Flora Chen, Pharm.D.1,2,3, Sophie-Camille Hogue, Pharm.D., M.Sc.1,2,3, Geneviève Brassard, Pharm.D., M.Sc.3, Denis Lebel, B.Pharm., M.Sc., FCSHP4, Suzanne Atkinson, B.Pharm., M.Sc.5, Maxime Thibault, B.Pharm., M.Sc.3, Jean-François Bussières, B.Pharm., M.Sc., MBA, FCSHP, FOPQ6,7
Reçu le 7 juillet 2021: Accepté après révision le 30 novembre 2021
Résumé
Objectif : Décrire le recours actuel au télétravail au sein des départements de pharmacie des établissements de santé du Québec et en explorer les avantages et les enjeux.
Mise en contexte : Il existe peu de données sur la télépharmacie au Canada. Durant la pandémie de COVID-19 (SARS-CoV-2), plusieurs tâches et activités ont été réorganisées pour favoriser le travail à distance (travail dans un établissement, mais dont la prestation se fait à distance ou dans une pièce distincte de l’activité réalisée habituellement) et le télétravail (travail à domicile).
Résultats : Il s’agit d’une étude descriptive transversale. L’étude ciblait tous les chefs des départements de pharmacie des établissements de santé du Québec qui étaient libres au moment de l’étude (n = 28). Un questionnaire en ligne de 63 questions sur sept thèmes a été préparé. Tous les chefs des départements de pharmacie en poste ont été contactés par courriel le 19 octobre 2020. Du 19 au 20 octobre 2020, 89 % (25/28) d’entre eux ont fourni des réponses exploitables à une majorité de questions. Le télétravail était quasi absent avant la pandémie (médiane de 0 à 5 % selon l’activité), alors qu’il était davantage utilisé en octobre 2020 (médiane de 1 à 95 % selon l’activité).
Conclusion : La pandémie a entraîné la croissance du télétravail au sein des départements de pharmacie des établissements de santé du Québec. Cette enquête menée auprès de 25 chefs de départements de pharmacie met en évidence de nombreux avantages et de nombreux inconvénients du télétravail.
Mots clés : Hôpital, pandémie, pharmacie, télépharmacie, télétravail
Abstract
Objective : To describe the current status of telework in the pharmacy departments of Québec’s health-care facilities and to explore its benefits and challenges.
Background : There is little data on telepharmacy in Canada. During the SARS-CoV-2 (COVID-19) pandemic, a number of tasks and activities were reorganized to promote remote work and telework.
Results : This was a cross-sectional descriptive study that targeted all the pharmacy department heads in Quebec’s health-care facilities available at the time of the study (n = 28). An online questionnaire with 63 items divided into seven themes was developed. All the current pharmacy department heads were contacted by email on October 19, 2020. On October 19 and 20, 2020, 89% (25/28) of the pharmacy department heads provided usable responses for most of the questions. Telework was almost nonexistent before the pandemic (median of 0 to 5%, depending on the activity) but was in greater use in October 2020 (median of 1 to 95%, depending on the activity).
Conclusion : Because of the pandemic, the use of telework is on the rise in the pharmacy departments of Québec’s health-care facilities. This survey of 25 pharmacy department heads highlights many opportunities and threats.
Keywords : Hospital, pandemic, pharmacy, telepharmacy, telework
L’American Society of Health System Pharmacists définit la télépharmacie comme « le recours par le pharmacien aux technologies de télécommunication pour superviser certains aspects des services pharmaceutiques ou pour fournir des soins pharmaceutiques1 ». Plusieurs activités sont possibles en télépharmacie, comme les services pharmaceutiques, l’évaluation de la pharmacothérapie, la vérification des préparations stériles et non stériles, la vérification contenant-contenu, l’enseignement aux patients, la consultation clinique, l’évaluation des résultats et l’aide à la décision. L’organisme évoque la possibilité d’améliorer, par la télépharmacie, la qualité et l’efficience des soins pharmaceutiques offerts dans certains établissements ruraux. Cette association soutient la mise en place de la télépharmacie par l’établissement des avantages et les inconvénients du télétravail et par l’adoption d’un cadre juridique clair, évolutif et favorable à cette pratique1.
Au Canada, la Société canadienne des pharmaciens d’hôpitaux a également publié des lignes directrices sur le sujet en 20182. Au Québec, l’Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec a publié en 2015, durant une refonte du système de santé, une prise de position sur la télépharmacie3. Elle considère que cette pratique n’est qu’une façon différente d’exercer la pharmacie en établissement, tant que les balises encadrant la sélection des ressources et les modalités d’exercice sont respectées. Par exemple, la télépharmacie ne peut remplacer la présence physique du pharmacien, mais doit plutôt lui être complémentaire.
Avec la pandémie de COVID-19, tous les chefs des départements de pharmacie des établissements de santé du Québec ont été invités à établir un plan d’intervention local pour limiter les risques de transmission virale et les pénuries de personnel. Ce plan tient compte des recommandations du ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec, de l’Ordre des pharmaciens du Québec et d’échanges entre les établissements4,5. Parmi les recommandations, il est mentionné de favoriser la télépharmacie, terme regroupant à la fois le travail à distance et le télétravail. D’ailleurs, pour améliorer leurs conditions de travail, les employés souhaitent, de façon générale, faire du télétravail6.
Dans la littérature, il existe peu de données sur la télépharmacie au Canada7–12. Par conséquent, nous nous sommes intéressés au télétravail en pharmacie hospitalière au Québec. Notre objectif principal est de décrire le recours actuel au télétravail au sein des départements de pharmacie des établissements de santé du Québec et d’explorer les avantages et les inconvénients qui y sont associés.
Il s’agit d’une étude descriptive transversale. Le sondage ciblait tous les chefs des départements de pharmacie des établissements de santé du Québec qui étaient libres au moment de l’étude (n = 28). Le protocole a été approuvé par le comité d’éthique de la recherche du Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine.
L’équipe de recherche a formulé des questions (n) à partir des variables d’intérêt suivantes en fonction des données présentes dans la littérature et de son expérience : données démographiques des répondants (4), nombre d’équivalents temps complet au sein de chaque département (1), organisation et encadrement général du télétravail (7), modalités de financement des technologies requises (1), utilisation de Zoom, de Microsoft Teams ou d’autres applications pour 11 activités pharmaceutiques, proportion des heures en télétravail selon la période pour 10 activités pharmaceutiques et niveau d’accord avec 29 énoncés portant les avantages et les inconvénients du télétravail en pharmacie.
Les auteurs ont créé un questionnaire en ligne de 63 questions sur sept thèmes dans le logiciel de sondage SurveyMonkey, qui a été prétesté par quatre membres de l’équipe de recherche. Pour la mesure du niveau d’accord, une échelle de Likert à quatre choix (très en accord, partiellement en accord, partiellement en désaccord, en désaccord) a été utilisée.
Tous les chefs des départements de pharmacie en poste ont été contactés par courriel le 19 octobre 2020. Un courriel de rappel a été envoyé le 20 octobre 2020. Le consentement explicite des participants pour la publication des résultats du sondage a été obtenu. Des statistiques descriptives ont été calculées (moyenne ± écart-type et médiane/minimum/maximum en cas de distribution asymétrique).
Du 19 au 20 octobre 2020, 89 % (25/28) des chefs des départements de pharmacie ont fourni des réponses exploitables à une majorité de questions. Les répondants sont surtout des femmes (13/25, 52 %) dont l’âge moyen (± écart-type) est de 49 ± 8 ans, en poste comme chefs de département depuis une médiane de cinq ans (minimum : 0,25; maximum : 24 ans). Leur département comporte un nombre médian de 110 équivalents temps complet (minimum : 15; maximum : 250), dont des pharmaciens et des assistants techniques en pharmacie.
Le tableau I présente l’organisation et l’encadrement général du télétravail en pharmacie. La majorité des établissements n’offre aucun soutien financier pour les frais à domicile (p. ex. : équipement, forfait Internet) des travailleurs (64 %, 16/25). Dans quelques cas (28 %, 7/25), l’établissement a prêté un ordinateur portable ou un deuxième écran. Dans un seul cas, l’établissement a accepté de rembourser une partie du forfait Internet.
Tableau I Organisation et encadrement général du télétravail en pharmacie
Le tableau II présente la prévalence de l’utilisation de Zoom et de Microsoft Teams ou d’autres applications pour une sélection de 11 activités pharmaceutiques. L’outil Microsoft Teams est employé pour la plupart des tâches tandis que Zoom est réservé aux activités d’enseignement. Les autres outils sont utilisés dans des proportions très variables.
Tableau II Prévalence de l’utilisation d’outils technologiques pour 11 activités pharmaceutiquesa
Le tableau III présente la proportion des heures de télétravail avant la pandémie de COVID-19, en octobre 2020 et la proportion maximale anticipée pour dix activités pharmaceutiques. Le télétravail était quasi absent avant la pandémie (médiane de 0 % à 5 % selon l’activité), alors qu’il est davantage utilisé en octobre 2020 (médiane de 1 % à 95 % selon l’activité).
Tableau III Proportion des heures travaillées en télétravail ou en travail à distance avant la pandémie de la COVID-19, en octobre 2020 et maximale anticipée pour dix activités pharmaceutiques
Enfin, le tableau IV présente le niveau d’accord des chefs des départements de pharmacie répondants avec 29 énoncés sur les avantages et les inconvénients du télétravail en pharmacie.
Tableau IV Niveau d’accord des répondants avec 29 énoncés sur les avantages et les inconvénients du télétravail en pharmaciea
Selon nos recherches, c’est la première enquête publiée sur le télétravail en pharmacie hospitalière au Canada.
Bien qu’un peu plus de la moitié des établissements (56 %, 14/25) possède une politique sur le télétravail et a mis en place une marche à suivre, peu de départements de pharmacie l’ont fait (16 %, 4/25). Malgré l’absence de politique et de marche à suivre claires sur le télétravail dans les départements de pharmacie, une grande partie des chefs des départements de pharmacie ont accepté le recours au télétravail pour certaines activités pharmaceutiques (80 %, 20/25). Jusqu’à l’arrivée de la pandémie, la faible prévalence du télétravail n’était pas étonnante compte tenu de l’absence de politiques ministérielles à ce sujet. La pandémie de COVID-19 a entraîné l’émergence de publications gouvernementales sur le télétravail et la santé mentale13–15. De même, l’Institut national de santé publique du Québec a publié en juin 2020 des recommandations intérimaires visant l’encadrement du télétravail14. Le document met en évidence un certain nombre de facteurs à considérer pour mieux baliser le télétravail, dont la santé psychologique, la prévention de troubles musculo-squelettiques et la conciliation travail-famille.
Au début de la pandémie, les chefs des départements de pharmacie ont pu utiliser différents outils de communication permettant le travail à distance ou le télétravail.
Notre enquête révèle une plus grande utilisation de Microsoft Teams que de Zoom. Après quelques semaines de pandémie, le ministère de la Santé et des Services sociaux a annoncé sa préférence pour Teams et son intention de le déployer dans l’ensemble du réseau de la santé pour soutenir la plupart des activités professionnelles en travail collaboratif. Depuis, tous les intervenants du réseau de la santé québécois y ont accès. Comme il est intégré à la suite Office de Microsoft, les rencontres en ligne planifiées s’ajoutent automatiquement au calendrier d’Outlook. Les équipes des départements de pharmacie ont été invitées à exploiter différentes fonctionnalités (création d’équipes, regroupement d’activités, création de canaux de discussion, partage d’écran, partage de fichiers permanents pendant et hors rencontres). De plus, le ministère de la Santé et des Services sociaux a confirmé que les licences utilisées dans les établissements de santé satisfont aux exigences de confidentialité et permettent le partage d’éléments administratifs et cliniques.
Zoom, quant à lui, a principalement été utilisé comme outil de téléconférence ou pour l’enseignement. Comme Teams, Zoom permet le clavardage et le partage d’écran, mais uniquement pendant la téléconférence. Toutefois, il permet l’affichage de la caméra Web de 25 participants à la fois contre un plus petit nombre dans Teams. En raison de l’intégration de Teams dans le calendrier d’Outlook facilitant la planification des réunions, le recours à Teams est devenu beaucoup plus simple que celui de Zoom. Il faut toutefois souligner que ces plateformes évoluent rapidement.
Si le télétravail était quasi absent avant la pandémie (médiane de 0 % à 5 % selon l’activité pharmaceutique), il s’est implanté rapidement dès le début en mars 2020. Selon notre enquête, le télétravail a permis, en ordre décroissant d’importance, la tenue de rencontres à distance (médiane de 95 %), le travail de gestion (20 %), la consultation avec les patients (20 %), les activités au centre d’information pharmaceutique (20 %), la validation pharmaceutique d’ordonnances (10 %), l’enseignement (10 %) et la tenue de certaines activités cliniques en soins pharmaceutiques (7,5 %). Comme le souligne l’American Society of Health System Pharmacists, une bonne partie des d’activités pharmaceutiques peuvent être offertes à distance, tant que le cadre juridique et les outils sont adéquats1.
Dans ses lignes directrices, l’Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec mentionne que la télépharmacie peut « viser à accroître l’accessibilité aux services, à offrir des soins continus en temps opportun, à favoriser la participation des usagers et à améliorer la qualité des soins3 ». La télépharmacie peut également aider à « pallier les ruptures de service complètes dans une installation, à soutenir ponctuellement un département de pharmacie dont les ressources sont insuffisantes, à permettre à un département de pharmacie d’offrir des soins et services pharmaceutiques à des moments clés (soirs et fins de semaine, par exemple) et à offrir une expertise spécialisée à un département de pharmacie qui n’en dispose pas ». Toutefois, il faut souligner que hormis la tenue de réunions à distance, la majorité des activités demeurent actuellement effectuées en personne dans une forte proportion, malgré la pandémie.
Quant à la proportion maximale d’heures pouvant être effectuées en télétravail, les chefs l’estiment à 50 % ou moins pour neuf des dix activités. Quelques études ont montré la faisabilité du travail à distance pour certaines activités spécifiques, telles que la validation d’ordonnances numérisées et la vérification de préparations stériles de médicaments à distance7–12. Cependant, comme un grand nombre de tâches pharmaceutiques exigent la manipulation de produits, elles ne peuvent être effectuées à distance.
Notre enquête a permis de sonder le niveau d’accord des chefs avec 29 énoncés sur les avantages et les inconvénients. Une proportion très élevée de répondants pense que la plupart des pharmaciens (96 %, 24/25) et des assistants techniques en pharmacie (76 %, 19/25) veulent faire du télétravail. Depuis le début de la pandémie, cette possibilité semble incontournable, pourvu que la personne dispose d’un endroit calme et adéquat est à domicile (100 %, 25/25). Tous les répondants considèrent que le télétravail va prendre une place croissante en pharmacie hospitalière. Une étude corrobore les résultats de notre enquête16. Cette étude révèle que l’autonomie, la conciliation travail-famille et l’efficacité du télétravail sont des facteurs qui contribuent à cet intérêt.
Selon notre enquête, plusieurs conditions nécessaires au succès du télétravail seraient présentes en pharmacie hospitalière. Une grande partie des chefs (64 %, 16/25) considèrent que les employés possèdent les équipements personnels requis, qu’ils sont prêts à utiliser leurs équipements personnels (80 %, 20/25) et qu’ils possèdent un forfait Internet suffisant (80 %, 20/25). De plus, la presque totalité des chefs croit que leur équipe travaille réellement les heures déclarées en télétravail (96 %, 24/25).
Les chefs sont d’accord avec plusieurs des avantages associés au télétravail (productivité accrue [96 %, 24/25], satisfaction accrue [100 %, 25/25], faisabilité pour la saisie et la validation des ordonnances [80 %, 20/25]). Par contre, ils croient aussi que le télétravail est difficilement applicable à la prestation de soins pharmaceutiques (84 %, 21/25).
Des améliorations doivent être apportées pour déployer le télétravail de façon efficace. Une majorité des répondants considère qu’il faut établir des critères pour déterminer quels postes se prêtent au télétravail (92 %, 23/25). Près de la moitié des chefs (48 %, 12/25) croient que le soutien informatique doit être amélioré pour assurer l’efficacité du télétravail.
Par ailleurs, les chefs des départements s’entendent sur plusieurs des inconvénients du télétravail (risque de détérioration du climat de travail et de la collaboration [76 %, 19/25], risque d’effort inéquitable entre les membres [84 %, 21/25], surcharge de travail [80 %, 20/25], bris de confidentialité [60 %, 15/25], perte de productivité [76 %, 19/25], troubles musculo-squelettiques [72 %, 18/25], désengagement des employés [76 %, 19/25] et capacité limitée d’avoir accès rapidement à un collègue sur place en cas d’absence [68 %, 17/25]).
Une grande partie des chefs des départements considèrent que le télétravail pourrait réduire en partie la pénurie de pharmaciens (72 %, 18/25) et possiblement l’absentéisme (96 %, 24/25). L’Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec estimait, en 2017, qu’il manque au moins 284 pharmaciens hospitaliers dans la province17. Si on tient compte des besoins en matière de conciliation travail-famille, il est raisonnable de penser qu’un pharmacien devant s’absenter pour un enfant malade pourrait effectuer certaines tâches en télétravail, selon son organisation familiale. Par ailleurs, les chefs des départements de pharmacie considèrent que le télétravail ne devrait pas nuire à la vie familiale ou aux relations de couple (72 %, 18/25). Il faut souligner qu’on dispose de très peu de recul sur les conséquences à moyen et à long terme du télétravail sur la santé mentale et la vie personnelle.
Au Québec, tous les départements de pharmacie sont informatisés, et les équipes offrent des services pharmaceutiques étendus (heures d’ouverture étendues sept jours sur sept du matin au soir, distribution unitaire quotidienne, nombreuses préparations magistrales stériles et non stériles centralisées, soins pharmaceutiques auprès de plusieurs clientèles hospitalisées). La conception même d’un département de pharmacie actuel repose sur des activités en personne. Le télétravail est généralement réservé aux activités de gestion.
Cette enquête montre des possibilités pour le télétravail en pharmacie hospitalière et un intérêt des pharmaciens et des assistants techniques en pharmacie. Toutefois, son implantation à grande échelle comporte de nombreux enjeux. Par exemple, la Société canadienne des pharmaciens d’hôpitaux mentionne l’importance de former et d’évaluer les employés participant aux activités de télépharmacie afin qu’ils comprennent les différents aspects légaux et pratiques de ces activités et de rédiger une politique et une marche à suivre claire pour encadrer la pratique2. Il revient aux établissements de santé d’établir ces politiques et ces marches à suivre entourant le financement, la fourniture d’équipement et le soutien informatique2.
Outre la mise en place d’un plan-cadre à l’échelle du réseau de la santé, la tenue de projets pilotes accompagnés d’une recherche évaluative, comme le propose la Société canadienne des pharmaciens d’hôpitaux, s’impose pour bien connaître les conditions de succès du télétravail et ses retombées à court, à moyen et à long terme2. Cette réflexion doit se faire en soupesant les risques de délocalisation des ressources (impartition locale, voire internationale), expérience déjà vécue dans d’autres secteurs de l’économie (p. ex. : génie, informatique, finance). Bien que le travail à distance et le télétravail permettent d’améliorer l’offre de soins, il existe tout de même un risque de perte de contact avec la validation d’ordonnances, les opérations et la préparation des médicaments. Ultimement, cela pourrait comporter des risques liés à la perte d’expertise, aux erreurs causées par le manque de connaissance des opérations et aux délais pour résoudre les problèmes.
Malgré le fort taux de réponse, les données recueillies ne reflètent que l’opinion des chefs des départements de pharmacie. Par ailleurs, une enquête auprès des pharmaciens et des assistants techniques en pharmacie pourrait donner des résultats différents. L’enquête ne traite pas de tous les enjeux pertinents, comme le risque lié à la rétention du personnel ou à la sous-traitance. En outre, certains aspects du télétravail n’ont pas été traités (p. ex. : utilisation du jeton). L’enquête a été menée au cœur de la deuxième vague de la pandémie de COVID-19. Les résultats pourraient différer une fois la pandémie terminée. L’enquête devrait donc être répétée au terme de celle-ci.
Depuis le début de la pandémie de COVID-19, le recours au travail à distance et au télétravail est en croissance au sein des départements de pharmacie des établissements de santé du Québec. Cette enquête menée auprès de 25 chefs des départements de pharmacie met en évidence de nombreux avantages et inconvénients du télétravail. Il sera important d’en tenir compte pour adapter le travail des pharmaciens et des assistants techniques au cours des prochaines années.
Aucun financement en relation avec le présent article n’a été déclaré par les auteurs.
Tous les auteurs ont rempli et soumis le formulaire de l’ICMJE pour la divulgation de conflits d’intérêts potentiels. Jean-François Bussières est membre du comité de rédaction de Pharmactuel. Les auteurs ne déclarent aucun autre conflit d’intérêt en relation avec le présent article.
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PHARMACTUEL, Vol. 55, No. 2, 2022