Le pharmacien dans les médias : exploration et analyse de la presse de 1981 à 2021 au Québec

Charlotte Jacolin1,2, interne en pharmacie, Vicky Vo3, Pharm.D., Jean-François Bussières3,4, B.Pharm., M.Sc., MBA, FSCHP, FOPQ

1Doctorante en pharmacie au moment de la rédaction, Faculté de pharmacie, Université Claude Bernard, Lyon, France;
2Résidente en pharmacie au moment de la rédaction, Unité de recherche en pratique pharmaceutique, Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine, Montréal (Québec) Canada;
3Pharmacien, Unité de recherche en pratique pharmaceutique, Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine, Montréal (Québec) Canada;
4Professeur titulaire de clinique, Faculté de pharmacie, Université de Montréal, Montréal (Québec) Canada

Reçu le 18 novembre 2022; Accepté après révision le 20 avril 2023

Résumé

Objectif: Décrire et quantifier la présence des pharmaciens dans une sélection de médias écrits québécois.

Méthode: Étude descriptive exploratoire. La recherche menée dans la base de données Eureka.cc incluait des articles de presse en français parus entre le 1er janvier 1981 et le 31 décembre 2021 contenant le mot « pharmacien » dans le titre et dans le texte de l’article (équation de recherche : TEXT= pharmacien& TIT_HEAD= pharmacien). Pour chaque article, 24 variables regroupées en 15 catégories ont été colligées.

Résultats: Sur les 385 articles publiés, 381 ont été retenus. Ils provenaient principalement de La Presse (34 %, 130/381) et du Journal de Montréal (15 %, 58/381). La majorité (54 %, 204/381) portaient sur des éléments relatifs à la législation, notamment sur la déontologie, les crimes ou les nouveaux textes législatifs. Les pratiques décrites étaient relatives à l’exercice de la pharmacie en officine (85 %, 322/381), en établissement de santé (6 %, 24/381), dans l’industrie pharmaceutique (1 %, 3/381) et dans d’autres contextes (8 %, 32/381). Près de la moitié des articles (46 %, 175/381) ont été codifiés comme ayant une influence négative sur l’image du pharmacien et de la profession.

Conclusion: Cette étude décrit et quantifie la présence de pharmaciens dans divers médias écrits québécois. De 1981 à 2021, on trouve peu de mentions du terme « pharmacien » dans le titre et le corps des textes analysés. À la lumière de ce constat, il est important de réfléchir à la façon de rehausser la présence des pharmaciens dans les médias afin de mieux les représenter et de mieux faire connaître leur rôle.

Mots clés: analyse de presse, médias, pharmacie, pharmacien

Abstract

Objective: To describe and quantify pharmacists’ exposure in selected Quebec print media.

Method: Exploratory, descriptive study. The search conducted in the Eureka.cc database included French-language press articles published between January 1, 1981 and December 31, 2021 containing the word “pharmacien” in the title and the body of the article. (search equation: TEXT= pharmacien& TIT_HEAD= pharmacien). For each article, 24 variables grouped into 15 categories were collected.

Results: Of the 385 articles published, 381 were selected. They were mainly from La Presse (34%, 130/381) and the Journal de Montréal (15%, 58/381). Most of them (54%, 204/381) dealt with matters related to legislation, mainly ethics, crimes or new pieces of legislation. The practices described pertained to pharmacy practice in community pharmacies (85%, 322/381), in healthcare facilities (6%, 24/381), in the pharmaceutical industry (1%, 3/381) and in other settings (8%, 32/381). Close to half of the articles (46%, 175/381) were coded as having a negative influence on the image of pharmacists and the profession.

Conclusion: This study describes and quantifies pharmacists’ exposure in various Quebec print media. From 1981 to 2021, there were few instances in which the word “pharmacien” appeared in the title or body of the articles analyzed. In light of this finding, it is important to reflect on how to enhance pharmacists’ media exposure in order to better represent them and raise awareness of their role.

Keywords: Media, pharmacist, pharmacy, press analysis

Introduction

Le développement d’une profession repose sur différents facteurs, tels que des idées, des gens, des lois, l’évolution de la société, mais aussi sur une variété d’organismes. Par exemple, l’Association nationale des organismes de réglementation en pharmacie veille au respect du cadre juridique propre à chaque entité1. Des facultés de pharmacie proposent un cursus universitaire qui prépare les pharmaciens à exercer leur métier2. Les départements de pharmacie en établissement de santé ou les pharmacies d’officine offrent, quant à eux, un milieu de travail structuré permettant de soigner des patients. D’autres facteurs contribuent sans doute à l’évolution de la pratique pharmaceutique.

Au cours de la dernière décennie, on note l’influence grandissante des médias, particulièrement des médias sociaux, dans l’évolution de nos sociétés3. Ce qui est dit et écrit à propos d’une personne, d’une organisation, d’une société ou d’un pays peut influencer le cours des choses, que les propos soient véridiques ou non.

Un sondage de l’Institut d’opinion et de marketing, mené en 2020 en France, rapporte que 94 % des Français font confiance au pharmacien en général. Mieux encore, 97 % confirment cette confiance envers leur pharmacien de quartier, un chiffre pour la première fois identique à celui des médecins généralistes4.

Dans un sondage de la firme Léger sur les professions, mené au Québec en 2022, les répondants disent faire confiance aux pharmaciens dans une proportion de 95 %, après les pompiers (97 %), les ambulanciers (96 %) et ex æquo avec les infirmières et les pilotes d’avion5. Suivent les médecins et les agriculteurs (94 %), les électriciens (93 %) et les enseignants (92 %). À l’autre extrémité, on note les influenceurs (10 %), les vendeurs (32 %), les députés et ministres (41 %), les journalistes (54 %) et les avocats (60 %). « Quatre véritables catégories de métiers trônent au sommet de la confiance dans notre baromètre annuel des professions : les pompiers, qui occupent depuis toujours le premier rang, tous les métiers liés au milieu médical, les pilotes d’avion, envers qui nous n’avons pas le choix d’éprouver une confiance aveugle, ainsi que les agriculteurs, qui s’ancrent dans notre histoire et font notre fierté » 5. Des données similaires ont été colligées en 20216.

D’autres enquêtes ailleurs dans le monde confirment l’appui important qu’obtiennent les pharmaciens d’officine ou d’établissement de santé des différents groupes sondés710.

En dépit de ces palmarès de popularité ou de reconnaissance, nous n’avons pas retracé d’analyse de presse permettant de témoigner de ce qui se publie à propos des pharmaciens dans les médias traditionnels (journaux quotidiens, hebdomadaires ou autre). L’objectif de cette étude était de décrire et de quantifier la présence des pharmaciens dans divers médias écrits québécois.

Méthode

Il s’agit d’une étude descriptive exploratoire.

Source de données

Cette étude a été menée à l’aide de la base de données Eureka.cc. Cette dernière permet de faire une recherche dans plusieurs millions d’articles de journaux et de revues du Canada et d’ailleurs dans le monde, de communiqués d’agences de presse, de transcriptions d’émissions de radio et de télévision et de différents médias sociaux. « Une grande partie des milliers de sources couvertes offre les articles en texte intégral, et plusieurs les rendent également disponibles en format PDF. On peut y suivre l’actualité de 130 pays en 15 langues » 11.

Critères d’inclusion et d’exclusion

La recherche incluait des articles de presse en français publiés entre le 1er janvier 1981 et le 31 décembre 2021 contenant le mot « pharmacien » dans le titre et dans le corps de l’article (équation de recherche : TEXT= pharmacien& TIT_HEAD= pharmacien). Elle a été effectuée dans neuf quotidiens de la presse écrite de six grandes villes québécoises (La Presse et La Presse+ (Montréal), Le Journal de Montréal (Montréal), Le Devoir (Montréal), Le Droit (Gatineau), Le Nouvelliste (Trois-Rivières), La Tribune (Sherbrooke), Le Progrès (Saguenay), Le Quotidien (Saguenay) et Le Soleil (Québec).

Les articles du Journal de Québec (considérés comme un doublon de ceux du Journal de Montréal), ayant un renvoi sur la une du journal (déjà comptabilisés sur la une) ou sans lien avec le mot-clé « pharmacien » ont été exclus.

Extraction et codification des articles

À partir de cette stratégie de recherche, nous avons extrait d’Eureka les articles répondant aux critères d’inclusion. Les plus anciens étant absents de la base de données, ils ont été consultés sur le site de Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BANQ numérique).

Pour chaque article, 24 variables regroupées en 15 catégories (date de publication, média, auteur, titre de l’article, position dans le journal, organisation, type de pratique, thèmes principaux et secondaires, référence à une loi ou à un règlement, sexe du pharmacien, capacité d’identifier le plaignant et le pharmacien, mention de la sanction, illustration utilisée pour l’article, influence (positive, négative, neutre) de l’article et mention de la COVID-19 ont été repérées et consignées dans un chiffrier (Excel, Microsoft, Seattle, WA, É-U).

En ce qui concerne les thèmes principaux et secondaires, nous avons établi un lexique de base que nous avons bonifié après la codification d’une trentaine d’articles afin d’éviter les chevauchements et de faciliter la codification. La codification des articles déjà saisis a été revue.

Les articles ont été classés en huit thèmes principaux (législation, profession, autre, aménagement, services et soins, technologie, remboursement et recherche) et 19 thèmes secondaires. En ce qui concerne l’influence, elle a été codifiée selon les balises suivantes : positive (p. ex. : valorisation du rôle du pharmacien, évolution technologique, bon maillage territorial des pharmacies), neutre (p. ex. : rachat des pharmacies, fait divers), négative (p. ex. : non-respect du code de déontologie, crime).

Les articles ont été codifiés par l’une ou l’autre des assistantes de recherche (CJ, VV). Le processus de codification a été supervisé par un pharmacien (JFB). Les divergences ont été résolues par consensus.

Plan d’analyse

Nous avons fait une analyse statistique descriptive des données recueillies. Nous avons calculé le nombre d’articles inclus par quotidien et par année ainsi que le nombre d’articles et leur proportion par thème principal et secondaire. Enfin, nous avons calculé la proportion d’articles selon leur influence (positive, négative, neutre) par année.

Résultats

Sur les 385 articles parus entre le 1er janvier 1981 et le 31 décembre 2021, nous en avons retenu 381. En moyenne 9,5 articles comprenant le terme « pharmacien » ont été publiés chaque année avec des pics de plus de 20 articles en 2005 (notamment cinq sur le démantèlement d’un trafic de stupéfiants et trois sur la pénurie de pharmaciens en établissement de santé) ainsi qu’en 2014, 2015 et 2016 (suivi du procès de plusieurs pharmaciens). La figure 1 présente le nombre d’articles retenus par année.

Les articles provenaient principalement de La Presse (34 %, 130/381) et du Journal de Montréal (15 %, 58/381). Toutefois, de 1983 à 1991, ils provenaient uniquement de La Presse. La figure 2 présente le nombre d’articles par quotidien.

Les 381 articles retenus ont été rédigés par 201 auteurs (médiane 1, min. : 1; max. : 18). Un chroniqueur du Journal de Montréal s’intéressait davantage aux éléments disciplinaires entourant l’exercice de la pharmacie.

Le chapitrage de chaque journal varie, et la position relative d’un article dans un média a un effet sur le taux de lecture. Les articles inclus étaient situés à 36 % (95/262) dans le cahier A, à 27 % (70/262) dans la section des actualités, à 7 % (18/262) dans le cahier B et à 30 % (79/262) dans les autres sections. Le nombre moyen de mots par article étaient de 390 (écart type : 244).

La majorité des articles (53,5 %) portaient sur des éléments relatifs à la législation, comme la déontologie, les crimes commis ou subis ou les nouveaux textes législatifs. Sur les 14 articles publiés après le début de la pandémie (mars 2020), seulement six mentionnaient la COVID-19. Le tableau I présente le nombre et la proportion d’articles par thème principal et secondaire.

Dans certains articles, des organisations étaient citées, notamment l’Ordre des pharmaciens (29,2 %, 93/319 articles), les cours de justice provinciales (15,4 %, 49/319), les pharmacies de quartier (12,2 %, 39/319) et le Groupe Jean Coutu (6,6 %, 21/319).

Les pharmaciens cités dans les articles étaient des hommes dans 97 % (264/271) des articles. Lorsqu’applicable, le pharmacien cité dans l’article était identifiable dans 90 % (244/270) des articles.

Les pratiques décrites étaient relatives à l’exercice de la pharmacie en officine (85 %, 322/381), en établissement de santé (6 %, 24/381), dans l’industrie pharmaceutique (1 %, 3/381) et dans d’autres milieux (8 %, 32/381).

 


 

Figure 1 Nombre d’articles retenus par année

 


 

Figure 2 Nombre d’articles par quotidien

Les articles extraits comportaient une illustration dans 35,4 % des cas, dont plus de la moitié étaient des photos du pharmacien mentionné dans l’article. D’autres photos illustraient la devanture d’une pharmacie (5,3 %), des produits (5,3 %), le processus d’offre de soins (3,8 %), un compte-pilule (2,3 %) ou d’autres éléments (29,8 %).

Près de la moitié des articles (46 %, 175/381) ont été codifiés comme ayant une influence négative sur l’image du pharmacien et de la profession. Ils étaient majoritairement issus de La Presse, du Journal de Montréal et du Soleil. La figure 3 présente la nature de l’influence attribuée à chaque article.

Tableau I Nombre et proportion d’articles par thème principal et secondaire


Discussion

Place du pharmacien dans les médias

En 1996, Buerki a publié une analyse de presse sur les pharmaciens de 1802 à 1994 dans laquelle il décrit d’importants changements à l’image publique du pharmacien américain12. L’opinion de la population envers les pharmaciens semble s’améliorer grâce à l’optimisation des performances des pharmaciens et aux efforts en matière de relations publiques. En 2013, Schindel a publié une analyse de presse sur le rôle du pharmacien comme nouveau prescripteur de médicaments en Alberta13. L’auteur note que « des visions multiples et contradictoires de la prescription pharmaceutique coexistent. Les pharmaciens et les organisations pharmaceutiques doivent clarifier et uniformiser la prescription des pharmaciens dans l’intérêt général en y intégrant divers éléments dans les services de santé [traduction libre] » 13.

Veilles électroniques

De nombreuses organisations recourent à des sociétés spécialisées, comme Meltwater ou Cision, pour les veilles électroniques portant sur l’ensemble des professionnels de la santé14,15. Ces veilles permettent d’informer les membres des conseils d’administration ou des équipes de direction pour qu’ils puissent réagir proactivement en cas de risque pour la réputation de l’établissement ou d’influence anticipée sur les activités de l’organisme. Ces sociétés spécialisées proposent aussi des analyses de presse. Toutes ces analyses, y compris celles sur les pharmaciens et leurs activités, sont généralement effectuées contre rémunération et ne sont pas diffusées dans la collectivité à grande échelle. À notre connaissance, notre article représente la première analyse de presse publiée sur le pharmacien au Québec.

 


 

Figure 3 Nature de l’influence attribuée à chaque article

Une couverture de presse limitée

Au 31 mars 2022, le Québec comptait près de 10 000 pharmaciens inscrits au tableau de l’Ordre des pharmaciens du Québec contre environ 3430 au 31 mars 198116,17. Il est étonnant de constater qu’en moyenne, seulement 9,5 articles par année ont été publiés sur le pharmacien, même si la tendance est globalement à la hausse. Néanmoins, une grande proportion des articles se trouvaient dans le premier cahier des quotidiens, signe d’un positionnement d’importance dans les médias.

Quelques hypothèses expliquent cette couverture de presse limitée de l’exercice de la pharmacie dans les médias québécois. Premièrement, les médias traditionnels parlent davantage des médecins et des infirmières. Le Québec compte près de 25 000 médecins et plus de 80 000 infirmières, des effectifs beaucoup plus nombreux que ceux des pharmaciens.

Une réflexion devrait être faite à cet égard, et les pharmaciens pourraient penser à des façons créatives d’augmenter leur visibilité dans les médias généraux. Par exemple, individuellement, les pharmaciens prennent peu la parole dans les médias québécois ou sur les médias sociaux.

Deuxièment, notre étude ne permet pas de mesurer les efforts des principaux organismes représentant les pharmaciens du Québec (p. ex. : Ordre des pharmaciens du Québec, Association québécoise des pharmaciens propriétaires, Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec, facultés de pharmacie des deux universités) pour médiatiser la profession, car ces efforts ne sont pas publics. Ainsi, il ne suffit pas pour un organisme d’interpeller les médias en convoquant une conférence de presse, en publiant un communiqué ou en organisant une activité publique pour que la manchette soit reprise dans les médias généraux. Il revient aux différents quotidiens de choisir les nouvelles qu’ils souhaitent relayer.

Couverture des décisions disciplinaires

La majorité des articles portaient sur des éléments relatifs à la législation, comme la déontologie, les crimes ou encore les nouveaux textes législatifs. Les actes dérogatoires à l’exercice de la pharmacie peuvent faire l’objet de sanctions du conseil de discipline de l’Ordre des pharmaciens du Québec ou d’autres tribunaux. En droit disciplinaire, les audiences sont généralement publiques18. En outre, le Code des professions prévoit, lors de la radiation ou de la limitation de l’exercice, la « publication d’un avis dans un journal circulant dans le lieu où le professionnel à son domicile professionnel et dans tout autre lieu où le professionnel a exercé ou pourrait exercer sa profession » 19. Cette disposition juridique explique en partie la couverture médiatique accordée aux décisions disciplinaires.

L’autre moitié des articles analysés portait davantage sur une variété d’aspects professionnels de l’exercice de la pharmacie (pratique, aménagements de pharmacie, technologies, services et soins pharmaceutiques, etc.).

Représentation des hommes

La presque totalité des articles retenus porte sur des pharmaciens de sexe masculin. Cette surreprésentation est étonnante si on considère l’évolution de la composition de l’effectif pharmaceutique au fil du temps. Les femmes « deviennent majoritaires dès le début des années 1970 » 20 et le sont toujours. Le rapport annuel 2020–2021 de l’Ordre des pharmaciens du Québec indique que la profession compte 67 % de femmes21. Notre enquête ne permet pas de vérifier si la représentation très élevée de pharmaciens de sexe masculin dans les articles consultés est liée à une plus grande proportion de ces derniers dans des décisions disciplinaires. Cependant, cette hypothèse ne suffit pas à expliquer, à elle seule, la quasi-absence des pharmaciennes. Ce point mérite certainement une attention particulière.

Représentation des pharmaciens des établissements de santé

Une majorité des articles retenus faisait référence à l’exercice de la pharmacie en officine contre une minorité en établissement de santé ou ailleurs. Au 31 mars 2021, 73 % des pharmaciens inscrits au tableau de l’Ordre des pharmaciens du Québec exerçaient en officine contre seulement 18 % en établissement de santé21. La présence des pharmaciens dans les établissements de santé est généralement méconnue du grand public, et notre analyse de presse va dans ce sens. Les pharmaciens d’officine ont pignon sur rue, sont représentés dans les médias dans le cadre de campagnes publicitaires et de circulaires de produits visant à créer de l’achalandage dans le commerce. En établissement de santé, il n’y a pas de telle campagne. Bien que des pharmaciens d’établissement aillent dans les écoles secondaires et les cégeps sensibiliser les étudiants à la possibilité d’une carrière en pharmacie hospitalière, il reste beaucoup à faire pour mieux faire connaître le rôle du pharmacien d’établissement.

Illustrations

De tous les articles analysés, plus du tiers étaient accompagnés d’une illustration, dont plus de la moitié représentait le pharmacien mentionné dans l’article. La portée d’une image est souvent plus importante que celle du texte lui-même, particulièrement lorsque les articles sont consultés sur un dispositif mobile de petite taille (p. ex. : téléphone, tablette). D’autres travaux seraient pertinents afin de commenter la représentation de la pharmacie par les images dans les médias.

Image négative dans les médias

Près de la moitié des articles analysés ont été codifiés comme ayant une influence négative sur l’image du pharmacien et de la profession. De toutes les années étudiées, c’est de 1987 à 1996, puis de 2005 à 2019 que la proportion d’articles négatifs dépasse 50 %. Comme plusieurs de ces articles portaient sur des événements disciplinaires, c’est la publication de sanctions qui a entraîné une série de plusieurs articles nuisant à l’image du pharmacien.

Yanicak et coll. se sont intéressés à la place du pharmacien dans les films et à la télévision aux États-Unis de 1970 à 201322. Ils ont trouvé 231 portraits de pharmaciens, dont 145 (63 %) étaient négatifs, 30 (13 %) étaient positifs et 56 (24 %) étaient neutres.

COVID-19

Fait étonnant, notre enquête ne recense que 14 articles publiés depuis le déclenchement, le 13 mars 2020, de l’état d’urgence sanitaire lié à la pandémie de COVID-19 au Québec. En pareil contexte, on se serait attendu à un plus grand nombre de publications sur le pharmacien.

Limites

Le recours à une stratégie élargie de recherche (p. ex. : recherche du mot pharmacien dans le texte OU dans le titre) aurait permis de trouver un plus grand nombre d’articles à analyser. Toutefois, compte tenu de la durée du stage, il n’était pas réaliste d’en analyser davantage. L’utilisation d’autres termes (p. ex. : pharmacie, médicament) pourrait accroître la portée d’une telle analyse. De plus, des articles peuvent traiter de l’exercice de la pharmacie à l’aide d’autres termes (p. ex. : droit donné aux pharmaciens de vacciner la population contre la COVID-19 ou encore de prescrire des antiviraux contre cette infection). Par ailleurs, la codification de l’effet des articles évalués est subjective. D’autres personnes pourraient avoir une opinion différente.

Conclusion

Cette étude décrit et quantifie la présence des pharmaciens dans divers médias écrits québécois. De 1981 à 2021, on trouve peu de mentions du terme pharmacien dans les titres et le corps des textes parus dans les médias analysés. De plus, les pharmaciens d’établissement de santé sont peu cités, tout comme les femmes, pourtant majoritaires dans la profession. À la lumière de ce constat, il est important de réfléchir à des façons de rehausser la présence des pharmaciens dans les médias afin de mieux le représenter et de mieux faire connaître son rôle. D’autres travaux sont toutefois nécessaires pour mieux décrire sa place dans la presse écrite au Québec. Par ailleurs, les médias sociaux prenant une place de plus en plus grande dans la société, leur inclusion dans une prochaine recherche serait pertinente.

Financement

Les auteurs n’ont déclaré aucun financement lié au présent article.

Conflits d’intérêts

Les auteurs ont soumis le formulaire de l’ICMJE pour la divulgation de conflits d’intérêts potentiels. Jean-François Bussières est membre du comité de rédaction de Pharmactuel. Les autres auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts lié au présent article.

Références

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Pour toute correspondance : Jean-François Bussières, Unité de recherche en pratique pharmaceutique et Département de pharmacie, Centre hospitalier universitaire Saint-Justine, 3175, chemin de la Côte-Sainte-Catherine, Montréal (Québec) H3T 1C5, CANADA; Téléphone : 514 345-4931; Courriel : jean-françois.bussières.hsj@ssss.gouv.qc.ca

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PHARMACTUEL, Vol. 56, No. 3, 2023