque de stade IV. Les patients ayant reçu un iSGLT2 dans les huit semaines précédentes ou une thérapie cytotoxique ou immunosuppressive ou tout autre immunothérapie pour une maladie rénale primaire ou secondaire au cours des six mois précédents étaient également exclus de l’étude.
Interventions : Les patients ont été répartis dans le groupe dapagliflozine à la dose de 10 mg une fois par jour ou dans le groupe placebo. La dose de dapagliflozine pouvait être réduite de moitié ou suspendue momentanément en présence de déplétion volémique, d’hypotension ou de détérioration aiguë de la fonction rénale. Il était recommandé de réintroduire la dose de 10 mg dès que possible une fois l’état du patient stabilisé. Par contre, la dapagliflozine devait être cessée chez les patients ayant présenté une acidocétose diabétique. Par la suite, les patients ont eu un suivi à deux semaines, deux, quatre et huit mois, et tous les quatre mois par la suite. À chaque visite de suivi, les signes vitaux, les valeurs de laboratoire, les données relatives aux événements d’intérêt, les effets indésirables, les thérapies concomitantes et l’adhésion au traitement ont été colligés pour chaque patient.
Points évalués : L’objectif principal de l’étude vise à étudier l’impact de la dapagliflozine sur la réduction du déclin de la fonction rénale et du décès de cause rénale ou cardiovasculaire chez les patients atteints d’IRC. L’objectif primaire est un objectif composite défini comme la période de temps entre le début du traitement et la première survenue de l’un des évènements suivants : un déclin du DFGe égal ou supérieur à 50 % (confirmé par une deuxième mesure de la créatinine sérique après 28 jours ou plus), une IRC de stade terminal (IRCT) (dialyse pour plus de 28 jours, greffe rénale ou DFGe de moins de 15 mL/min/1,73 m2 et confirmé par une deuxième mesure après 28 jours et plus) ou un décès d’origine rénale ou cardiovasculaire.
Les investigateurs ont défini trois objectifs composites secondaires qui sont classés en ordre hiérarchique. Le premier porte sur la protection rénale (composite d’un déclin du DFGe égal ou supérieur à 50 %, la survenue d’une IRCT ou le décès de cause rénale). Le deuxième concerne la protection cardiovasculaire (composite d’une hospitalisation pour insuffisance cardiaque ou décès de cause cardiovasculaire) et le troisième consiste en une mortalité de toutes causes. Les paramètres d’innocuité à l’étude ont été définis comme suit : les effets secondaires graves, les effets secondaires menant à l’arrêt de la médication (dapagliflozine ou placebo) ainsi que certains effets secondaires d’intérêt (symptômes de déplétion volémique, incidents rénaux, hypoglycémies majeures, fractures osseuses, amputations et acidocétose diabétique).
Résultats : Un total de 4304 participants a été réparti aléatoirement dans le groupe dapagliflozine et le groupe placebo, soit 2152 participants dans chaque groupe. Les caractéristiques de base des patients étaient similaires dans les deux groupes. L’âge moyen était de 61,8 ± 12,1 ans. Le DFGe moyen était de 43,1 ± 12,4 mL/min/1,73 m2. Parmi les participants, 33,1 % étaient des femmes, 67,5 % étaient atteints de DB2 et 98,1 % recevaient un IECA ou un ARA. La durée médiane de suivi était de 2,4 ans. Au total, 15 patients ont quitté l’étude à cause du retrait du consentement ou de la perte au suivi, dont 10 dans le groupe traitement et cinq dans le groupe placebo. L’étude a été interrompue en avril 2020 selon la recommandation du comité indépendant de surveillance des données, puisque les résultats démontraient une efficacité claire basée sur 408 événements en lien avec l’objectif primaire.
Le paramètre composite primaire s’est produit chez 197 des 2152 patients (9,2 %) du groupe dapagliflozine et chez 312 des 2152 patients (14,5 %) du groupe placebo. Cette différence était statistiquement significative (rapport de risque [RR] : 0,61; intervalle de confiance à 95 % [IC 95 %] : 0,51–0,72, p < 0,001). Les résultats de chacune des composantes du paramètre primaire sont également rapportés individuellement par les chercheurs : un déclin du DFGe égal ou supérieur à 50 % chez 112 patients (5,2 %) du groupe dapagliflozine et 201 patients (9,3 %) du groupe placebo (RR : 0,53; IC 95 % : 0,42–0,67), une IRC de stade terminal (IRCT) chez 109 patients (5,1 %) du groupe dapagliflozine et 161 patients (7,5 %) du groupe placebo (RR : 0,64; IC 95 % : 0,50–0,82), un décès d’origine rénale chez deux patients du groupe dapagliflozine et six patients du groupe placebo, et, enfin, un décès d’origine cardiovasculaire chez 65 patients (3,0 %) du groupe dapagliflozine et 80 patients (3,7 %) du groupe placebo (RR : 0,81; IC 95 % : 0,58–1,12). Le nombre de sujets à traiter pour prévenir un événement du paramètre composite primaire durant une période de 2,4 ans était de 19. L’effet de la dapagliflozine était également constant au travers des analyses de sous-groupes préspécifiées, dont l’âge (65 ans ou moins ou plus de 65 ans), le sexe, l’ethnicité (types caucasien, afro-américain ou africain, asiatique ou autres), la région géographique (Asie, Europe, Amérique du Nord ou Amérique latine), le DB2 (présence ou absence au début de l’étude), le DFGe (inférieur à 45 mL/min/1,73 m2 ou égal ou supérieur à 45 mL/min/1,73 m2), le RAC urinaire (supérieur à 113 mg/mmol ou inférieur ou égal à 113 mg/mmol au début de l’étude) et la pression artérielle systolique (supérieure à 130 mmHg ou inférieure ou égale à 130 mmHg au début de l’étude).
L’analyse des objectifs secondaires a démontré une différence significative pour les trois paramètres composites entre les deux groupes à l’étude. Le paramètre composite secondaire portant sur la fonction rénale était survenu chez 142 des 2152 patients (6,6 %) du groupe dapagliflozine, comparativement à 243 des 2152 patients (11,3 %) du groupe placebo (RR : 0,56; IC 95 % : 0,45–0,68, p < 0,001). Le paramètre secondaire portant sur la protection cardiovasculaire était survenu chez 100 patients (4,6 %) du groupe dapagliflozine, comparativement à 138 patients (6,4 %) du groupe témoin (RR : 0,71; IC 95 % : 0,55–0,92, p = 0,009). Le paramètre secondaire portant sur la mortalité de toutes causes était survenu chez 101 patients (4,7 %) sous dapagliflozine vs 146 patients (6,8 %) du groupe placebo (RR : 0,69; IC 95 % : 0,53–0,88, p = 0,004). Le nombre de patients à traiter afin de prévenir un décès toutes causes confondues était de 48. Le déclin moyen du DFGe à 30 mois était moins prononcé dans le groupe dapagliflozine que dans le groupe placebo (différence : 0,93 mL/min/1,73 m2; IC 95 % : 0,61–1,25 mL/min/1,73 m2). Toutefois, il y avait une plus grande réduction du DFGe durant les deux premières semaines suivant l’instauration du traitement où les auteurs avaient observé une diminution moyenne du DFGe de 3,97 ± 0,15 mL/min/1,73 m2 dans le groupe dapagliflozine par rapport à 0,82 ± 0,15 mL/min/1,73 m2 dans le groupe placebo. Par la suite, le déclin annuel du DFGe était moindre dans le groupe dapagliflozine par rapport au placebo (−1,67 ± 0,11 vs −3,59 ± 0,11 mL/min/1,73 m2 respectivement). Concernant les paramètres d’innocuité, aucune différence significative n’a été rapportée entre les deux groupes de traitement par rapport au nombre d’amputations, d’acidocétoses diabétiques, de fractures, d’hypoglycémies sévères, de déplétions volumiques et d’effets secondaires rénaux. Le taux d’abandon du traitement en raison d’un événement indésirable était similaire entre les deux groupes, dont 12,7 % dans le groupe dapagliflozine et 14,4 % dans le groupe placebo.
L’étude DAPA-CKD a montré que l’ajout de dapagliflozine chez les patients atteints de néphropathie, avec ou sans diabète, permet de réduire le risque d’événement composite rénal, soit une réduction du DFGe égale ou supérieure à 50 %, une IRCT ou la mortalité de cause rénale ou cardiovasculaire. Il s’agit de la première étude évaluant les effets néphroprotecteurs d’un iSGLT2 chez une population non diabétique. Les bénéfices au niveau de la fonction rénale observés dans cette étude sont d’autant plus intéressants sachant que les participants recevaient déjà un traitement pharmacologique néphroprotecteur comprenant un IECA ou un ARA à moins d’une contre-indication. Bien que l’objectif primaire de l’étude soit un objectif composite susceptible de créer des ambiguïtés lors de l’interprétation des résultats, ce type de paramètre composite est couramment employé dans les autres études en néphrologie, dont l’étude CREDENCE12. L’effet observé pour chaque paramètre de l’objectif composite est statistiquement significatif et tend vers la même direction, soit en faveur de la dapagliflozine, à l’exception des paramètres de mortalité rénale ou cardiovasculaire, puisque ces événements survenaient rarement durant le déroulement de l’étude.
L’étude DAPA-CKD a inclus des patients avec une IRC plus importante, soit un DFGe entre 25 et 75 mL/min/1,73 m2, comparativement aux patients de l’étude CREDENCE qui ont un DFGe de 30 à 90 mL/min/1,73 m2. Toutefois, malgré un seuil d’inclusion plus permissif pour l’albuminurie dans l’étude DAPA-CKD, le RAC urinaire moyen des patients reste très similaire dans les deux études, soit 107 mg/mmol dans CREDENCE vs 105 mg/mmol dans DAPA-CKD12. Les bénéfices néphroprotecteurs d’un iSGLT-2 chez les patients avec une albuminurie moins sévère resteraient donc à être confirmés. En somme, les bénéfices rénaux observés avec la dapagliflozine semblent concorder avec les résultats obtenus avec la canagliflozine dans l’étude CREDENCE, qui inclut une population exclusivement diabétique, sur la base d’un objectif principal composite quasi identique (RR : 0,70; IC 95 % : 0,59–0,82, p = 0,00001 )12. De plus, dans CREDENCE, l’usage de canagliflozine semble avoir un impact sur la diminution de la mortalité, mais la différence n’est pas statistiquement significative (RR : 0,83; IC 95 % : 0,68–1,02). L’étude DAPA-CKD a démontré une réduction de la mortalité de toutes causes statistiquement significative chez les patients traités par la dapagliflozine. Bien qu’il s’agisse d’un objectif secondaire à titre exploratoire, cette observation reste intéressante12.
L’étude a été interrompue prématurément en raison de l’efficacité marquée de la dapagliflozine. Ce suivi écourté peut diminuer la précision des résultats et entraîner une surestimation des bénéfices obtenus13. À titre de comparaison, le suivi médian était de 2,4 ans dans DAPA-CKD, alors que l’étude CREDENCE avait une durée de suivi de 2,6 ans12. Bien que l’interruption précoce de l’étude DAPA-CKD soit une décision justifiée d’un point de vue éthique, les résultats actuels ne nous permettent pas de statuer sur l’efficacité et l’innocuité à long terme de la dapagliflozine. Par contre, le déclin du DFGe à 36 mois semble moindre avec la dapagliflozine qu’avec le placebo, et cette différence s’accroît avec le temps, ce qui semble rassurant. Il faut aussi noter que les effets secondaires n’ont pas été rapportés de façon systématique dans l’étude DAPA-CKD. Les infections génito-urinaires, effet secondaire de la dapagliflozine fréquemment observé, n’ont pas été documentées14.
Bien que les caractéristiques de base des patients aient été similaires entre les deux groupes, certains facteurs potentiellement confondants ne semblent pas avoir été pris en compte. D’abord, il est difficile de juger de la maîtrise glycémique chez les patients diabétiques puisque l’hémoglobine glyquée et les glycémies n’ont pas été rapportées. Par contre, il est démontré que l’impact hypoglycémiant de la dapagliflozine est diminué chez les patients ayant un DFGe inférieur à 45 mL/min, alors que près de 60 % des patients à l’étude avaient un DFGe sous cette valeur. De plus, dans les analyses de sous-groupe, l’effet de la dapagliflozine était présent autant chez les patients diabétiques que chez les patients non diabétiques, ce qui laisse croire que les bénéfices observés ne sont pas uniquement en lien avec la maîtrise de la glycémie. Ainsi, malgré ces données manquantes, cela affecte peu les résultats observés. De plus, la stratification du degré d’albuminurie des patients à l’étude repose sur un seuil de 113 mg/mmol. Par contre, il s’agit d’un seuil qui diffère considérablement du seuil de 30 mg/mmol habituellement utilisé pour distinguer le degré d’albuminurie16. Même si le bénéfice observé pour ce qui est de l’objectif primaire était constant dans ces deux sous-groupes, il y a lieu de se demander si les résultats obtenus sont réellement applicables aux patients atteints d’IRC sans albuminurie ou avec une albuminurie légèrement augmentée16.
En dernier lieu, notons que le protocole de l’étude permettait l’interruption temporaire de la dapagliflozine ou l’utilisation d’une dose réduite de 5 mg lorsque la situation clinique du patient le justifiait. Toutefois, les auteurs n’ont pas spécifié quelle était la proportion de patients du groupe dapagliflozine qui recevait la dose cible de 10 mg à la fin de l’étude. Il serait intéressant de connaître la dose moyenne de dapagliflozine administrée aux patients durant l’étude pour mieux comprendre leur tolérance au traitement. Hormis les facteurs potentiellement confondants mentionnés ci-haut, il s’agit d’une étude avec une bonne validité interne, comportant un faible risque de biais de sélection compte tenu des pertes au suivi minimes. De plus, le maintien du double insu et l’utilisation de paramètres d’évaluation objectifs réduisent le biais d’information.
Les conclusions de l’étude DAPA-CKD peuvent être extrapolées à la majorité des patients atteints de néphropathie, à l’exception de ceux ne recevant pas un IECA ou un ARA. En effet, moins de 2 % des patients du groupe de traitement ne prenaient pas d’IECA ou d’ARA en raison d’une allergie, d’une intolérance ou d’une contre-indication. Les patients noirs ne représentaient que 4,8 % du groupe de traitement, alors qu’il s’agit d’une population qui serait plus susceptible d’être intolérante aux IECA et aux ARA. Les bénéfices rénaux de la dapagliflozine restent aussi à déterminer chez certaines populations exclues de l’étude DAPA-CKD, telles que les patients avec néphropathie sans albuminurie ou avec un faible degré d’albuminurie, les patients avec un DFGe inférieur à 25 mL/min/1,73 m2, ainsi que les patients avec un DFGe entre 60 et 70 mL/min/1,73 m2; ces derniers ne représentant que 10 % de la population étudiée.
L’étude EMPA-KIDNEY présentement en cours permettra de mieux solidifier le rôle des iGLST2 dans la prise en charge de la néphropathie chronique. Tout comme DAPA-CKD, cette étude inclut des patients diabétiques et non diabétiques. Toutefois, les patients ayant un DFGe entre 20 et 45 mL/min/1,73 m2 avec ou sans albuminurie ou les patients ayant un DFGe entre 45 et 90 mL/min/1,73 m2 avec albuminurie sont également admissibles à l’étude EMPA-KIDNEY. L’introduction précoce d’un iSGLT2 chez les patients souffrant d’IRC de stade léger et de stade modéré sans protéinurie pourrait être pertinente puisque, dans les analyses de sous-groupe de l’étude DAPA-CKD, les bénéfices observés semblent plus marqués chez les patients ayant un DFGe supérieur ou égal à 45 mL/min/1,73 m2. Ainsi, les résultats de cette étude élargiraient potentiellement l’utilité des iSGLT217.
Jusqu’à présent, les iSGLT2 ont été utilisés en ajout chez les patients atteints d’IRC qui sont déjà traités par une dose adéquate d’IECA ou d’ARA. Par contre, environ 5 à 20 % des patients recevant un IECA ou un ARA pourraient manifester une intolérance caractérisée par la survenue d’une toux sèche, de l’hypotension ou de l’hyperkaliémie18. Il serait intéressant d’évaluer si les iSGLT2 pourraient constituer une option de rechange chez ces patients dans de futures études.
Les résultats de l’étude DAPA-CKD démontrent que la dapagliflozine est efficace pour ralentir le déclin de la fonction rénale autant chez les patients diabétiques que non diabétiques. Ces données concordent avec les résultats des autres études portant sur les iSGLT2. D’autres études sont présentement en cours pour évaluer l’usage des iSGLT2 chez les patients atteints d’IRC et elles pourraient davantage concrétiser leur place en néphrologie.
Cet article a été rédigé dans le cadre du cours Communication scientifique de la maîtrise en pharmacothérapie avancée de l’Université de Montréal. Les auteurs tiennent à remercier les responsables du cours. Ces personnes ont donné leur autorisation écrite.
Aucun financement en lien avec le présent article n’a été déclaré par les auteurs.
Tous les auteurs ont rempli le formulaire de l’ICMJE pour la divulgation de conflits d’intérêts potentiels. Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts actuel ou potentiel en relation avec le présent article.
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