Profil des décisions du conseil de discipline de l’Ordre des pharmaciens du Québec de 1970 à 2021

Xue Jun Jiang, Pharm.D.1,2, Jean-François Bussières, B.Pharm., M.Sc., MBA, FSCHP, FOPQ3,4

1Candidate au Pharm.D. au moment de la rédaction, Faculté de pharmacie, Université de Montréal, Montréal (Québec) Canada;
2Stagiaire au moment de la rédaction, Unité de recherche en pratique pharmaceutique, Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine, Montréal (Québec) Canada;
3Pharmacien, chef, Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine, Montréal (Québec) Canada;
4Professeur titulaire de clinique, Faculté de pharmacie, Université de Montréal, Montréal (Québec) Canada

Reçu le 23 décembre 2021: Accepté après révision le 16 février 2022

Afin de protéger le public, l’organisation du système professionnel québécois prévoit un mécanisme de gestion disciplinaire. En pharmacie, l’Ordre des pharmaciens du Québec suggère au patient de communiquer directement avec le pharmacien pour lui demander des explications en cas d’insatisfaction. Si ses explications ne suffisent pas, le patient peut alors remplir en ligne un formulaire de demande d’enquête1. L’Ordre précise également les six étapes du cheminement d’une plainte. Au terme de son enquête, le Syndic peut choisir de déposer à son tour une plainte contre le pharmacien devant le conseil de discipline en vertu des dispositions du Code des professions2,3. En pharmacie, c’est le conseil de discipline de l’Ordre des pharmaciens qui entend ces plaintes (aussi nommé comité de discipline ou bureau de discipline, selon l’époque)4. Au 31 décembre 2021, ce conseil était un comité obligatoire de l’Ordre et comptait 25 membres et quatre secrétaires ou secrétaires suppléantes5. On peut consulter en ligne le rôle des audiences disciplinaires ainsi que les décisions du conseil de discipline7.

Depuis 2014, dans le cadre du doctorat professionnel en pharmacie, du programme de qualification en pharmacie et de la maîtrise en pharmacothérapie avancée de la Faculté de pharmacie de l’Université de Montréal, nous présentons chaque semaine aux étudiants, dans un blogue, une décision juridique impliquant un pharmacien8. Dans le cadre d’un stage à thématique optionnelle de quatre semaines de la même faculté, nous nous sommes intéressés au profil des décisions du conseil de discipline de 1970 à 2021.

L’objectif de notre démarche était de décrire le profil des décisions rendues par le conseil de discipline de janvier 1970 à juin 2021. Nous avons codifié les éléments suivants par décision : année, numéro de permis, genre de l’intimé, région, nombre de chefs d’infraction et de culpabilité, nombre et type d’infractions recodées selon 10 thèmes et 38 libellés, nombre de mois de radiation, valeur totale des amendes. Les données ont été revues, puis analysées et commentées. Les décisions disciplinaires impliquant les pharmaciens québécois sont accessibles en ligne sur CanLii depuis 2001. L’Ordre nous a fourni une copie des décisions antérieures.

Nous avons ainsi revu et codifié 1488 décisions disciplinaires, correspondant à 5941 chefs d’infraction (32 ± 24/année). Les dix années comptant le plus de décisions étaient en ordre décroissant : 1980 (n = 127), 1976 et 1978 (n = 79), 1975 (n = 64), 1988 (n = 66), 2011 (n = 57), 1977 et 1984 (n = 49), 2020 (n = 45) et 1990 (n = 41).

Dans les vingt premières années, les décisions étaient courtes, ne comportaient pas la mention du nom de l’intimé, de son genre ni de son numéro de permis. Dans 306 décisions datant majoritairement d’avant 1989, le nombre de chefs d’infraction n’était pas précisé. La figure 1 présente un histogramme du nombre de décisions rendues par année.

Trente-huit pour cent des décisions portaient sur des pharmaciens (561/1488), 17 % sur des pharmaciennes (255/1488) et 45 % ne précisaient pas le genre (672/1488). La majorité des décisions (67 %, 1005/1488) contenait le numéro de permis, ce qui permettait tout de même de connaître le nom du pharmacien impliqué.

 


 

Figure 1 Nombre de décisions du conseil de discipline de l’Ordre des pharmaciens du Québec de 1970 à 2021

Tableau I Profil détaillé du nombre et de la proportion du type d’infraction recodés par décision rendue par le Conseil de discipline de l’Ordre des pharmaciens du Québec de 1970 à 2021


 

Une décision pouvait comporter un ou plusieurs types d’infraction. L’analyse a mis en évidence 1640 types d’infractions (1,1 infraction/décision) réparties comme suit : négligence ou erreurs de dispensation (14,5 %), exercice de la pharmacie ou absence de pharmacien sur place (11,7 %), publicité professionnelle (10,2 %), vente illégale de médicaments ou vente de médicaments de l’annexe I sans ordonnance (5,2 %) et facturation ou fausses déclarations aux fins de facturation (5,1 %). Les décisions ont mené à une radiation dans 9 % (135/1488) des cas. La valeur médiane des amendes versées par les pharmaciens par année civile était de 53 225 $ (minimum : 200 $ en 1974; maximum : 630 500 $ en 2011). Certains libellés sont davantage évoqués par décennie (p. ex. : de 1971 à 1980 : publicité professionnelle; de 1981 à 1990 : absence de pharmacien sur place; de 1991 à 2000 ainsi que de 2001 à 2010 et de 2011 à 2021 : erreur de dispensation). Le nombre d’infractions augmente au fil des décennies. Le tableau I présente un profil détaillé des infractions par décennie.

Au 31 mars 2021, l’Ordre des pharmaciens du Québec comptait 9859 membres. À notre connaissance, notre étude est la première étude exploratoire sur le sujet. Elle a mis en évidence le fait qu’un nombre limité de pharmaciens avaient été reconnus coupables d’une infraction aux lois et règlements encadrant l’exercice de la pharmacie pour une diversité d’infractions au fil du temps. En consultant périodiquement les décisions du conseil de discipline de l’Ordre des pharmaciens, les pharmaciens peuvent constater les risques possibles et les éléments de leur pratique à améliorer.

Remerciements

Nous tenons à remercier l’Ordre des pharmaciens du Québec pour le partage des décisions disciplinaires de 1970 à 2001 et pour leurs commentaires.

Financement

Aucun financement en relation avec le présent article n’a été déclaré par les auteurs.

Conflits d’intérêts

Tous les auteurs ont rempli et soumis le formulaire de l’ICMJE pour la divulgation de conflits d’intérêts potentiels. Jean-François Bussières est membre du comité de rédaction de Pharmactuel. Les auteurs n’ont déclaré aucun autre conflit d’intérêts en relation avec le présent article.

Références

1. Ordre des pharmaciens du Québec. Formulaire de demande d’enquête. [en ligne] https://www.opq.org/protection-du-public/porter-plainte/comment-porter-plainte/ (site visité le 19 décembre 2021).

2. Ordre des pharmaciens du Québec. Cheminement d’une plainte. [en ligne] https://www.opq.org/protection-du-public/porter-plainte/cheminement-dune-plainte/ (site visité le 19 décembre 2021).

3. LégisQuébec. Code des professions. LRQ c.C-26, Art. 116. [en ligne] http://legisquebec.gouv.



Pour toute correspondance: Jean-François Bussières, Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine, 3175, chemin de la Côte-Sainte-Catherine, Montréal (Québec) H3T 1C5, CANADA; Téléphone : 514 343-4603; Courriel : jf.bussieres@ssss.gouv.qc.ca

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PHARMACTUEL, Vol. 55, No. 2, 2022