Gestion

Évaluation et optimisation de l’affectation des pharmaciens en distribution au Centre hospitalier universitaire de Québec–Université Laval

Isa-Kelly Gagnon*1,2, Pharm.D., Serge-Olivier Mercier*1,2, Pharm.D., Isabelle Marceau3, B.Pharm., M.Sc., Geneviève Tremblay3,4, B.Pharm.

1Candidat(e) à la maîtrise en pharmacothérapie avancée au moment de la rédaction, Faculté de pharmacie, Université Laval, Québec (Québec) Canada;
2Résident(e) en pharmacie au moment de la rédaction, CHU de Québec – Université Laval, Hôpital Saint-François d’Assise, Québec (Québec) Canada;
3Pharmacienne, CHU de Québec – Université Laval, Hôpital Saint-François d’Assise, Québec (Québec) Canada;
4Adjointe au chef du département de pharmacie, CHU de Québec – Université Laval, Hôpital du Saint-Sacrement et Hôpital Saint-François d’Assise, Québec (Québec) Canada
*Isa-Kelly Gagnon et Serge-Olivier Mercier ont contribué de façon équivalente à la rédaction de cet article.

Reçu le 3 mai 2023; Accepté après révision le 12 juillet 2023

Résumé

Objectif: Déterminer si le nombre actuel de pharmaciens affectés à la distribution à l’Hôpital Saint-François d’Assise du Centre hospitalier universitaire de Québec–Université Laval est adapté à la charge de travail et aux tâches quotidiennes.

Description de la problématique: La validation des ordonnances constitue une étape primordiale et charnière du circuit du médicament dans un centre hospitalier. Pour en assurer l’efficience et la sécurité, on doit porter une attention particulière à établir les ressources humaines nécessaires. D’un centre hospitalier à l’autre, le nombre de personnes attribuées peut grandement varier en fonction de la réalité de chaque milieu.

Résolution de la problématique: Dans un premier temps, deux outils de collecte prospective ont été créés afin d’obtenir le point de vue et les commentaires des pharmaciens et de cibler les éléments principaux nuisant à leur rendement. Dans un deuxième temps, sous un volet rétrospectif, le nombre de pharmaciens affectés à la distribution a pu être établi et comparé à celui des assistants techniques en pharmacie. Dans un troisième temps, des données objectives sur le nombre d’ordonnances validées par heure ont été recueillies afin de produire des rapports d’activités de manière à quantifier le volume moyen de feuilles d’ordonnances numérisées et traitées.

Conclusion: Ce processus d’évaluation a permis de formuler certains constats, à la fois objectifs et subjectifs, qui ont pu mener à des recommandations en vue de l’optimisation du nombre de pharmaciens affectés à la distribution. Toutefois, les données étant insuffisantes, aucune recommandation n’a pu être formulée au sujet de l’affectation des assistants techniques en pharmacie.

Mots clés: Affectation du personnel, distribution des médicaments, efficience, établissement de santé, pharmacien, validation

Abstract

Objective: To determine whether the current number of pharmacists assigned to dispensing at the Hôpital Saint-François d’Assise of the Centre hospitalier universitaire de Québec-Université Laval is suitable for the amount of work and daily tasks.

Problem description: Prescription validation is an essential and pivotal step in the medication circuit in the hospital setting. To ensure its efficiency and safety, special attention should be drawn to ensuring the necessary human resources. The number of individuals assigned to dispensing can vary greatly among hospitals, depending on the reality of each facility.

Problem resolution: First, two prospective data collection tools were created to obtain pharmacists’ perspectives and comments and to identify the main barriers regarding their performance. Second, the number of pharmacists assigned to dispensing was retrospectively determined and compared with the number of pharmacy technical assistants. Third, objective data on the number of prescriptions validated per hour were gathered to produce activity reports and quantify the average number of prescriptions scanned and processed.

Conclusion: Through this evaluation process, a number of findings, both objective and subjective, were identified and could be used to develop recommendations for optimizing the number of pharmacists assigned to dispensing. However, due to insufficient data, no recommendations could be made regarding the allocation of pharmacy technical assistants.

Keywords: Drug dispensing, efficiency, health-care facility, pharmacist, staff allocation, validation

Introduction

La validation des ordonnances est une activité centrale et fondamentale du travail du pharmacien en milieu hospitalier. Le processus de validation des ordonnances en établissement de santé consiste à exécuter de façon sûre et efficace les ordonnances, puis à faire une analyse pharmaceutique complète du dossier à l’aide des informations disponibles et basée sur le jugement professionnel du pharmacien. Une vérification de l’exactitude des données saisies par le personnel technique a aussi lieu1,2. Le travail des pharmaciens attitrés à la distribution comporte de nombreuses activités connexes : répondre aux appels téléphoniques portant parfois sur des questions complexes, enseigner aux résidents en pharmacie, gérer les produits de remplacement et les ruptures d’inventaire, effectuer les contrôles de qualité, etc.37.

Afin d’encadrer cette activité, l’Ordre des pharmaciens du Québec (OPQ) a développé une démarche standardisée d’évaluation et d’analyse des ordonnances conforme aux pratiques actuelles8,9. Cette démarche priorise l’offre de soins pharmaceutiques dans une approche intégrée des soins, plutôt que selon le modèle centré uniquement sur la distribution des médicaments10. Cette évolution de la pratique pharmaceutique, déjà bien en place dans le réseau de la santé, implique une modification des besoins et du temps nécessaire à l’exécution des tâches associées à la validation des ordonnances.

Description du problème

Sans une gestion optimale, la validation des ordonnances peut limiter la capacité d’un centre hospitalier d’assurer une couverture adéquate des soins pharmaceutiques, entre autres en accaparant davantage de ressources11. La validation doit être efficace, tout en étant complète et rigoureuse pour assurer la conformité, la sécurité et l’optimisation des ordonnances. Elle demande inévitablement une attention particulière lorsqu’il est question de déterminer les ressources humaines nécessaires, soit le nombre de pharmaciens et d’assistants techniques en pharmacie (ATP). D’un établissement à l’autre, l’affectation des ressources au cours d’une journée varie grandement en fonction de plusieurs facteurs, notamment le nombre et le type d’ordonnances, l’expérience de l’équipe, le nombre d’appels, etc. Il est important de s’attarder à ce problème pour assurer une dotation efficace, sûre et efficiente.

L’objectif principal de ce projet est de déterminer si l’affectation actuelle des pharmaciens en distribution à l’Hôpital Saint-François d’Assise (HSFA) du CHU de Québec–Université Laval, est adapté à la charge de travail et aux tâches quotidiennes. Les objectifs spécifiques sont les suivants : faire des recommandations sur le nombre de pharmaciens affectés à la distribution en fonction de la charge de travail et des tâches à accomplir selon le moment de la journée et de la semaine, décrire le nombre moyen de validations (nombre d’ordonnances validées par heure) effectuées spécifiquement par les pharmaciens de l’Hôpital Saint-François d’Assise, repérer les facteurs pouvant ralentir ou alourdir la charge de travail et évaluer de façon macroscopique l’influence de l’affectation ATP sur le flux de travail et l’affectation des pharmaciens et, au besoin, proposer des recommandations.

Résolution du problème

La collecte de données s’est faite en quatre temps. Comme les recommandations définitives ciblent un seul des emplacements du CHU de Québec–Université Laval, seules des données de l’Hôpital Saint-François d’Assise ont été utilisées. Ce projet a été mené par des résidents en pharmacie de l’Université Laval dans le cadre du cours Gestion de la pratique en établissement de santé de la maîtrise en pharmacothérapie avancée.

Dans un premier temps, les pharmaciens de l’HSFA ont été sondés. Deux outils de collecte prospective ont été mis au point. Un premier, sous forme de sondage électronique, recueillait l’opinion générale et les commentaires des pharmaciens. Le second, un questionnaire manuscrit, permettait de recueillir des informations clés pendant la période de distribution du 20 juin au 8 juillet 2022. Ce questionnaire évaluait et quantifiait entre autres les problèmes et les interruptions au quotidien.

Onze pharmaciens sur 20 ont répondu au sondage. En ce qui concerne la vitesse de validation, 55 % des pharmaciens se considèrent comme plus rapides que la moyenne, 36 % se situent dans la moyenne et 9 %, légèrement sous la moyenne. L’ensemble des répondants croient que le nombre actuel de pharmaciens affectés à la distribution peut être amélioré. Selon 25 % d’entre eux, le problème est lié à un manque d’effectifs occasionnel, tandis qu’un autre 25 % l’associent à un sureffectif. Les plages horaires problématiques sont variables. Les deux plages les plus mentionnées sont de 16 à 18 heures et en fin d’avant-midi. Entre 16 et 18 heures, les pharmaciens considèrent qu’ils sont en nombre insuffisant tandis qu’en fin d’avant-midi, ils seraient en trop grand nombre. Les erreurs de saisie et la gestion des ordonnances problématiques sont les deux éléments influençant davantage les rendements. Quant aux commentaires généraux recueillis, l’inadéquation entre les horaires des pharmaciens et des ATP, l’utilisation, par certains pharmaciens, des heures de distribution pour effectuer des tâches personnelles et les bruits ambiants ont été mentionnés, à plusieurs reprises, comme des éléments problématiques.

Cinquante et un formulaires manuscrits ont été comptabilisés. Le nombre d’appels reçus et effectués, le nombre d’interruptions par les ATP (p. ex. : validation contenant-contenu, questions, vérification de narcotiques), le nombre d’ordonnances problématiques et le nombre de corrections demandées pour des erreurs de saisie ont été comptabilisés par quart de travail. Aucune tendance claire n’est ressortie, le nombre d’interruptions en distribution semblant aléatoire tout au long de la période de collecte.

Dans un deuxième temps, de façon rétrospective, le nombre actuel de pharmaciens affectés à la distribution a été évalué et comparé à celui des ATP. L’horaire des pharmaciens en saison régulière demeure fixe d’une semaine à l’autre. Par conséquent, aucune période n’a été ciblée pour la collecte de données. L’horaire des ATP est toutefois plus complexe et variable. En effet, les changements dans l’attribution des tâches sont fréquents au cours d’une même journée, ce qui rend difficilement quantifiable le rendement à la saisie. Une période de 10 jours, soit du 28 mars au 8 avril 2022, a été choisie afin d’établir un portrait type de l’horaire moyen des ATP à la saisie d’ordonnances.

La figure 1 met en évidence un sureffectif de pharmaciens comparativement aux ATP entre 11 heures et midi, et un sous-effectif de pharmaciens comparativement aux ATP entre midi et 13 heures. Ces résultats corroborent les données subjectives du sondage auprès des pharmaciens.

Dans un troisième temps, une compilation exhaustive des données de validation des logiciels GesphaRx et NUMERx a été effectuée sur une période de 18 jours, soit du 28 mars au 22 avril 2022. Les données de GesphaRx portent sur le nombre d’ordonnances, soit un seul médicament à la fois, tandis que celles de NUMERx portent sur le nombre de feuilles d’ordonnances. La distinction est importante, car une feuille contient normalement plus d’une ordonnance.

Le nombre d’ordonnances validées par chaque pharmacien affecté à la distribution a d’abord été comptabilisé à l’aide du logiciel GesphaRx. En moyenne, un pharmacien de l’Hôpital Saint-François d’Assise valide 51 ± 34 ordonnances à l’heure. Cette grande variation peut être liée à de nombreux facteurs, tels qu’une variation interindividuelle, le moment de la journée, la nature et la complexité des ordonnances analysées, les interruptions, les tâches connexes effectuées et le nombre de pharmaciens à la distribution. Dans le but d’obtenir des données plus précises tenant compte de la variation de la vitesse de validation selon le moment de la journée, des sous-analyses ont été menées. Ainsi, un pharmacien à l’HSFA valide 80 ± 41 ordonnances à l’heure les lundis comparativement à 68 ± 30 ordonnances à l’heure du mardi au vendredi entre 8 et 10 heures. Le choix de cet intervalle est justifié par l’absence de limite imposée par le nombre de feuilles d’ordonnances dans le numériseur, la pharmacie étant fermée depuis 22 heures la veille (18 heures le dimanche) et les ATP ayant commencé la saisie depuis 7 heures 30.

Ensuite, à l’aide de NUMERx, le volume de feuilles d’ordonnances insérées dans le numériseur a été comptabilisé par heure et mis en relation avec le volume de feuilles validées. Les feuilles insérées représentent les feuilles d’ordonnances numérisées par le personnel soignant des étages, tandis que les feuilles validées représentent le traitement de ces dernières par le pharmacien. La figure 2 illustre le volume moyen de feuilles insérées et validées sur la période de la collecte. Grâce à ces informations, le volume résiduel de feuilles d’ordonnances a été calculé. Il s’agit donc du nombre restant de feuilles dans le numériseur, soit le nombre de feuilles d’ordonnances validées sortant du numériseur moins le nombre de feuilles insérées par heure. Il est possible de remarquer une accumulation de ce volume résiduel entre midi et 13 heures, du mardi au vendredi. Le nombre de feuilles insérées demeure alors stable. Le lundi, les courbes des feuilles insérées et validées en après-midi se chevauchent.

La priorité des feuilles d’ordonnances (identifiée par « STAT » lorsque c’est urgent ou « STAT +++ » lorsque c’est très urgent) a été comptabilisée au moment de leur archivage. Les priorités « RÉGULIÈRE » ou « NON URGENTE » n’ont pas été comptabilisées. À noter qu’il revient au personnel de l’étage qui numérise la feuille d’ordonnances de déterminer l’urgence du traitement faisant l’objet d’une ordonnance. Ces données sont présentées à la figure 2.

En dernier lieu, les données recueillies ont été compilées et analysées afin d’évaluer de manière globale le nombre actuel de pharmaciens affectés à la distribution à l’Hôpital Saint-François d’Assise et de son adéquation à la charge de travail quotidienne dans le but de formuler des recommandations d’optimisation. Au terme de cette étape, une rencontre a eu lieu avec les deux pharmaciennes gestionnaires responsables du projet afin de discuter des données compilées et des recommandations qui découlent de leur analyse.

Discussion

Proposer une affectation optimale des pharmaciens aux différentes plages horaires de validation n’est pas une tâche simple. À vrai dire, même à la lumière des analyses effectuées, la proposition des auteurs repose en partie sur le jugement et une interprétation subjective des données. Un grand nombre de facteurs peut influencer l’efficience de la distribution, probablement beaucoup plus que ce qu’il a été possible d’explorer dans cet exercice. Néanmoins, les données recueillies permettent de formuler certains constats, à la fois objectifs et subjectifs.

À la lecture de la figure 2, on voit que l’introduction des feuilles dans le numériseur est relativement stable entre 10 et 18 heures, avec un léger creux entre 13 et 14 heures. Pour ce qui est du traitement des ordonnances, les creux observés entre midi et 13 heures ainsi qu’entre 16 et 17 heures concordent avec la présence d’un seul pharmacien. Le volume résiduel augmente à ces mêmes périodes, ce qui entraîne de nouvelles accumulations des ordonnances. Fait intéressant, ces accumulations sont attribuables à la réduction de la capacité de validation plutôt qu’à une hausse du volume d’ordonnances numérisées. Elles sont, somme toute, limitées et probablement acceptables, et n’ont pas d’effets persistants sur le reste de la journée. On peut cependant se demander si la présence d’un pharmacien supplémentaire, le midi par exemple, pourrait diminuer le nombre de pharmaciens en après-midi de trois à deux, ou du moins de permettre à l’un des trois pharmaciens de se concentrer sur des tâches connexes. L’analyse du questionnaire et de l’horaire des ATP fournit des éléments de réponse additionnels. En effet, il y a jusqu’à trois fois plus d’ATP à la saisie d’ordonnances sur l’heure du midi que de pharmaciens à la validation. Ainsi, l’accumulation des ordonnances semble bien attribuable à un déficit de validation, et non de saisie, comme le mentionnaient les pharmaciens dans le questionnaire.

 


 

Figure 1 Nombre moyen de pharmaciens et d’ATP affectés à la distribution du mardi au vendredi à l’Hôpital Saint-François d’Assise

Autre constat intéressant, bien que le nombre de pharmaciens passe à trois entre 14 et 15 heures, la capacité de validation demeure identique, voire inférieure à celle du matin, quand ils ne sont que deux (sauf les lundis). D’ailleurs, le volume résiduel d’ordonnances est comparable. Il s’agit d’un élément à prendre en considération, car l’effet psychologique d’une accumulation d’ordonnances à valider peut avoir une incidence sur la performance de validation. La capacité de validation peut toutefois être limitée par un ralentissement à la saisie des ordonnances par les ATP, en moyenne en nombre inférieur aux pharmaciens en après-midi. En pratique, l’horaire des ATP est modulable, et une accumulation à la saisie semble peu fréquente.

Ces analyses ne tiennent pas compte des autres tâches connexes des pharmaciens affectés à la distribution, qui sont souvent repoussées en après-midi (p. ex. : vérification des congés temporaires et des piluliers du programme d’automédication, validation des narcotiques, contrôle de la qualité).

Il faut interpréter avec prudence la tendance des ordonnances « STAT ». Bien que les plages horaires de 14 à 15 heures et de 9 à 10 heures semblent se démarquer, la différence est faible par rapport aux autres intervalles. Les ordonnances « STAT » ne sont pas toujours plus complexes, mais doivent être traitées en priorité. D’ailleurs, il est important de rappeler que la vitesse de validation est calculée à partir du nombre d’ordonnances et que les analyses précédentes portent sur les feuilles d’ordonnances, rendant l’analyse croisée difficile.

 


 

Figure 2 Volume de feuilles d’ordonnances entrant et sortant du numériseur (NUMERx)

Le respect de la démarche de validation standardisée de l’OPQ n’a pas été directement évalué dans cette étude. Toutefois, selon les commentaires recueillis, plusieurs pharmaciens considèrent cette démarche comme irréaliste dans la pratique actuelle. Les pharmaciens agissent selon leur jugement professionnel et s’assurent de respecter les étapes essentielles afin de garantir la sécurité des patients, peu importe la quantité de pharmaciens à la distribution ou le nombre d’ordonnances validées. L’efficacité de la validation et la capacité d’optimisation des pharmacothérapies, selon la vision de l’OPQ, sont modulables en fonction de la charge de travail et du milieu où le pharmacien pratique. À l’Hôpital Saint-François d’Assise, la couverture étendue des secteurs cliniques permet de déléguer l’optimisation des pharmacothérapies ciblées en distribution aux pharmaciens en clinique. Il faut ainsi s’assurer d’interpréter les analyses et d’appuyer les recommandations selon l’efficience d’un pharmacien type de cet hôpital, qui valide à une cadence sécuritaire et qui optimise les traitements en fonction des ressources de son milieu, tout en évitant les périodes mortes.

Le constat le plus important à la suite de cet exercice est le suivant : le nombre actuel de pharmaciens est fonctionnel et n’est pas très problématique, mais pourrait tout de même être amélioré. Il sera probablement impossible d’arriver à une affectation optimale en tout temps à la distribution avec un modèle d’horaire fixe. La clé résiderait probablement dans la capacité à moduler l’horaire selon la charge de travail quotidienne. En fait, étant donné la relative constance dans le nombre d’ordonnances numérisées, il serait intéressant de tenter d’affecter un nombre constant de pharmaciens afin d’éviter des périodes de « rattrapage ». Plusieurs scénarios auraient pu être proposés, mais en voici les points clés, basés sur l’affectation actuelle, applicables à l’ensemble des jours de la semaine :

Cet exercice propose des améliorations fondées sur la situation liée à la distribution des médicaments au printemps 2022. Dans le portrait ainsi brossé, les effets de la pandémie de COVID-19 sont toujours visibles, les bilans comparatifs des médicaments (BCM) ne sont pas mis en œuvre et un certain nombre d’heures de services pharmaceutiques par secteur clinique est appliqué. Maintenant, une fois la pandémie terminée et le rattrapage des chirurgies entamé, les BCM et leur validation en place, le « temps-pharmacien » remanié par secteur clinique ou lors du départ à la retraite des pharmaciens plus expérimentés, ces résultats seront-ils encore valides? En gestion, la capacité d’évaluer la tendance et d’anticiper les changements est fondamentale. C’est d’ailleurs ce qui motive l’une des conclusions aux objectifs de cette étude, soit qu’il faut disposer d’une certaine latitude grâce à un pharmacien pivot qui pourrait agir à la fois en clinique et à la distribution. Enfin, au-delà du nombre de pharmaciens à la distribution et du rendement de ces derniers, les auteurs trouvent qu’une évaluation de l’effet réel et visible de la vitesse de validation des ordonnances est essentielle. Sans cette évaluation, il devient difficile de se positionner solidement sur une réelle « optimisation » du processus. Il est question ici de l’effet direct sur le patient et sur le personnel infirmier du remaniement de l’affectation des pharmaciens à la distribution. Autrement dit, la prochaine étape à ce projet serait de mesurer concrètement si une vitesse de validation optimisée comparativement aux données obtenues a des bienfaits cliniques.

Limites

Le projet comporte inévitablement plusieurs limites. Tout d’abord, une période de collecte plus longue aurait été souhaitable. Elle aurait pu inclure une analyse sur plusieurs semaines du type d’ordonnance et des tâches connexes en distribution selon leur moment dans la journée et dans la semaine. Deuxièmement, selon plusieurs pharmaciens, la pandémie de COVID-19 a radicalement diminué la charge de travail à la distribution. Ensuite, la collecte de données prospective s’est déroulée à la limite de la saison estivale, lorsque l’horaire des pharmaciens est modifié. Cet horaire n’était pas évalué dans le cadre de ce projet, mais les pharmaciens y référaient parfois dans leurs réponses. Une autre limite est liée à l’horaire des ATP. Même s’il fut prévu dès le départ que l’analyse et les recommandations se limitaient aux pharmaciens, la productivité et l’efficacité de l’affectation des ATP jouent un rôle majeur dans l’efficacité de la validation des pharmaciens à la distribution. Ainsi, en rétrospective, il devient difficile d’obtenir un portrait fiable. Comme l’horaire des ATP doit idéalement suivre lui aussi le flot et la charge de travail, il était présumé que la saisie ne serait pas limitante dans le circuit du médicament. Évidemment, en pratique, la validation des ordonnances peut être retardée par la capacité de saisie des ATP. Ainsi, la présence d’ATP en formation, la fréquence des erreurs, le nombre exact d’interruptions et les absences n’ont pas été analysées.

Par ailleurs, il est essentiel de rappeler l’absence d’analyse des différents facteurs propres à la gestion des ressources humaines. L’environnement offert permet-il un maximum de productivité? Les horaires à la distribution devraient-ils se limiter à quatre heures par jour par pharmacien pour éviter la perte de productivité et l’augmentation du risque d’erreurs? Devrait-on favoriser des équipes avec une meilleure dynamique de travail? La littérature sur les facteurs influençant la productivité en milieu de travail abonde, et il serait maladroit de ne pas la soulever dans le cadre de cet exercice.

Finalement, l’étude ne permet pas d’évaluer la satisfaction du personnel infirmier, le délai de traitement des ordonnances entre leur arrivée à la pharmacie et la dispensation de doses, la visibilité des doses validées à la feuille d’administration des médicaments ou l’impact sur les incidents et accidents.

Conclusion

Cette étude a permis de vérifier le nombre actuel de pharmaciens affectés à la distribution à l’Hôpital Saint-François d’Assise et d’évaluer son adéquation avec la charge de travail et les tâches quotidiennes des pharmaciens. De manière générale, le nombre actuel est fonctionnel et ne pose pas de problème. Le processus d’évaluation a cependant permis de formuler certaines recommandations pour améliorer l’affectation des pharmaciens à la distribution. En contrepartie, aucune recommandation n’a pu être émise en ce qui concerne l’affectation des ATP, car les données disponibles sont insuffisantes.

Financement

Les auteurs n’ont déclaré aucun financement lié au présent article.

Conflits d’intérêts

Tous les auteurs ont soumis le formulaire de l’ICMJE sur la divulgation de conflits d’intérêts potentiels. Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts lié au présent article.

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Pour toute correspondance : Isa-Kelly Gagnon, Centre intégré de santé et de services sociaux du Bas-St-Laurent - Hôpital régional de Rimouski, 150 avenue Rouleau, Rimouski (Québec) G5L 5T1, CANADA; Téléphone 418 724-3000; Télécopieur : 418 730-0382; Courriel : isa-kelly.gagnon.1@ulaval.ca

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PHARMACTUEL, Vol. 56, No. 4, 2023