Recherche évaluative du programme AP-STOP : AntiPsychotiques : Sensibilisation à leur bon usage pour les Troubles de compOrtement des Personnes âgées atteintes de démence

Mélina Dufour1,2, B.Pharm., M.Sc., Savannah Gerardi1,2, B.Pharm., M.Sc., Marie-Ève Jodoin-Poirier1,2, Pharm.D., M.Sc., Claudie Richer1,3, Pharm.D., M.Sc., Judith Gravel2, B. Pharm., M.Sc., Martine Joncas2, B.Pharm. M.Sc., Sophie Rivard2, B Pharm., D.P.H., Djamal Berbiche4, Ph.D., Lyne Lalonde5,6,7, B.Pharm., Ph.D.

1Candidate à la maîtrise en pharmacothérapie avancée, Faculté de pharmacie, Université de Montréal, Montréal (Québec) Canada au moment de la rédaction;
2Pharmacienne, Hôpital Cité-de-la-Santé de Laval, Laval (Québec) Canada;
3Pharmacienne, Hôpital Maisonneuve-Rosemont, Montréal (Québec) Canada;
4Statisticien, Centre de recherche du Centre hospitalier de l’Université de Montréal, Montréal (Québec) Canada;
5Professeure titulaire, Faculté de pharmacie, Université de Montréal, Montréal (Québec) Canada;
6Chercheure, Centre de recherche du Centre hospitalier de l’Université de Montréal, Montréal (Québec) Canada;
7Titulaire, Chaire Sanofi-Aventis en soins pharmaceutiques ambulatoires, Faculté de pharmacie, Université de Montréal et Centre de santé et de services sociaux de Laval, Montréal (Québec) Canada

Reçu le 24 juillet 2014: Accepté après révision par les pairs le 03 novembre 2014

Résumé

Objectif : Une campagne AP-STOP de sensibilisation à l’usage optimal des antipsychotiques pour les troubles de comportement associés à la démence a été menée à l’Hôpital de la Cité-de-la-Santé de Laval. Notre étude évalue les retombées de cette campagne sur la réévaluation de l’usage des antipsychotiques pour les patients hospitalisés souffrant de troubles de comportement associés à la démence.

Méthodologie : Cette étude quasi expérimentale s’est penchée sur le nombre de réévaluations des antipsychotiques pris par des patients hospitalisés, âgés de plus de 65 ans et atteints de démence. Elle a comparé la proportion de patients ayant subi une réévaluation de l’usage des antipsychotiques (rispéridone, quétiapine, olanzapine, halopéridol) avant et après une campagne de sensibilisation. La campagne, qui se déroulait sur huit semaines, comportait des activités individuelles de formation continue appuyées par un outil clinique, qui s’adressaient aux cliniciens. Les critères de réévaluation de l’antipsychotique se définissaient comme suit : suppression du médicament, réduction du dosage, tentative de suppression de l’antipsychotique ou de réduction du dosage de l’antipsychotique ou note médicale suggérant au médecin de famille de réévaluer l’antipsychotique, le tout bien expliqué dans le dossier médical du patient. En utilisant le modèle de Cox, nous avons comparé les éventualités de réévaluation de l’usage des antipsychotiques entre les deux groupes, tout en ajustant les résultats en fonction des caractéristiques des patients et de leur hospitalisation.

Résultats : Nous avons évalué les dossiers médicaux de 616 patients et inclus 125 patients dans le groupe précédant la campagne et 85 patients dans celui succédant à la campagne. Le taux de réévaluation des antipsychotiques était de 35,4 % après la campagne, comparativement à 26,4 % avant la campagne (rapport de risque ajusté : 1,23; intervalle de confiance (IC) 95 % : 0,73–2,04).

Conclusion : Cette étude ne permet pas de conclure qu’une campagne de sensibilisation améliore l’usage des antipsychotiques pour les troubles de comportement associés à la démence en milieu hospitalier.

Mots clés : Agressivité, antipsychotique, démence, halopéridol, olanzapine, psychose, quétiapine, rispéridone, réévaluation, troubles de comportement associés à la démence, trouble de comportement

Abstract

Objective : AP-STOP, an awareness campaign on the optimal use of antipsychotics for behavioural problems related to dementia, was carried out at the Hôpital Cité-de-la-Santé de Laval. This study evaluated the impact of this campaign on the use of antipsychotics for hospitalized patients with behavioural problems related to dementia.

Method : This quasi-experimental study compared the proportion of inpatients, before and after the campaign, who were over the age of 65 and had dementia for which antipsychotic usage (risperidone, quetiapine, olanzapine, or haloperidol) was reevaluated. Held over an eight-week period, the campaign included a continuing education program for the clinicians, with individual training activities supported by a clinical tool. An antipsychotic was considered reevaluated if any of the following occurred: a discontinuation or an attempted discontinuation of the antipsychotic; a dosage reduction or an attempted dosage reduction of the antipsychotic; a pharmacy note documented in the patient’s medical record to reevaluate the antipsychotic. Using a Cox model, the likelihood of reevaluation was compared between the two groups, adjusting for patient characteristics and features of their hospital stay.

Results : The medical records of 616 patients were examined, and 125 patients and 85 patients were included in the pre-campaign and post-campaign group, respectively. After the campaign, 35.4 % of the antipsychotics were reevaluated compared with 26.4 % before the campaign (adjusted hazard ratio: 1.23; 95 % CI: 0.73–2.04).

Conclusion : This study does not permit the conclusion that an awareness campaign improves the use of antipsychotics for behavioural problems related to dementia in hospitals.

Keywords : Aggression, antipsychotic, behavioural disturbance dementia, haloperidol, olanzapine, psychosis, quetiapine, reevaluation, risperidone

Introduction

Les troubles de comportement associés à la démence (TCAD) sont fréquents. Selon des données canadiennes récentes, le nombre de personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer passera de 500 000 à 1,1 million d’ici 2038. Une grande partie d’entre elles développeront un TCAD à un moment ou à un autre de la maladie1.

Ces troubles de comportement sont classés en trois catégories distinctes, soit les troubles de l’humeur (anxiété, dépression et apathie), la psychose (hallucinations et délires) et l’agitation (agressivité, cris, errance, bougeotte et déambulation)2,3. Bien que seule la rispéridone comporte l’indication officielle pour le traitement à court terme des TCAD graves (agressivité ou psychose), les antipsychotiques typiques ou atypiques constituent souvent la première ligne de traitement pharmacologique des TCAD46. La prescription des antipsychotiques atypiques est plus fréquente en raison de leur profil de tolérance plus favorable à court terme. Les patients recevant un diagnostic de démence représentent 35,2 % des utilisateurs d’antipsychotiques (typiques ou atypiques) parmi les personnes dont l’âge est égal ou supérieur à 65 ans au Québec7. Pourtant, les données probantes révèlent que ces médicaments ne sont efficaces que pour traiter les TCAD de type agressif ou psychotique, comme le montre l’étude CATIE-AD46. Le recours aux antipsychotiques comme traitement des autres TCAD n’est pas recommandé.

Plusieurs études ont fait état des risques liés à l’usage des antipsychotiques. Selon l’étude DART-AD, les antipsychotiques augmentent le risque de décès, et ce risque continue d’augmenter après plus de 12 mois de traitement8. Une autre étude a démontré que les utilisateurs d’antipsychotiques ont plus d’accidents vasculaires cérébraux et cardiaques que ceux prenant un placebo9. Entre 2002 et 2005, Santé Canada a émis des avis concernant les risques associés à l’usage des antipsychotiques par les personnes âgées atteintes de démence1112. Malgré cela, le recours à ces médicaments a augmenté de 13,3 % entre 2006 et 20097,1012.

Des études ont démontré les avantages de programmes éducationnels multidisciplinaires portant sur l’usage des antipsychotiques pour le traitement des TCAD1316. Deux de ces études sont canadiennes15,16. L’une d’elles a rapporté la suppression des antipsychotiques pour 49,9 % des patients après des interventions multidisciplinaires, alors que l’autre étude a rapporté une augmentation non significative de l’usage des antipsychotiques après l’intervention éducationnelle interdisciplinaire. Ces deux études ont été réalisées dans un contexte ambulatoire. La seule étude réalisée en milieu hospitalier s’est penchée sur l’usage des benzodiazépines plutôt que sur celui des antipsychotiques17. Les auteurs ont observé une plus grande réévaluation de l’usage des benzodiazépines après l’intervention (47 % contre 21 %). Ces résultats positifs démontrent que ce genre de programme est possible en milieu hospitalier.

Le département de pharmacie de l’Hôpital de la Cité-de-la-Santé a mené une campagne de sensibilisation auprès du personnel hospitalier sur l’usage optimal des antipsychotiques pour la population âgée démente souffrant de TCAD. La campagne, nommée AP-STOP (AntiPsychotiques : Sensibilisation à leur bon usage pour les Troubles de cOmportement des Personnes âgées atteintes de démence), consiste en un programme de formation continue pour les médecins, infirmières et pharmaciens, un outil clinique et des interventions ciblées auprès des médecins responsables.

L’objectif primaire visait à comparer la fréquence des réévaluations de l’usage des antipsychotiques avant et après la campagne AP-STOP, pour les patients hospitalisés atteints d’un TCAD, à l’aide d’une variable composite, ainsi que des éléments de cette variable, qui montrent l’utilité d’une réévaluation (tentative de diminution de dose ou de suppression de l’antipsychotique, diminution de dose, suppression de l’antipsychotique ou présence de notes destinées au médecin de famille) des antipsychotiques (objectifs secondaires).

Méthode

Protocole de recherche

Nous avons réalisé une étude quasi expérimentale. La campagne de sensibilisation AP-STOP s’est déroulée du 4 mars au 26 avril 2013 à l’Hôpital de la Cité-de-la-Santé de Laval, un hôpital communautaire où la plupart des patients sont confiés aux soins d’un médecin de famille. La réévaluation de l’usage des antipsychotiques pour les patients hospitalisés dans quatre unités de soins avant la campagne (du 1er mai au 31 juillet 2012) et après la campagne (du 1er mai au 31 juillet 2013) a fait l’objet d’une description détaillée. Le logiciel de la pharmacie a permis d’identifier tous les patients de plus de 65 ans sous antipsychotique (quétiapine, rispéridone, olanzapine ou halopéridol), hospitalisés dans les unités de soins de longue durée, de médecine générale, de gériatrie active et de transition, durant les périodes ciblées précédant et suivant la campagne. Nous avons consulté les dossiers médicaux de ces patients. Ceux admissibles devaient répondre aux critères suivants : 1) avoir un diagnostic de démence; 2) avoir reçu l’antipsychotique visé par l’étude au moins quatre fois par semaine s’il était prescrit « au besoin » ou pendant au moins sept jours s’il était prescrit « régulièrement »; 3) être hospitalisés pendant un minimum de sept jours.

Les patients étaient exclus s’ils répondaient à un des critères suivants : 1) être en fin de vie ou bénéficier de soins de confort; 2) être hospitalisés dans les unités de psychiatrie, d’urgence, de soins intensifs ou de soins palliatifs; 3) avoir un diagnostic de troubles bipolaires ou de schizophrénie; 4) avoir fait partie des patients ayant eu une note au dossier ou une rencontre individuelle avec le médecin responsable au cours de la campagne de sensibilisation.

Nous n’avons pas sélectionné les patients qui prenaient des antipsychotiques moins de quatre fois par semaine, car les risques associés à une utilisation à long terme des antipsychotiques sont liés à des prises régulières de ces médicaments.

Nous avons évalué l’admissibilité des patients à la date index (T0), c’est-à-dire après sept jours d’hospitalisation et sept jours d’utilisation régulière d’un antipsychotique dans une des unités ciblées par l’étude. La réévaluation des antipsychotiques a été décrite entre T0 et la première des dates suivantes (Tf) : 1) la fin de la période de suivi prévue de 28 jours; 2) la fin de l’hospitalisation; 3) le décès. Le Comité scientifique et d’éthique de la recherche du Centre de santé et de services sociaux (CSSS) de Laval (Québec, Canada) a approuvé l’étude et la direction des Services professionnels l’a autorisée.

Nous avons fixé la durée de la campagne de manière à toucher le plus grand nombre de médecins possible. En effet, chaque médecin est affecté à une semaine de garde toutes les six à huit semaines dans un secteur de l’Hôpital. La prise en compte des variations saisonnières nécessitait que les périodes de collecte des données avant et après la campagne soient similaires (de mai à juillet). Tout comme dans l’étude sur les benzodiazépines en milieu hospitalier, pour chaque patient à l’étude, la période d’observation a débuté après une semaine d’hospitalisation, pour permettre aux équipes soignantes de traiter au préalable les problèmes aigus ayant requis l’hospitalisation17.

Campagne de sensibilisation AP-STOP

Le département de pharmacie de l’Hôpital de la Cité-de-la-Santé a conçu et lancé la campagne AP-STOP pour sensibiliser les médecins, les pharmaciens et les infirmières au bon usage des antipsychotiques pour les personnes âgées atteintes de démence. En accord avec la littérature scientifique disponible, la campagne a permis de transmettre les quatre messages clés suivants : 1) les antipsychotiques ne sont efficaces que pour les TCAD de type agressif ou psychotique; 2) les antipsychotiques augmentent le risque de décès des patients âgés atteints de démence; 3) il faut autant que possible limiter l’usage des antipsychotiques aux TCAD pour lesquels ils sont efficaces; 4) il faut réévaluer l’usage des antipsychotiques périodiquement, soit tous les deux à trois mois. La campagne AP-STOP présente plusieurs facettes et inclut des activités de formation continue, un outil clinique et des rencontres individuelles avec les médecins.

Parmi les activités de formation continue, on trouve une capsule d’information sur la prise en charge des TCAD publiée dans Pharm’as-tu lu?, le journal du département de pharmacie du CSSS de Laval. Nous avons profité d’une réunion du Conseil des médecins, dentistes et pharmaciens (CMDP) du CSSS de Laval à l’hiver 2013 pour présenter la campagne AP-STOP et expliquer la pertinence de réévaluer l’usage des antipsychotiques pour les personnes âgées atteintes de démence. Les résidentes en pharmacie ont effectué des présentations d’une heure devant le Groupe de médecine de famille (GMF) de l’Hôpital, un Centre local de services communautaires (CLSC) et une unité de psychiatrie. Les présentations destinées aux infirmiers et aux préposés aux bénéficiaires des unités ciblées portaient plutôt sur les mesures non pharmacologiques comme première ligne de traitement des TCAD (établir une méthode, orienter et mobiliser le patient, diminuer le bruit, etc.). Un neurologue spécialisé en TCAD a également donné une présentation d’une heure aux professionnels de la santé intéressés par le sujet.

Pour aider les cliniciens à traiter et à prendre en charge les TCAD, nous avons créé un algorithme décisionnel, en collaboration avec les médecins de famille et les pharmaciens experts en gériatrie. Cet algorithme rappelle les indications des antipsychotiques pour les TCAD, les doses à utiliser pour les patients âgés et la manière de réévaluer l’usage des antipsychotiques. L’outil ne priorisait aucun antipsychotique et laissait donc le choix au prescripteur. Après son approbation par le Comité de pharmacologie ainsi que par la direction des Services professionnels et hospitaliers de l’Hôpital de la Cité-de-la-Santé, l’algorithme a été distribué sous forme d’affiches aux unités ciblées et de cartons de poche plastifiés aux professionnels de la santé. L’outil était également accessible depuis la plateforme Web du CSSS de Laval (figures 1 et 2).

 


 

Figure 1 Recto de l’algorithme décisionnel pour le traitement et la prise en charge des TCAD
La direction des Services professionnels et hospitaliers de l’Hôpital de la Cité-de-la-Santé a autorisé la publication de cet algorithme.
Abréviations : AINS : anti-inflammatoire non stéroïdien; AP : antipsychotique; bid : deux fois par jour; die : chaque jour; GER : gériatrie; h : heure; IM : intramusculaire; j : jour; MD : médecin; MNP : mesures non pharmacologiques; nb : nombre; PO : par voie orale; PRN; au besoin; q : tous les/toutes les; TCAD : troubles de comportement associés à la démence

 


 

Figure 2 Verso de l’algorithme décisionnel pour le traitement et la prise en charge des TCAD
La direction des Services professionnels et hospitaliers de l’Hôpital de la Cité-de-la-Santé a autorisé la publication de cet algorithme.
Abréviations : AINS : anti-inflammatoire non stéroïdien; AP : antipsychotique; AVC : accident vasculaire cérébral; CMDP : Conseil des médecins, dentistes et pharmaciens du Centre de santé et de services sociaux de Laval; CSSS : Centre de santé et de services sociaux de Laval; Inh : inhibiteur; ISRS : inhibiteur sélectif de la recapture de la sérotonine; max : dose maximale; pt : patient; sem : semaines; TCAD : troubles de comportement associés à la démence

Pour terminer, quatre résidentes en pharmacie ont mené des interventions ciblées auprès des médecins traitants de l’Hôpital de la Cité-de-la-Santé, soit en rencontrant les médecins de façon individuelle, soit en écrivant des notes dans le dossier des patients pour lesquels l’antipsychotique était jugé inadéquat selon l’algorithme décisionnel. Pour ce faire, nous avons utilisé le logiciel de la pharmacie afin d’obtenir une liste de patients ayant atteint ou dépassé 65 ans, qui recevaient un antipsychotique dans une des unités ciblées par l’étude au cours de la période allant du 4 mars au 26 avril 2013. Les rencontres individuelles avec les médecins duraient environ dix minutes. Elles visaient à présenter l’algorithme de traitement et à discuter du cas d’un patient lorsque cela était nécessaire.

Collecte de données

La réévaluation était motivée si la survenue d’un ou de plusieurs des événements suivants était confirmée dans le dossier médical : 1) suppression de l’antipsychotique en cours d’hospitalisation sans ajout d’un autre antipsychotique; 2) réduction du dosage de l’antipsychotique sans ajout d’un autre antipsychotique; 3) tentative de réduction du dosage de l’antipsychotique ou de suppression de l’agent sans ajout d’un autre antipsychotique; 4) note médicale faite par un médecin de l’Hôpital de la Cité-de-la-Santé au médecin de famille lors du congé hospitalier, conseillant de réévaluer l’usage de l’antipsychotique. L’utilisation d’un guide d’extraction a permis de standardiser la collecte d’informations entre les évaluateurs. Afin de nous assurer de la fiabilité de la collecte des données concernant la réévaluation, nous avons effectué à trois reprises un test de concordance entre deux évaluateurs sur 20 dossiers, soit à chaque changement d’évaluateur. Un coefficient de Kappa supérieur à 0,8 était nécessaire pour poursuivre la collecte. Nous avons décrit les variables potentiellement confondantes, à savoir les caractéristiques des patients (p. ex. : facteurs de risque ou médicaments pouvant précipiter un TCAD, polypharmacie) et celles de l’hospitalisation (p. ex. : présence d’une consultation en gériatrie, infirmière spécialisée en TCAD travaillant dans ce dossier).

Analyses statistiques

Des moyennes (écarts-types) et des proportions ont permis de décrire la population à l’étude. Nous avons mesuré la réévaluation de l’usage des antipsychotiques en comparant les moyennes et les proportions des dossiers patients présentant un des éléments de réévaluation avant et après la campagne. Pour chaque patient, l’apparition de chacun des événements a été décrite (oui ou non) et nous avons calculé la proportion de patients qui ont subi au moins un des évènements. Une analyse de survie (temps avant de présenter un des éléments évoquant la nécessité d’une réévaluation de l’usage des antipsychotiques) a permis de calculer les rapports de risque et leur intervalle de confiance à 95 % (IC 95 %) pour l’objectif primaire.

Nous avons conçu et testé des modèles multivariés de Cox afin de tenir compte des variables potentiellement confondantes. Le modèle final a inclus toutes les variables qui ont influencé le rapport de risque d’au moins 10 % lorsque cette variable était ajoutée au modèle qui inclut le groupe d’étude. Nous avons répété l’analyse de survie en excluant les dossiers qui spécifiaient l’usage de l’antipsychotique pour une indication appuyée dans la littérature médicale (agressivité et troubles psychotiques). Cette analyse, réalisée post-hoc afin de ne tenir compte que de l’usage des antipsychotiques jugé inapproprié, a fait appel au logiciel SPSS 20.0.

En supposant une erreur de type I de 5 %, un total de 170 patients par groupe d’étude était requis pour permettre la détection avec une puissance statistique de 80 % d’une différence de 15 % entre la proportion de patients avant et après la campagne AP-STOP qui avaient bénéficié d’une réévaluation de l’usage des antipsychotiques en cours d’hospitalisation. Les études sur les programmes de sensibilisation à l’usage des antipsychotiques dans le traitement des TCAD montraient des différences qui variaient entre 10 % et 49 %13,1618.

Résultats

Campagne de sensibilisation AP-STOP

Entre mars et avril 2013, nous avons effectué quatre présentations aux professionnels de la santé sur l’usage des antipsychotiques (réunion du CMDP, unité de psychiatrie, GMF, CLSC), ainsi que 19 présentations au personnel infirmier et aux préposés aux bénéficiaires sur les mesures non pharmacologiques. Cent-soixante-dix médecins, pharmaciens et infirmiers du CSSS de Laval ont assisté à l’une de ces présentations. De plus, 71 professionnels de la santé ont assisté à la conférence animée par un neurologue invité spécialisé en TCAD. La grande majorité des médecins ont bénéficié d’une rencontre individuelle (63/86 médecins, soit 73,3 % des omnipraticiens travaillant dans les unités ciblées) et plusieurs notes ont été rédigées dans les dossiers des patients pour qui l’usage de l’antipsychotique en TCAD était jugé inadéquat (14 notes sur 62 dossiers, soit 22,6 %). Pour terminer, nous avons distribué plus de 250 algorithmes décisionnels aux médecins lors de la campagne de sensibilisation.

Population à l’étude

Les périodes précédant et suivant la campagne ont coïncidé avec la révision de respectivement 341 et 275 dossiers médicaux (figure 3). De ce nombre, 216 (63,3 %) et 190 (69,1 %) dossiers étaient ceux de patients non admissibles. Les principales raisons d’exclusion étaient l’absence de mention d’un diagnostic de démence au dossier médical, la prise régulière d’antipsychotique pendant moins de sept jours, la prise d’antipsychotique au besoin pendant moins de quatre jours par semaine et une hospitalisation de moins de sept jours entre le 1er mai et le 31 juillet. Un total de 125 (36,7 %) patients ont été inclus dans l’étude avant la campagne et de 85 patients (30,9 %) après la campagne.

 


 

Figure 3 Schéma de l’étude

Les caractéristiques démographiques et cliniques de la population étaient similaires dans les deux groupes (tableau I). L’âge moyen des patients était de 83 ans dans les deux groupes. Dans les groupes précédant et suivant la campagne, le pourcentage de patients qui présentaient au moins un facteur de risque de TCAD était respectivement de 92 % et de 98,8 %, et celui des patients qui prenaient au moins un médicament susceptible de déclencher un TCAD était respectivement de 70,4 % et de 83,5 %,. Les facteurs de risque de TCAD les plus fréquents étaient la présence d’infection, de douleur et de constipation. En ce qui concerne les médicaments concomitants pouvant précipiter un TCAD, les plus fréquemment prescrits étaient les médicaments anticholinergiques, les benzodiazépines et les narcotiques. La durée moyenne entre la date d’admission du patient à l’hôpital et la fin de la période d’observation était respectivement de 39,3 jours et de 30,9 jours pour les groupes précédant et suivant la campagne. Finalement, pour les deux groupes, la raison d’admission la plus fréquente était directement liée à la démence, à savoir une perte d’autonomie ou un TCAD.

Tableau I Caractéristiques des patients

 

Usage des antipsychotiques

Dans les deux groupes, la majorité des ordonnances d’antipsychotiques correspondait à des renouvellements de prescriptions plutôt qu’à de nouvelles ordonnances (tableau II), et l’antipsychotique le plus prescrit était la quétiapine. Les autres agents antipsychotiques le plus souvent prescrits étaient, dans l’ordre, la rispéridone, l’olanzapine et l’halopéridol. Dans les deux groupes, plus de 97 % des antipsychotiques étaient pris régulièrement et prescrits à des doses considérées adéquates en gériatrie pour le traitement des TCAD. Après la campagne, l’indication de l’antipsychotique était clairement inscrite au dossier médical de 77,6 % des dossiers évalués (66/85), comparativement à 70,4 % (88/125) des dossiers avant la campagne. Finalement, la proportion de patients pour lesquels l’antipsychotique était utilisé pour une indication appuyée par la littérature médicale, soit l’agressivité, les hallucinations et la paranoïa, était similaire entre les deux groupes (avant la campagne : 29,6 % [37/125]; après la campagne : 30,6 % [26/85]).

Tableau II Description de l’usage des antipsychotiques

 

Réévaluation des antipsychotiques

Nous avons calculé des coefficients Kappa adéquats de 0,89, 1,00 et 0,85 lors des changements d’évaluateurs pendant la période de collecte. La réévaluation de l’usage des antipsychotiques a touché 26,4 % (33/125) des patients avant la campagne et 35,3 % (30/85) des patients après la campagne (tableau III). Après la campagne, les patients avaient 45 % plus de chance d’obtenir une réévaluation de leur traitement. En effet, le rapport de risque était de 1,45, mais il n’était pas statistiquement significatif (IC 95 % : 0,88–2,39). Le rapport de risque passe à 1,23 (IC 95 % : 0,73–2,04) après l’ajustement en fonction des variables confondantes (facteurs de risque ou médicaments pouvant précipiter un TCAD, polypharmacie, présence d’une consultation en gériatrie, infirmière spécialisée en TCAD active dans ce dossier). Après la campagne, chacun des événements propres à entraîner une réévaluation de l’usage des antipsychotiques était également plus discernable, même si les différences n’étaient pas statistiquement significatives. Nous avons également mesuré la réévaluation des antipsychotiques lors d’une analyse de sous-groupe qui excluait les patients sous antipsychotique pour une indication appuyée par la littérature médicale (l’agressivité et les symptômes psychotiques). Les résultats de cette analyse montrent une réévaluation du traitement pour 28,4 % (25/88) des patients dans le groupe précédant la campagne, comparativement à 37,3 % (22/59) des patients dans le groupe postérieur à la campagne. Un rapport de risque ajusté de 1,27 (IC 95 % : 0,70–2,31) indique que la différence n’est pas statistiquement significative.

Tableau III Résultats obtenus pour les objectifs primaire et secondaire

 

Discussion

La prescription de médicaments en gériatrie nécessite une attention particulière portée aux molécules choisies et aux doses prescrites, car les personnes âgées sont plus sensibles aux effets indésirables des médicaments (p. ex. effets anticholinergiques). Une campagne de sensibilisation sur le bon usage des antipsychotiques pour les TCAD, comportant un algorithme, des activités de formation continue pour les médecins, les infirmières et les pharmaciens ainsi que des rencontres individuelles avec les médecins travaillant dans les unités ciblées par l’étude, a été implantée sur une période de huit semaines dans un centre hospitalier universitaire de soins généraux. La réévaluation des antipsychotiques, définie comme la diminution, la tentative de diminution ou la suppression de de l’antipsychotique, ou encore une note destinée au médecin de famille suggérant de réévaluer l’antipsychotique en externe, est passée de 26,4 % avant la campagne à 35,3 % après la campagne.

Cependant, cette amélioration n’était pas statistiquement significative étant donné le rapport de risque ajusté de 1,23 (IC 95 % : 0,73–2,04). Cette étude ne permet donc pas de conclure que notre programme de sensibilisation dans un centre hospitalier de soins généraux améliore l’usage des antipsychotiques.

Ce résultat pourrait s’expliquer par le manque de puissance statistique. En effet, 170 patients dans chacun des groupes étaient nécessaires pour permettre la détection d’une différence de 15 % entre les deux groupes d’étude. Malheureusement, l’étude n’a pu sélectionner que 125/341 dossiers pour le groupe précédant la campagne et 85/275 dossiers pour le groupe suivant la campagne. Les deux principaux critères d’exclusion qui ont limité le nombre de patients étaient l’absence de diagnostic de démence dans le dossier médical et une durée d’hospitalisation de moins de sept jours. En pratique, le traitement des problèmes aigus prenait souvent moins de sept jours, et les patients sortaient de l’hôpital avant de pouvoir être inclus dans l’étude. Une durée minimale d’hospitalisation inférieure à sept jours aurait permis de sélectionner un plus grand nombre de patients.

L’ampleur de l’effet de la campagne était également moindre que celle attendue. Dans notre étude, la proportion de patients qui ont bénéficié d’une réévaluation de l’usage des antipsychotiques a augmenté de 8,9 % (35,3 % contre 26,4 %) alors que nous nous attendions à une augmentation de 15 %. Les différences observées dans la littérature médicale variaient entre 10 % et 49 % selon les études13,1618. L’étude qui avait rapporté un écart important évaluait les mêmes patients avant et après la campagne de sensibilisation; il y a donc une surestimation possible de l’effet de la campagne16. Il faut noter que ces études se sont déroulées dans un contexte ambulatoire, où l’équipe médicale était plus restreinte et plus stable (moins de rotation du personnel); de plus, elles portaient sur des patients qui présentaient moins de facteurs de risque de TCAD. L’étude réalisée en milieu hospitalier visant un meilleur usage des benzodiazépines a démontré des résultats significatifs17. Dans cette étude, la méthode d’intervention différait de la nôtre puisqu’elle consistait en des audits effectués à trois reprises sur six mois. D’autres résultats laissent entendre que les interventions combinant à la fois une revue médicamenteuse à des mesures éducatives multidisciplinaires pourraient être plus efficaces19,20. De plus, la répétition des interventions de sensibilisation sur plusieurs mois pourrait également être plus efficace qu’une seule séance éducative13. En ce sens, le fait que la campagne de sensibilisation AP-STOP n’ait pu se poursuivre au-delà de huit semaines en raison de contraintes de temps pourrait en partie expliquer nos résultats.

Dans le même ordre d’idées, la période d’observation de quatre semaines était peut-être trop courte pour observer une réévaluation, surtout lorsque l’on considère que la réévaluation des antipsychotiques doit se faire chaque deux à trois mois après le début du traitement. Dans d’autres études, la période d’observation était de plus de trois mois, ce qui ne pouvait s’appliquer à notre étude pour des raisons logistiques16,18. Finalement, alors que certaines études ont démontré que la diminution de la prescription des antipsychotiques se traduisait par une plus grande utilisation de stratégies non conventionnelles18,19, notre étude ne permet pas de déterminer si une telle tendance s’est produite.

Deux variables incluses dans le modèle multivarié diminuaient le rapport de risque de plus de 10 % : il s’agit de la présence d’un séjour en médecine générale et du laps de temps entre la date d’admission et la date de fin d’observation du patient. Ainsi, plus les patients étaient hospitalisés longtemps, moins ils étaient susceptibles d’obtenir une réévaluation de leur antipsychotique. Il est possible que les patients hospitalisés pendant plus longtemps souffrent de TCAD plus graves. La probabilité de réévaluer l’usage des antipsychotiques pour les patients hospitalisés dans les unités de médecine générale était moindre comparativement à celle observée pour les patients des autres unités. On peut penser que les patients hospitalisés dans ces unités représentent des cas plus complexes qui ne sont pas liés à la gériatrie et pour lesquels la réévaluation des antipsychotiques est moins prioritaire. Ces résultats mettent en lumière les difficultés d’influencer l’usage des antipsychotiques pour les patients hospitalisés pour une condition aigüe.

La majorité des patients de l’étude présentaient plusieurs facteurs de risque de TCAD liés à l’hospitalisation. Les facteurs de risque les plus fréquents (présence d’une infection, d’une douleur et de constipation) sont réversibles, et il est possible de les corriger avant de démarrer un traitement par antipsychotique. Après la campagne, le taux d’hospitalisation pour un TCAD ou une perte d’autonomie était moins élevé (18,8 %, contre 37,6 % avant la campagne) et le nombre de patients hospitalisés dans l’unité de gériatrie avait diminué (8,2 %, contre 23,2 % avant la campagne). De telles différences pourraient s’expliquer par une diminution ou une réévaluation de la prescription d’antipsychotiques dans les sept premiers jours suivant l’intervention des médecins qui travaillent en gériatrie, étant donné que la campagne AP-STOP les mettait à contribution. Par ailleurs, un plus grand nombre de consultations en gériatrie ont fait l’objet d’une description détaillée avant l’intervention (65,6 %, contre 49,4 % après l’intervention), ce qui pourrait avoir augmenté le taux de réévaluation des antipsychotiques avant la campagne.

Un plus faible nombre de traitements aux antipsychotiques ont été entrepris après la campagne (34,1 %) par rapport à avant la campagne (43,2 %), ce qui renforce l’hypothèse d’un meilleur usage de ce type de médicament après la campagne. Il n’est toutefois pas exclu qu’en 2012, les patients aient été plus nombreux à présenter un TCAD qu’en 2013. La proportion de dossiers patients contenant une indication claire d’antipsychotique a également augmenté après la campagne (77,6 % contre 70,4 %). Cette proportion était nettement plus élevée que celle rapportée dans une autre étude (35 % des dossiers)15. Dans les deux groupes, environ 30 % seulement des antipsychotiques étaient prescrits pour une indication appuyée par la littérature médicale (agressivité et symptômes psychotiques), ce qui démontre que la campagne n’a pas eu d’effet sur ce critère. Somme toute, la dose d’antipsychotiques prescrite était déjà adéquate pour la population gériatrique avant la campagne, et elle l’est restée après la campagne.

Forces et limites de l’étude

La principale limite de notre étude est attribuable à l’absence de groupe témoin. Cela empêche de distinguer l’effet de la campagne de celui d’autres événements sur l’usage des antipsychotiques. Il n’aurait pas été possible de constituer un groupe témoin dans certaines unités, car les médecins ne travaillent pas toujours dans les mêmes unités de soins, et le risque de contamination entre les groupes aurait été élevé. Le manque de ressources et les contraintes de temps ne nous ont pas permis de sélectionner des patients dans d’autres centres hospitaliers. Pour ces mêmes raisons, nous n’avons pas pu assigner les unités de soins de façon aléatoire.

En 2012, le CSSS de Laval a décidé de donner la priorité aux soins gériatriques afin de satisfaire aux exigences du ministère de la Santé et des Services sociaux. En mai 2012, soit pendant la phase précédant la campagne, l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux a dressé un portrait de l’usage des antipsychotiques, entre autres, pour les personnes d’un âge égal ou supérieur à 65 ans ayant reçu un diagnostic de démence7. Ce rapport a pu encourager les cliniciens à modifier leurs pratiques et à se mettre à jour selon les lignes directrices médicales en gériatrie. Ces deux événements auraient pu entrainer une surestimation de l’effet de la campagne AP-STOP.

On ne peut exclure certains biais. Les médecins traitants avaient peut-être de la difficulté à différencier un TCAD d’un délirium dans certains dossiers ou à savoir si les deux troubles coexistaient. Pour cette raison, le délirium n’a pas été retenu comme critère ni d’inclusion ni d’exclusion. De plus, certaines données des dossiers étaient peut-être imprécises, illisibles ou absentes. Ces deux éléments peuvent entraîner un biais d’information non différentiel, ainsi qu’une sous-estimation de l’effet de la campagne. Aucune information sur la gravité de la démence et le degré d’autonomie des patients n’a été recueillie. Ces facteurs peuvent influencer le degré de TCAD du patient et augmenter ainsi le risque lié à l’antipsychotique. De plus, la collecte et l’analyse des données n’ont pu se faire à l’aveugle, puisque la date d’admission indiquait si le candidat était dans la phase précédant ou suivant la campagne. Différents évaluateurs ont collecté les données avant et après la campagne. Il est possible que les évaluateurs aient été plus attentifs à la présence d’une réévaluation lors de la collecte de données après la campagne, afin de montrer les effets de cette dernière. Ce biais d’information différentiel potentiel occasionnerait une surestimation de l’effet de la campagne AP-STOP. Pour diminuer ce biais, nous avons utilisé un guide d’extraction afin de standardiser la collecte des données ainsi qu’un test de concordance Kappa dont les résultats se sont révélés satisfaisants.

La validité externe de l’étude est limitée, car celle-ci se déroule dans un seul centre hospitalier. L’Hôpital de la Citéde-la-Santé de Laval est un centre universitaire de soins généraux, et ses pratiques ne reflètent peut-être pas celles d’autres centres hospitaliers. L’important roulement du personnel hospitalier peut diminuer l’effet d’une campagne ponctuelle à long terme. Dans le même ordre d’idées, notre étude a évalué le groupe postérieur à la campagne immédiatement après AP-STOP, ce qui ne permet pas d’en détecter les répercussions à long terme. Les patients étaient inclus dans cette étude après un minimum de sept jours d’hospitalisation et de prise régulière d’un antipsychotique, ce qui ne permet pas d’extrapoler les résultats à des patients dont le séjour hospitalier est plus court ou qui reçoivent un antipsychotique pendant moins longtemps.

L’étude comporte également des forces. La campagne APSTOP a permis de mettre à contribution plusieurs corps professionnels, autant par des activités de formation continue présentées par un expert que par des rencontres individuelles. D’ailleurs 73 % des omnipraticiens travaillant dans les unités ciblées ont bénéficié d’une rencontre individuelle. La diffusion de l’information sur les antipsychotiques s’est donc bien déroulée.

Plusieurs stratégies ont permis de diminuer le risque de biais de confusion et d’améliorer la validité interne de cette étude. Premièrement, la période de l’année correspondant à la collecte des données et au ciblage des unités était identique pour les deux groupes (de mai à juillet), ce qui augmente leur similarité. Deuxièmement, nous avons ajusté nos résultats pour les caractéristiques des patients et celles de leur hospitalisation.

La présente étude est pertinente puisqu’elle est la première à évaluer les répercussions d’un programme éducationnel multidisciplinaire sur l’usage des antipsychotiques pour traiter les TCAD en milieu hospitalier. Contrairement à d’autres études, celle-ci n’a pas évalué l’effet de la campagne pendant son déroulement, ce qui donne des résultats plus représentatifs de l’influence réelle de cette dernière sur les pratiques16. Elle pourrait servir à l’élaboration de campagnes de sensibilisation futures.

Conclusion

Après huit semaines de campagne, nous avons observé la présence d’une réévaluation des antipsychotiques dans 35,3 % des cas, comparativement à 26,4 % avant la campagne. Bien que cette augmentation ne soit pas significative, on note néanmoins après la campagne une tendance de la part des cliniciens à accroître le nombre de réévaluations des antipsychotiques pour les patients hospitalisés. Cette étude ne fournit toutefois aucun indice sur les effets d’une campagne de sensibilisation en milieu hospitalier. Il est possible que la répétition d’une telle campagne de sensibilisation soit nécessaire pour aboutir à des résultats favorables et durables. La mise en place d’une démarche interdisciplinaire périodique de réévaluation des antipsychotiques, en plus d’une campagne de sensibilisation, pourrait s’avérer plus efficace.

Financement

Aucun financement en relation avec le présent article n’a été déclaré par les auteurs.

Conflits d’intérêts

Tous les auteurs ont rempli et soumis le formulaire de l’ICMJE pour la divulgation de conflit d’intérêts potentiel. Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec le présent article.

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Pour toute correspondance : Lyne Lalonde, Centre de recherche du Centre hospitalier de l’Université de Montréal, 850, rue Saint-Denis, local S03.436, Montréal (Québec) H2X 0A9, CANADA; Téléphone : 514 890-8000, poste 15491; Télécopieur : 514 412-7038; Courriel : lyne.lalonde@umontreal.ca

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PHARMACTUEL, Vol. 48, No. 1, 2015